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Résumé (Opinions et attitudes des populations abidjanaises face à la vaccination contre la Covid-19)

Georges Gaulithy§

Résumé : La pandémie de la Covid-19 a fait de nombreuses victimes dans le monde entier. La découverte de différents vaccins a suscité une lueur d’espoir dans cette bataille contre cette maladie. Toutefois, malgré la disponibilité des vaccins, les populations ivoiriennes ne se sont pas fortement mobilisées pour se faire vacciner. Pourquoi une telle réaction de la part de celles-ci ? L’objectif de cette étude est d’analyser et expliquer les opinions et attitudes des populations abidjanaises à l’égard de la vaccination contre la COVID-19. L’étude documentaire associée à un questionnaire et des entretiens semi-dirigés ont constitué les techniques de recueil de données de cette étude. Une approche mixte (quantitative et qualitative) a été privilégiée pour l’analyse de ces données. Les résultats indiquent une influence des réseaux sociaux et des communications interpersonnelles sur les opinions et attitudes des populations dans la non adoption des vaccins contre la Covid-19.    

Mots-clés : Opinions et attitudes, vaccination, populations abidjanaises, COVID-19, résistance.

 

Abstract: The Covid-19 pandemic has claimed many lives around the world. The discovery of different vaccines has sparked hope in the battle against this disease. However, despite the availability of vaccines, the Ivorian populations did not strongly mobilize to be vaccinated. Why such a reaction from them? The objective of this study is to analyze and explain the opinions and attitudes of the Abidjan populations with regard to vaccination against COVID-19. The documentary study associated with a questionnaire and semi-structured interviews constituted the data collection techniques for this study. A mixed approach (quantitative and qualitative) was favored for the analysis of these data. The results indicate an influence of social networks and interpersonal communications on the opinions and attitudes of populations in the non-adoption of vaccines against Covid-19.

Keywords: Opinions and Attitudes, Vaccination, Abidjan Populations, COVID-19, Resistance.

 

Introduction

Les concepts d’opinions et d’attitudes ont été abondamment définis, surtout par la psychologie sociale. En effet, l’opinion est un point de vue, une position intellectuelle, une idée ou un ensemble d’idées que l’on a dans un domaine déterminé (Grand Robert de la Langue Française). En outre, il est un jugement que l’on porte sur un individu, un être vivant, un fait, un objet, un phénomène… Dans le cas de notre étude, c’est le jugement que porte les populations abidjanaises sur le phénomène de la vaccination contre la Covid-19.

Par ailleurs, la définition de Rosenberg et Hovland (1-44) sur les attitudes prend en compte trois dimensions qui constituent des composantes. Une composante affective (émotions positives ou négatives, favorable ou défavorable à l’égard de l’objet attitudinal), une composante cognitive (connaissances et croyances présentes et passées concernant l’objet) et une composante conative (comportements passés et présents de l’individu face à cet objet et à ses intentions comportementales (futur)). Certes, l’attitude est un ensemble de prédispositions qui permettent à un individu de réagir favorablement ou défavorablement en présence d’un objet. Elle est surtout interne à l’individu. De ce fait, pour nous, c’est surtout un état d’esprit, une intention et n’est donc pas directement observable. Ici, il s’agit d’analyser l’intention à agir des populations abidjanaises face à la vaccination. Après avoir défini ces concepts, quel est le point des travaux scientifiques sur la question des opinions et attitudes face à la vaccination contre la Covid-19 dans le monde en général et en Côte d’Ivoire en particulier ?    

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19, les grandes puissances économiques et scientifiques ont dégagé d’importants moyens financiers afin que des recherches puissent être menées ou accélérées afin d’aboutir à la découverte de vaccins. Conformément au protocole en matière de recherche vaccinale, il a fallu recourir aux essais cliniques. C’est ainsi que Detoc et al. (7003-7005), dans le cadre de leurs travaux, ont pu déterminer que 48% des personnes de leur échantillon d’enquête (3259 personnes) seraient disposées à participer aux essais cliniques dans le cadre de l’élaboration d’un vaccin contre la Covid-19 en France, tandis que 75% seraient favorables à la vaccination contre ce virus. Cette intention vaccinale contre la Covid-19 concerne les personnels de la santé, acteurs de premières lignes dans cette lutte. Aussi, pour Dereje et al. (8-10), à Addis-Abeba, près de la moitié (46,7%) des participants à leur enquête présentaient un faible niveau de connaissances sur la Covid-19 ce qui induisait une attitude négative envers elle (Covid-19) et ses mesures préventives. De telle sorte qu’une personne sur cinq, parmi les interviewées, n’envisageait pas se faire vacciner contre la Covid-19. A contrario, des niveaux de connaissances élevées sur la Covid-19 et les vaccins développés pour lutter contre elle, favorisent une intention vaccinale beaucoup plus importante comme le soulignent les travaux d’Al-Qerem et Jarab (632914).

En outre, le niveau de connaissance influence voire détermine la confiance ou non dans le vaccin. Évaluant le niveau de confiance que les populations ont dans les vaccins en général, De Figueiredo et al. (900-906) ont comparé ce niveau dans 149 pays du monde entre 2015 et 2019. À cet effet, six pays se distinguent par le désaccord de leur population face à l’innocuité des vaccins (Afghanistan, Azerbaïdjan, Indonésie, Nigéria, Pakistan et la Serbie). De même, la confiance du public placée dans les sources d’information (institutionnelle) influence leur volonté de se faire vacciner comme le souligne les travaux de De Freitas et al. (100051). Qu’en est-il de cette confiance, surtout lorsque ces sources d’informations émanent d’autres sources non institutionnelles ? C’est le cas des médias sociaux qui, globalement, impactent négativement la volonté des personnes de se faire vacciner. Ce refus vaccinal suscité par les informations en provenance des médias sociaux est révélé par les travaux de Lyu et al. (8-12), Luo et al. (101712), ainsi que ceux de Manby et al. (5-9). Cette désinformation et ses conséquences sont mis en avant par Roozenbeek et al. (201199). La désinformation, aussi brève soit elle, peut s’ancrer dans la mémoire à long terme selon Zhu et al. (303-306).          

Au-delà de l’impact globalement négatif des médias sociaux sur l’adoption de la vaccination contre la Covid-19, la question des croyances influence l’adoption ou non de la vaccination. En effet, cette question des effets des croyances sur la non adoption de la pratique vaccinale est ancienne. Chongwang montre les croyances qui sous-tendent le refus de faire la vaccination dans certaines régions du Cameroun. Ainsi, les contraintes culturelles, les légendes urbaines et la désinformation alimentent ces croyances contre les vaccins de façon générale. Cette conception est partagée par De Figueiredo et al. (900-906) qui ont perçu un lien entre les croyances religieuses des individus et leurs attitudes hostiles vis-à-vis des vaccins. Fridman et al. (e0250123) pensent pour leurs parts que la perception du risque et le comportement (attitudes moins favorables à l’égard d’une vaccination contre la Covid-19) sont en lien avec la perception du fait que le virus est moins dangereux qu’on ne le fait croire. Cette perception rejoint celle de Sallam et al. (42). Toutefois, ces croyances n’ont pas qu’un impact négatif sur l’adoption de la vaccination. Ainsi, Sherman et al. (1615-1618) pensent que l’intention de se faire vacciner est associée à des croyances et attitudes générales plus positives sur la vaccination contre la Covid-19.

En Côte d’Ivoire, les premières doses de vaccins ont été inoculées le 01 mars 2021. Cependant, il faut indiquer que le nombre de personnes contaminées était de 32791, dont 193 morts et 31712 guéries à ladite date selon les chiffres communiqués par le Ministère de la santé et de l’Hygiène publique. Pour lutter contre cette pandémie, les autorités étatiques avaient pris, dès le 24 mars 2020, un certain nombre de mesures visant à protéger les populations et à éviter la propagation de cette maladie. À cet effet, des mesures classiques telles que le lavage régulier des mains, le port du masque facial, la distanciation physique ont été édictées à l’endroit des populations. Aussi, au titre des mesures exceptionnelles, l’état d’urgence a-t-il été décrété par le chef de l’Etat dès l’apparition des premiers cas dans le pays. De même, la fermeture des frontières aériennes et terrestres, des établissements scolaires et universitaires, des lieux de loisirs et de culte, l’instauration d’un couvre-feu, l’interdiction des déplacements non autorisés entre le district d’Abidjan et les villes de l’intérieur du pays, la limitation à un seuil fixé du nombre de personnes autorisées à être dans une même salle s’ajoutent à l’état d’urgence. Ces mesures ont été diversement reçues par les populations. Elles ont essayé tant bien que mal de s’y conformer souvent sous le regard coercitif des forces de sécurité publique chargées de veiller au respect desdites mesures. Cependant, dans un pays où une partie de la population est pauvre[1] et se retrouve à exercer quotidiennement de petits métiers pour vivre, il semble difficile qu’elle puisse respecter scrupuleusement toutes ces mesures barrières. Aussi, la découverte des vaccins a suscité de nombreux espoirs à travers le monde. L’accès à ces vaccins, comme dans de nombreux pays du Tiers monde, surtout africains, est tributaire de certaines initiatives (COVAX[2], AVAT[3]…) et dons de pays développés. Toutefois, leurs usages suscitent des interrogations. En effet, les nombreux appels du gouvernement ivoirien aux populations, à aller se faire vacciner, semblent indiquer une certaine méfiance voire réticence de celles-ci vis-à-vis desdits vaccins (N’Guessan, Kaglan). Les cibles prioritaires que sont les personnels du corps de la santé, de l’enseignement et des forces de sécurité publique ne se sont pas bousculés pour se faire vacciner, à telle enseigne que le gouvernement l’a rapidement élargi à toute la population. Ces données statistiques obtenues, à la date du 21/11/2021, indiquent qu’en Côte d’Ivoire, 1,18 millions de personnes sont complètement vaccinées soit 4,5% de la population (ONU Info). Le chef de l’Etat a mentionné, lors de sa traditionnelle adresse à la nation en date du 31/12/2021, qu’à ce jour, environ 7 millions de doses de vaccins avaient été administrées sur un total d’environ 15 millions de doses disponibles. Dès lors, quelles sont les opinions et attitudes des populations abidjanaises face à la vaccination contre la Covid-19 ? Quelles sont les logiques et les rationalités qui sous-tendent de tels comportements au sein des populations ? Pourquoi une telle “résistance” face à la vaccination ?

Cette étude vise à expliquer les opinions et attitudes des populations abidjanaises à l’égard de la vaccination contre la COVID-19. Nous émettons l’hypothèse que l’influence des médias sociaux combinée à la communication interpersonnelle négative à l’endroit de la vaccination est un obstacle à une acceptation et une vaccination massive des populations contre la Covid-19. Cette étude repose sur les théories de la diffusion de Rogers (221-232) et le modèle séquentiel du comportement d’autoprotection de Dejoy (6-15). La première théorie part du principe que les personnes en relations s’influencent mutuellement quand vient le temps d’adopter une innovation. Dans ce cas présent, cette communication négative faite autour du vaccin contre la Covid-19 va influencer les attitudes de certains abonnés de ces réseaux sociaux qui finiront par ne pas adopter la vaccination. La seconde théorie repose sur un modèle qui servait à l’origine à la prévention des accidents du travail, basé sur quatre étapes : l’appréciation du danger, la prise de décision, l’initiation d’une action et l’adhérence (adoption) à un comportement de sécurité. Dès lors que la situation n’est pas perçue comme une menace sérieuse, l’individu ne prend pas de mesure de protection. Ici, si le virus de la Covid-19 n’est pas perçu comme une menace pour leur vie, les populations ne percevraient pas, par conséquent, l’intérêt de se faire vacciner contre la Covid-19.   

Nous allons, d’abord, évaluer les connaissances des populations abidjanaises sur la COVID-19 et la vaccination à travers un questionnaire. Ensuite, nous nous efforcerons de présenter leurs opinions et attitudes vis-à-vis de la vaccination. Enfin, nous analyserons les facteurs explicatifs de cette réticence à se faire vacciner contre la Covid-19.

 

  1. Méthodologie

1.1. Terrain d’étude, population et échantillon

Deux (02) communes du district d’Abidjan (Yopougon et Cocody) ont constitué les sites où se sont déroulés nos travaux. Le choix de ces communes d’Abidjan se justifie par le fait que la commune de Yopougon est une cité dortoir densément peuplée. La dernière est une commune résidentielle où l’on retrouve de nombreux habitants de la classe moyenne, les résidences des principales représentations diplomatiques ainsi que l’élite politique et administrative du pays.

 En outre, c’est la méthode d’échantillonnage non aléatoire notamment l’échantillon de commodité que nous avons choisi parce que nous ne disposions pas de base de données exacte concernant cette population et aussi parce que ces personnes étaient facilement atteignables et disposées à participer à l’enquête. Toutefois, dans un souci de représentativité, nous avons reparti les répondants dans tous les sous quartiers de ces quartiers cités. Aussi, avec l’échantillonnage non probabiliste, le chercheur n’a aucun moyen de calculer dans quelle mesure son échantillon représente la population dans son ensemble. Dans le cas de notre étude, l’échantillon de la population enquêtée porte sur 85 personnes (50 habitants pour la commune de Yopougon (quartier de Niangon Sud à Gauche) et 35 habitants pour la commune de Cocody (quartier de Blockhauss)), ce, en prenant en compte la taille de la population de chacune de ces deux communes. La taille de l’échantillon a été déterminée en fonction de certaines contraintes financières et de temps. 

1.2. Techniques de recueil des données

Il nous a paru opportun dans le cadre de cette recherche de retenir l’étude documentaire et l’enquête-interrogation comme les principales techniques de recueil des données. Ainsi, pour ce qui concerne l’étude documentaire, nous avons eu recours à toutes les sources d’information (presse écrite et en ligne, les réseaux sociaux, les sites officiels du gouvernement ivoirien et des organismes onusiens, les ouvrages et articles scientifiques). A travers cette documentation diversifiée, nous avons voulu avoir le maximum d’informations sur le sujet. Que celles-ci soient officielles ou non, qu’elles émanent des internautes ou des journalistes, qu’elles soient le résultat de recherches scientifiques. En outre, nous avons collecté toutes les statistiques qui nous semblaient utiles pour mieux expliquer le sujet. Quant à l’enquête-interrogation, elle a consisté à administrer un questionnaire qui visait principalement à évaluer leurs connaissances de la maladie et de la vaccination. Aussi, avons-nous eu recours à des entretiens semi-dirigés axés sur leurs opinions et attitudes à l’égard de la maladie à coronavirus et la vaccination contre la Covid-19. En outre, au niveau de l’analyse des données, nous avons retenu l’analyse quantitative à travers l’usage des statistiques descriptives pour présenter de façon chiffrée les informations contenues dans les données recueillies auprès des enquêtés. Quant à l’analyse qualitative, elle nous permettra de mettre l’accent sur le discours des enquêtés. Ces discours devraient nous aider à mieux comprendre et analyser les opinions et attitudes qui en découlent et qui induisent l’acceptation ou non de la vaccination contre la Covid-19. Certaines questions utilisaient une échelle de type Likert en 5 points, allant de « tout à fait d’accord » à « tout à fait en désaccord » afin de déterminer les opinions et attitudes des participants face à la vaccination contre la Covid-19. 

  1. Résultats

Les résultats de ce travail sont articulés, d’abord, autour des connaissances des populations sur la Covid-19 et la vaccination. Ensuite, nous aborderons leurs opinions et attitudes face à la vaccination et enfin nous chercherons les facteurs sous-tendant l’adoption de ces opinions et attitudes.  

2.1. Connaissances des enquêtés sur la Covid-19 et la vaccination

Les connaissances des populations ont été évaluées à travers un questionnaire qui leur a été soumis et dont les principales réponses sont contenues dans le tableau ci-dessous.

 

Tableau 1 : Connaissances des populations sur la Covid-19 et la vaccination

Connaissances sur la Covid-19 et le vaccin

Oui

Non

Je ne sais pas

N

%

N

%

N

%

Avez-vous déjà entendu parler de la Covid-19 ?

85

100

0

0

0

0

La Covid-19 est-elle une infection mortelle ?

83

98

1

1

1

1

Est-elle mortelle pour le personnes âgées (+ de 50 ans) ?

80

94

4

5

1

1

Est-elle mortelle pour les jeunes et les enfants ?

3

4

81

95

1

1

Connaissez-vous les modes de transmission ?

84

99

0

0

1

1

Connaissez-vous les modes de prévention ?

84

99

0

0

1

1

Peut-on guérir sans traitement ?

78

92

7

8

0

0

Existe-t-il un traitement ?

0

0

85

100

0

0

Savez-vous qu’il existe un vaccin ?

85

100

0

0

0

0

La vaccination est-elle un moyen efficace pour prévenir et contrôler la maladie ?

44

52

40

47

1

1

Les vaccins sont sûrs et sans danger ?

34

40

50

59

1

1

Source : Notre enquête Septembre-Octobre 2021

Il ressort de ce tableau que les connaissances de nos enquêtés sur la Covid-19 et le vaccin développé pour y faire face sont importantes. La quasi-totalité des enquêtés connait l’existence de la maladie (100%), sait que c’est dangereux (98%), connait les modes de transmission et de prévention (99%). En outre, ces enquêtés savent tous qu’il existe un vaccin et qu’il n’existe pas de traitement (100%) contre la Covid-19. Toutefois, à peine la moitié (52%) est convaincue que ce vaccin est efficace pour prévenir la maladie, tandis que pratiquement 60% des enquêtés ne sont pas rassurés par l’innocuité de ces vaccins.

 

2.2. Sources d’information sur la maladie et la vaccination

2.2.1. Sources d’information sur la maladie

Les sources d’information de la population sur la maladie sont contenues dans le graphique suivant :

Source : Notre enquête Septembre-Octobre 2021

La lecture de ce graphique nous permet de nous apercevoir que la Télévision (35%), Internet (les réseaux sociaux) (31%) et les Communications interpersonnelles (20%) sont les principaux moyens privilégiés par nos enquêtés pour avoir accès aux informations sur la maladie à coronavirus (Covid-19). 

2.2.2 Sources d’information sur la vaccination

Les sources d’information de la population sur la maladie sont contenues dans le graphique suivant :

Source : Notre enquête Septembre-Octobre 2021

Au regard de ce diagramme à secteurs, il convient de noter que l’Internet (médias sociaux) est la première source d’information sur la vaccination contre la Covid-19 (41%), suivi par les communications interpersonnelles (26%). Ces deux sources captivent plus de 2/3 des enquêtés en leur fournissant des informations sur la vaccination. Ces sources d’information « non officielles » semblent être privilégiées au détriment des sources d’information « officielles » que sont la télévision, la presse écrite et la radio (33%). 

En somme, nous constatons que les enquêtés, que ce soit sur la maladie et la vaccination, font globalement confiance aux sources « non officielles » que sont les réseaux sociaux et la communication interpersonnelle (Pourcentage cumulé de 51% pour la maladie et 67% pour la vaccination) au détriment des « sources officielles » (Télévision, Radio et Presse écrite). Cela pourrait s’expliquer par le fait que ces « sources officielles » ne sont plus dignes de confiance car elles ne font que relayer les informations émanant des autorités politiques au pouvoir, critiquées elles aussi pour leur manque de transparence dans la communication et la gestion de nombreuses affaires. Mais au-delà, cette suspicion (manque de transparence) pèse sur de nombreux gouvernements dans le monde, et ce, dans un contexte de « village planétaire » où une communication à outrance est exercée à travers divers canaux.

 

 

 

2.3. Opinions et attitudes face à la vaccination

Les opinions et attitudes de nos enquêtés sur la vaccination sont aussi diverses que variées. Ces opinions sont plus ou moins liées aux opinions sur la maladie. Ainsi, si pour certains de nos enquêtés, leurs opinions sur la maladie à coronavirus, et précisément le virus sont conformes aux données scientifiques actuelles, il n’en pas ainsi pour de nombreux autres enquêtés. En effet, pour les premiers ce virus et très dangereux, donc il vaut mieux se conformer aux consignes des autorités sanitaires. K.K.F (65 ans), fonctionnaire à la retraite dans la commune de Yopougon témoigne : 

Moi, je pense que les informations que nous donnent nos autorités compétentes sur la Covid-19 sont exactes. Il y a des gens qui connaissent et qui font bien leur travail, quelle opinion ai-je à donner pour dire que c’est une invention des blancs pour tuer des noirs. Ceux qui parlent ainsi, ne voient-ils pas les conséquences de cette maladie sur leurs frères noirs des Caraïbes ?

Toutes ces personnes qui ont une opinion conforme aux connaissances sanitaires actuelles sont favorables à la vaccination. Ainsi, elles ont toutes une attitude positive vis-à-vis du vaccin. S.L. (38 ans) résidant à Yopougon et chauffeur auprès d’un homme d’affaires se confie :

Nous, on travaille beaucoup avec différents partenaires. Donc, quand ça commencé, on était angoissé car on pouvait rencontrer partout ce virus. Dès que les vaccins sont arrivés à Abidjan et qu’on nous a dit qu’on pouvait le faire, je n’ai pas hésité un seul instant à me faire vacciner.

C.L. (48 ans), cadre dans une banque de la place et résidant dans la commune de Cocody, ne dit pas autre chose :

Moi, je suis complètement vacciné. Le coronavirus, je le connais parce que je l’ai contracté. J’étais à deux doigts de la mort puisque j’ai été entubé, ici, au CHU de Cocody. Il faut que les gens arrêtent de plaisanter avec ce virus qui est très dangereux. Qu’ils se fassent vacciner.

Toutefois, ces opinions sont prises à revers par d’autres enquêtés qui ont d’autres opinions contraires à celles-ci. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre lors des différents entretiens que cette maladie a peu d’effets sur les jeunes, encore plus sur les africains. Ainsi K.K.B. (22 ans), menuisier dans la commune de Yopougon affirme : « Cette affaire de coronavirus-là c’est une affaire des blancs. Ça ne peut rien contre les nous les africains. Regarde comment ça les a tués là-bas !!! Chez nous ici, ça tué combien de personnes ? Leur affaire-là (virus) n’est pas aussi dangereux que ça. ». Ce type de raisonnement est partagé par de nombreux enquêtés. P.C., (30 ans) tenancier de maquis (bistrot) à Cocody ajoute : « Le virus ne supporte pas la chaleur, surtout notre climat. Affaire de corona-là, c’est maladie des blancs et puis ça ne tue pas les plus jeunes. Ce sont les vieux et puis les gens malades là que ça tue, c’est ce que j’ai vu à la télé ». Les opinons de certains enquêtés vis-à-vis de la vaccination sont défavorables, car ils estiment que cela ne vaut pas la peine. Aussi, d’autres enquêtés nous ont-ils confié que le vaccin serait à l’origine de la mort de nombreuses personnes vaccinées (personnalités célèbres). S.L. (43 ans) instituteur à Cocody de s’interroger

Regarde, la majeure partie des célébrités décédées dernièrement de la Covid-19 étaient toutes vaccinées. Pourquoi, malgré le vaccin sont-elles décédées ? C’est bizarre, moi, je ne suis pas favorable à cette vaccination et je ne compte pas la faire. 

A côté de ces deux groupes d’enquêtés, se trouvent d’autres personnes, qui quand bien même qu’elles aient des opinions conformes aux connaissances sanitaires, sont hésitantes face à la vaccination. Ces derniers émettent des doutes quand la fiabilité du vaccin. A.I. (35 ans) Informaticien résidant à Yopougon témoigne :

Je pense que la vitesse avec laquelle les vaccins ont été développés incite à la prudence. Pour le moment, je refuse de me vacciner. On ne connait pas suffisamment les effets secondaires de ce vaccin sur les personnes vaccinées.

Dans le cadre de cette étude, les enquêtés ayant une opinion favorable à la vaccination (34 personnes soit 40%) ont également une attitude positive vis-à-vis de la vaccination car ils adhèrent tous à la vaccination. Cependant, les personnes ayant une opinion défavorable à la vaccination (50 enquêtés soit 59%) ont également une attitude négative à l’endroit de la vaccination. Si le déni, l’occultation et la banalisation de la Covid-19 conduisent, souvent, à une non observance des mesures barrières voire à un refus d’adhérer à la vaccination, quid des facteurs sous-tendant une telle attitude ?     

2.4. Facteurs sous-tendant l’adoption des opinions et attitudes

Les facteurs justifiant cette hésitation voire ce refus d’adhérer à la vaccination sont en lien avec une explication factuelle bidimensionnelle. D’une part, nous avons le fait que le taux de contagion soit faible, de même que le nombre de décès des personnes atteintes par la Covid-19. D’autre part, les croyances populaires quant aux moyens de combattre la maladie qui renforcent cette réticence.

L’on note une relative faiblesse du taux de contagion et de décès dus à la covid-19 (61.581 cas de personnes contaminées dont 702 décès au 1/11/2021) en Côte d’ivoire comparés aux millions de personnes contaminées et de centaines de milliers de personnes décédées dans certains pays comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Italie, la France… Toute chose qui semble conforter de nombreuses personnes au sein de la population sur leur intention de ne pas se faire inoculer ce vaccin contre la Covid-19. Le témoignage de M.B.T. (28 ans), commerçant à Cocody est assez éloquent : « Depuis que l’on parle de cette histoire de Covid-19, regardez les chiffres. Les contaminations et les décès sont presque inexistantes chez nous par rapport aux blancs. Dès lors, pourquoi me vacciner dans ce contexte ? » Il est un fait que les chiffres officiels semblent largement sous-estimés (faible capacité de dépistage, de nombreuses personnes asymptomatiques, les populations ne vont, généralement, à l’hôpital que quand la maladie est à un stade avancé, alors que la Covid-19, comme la grippe saisonnière, se résorbe globalement seul…). Ayant certaines similitudes avec le paludisme, largement répandu dans cette région du monde, la Covid-19 est souvent confondue à cette dernière d’où une automédication à base de produits pharmaceutiques ou phytothérapiques. Aussi, les craintes des responsables de l’OMS quant aux dégâts que cette pandémie ferait en Afrique ne se sont-elles pas réalisées, toute chose qui renforce cette volonté de certaines personnes de ne pas se faire vacciner. 

En outre, les croyances populaires sont l’un des principaux facteurs qui sont un obstacle majeur à la vaccination. Il est largement répandu dans le corps social en Côte d’ivoire, comme dans de nombreux pays africains et même du monde, que certains remèdes de grand-mère[4] étaient efficaces pour prévenir et même pour combattre la Covid-19. Il n’est pas rare d’entendre dire que manger du piment, de l’ail et même boire de l’alcool, notamment le Koutoukou (eau de vie locale) luttent efficacement contre la Covid-19. Ainsi, C.K.T. (36 ans) tapissier dans la commune de Yopougon de dire ceci : 

Médicament de corona, nous on a ça ici. Tu manges une sauce bien pimentée et puis tu bois gbêlê (koutoukou) corona s’en va loin. Même si c’est bizarre (compliqué) tu fais un bain vapeur de “mentholateum” chinois (baume mentholé) et puis c’est fini.

De même, lorsque ces croyances populaires se combinent avec l’action de désinformation des réseaux sociaux cela génère des croyances fortement ancrées dans le psychisme de l’individu dont il devient difficile de s’en débarrasser. Ainsi, il est répandu, sur certains réseaux sociaux, que les personnes ayant fait le vaccin ont une espérance de vie qui se limiterait à 2 ans, à partir de la date de l’inoculation du vaccin. Ces croyances populaires sont pour Dedy (52) « ce savoir populaire qui conditionne plus ou moins fortement l’attitude et les comportements des individus à l’égard de la maladie et tout particulièrement, à l’égard de la prévention ».

 

  1. Discussion

Les opinions et attitudes des populations déterminent généralement le comportement qui n’est que l’expression visible de tout ce processus mental. Dans le cadre de cette étude, il est ressorti que les opinions et attitudes des populations face à la vaccination contre la Covid-19 sont influencées, en majeure partie, par les informations recueillies sur les réseaux sociaux et la communication interpersonnelle (67%). Ces résultats confirment les travaux de Lyu et al. (8-12), Luo et al. (101712) ainsi que ceux de Manby et al. (5-9).  Cette réticence voire ce refus d’adopter le vaccin est aussi tributaire des rumeurs et autres informations fallacieuses, mais surtout des croyances populaires. A ce niveau, les travaux de Fridman, Gershon et Gneezy (e0250123), Sallam et al. (42), Chongwang ainsi que ceux de De Figueiredo et al. (900-906) confirment l’impact négatif de ces croyances sur l’adoption des vaccins en général, mais spécifiquement celui contre la Covid-19. Ces résultats viennent conforter la conception de Dedy (50-55) sur la faiblesse de la conscience sanitaire en Afrique.

Nonobstant ces faits, il est aussi remarquable que la méfiance des populations vis-à-vis de la volonté gouvernementale (imposition de la vaccination) associée à certaines théories du complot (insertion de puces microscopiques dans les vaccins dans le but de contrôler la population mondiale) vient conforter, à tort ou à raison, la position de toutes ces personnes qui demeurent sceptiques vis-à-vis des vaccins contre la Covid-19 comme le révélait déjà Taïeb à propos des autres vaccins (272-285).

Conclusion

Au terme de cette étude, il convient de noter que les opinions et les attitudes des populations face à la vaccination contre la Covid-19 sont fortement influencées par le flot d’informations dans lequel elles baignent. Celles-ci émanent principalement des réseaux sociaux et des communications interpersonnelles, ce qui confirme notre hypothèse de départ. Ainsi, qu’elles soient de sources officielles ou non, elles influencent, modifient la perception et la conviction des personnes qui les suivent. Au-delà de la question vaccinale, cette étude interroge l’influence des médias, surtout les réseaux sociaux sur les conduites des populations. Ces médias sociaux ont tendance à supplanter les informations délivrées par les canaux officiels de communication.

Aussi, les limites de cette étude se perçoivent-elles par la faiblesse de l’échantillon et la représentativité des sites (un sous quartier par commune ce qui pose un problème de représentativité et le fait que ce soit deux communes qui aient été choisies sur treize que comptent le district d’Abidjan) ne permettent pas une généralisation des résultats.

 

Travaux cités

Al-Qerem, Walid A. et Anan S Jarab. « COVID-19 Vaccination Acceptance and Its Associated Factors Among a Middle Eastern Population. ». Frontiers in public health, vol. 9, 632914. 10 Fév. 2021. doi :10.3389/fpubh.2021.632914

Chongwang, Julien. « La vaccination face à la méfiance des populations », Scidev.net, 26 Fév. 2019. https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/features/26022019-2/.

Dedy, Séri. « SIDA et Société » Revue des Sciences Sociales. Programme d’Appui stratégique à la Recherche Scientifique (RSS-PASRES), no. 1, 2013, pp. 44-56.

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Comment citer cet article :

MLA : Gaulithy, Georges. « Opinions et attitudes des populations abidjanaises face à la vaccination contre la Covid-19 ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 33-50.

 

 [email protected]

[1] 39,5% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté selon les données fournies par la Banque Mondiale en 2018.

[2] COVAX ‟The Covid-19 Vaccines Global Access” est une initiative des Nations-Unies qui vise à collaborer pour un accès mondial et équitable aux vaccins contre le virus de la COVID-19

[3] AVAT “The African Vaccine Acquisition Trust” est une initiative de l’Union Africaine qui vise l’achat groupé de vaccins par l’Union africaine au profit des pays membres.

[4] Ensemble de connaissances basées sur le savoir faire des anciens (grand-mère) qui puisent ses sources dans les plantes et autres produits naturels utilisés pour combattre diverses maladies, et qui auraient des vertus thérapeutiques avérées.

Résumé (A Neo-slave Narrative Reading of Colson Whitehead’s The Underground Railroad (2016))

Kpatcha Essobozou Awesso§

Abstract: Colson Whitehead’s TheUnderground Railroad (2016) is a narrative that carries the reader to the historical context of the abolitionist movement of the nineteenth century United States of America. More than two (2) centuries after, Whitehead re-imagines this episode of African American history in a skillful readership that deserves critical attention. Why does Whitehead retell the history of the abolitionist movement known as the Underground Railroad in fiction? Why does he choose a twelve year girl, Cora as the central character? Is the theme of slavery still relevant in today’s social discourses? These are some questions that call on a literary analysis of this masterpiece. The paper relies on the Neo-slave Narrative approach to analyze the rationale behind this historical novel.

Keywords: Neo-slave narrative, the Underground Railroad, Abolition, Slavery, Neo-Slave Narrative Approach.

Résumé : The Underground Railroad (2016) de Colson Whitehead est un récit qui transporte le lecteur dans le contexte historique du mouvement abolitionniste du XIXe siècle aux États-Unis d’Amérique. Plus de deux (2) siècles après, Whitehead ré-imagine cet épisode de l’histoire afro-américaine dans une lecture habile qui mérite une attention critique. Pourquoi Whitehead retrace-t-il l’histoire du mouvement abolitionniste connu sous le nom de chemin de fer clandestin dans une fiction? Pourquoi choisit-il une jeune fille de douze ans, Cora, comme personnage central? Le thème de l’esclavage est-il toujours d’actualité dans les discours sociaux d’aujourd’hui? Autant de questions qui font appel à une analyse littéraire de ce chef-d’œuvre. L’article s’appuie sur l’approche du récit néo-esclavagiste pour analyser la logique de ce roman historique.

Mots-clés: Récit néo-esclavagiste, le chemin de fer clandestin, l’abolition, l’esclavage, approche narrative néo-esclavagiste.

Introduction

Reimagining the past in contemporary literary creation is not new, especially if the whirling effects of this past have lasted throughout the time. For instance, in the American context, black slavery and its consequences much fueled literary imagination known as the Slave Narrative genre. This literary genre accounts for the evils of bondage, written either by former slaves or scholars outside the slavery system. Ruth Miller and Peter. J. Katopes write about Slave Narratives that, they:

have their roots in Puritan writings, particularly in journals, diaries, autobiographies, and narrations, all designed to record the Puritan experience of the « walk with God. » Slave narratives use a similar form to record the flight to freedom; they are chronological in structure, episodic, and provide little, if any, transition. Events are drawn from common experience; incidents that dismay or horrify or repel are frequently recounted with a lack of passion usually associated with literature designed to demonstrate the truth. There are auction blocks, lashings, escapes, and recaptures; there are tears and prayers and exhortations; there are special providences recorded, coincidences, suspenseful moments in flight, tricks to outwit captors, all of this presented in a tone that is pervasively sober. If there is a preponderance of gloom, there is also optimism; despair mingles with joy. And the overriding purpose of the narrative is to activate the will of the reader to abolish first the slave trade and finally slavery. (21)

Miller and Katopes provide a comprehensive definition of the Slave Narrative literary genre, which emerged at the post-Civil War America as a medium of slaves’ accounts of their lives in bondage. Many decades after slavery, writers still frisk in the memories of the antebellum South to bring out some untold stories with contemporary expectations. The imagination of slaves’ accounts to make them relevant in contemporary context is what is known as Neo-slave Narrative, and Colson Whitehead’s The Underground Railroad (2016) is an example. Ashraf H. Rushdy in his book Neo-slave Narratives: Studies in the Social Logic of a Literary Form declares that “Neo-slave narratives are modern or contemporary fictional works substantially concerned with depicting the experience or the effect of new world slavery” (533). Rushdy argues that the contemporary world exhibits some forms of enslavement typical to the historical black slavery in the Americas, and creative writers address such issues by using the slave narrative tradition. These slave narratives in contemporary literature are qualified as neo-slave narratives, since they carry the traditional slave narrative features, but have contemporary implications. Marta Frątczak opines that ‘‘…. saving from oblivion the memory of the dispossessed, and conveying their historical experience through fiction, has always necessitated finding the way to reconcile undocumented histories with the practical demands of novelistic narration’’(33). According to Frątczak, the necessity to retell slave narratives today resides in the writers’ commitment to keep the slaves’ memory alive and exhume untold stories in order to heal the black people’s bitter past. Colson Whitehead released TheUnderground Railroad in 2016, and Michael Szczechowski argues that:

Whitehead uses the simple premise of a slave girl’s odyssey through a hellish, early 19th century southern United States and conveys his thoughts and concerns for modern-day America, specifically of the lingering effects that slavery and racism has had on Americans, and bravely paints an honest picture of the people we are.

Szczechowski is then suggesting a contemporary interpretation of Whitehead’s fiction which addresses modern day societal concerns from a Slave Narrative perspective. Bernard W. Bell argues that Neo-slave Narratives “combine elements of fable, legend, and slave narrative to protest racism and justify the deeds, struggles, migrations, and spirit of black people” (289). Bell’s definition takes into account black people’s frustrations born from the antebellum South tradition, and that justifies their behavior among other ethnic groups in America. Bell seems to argue that, in a Neo-slave Narrative, there are some ashes of the past brought in the present to understand the behavior of the descendants of slaves in contemporary America. Angelyn Mitchell refers to the genre as “liberatory narratives”, since they mostly focus ‘‘on the enslaved protagonist’s attainment of freedom” (4). Mitchell’s assertion is much complex when she uses the term ‘‘liberatory narratives.’’ She seems to refer to stories, in which the protagonist forcibly attains freedom, softening by then the atrocities and inhuman conditions he had to face before reaching freedom. The reading of Whitehead’s historical novel goads me to venture on the field of Neo-slave Narrative. From the preceding critics’ views, my work argues that, Colson Whitehead’s creative work not only refreshes slaves’ conditions of the antebellum South, but also seems much allegorically to address contemporary social injustices and how to cope with them. The paper focuses on the contemporary meaning that Whitehead’s novel carries and which makes it a Neo-slave Narrative. The interest of this analysis resides in the novelist’s choice of plantation Slave Narrative tradition to address contemporary racial issues in the United States. If black people still fight for freedom up to this twenty first century, it means that the ghost of slavery still haunts them and they should get rid of it. Obviously, the study is conducted from a Neo-slave Narrative perspective, which deals with contemporary creation of Slave Narratives. The Neo-slave Narrative theory helps in this context draw a contemporary meaning and relevance of Whitehead’s antebellum South narrative. Apart from Whitehead’s novel which is the primary source of this work, additional information will be drawn from articles, books, and other relevant materials to strengthen the point being made. The work first overviews the Neo-slave Narrative genre with reference to Whitehead’s novel by discussing the meaning of the title, the thematic approach and the characterization. Further, the paper analyses the relevance of reimagining Slave Narratives in the twenty first century as a form of resistance.     

1. The Underground Railroad: A Neo-Slave Narrative

Colson Whitehead’s novel is published in 2016, when the Black Lives Matter movement was already rallying thousands of people to the cause of innocent and defenseless black male victims of white police murderers. Nikita Carney writes:

The BLM movement began in 2012 when George Zimmerman was acquitted after shooting and killing 17-year-old Trayvon Martin in Florida. Three Black women activists, Alicia Garza, Patrisse Cullors, and Opal Tometi, started the movement that subsequently engaged many, including many youth of color, in social justice activism across the country (181).

The movement evolved as an outcry for justice to the innocent victims of police harassment. It is quite arguable that Whitehead’s novel finds a fertile ground for debate, since it is all about a struggle for freedom, just like the contemporary Black Lives Matter movement. Whitehead’s novel opens with the account of Ajarry, the grandmother of Cora, the protagonist. Ajarry is arrested and sold to slave traders at the port of Ouidah, and eventually shipped to the New World[1] where she was sold many times to different plantations owners. Cora was resentful to escape slavery when Caesar brought the idea for the first time, (TUR 9) but when she remembered Mabel, her mother, she decided to flee. The story evolves through Cora and Caesar’s hard journey northwards, stopping times to times at railroad stations, where some secret agents helped them with food and accommodation until they reached north. Ridgeway, a slave catcher was to bring Cora back to Georgia, but was ultimately defeated in a fight against Cora in a railroad station on Valentine. The Underground Railroad, though published in the twenty first century tells the story of a runaway slave girl, bringing the reader centuries back in the South American slavery tradition. Bringing back fugitive slaves’ narratives in the twenty first century is Colson Whitehead’s concern in The Underground Railroad, and he must have strong motives to refresh the old slavery tradition in a contemporary American society where the descendants of the former slaves are still oppressed. Colson’s novel which is classified as a Neo-slave Narrative genre is part of many fictional works produced by non former slaves and out of the context of slavery, but which vividly depict the lives of black slaves on the southern plantations.

The debate around this literary genre has gained interest since its rise in the second half of the twentieth century, and according to Ashraf H. Rushdy, the Neo-slave Narrative genre is about the “contemporary narrativity of slavery” concerning “contemporary novels that assume the form, adopt the conventions, and take on the first-person voice of the antebellum slave narrative” (3). Rushdy refers to writers, who did never experience slavery, but deal with the plantation narrative style, of course with a specific purpose in mind. Valerie Smith observes that, the Neo-slave Narrative genre mostly refers to:

texts set during the period of slavery as well as those set afterwards, at any time from the era of Reconstruction until the present. They approach slavery from a myriad perspective […] from realist novels grounded in historical research to speculative fiction, postmodern experiments, satire and works that combine these diverse methods (168).

Smith contends that, the Neo-slave Narrative genre is a writing style that alerts on the still rampant residues of bondage and injustices in America. The Neo-slave Narrative is a genre that links the past slavery pains to contemporary ones and Saidiya Hartman argues “If the ghost of slavery still haunts our present, it is because we are still looking for an exit from the prison” (133). Bridging past slavery traumas to the present forms of injustices (especially done to black people) is not only an outcry to end social injustices, but an opportunity to reveal some untold stories about slavery, and make them fit the modern social calamities. This is an alternative reception of slave narratives which were supposed to end with the last survivors of slavery. Timothy A. Spaulding observes in his work Re-forming the Past: History, the Fantastic, and the Postmodern Slave Narrative that, modern narratives on slavery ‘‘create an alternative and fictional historiography based on a subjective, fantastic, and anti-realist representation of slavery” (2). Conclusively, a Neo-slave Narrative is the blending of Slave Narrative genre storyline with contemporary paradigms that serve as clues to draw meaning. Colson Whitehead’s The Underground Railroad better fits the Neo-slave Narrative genre from its third person narrative point of view, where the reader is well informed about characters challenges and their inner thoughts. The traditional narratives by former slaves have mostly involved adults struggling to free themselves from the grids of bondage, but Whitehead’s novel spots a fifteen years old Cora, a defenseless girl who is fighting alone against the whole slavery structure. Whitehead’s choice of a vulnerable character foreshadows the degree of hardship ahead on the journey of freedom. Ridgeway, the villain is defeated in a close fight with the young Cora, and this implies that, the oppressed must stop running away from the evil, but he must definitely fight and cancel it from his existence. The contemporary meaning of the Slave Narrative genre is its still recurrent theme of injustice done to the most vulnerable people of the society, and which requires their own investment for total liberation, in the image of Cora.         

2. The Underground Railroad: Struggle against Institutionalized Injustice

Colson Whitehead may have enough reasons to name his fictional work after the historical anti-slavery movement known as the Underground Railroad. Junior Ranger in his article ‘‘Discovering the Underground Railroad’’ writes:

The “Underground Railroad” is not actually a train operating along hidden railroad tracks. Instead, it refers to an idea. The Underground Railroad refers to the efforts of enslaved African Americans to gain their freedom through escape and flight—and the assistance of people who opposed slavery and willingly chose to help them to escape—through the end of the U.S. Civil War.

This anti-slavery movement was according to slave holders an illegal movement and this is in response to their assumptions that the title is given to the novel, to keep a close watch on social injustices and fight them. In this perspective, it is arguable that the title of Whitehead’s novel is to remind the readers that, in contemporary societies, there are still many forms of human subjugations, and philanthropists must rally with victims in their search for liberation as was the case of abolitionists.  The title of Whitehead’s novel is to be understood beyond the context of African Americans’ bondage, which in fact provides much of the meaning to the narrative. Addressing to the Underground Railroad in the twenty first century may suggest that, there are new tales about the movement (the untold ones or the new interpretation the former ones embody today). There are hidden forms of injustices which politics fails to notice, and even when the victims raise alert, they are repressed by laws that seem too old to contemporary realities.

Colson Whitehead’s novel finds place in contemporary discourse because of the continuous subjugation of the masses by a handful of powerful people. Though the institutionalized black slavery is legally abolished, it had left much stain on the victims’ psyche. Their past trauma still springs whenever justice is twisted. In this part of my analysis, I consider the struggle for freedom, which is the main idea of Whitehead’s novel as a relevant topic in contemporary discourse. In her research work titled Modern Representations of the Underground Railroad in Philadelphia Eldra D. Walker investigates what remains of the antislavery movement in Philadelphia and comes to the conclusion that, for the sake of memory and what it represents today, it must be preserved.

There are many ways to preserve the UGRR. One way of preserving the story of the UGRR is to preserve the documented ‘stations’ where fugitives sought aid. Another method is re-telling the stories of those fugitives who escaped bondage. In recent years, Congress has created laws to determine if the story of the UGRR can be preserved and how to honor the story of the UGRR. However, to truly commemorate and interpret the story of the UGRR, it must be reframed with the preservation of the stories of slavery, antislavery, and other forms of resistance (24).

In the center of Walker’s argument stands the imperious need to retell or reframe the stories of those who were involved in this philanthropic system. In Whitehead’s fictional context, the scenes of atrocities inflicted to black slaves meet the sympathy of Sam, one of the white conductors of the Underground Railroad. Sam’s job is to feed and host fugitive slaves, and upon Cora’s and Caesar’s arrival at the station, he declared: “This is my job,”… “You wait here until they come and fetch you”…“You made it,”… “You’re really here”…. “You’re a long way from Georgia,”…“South Carolina has a much more enlightened attitude toward colored advancement than the rest of the south. You’ll be safe here until we can arrange the next leg of your trip. It might take time” (TUR 73, 74).  Still in the hands of the conductors of the Underground Railroad, Cora and Caesar are not safe and this accurately shapes the novel’s vibrant quest for freedom. Conclusively, Lander, one of the slave catchers remarks on the Valentine farm that, “Here’s one delusion: that we can escape slavery. We can’t. Its scars will never fade” (TUR 217). The novel finds its contemporary relevance in Lander’s words, which much bend on the psychological everlasting scars of slavery, that still exist in twenty first century under various forms, and much exercised against the descendants of black slaves. The Underground Railroad is a readership that serves as a reminder of the right of all human beings, regardless any difference in the pursuit of happiness, as stipulated in the preamble of the Declaration of Independence. It is because the handful of people on power position marginalizes the right of the masses that protests and discomforts of all sorts are regularly expressed in modern societies. Whitehead displays the constant search for freedom in modern societies through the repetitive advertisements of reward (that begin some of the chapters of the narrative) for he who brings back a runaway slave to his holder (TUR 15, 68, 112, 155, 183). These advertisements are the very insidious facet of the unconstitutionally institutionalized black slavery, since runaway slaves are never safe, even once in antislavery territories. Cora, the heroine of the narrative did never rest, she was always held in motion, most of the time hiding from Ridgeway, the slave catcher and his crew. Her endless run much illustrates the unsafe human conditions, which need to be permanently improved regarding the new contexts.

The plight of the black characters in the novel is visible through the author’s use of some paradigms embodying contemporary interpretation: the Griffin Building which is twelve stories high and the hob, which represents a modern psychiatric asylum or a ghetto. The Griffin Building is the highest building of the town and it hosts many businesses, among which Mr. Anderson’s office of contracts in cotton (TUR 69-70). The Griffin Building with its high-tech features and the businesses its hosts represent modernity and the American capitalism, which has much developed from slaves’ labor. By purposely inserting modern symbols in a story that is supposed to occur in a far remote time, the author is foreseeing the endless black slavery in the context of modern progress. The hob on Randall plantation is the cabin of the outcast women slaves (TUR 33-34), and it quietly fits a psychiatric asylum of modern times. This also helps understand how social ostracism worked on black people at the post-Civil War reduced them into psychologically disabled people overcrowded into ghettos and slums.    

3. The Underground Railroad: Empowering Women

Colson Whitehead gathers appropriate and efficient materials in the hands of his heroine for her project of running for freedom. Cora is described as a fragile and a strong female character, much lucky enough to overcome all the adversities on her way to freedom. The narrator recalls that Cora has inherited the capacity to cope with difficulties from her grandmother Ajarry and resistance from Mabel, her mother (TUR 18). Cora’s odyssey from the Randall plantation in Georgia to her encounter with Ollie the last conductor of the Underground Railroad heading to California (TUR 232) is much like a fairytale. It seems that all the gods are with her and assist her whenever trouble comes. Cora represents all these social disinherited and unprivileged who struggle to achieve an average living in the midst of social challenges. Cora’s young age, contrasted with the enormous challenges she faces quietly determines the strong moral character that hosts her innermost. Cora has to be empowered in one way or the other in order to endure the brutalities of plantation life and the dangers of the flight. Depicted from the image of Harriet Tubman, the well-known female figure of the historical Underground Railroad movement, Cora’s omniscient thoughts guide her along her journey. She temporally lived in South Carolina under a fake identity: ‘‘BESSIE Carpenter was the name on the papers Sam gave her at the Station’’ (TUR 72). Sam is one of the white agents operating on the Underground Railroad, and his assistance allows Cora to temporally enjoy freedom before her hunter Ridgeway erupted in the city. Cora’s permanent flight from one station to another well illustrates the unrest state of the contemporary marginalized, who demonstrate from various forms to have their requests heard and satisfied. She is a modern emblem of protest as she embodies many social representations like gender, race, age etc. Visibly, by choosing Cora as the protagonist, Whitehead enhances the discourse of struggle for freedom, which has formerly involved adults and much more male characters. Current protests around the world are much rallied on social networks platforms where the youth stand as key actors. Commenting on the central role played by the youth in contemporary social movements discourse, Nikita Carney observes in ‘‘All Lives Matter, but so Does Race: Black Lives Matter and the Evolving Role of Social Media’’ that, ‘‘While the public sphere is not universally accessible, the rise of social media appears to be increasing accessibility to national discourse, particularly for youth who are coming of age with the rise of this technology’’ (184). The rapid control of the internet by the youth, who ask for much freedom and justice all across the world, may have weighted on the Whitehead’s choice of Cora as the central freedom fighter. Cora’s early awareness about the unconstitutional aspect of slavery from now on strengthens and fuels her behavior:

The whites came to this land for a fresh start and to escape the tyranny of their masters, just as the freemen had fled theirs. But the ideals they held up for themselves, they denied others. Cora had heard Michael recite the Declaration of Independence back on the Randall plantation many times, his voice drifting through the village like an angry phantom. She didn’t understand the words, most of them at any rate, but created equal was not lost on her. The white men who wrote it didn’t understand it either, if all men did not truly mean all men….. Stolen bodies working stolen land. It was an engine that did not stop, its hungry boiler fed with blood (TUR 91).

For Cora, the Declaration of Independence rightly stipulates that: ‘‘We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness’’ (XLV). Cora better understood the controversy of the institutionalization of slavery after reading the above passage, and started searching for ways to readjust it. Being endowed with such great ingenuity, Cora is able to play her card through the manacles of the system, but still she is hunted by Ridgeway, the unrest slave catcher and his crew, who symbolize modern structures of hindrance to human fulfillment. Cora’s final encounter with Ridgeway is a close fight in which the slave catcher is severely wounded, watching helplessly Cora run away. The scene of their fight is recalled as follows:

Tonight I will hold him close, as if in a slow dance… She waited until the slave catcher was on the third step. She spun and locked her arms around him like a chain of iron. The candle dropped. He attempted to keep his footing with her weight on him, reaching out for leverage against the wall, but she held him close like a lover and the pair tumbled down the stone steps into the darkness. They fought and grappled in the violence of their fall…Cora untwined herself from Ridgeway and crawled toward the handcar, left leg in agony. The slave catcher didn’t make a sound. The big bone in the man’s thigh stuck out of his trousers and his other leg bent in a gruesome arrangement (TUR 229).

Obviously, Cora could not stand her hunters’ assails and Whitehead has to get her miraculously out of danger.  Her victory over Ridgeway and his men makes her a heroine of black protest, and furthermore an emblem of universal freedom fighter. Nihad M. Farooq argues that ‘‘Ridgeway hunts Cora with a particular vengeance because he had lost track of her mother, Mabel, who ran from Randall six years earlier’’ (88) and this explains his ferocious assails on Cora. She has to be more than an ordinary character, doubly assisted by the Providence and the sympathy of strangers she met on her northward journey to freedom. 

4. The Underground Railroad: Reimagining the Slave Narrative Genre in the Twenty First Century

The reader may be inquisitive about the relevance of Whitehead’s The Underground Railroad in the twenty first century beside the emergence of new trends in creative literature. I hold it that, reimagining a Slave Narrative genre in the contemporary context may imply an articulation of resistance against modern forms of injustices. The then plantation slavery that subjugated black people is translated into modern context of injustice, ranging from the fight for human rights to the engagement into ecological causes. Exhuming the Slave Narrative genre today in creative literature is to relight the flame of hope among desperate people, because it is a story of hard struggle to remain alive and afterward free in a country where minorities struggle to make a safer place for themselves and their descendants. Especially, for black people, a Slave Narrative genre in the twenty first century is a reminiscence of their endless journey to freedom. In Whitehead’s novel, slavery is not to be solely considered as the historical Trans-Atlantic trade and servitude of Africans in the Americas, but all hindrances (mostly man made) to human fulfillment. The contemporary context of violation in human rights suggests to think of slavery beyond the historical enslavement of Africans on the American soil. It would be much incoherent if Colson Whitehead had told the story from a stereotype black slave point of view, without inserting contemporary paradigms (the high tech Griffin Building, the women hob, the clinical tests on black people) to make it  meaningful for his readership. In other words, Whitehead’s novel displays some features “which were not typically reflected in the slave narratives of the nineteenth century” (Von Rönn 17). If the Slave Narrative genre is still meaningful today, it is because of the various shapes slavery has taken according to Saidiya Hartman who argues that:

If slavery persists as an issue in the political life of black America, it is not because of an antiquarian obsession with bygone days or the burden of a too-long memory, but because black lives are still imperiled and devalued by a racial calculus and a political arithmetic that were entrenched centuries ago. This is the afterlife of slavery—skewed life chances, limited access to health and education, premature death, incarceration, and impoverishment (6).

These are in Hartman’s words the new forms of subjugation which refresh the dark memories of the nineteenth century black enslavement, and harboring towards equal rights for all, will help cure the psychological wounds of the past trauma and turn a new page to write the common history. The American country that claims itself democratic and an example in matter of human rights enforcement is contrastively the field of many injustices toward non-whites from the colonization to the recent demonstrations of the Black Lives Matter movement. The black people’s plight started when the illegal slavery system was institutionalized as a compromise to the southern states’ request to save the Union. Royal, one of the free black characters operating on the Underground Railroad in the novel remarks: “And America, too, is a delusion, the grandest one of all. The white race believes—believes with all its heart—that it is their right to take the land. To kill Indians. Make war. Enslave their brothers. This nation shouldn’t exist, if there is any justice in the world, for its foundations are murder, theft, and cruelty. Yet here we are’’ (TUR 217). Royal then captures the illegal way used by the nation to dominate and oppress it own people and much more other countries on the international level. As long as African Americans and other minorities are forced on the margins of the American Dream, the Neo-slave Narrative genre will continue growing as a contemporary great literary form of resistance. The genre, then, becomes the cornerstone of the fight against racism, discrimination, and other forms of oppression exercised on the most vulnerable social groups by some people holding power.

Conclusion

This paper has investigated some characteristics of the Neo-slave Narrative literary genre in Colson Whitehead’s novel The Underground Railroad. The argumentation stems from this question: how relevant is an antebellum Slave Narrative in the twenty first century? At the end, the analysis has revealed that Whitehead’s historical novel, though released in 2016 tells the story of Cora, a fugitive slave girl. The Slave Narrative genre, which emerged at the post-Civil War era, did not fade because of its central issue which is the slaves’ struggle to survive and make their stories known to their descendants. The genre has evolved with the writers’ reference to modern paradigms in their works and it became a Neo-slave Narrative genre, but did not lose its plantation tradition aspect. Fundamentally, this work has argued that, Whitehead’s The Underground Railroad departs from the Slave Narrative tradition to address contemporary forms of injustice that prevent African Americans and other minorities to achieve the American Dream. It is quite illusory to ignore that, though the historical slavery is abolished, other forms of enslavement and alienation are well marshaled by the hegemonic white dominant voice to keep the rest under control. The historical slavery in the novel is symbolic to any obstacle (usually man made) that threatens human happiness. The storyline that channels the ghost of slavery from Ajarry to her granddaughter Cora well illustrates the endless inhuman treatments faced by African Americans, and which are currently expressed through the demonstrations of the Black Lives Matter movement and other forms of protests. The novel is relevant in the contemporary context where human rights are being rudely violated under the conspiracy of some heartless decision makers. The paper has also argued that, Whitehead incisively attacks injustice through Ridgeway’s brutality on the young and defenseless Cora. The Slave Narrative genre (which deals with the protagonist’s endeavor to achieve freedom) finds its relevance in contemporary context because it addresses the same issue of freedom, but under other forms, and with other actors, which not forcibly black people. This is to say that, no one is spared from the social oppression, and even the most vulnerable must stand up like Cora and fight, if they aspire to survival. Moreover, the study has argued that, by reimagining the slaves’ hard struggle to freedom in the context of current challenges, Whitehead simply reminds that slavery still exists, but under various shapes, and Cora’s fight must incite optimism in people who have lost faith in the possible attainment of the American Dream.

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Whitehead, Colson. The Underground Railroad. New York: Doubleday, 2016.

Comment citer cet article:

MLA : Awesso, Kpatcha Essobozou. « A Neo-slave Narrative Reading of Colson Whitehead’s The Underground Railroad (2016) ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 265-280.


§ University of Kara, Togo / [email protected]

[1] Colson Whitehead. The Underground Railroad. (New York: Doubleday, 2016), 9 The subsequent quotations from this edition will be marked (TUR) followed by the page number.

Résumé (De l’identité du personnage transculturel dans La Répudiation et Printemps de Rachid Boudjedra)

Alexis N’Dui-Yabela§


§ Université de Bangui / [email protected]

Résumé : La rencontre entre les différents personnages dans les textes de Rachid Boudjedra met souvent en scène un monde complexe et conflictuel. À l’analyse, l’on se rend compte que le personnage-étranger est toujours perçu par le personnage-narrateur comme un Autre et donc susceptible d’être un danger. Cette situation crée une tension permanente qui est perceptible autant dans le discours produit par les protagonistes que dans leurs attitudes interactionnelles. Ainsi, dans ce corpus de romans de Rachid Boudjedra, les personnages connaissent un parcours assez identique en trois temps : une situation de conflit entre les personnages protagonistes puis un rapprochement des identités différentes et enfin un dépassement des différences créant ainsi une identité de la différence. Notre réflexion consiste à montrer que la construction du personnage transculturel dans les textes de Boudjedra témoigne de l’esthétisation d’une écriture encline au dialogue culturel. Nous indiquerons par ailleurs que le personnage transculturel porte en lui-même une problématique essentielle, celle de l’identité.

Mots-clés : Conflit, l’Altération, l’Altérité, identité de la différence, personnage transculturel.

Abstract: The encounter between the different characters in the texts of Rachid Boudjedra often depicts a complex and conflicting world. Upon analysis, we realize that the stranger-character is always perceived by the narrator-character as an Other and therefore likely to be a danger. This situation creates a permanent tension which is perceptible as much in the discourse produced by the protagonists as in their interactional attitudes. Thus, in this corpus of novels by Rachid Boudjedra, the characters experience a fairly identical path in three stages: a situation of conflict between the protagonist characters, then a rapprochement of different identities and finally an overcoming of differences thus creating an identity of difference. Our reflection consist in showing that the construction of the transcultural character in the texts of Boudjedra testifies to the aestheticization of a writing inclined to cultural dialogue. We will also indicate that the transcultural character carries within himself an essential issue, that of identity.

Keywords: Conflict, Alteration, Otherness, identity of difference, cross-cultural character.

Introduction 

Dans la plupart des textes de Rachid Boudjedra, le rapport interactif entre les personnages protagonistes est souvent un rapport assez complexe et conflictuel. Ainsi, dans ce rapport de force, le personnage-étranger constitue un point nodal dans la mesure où il est perçu par le personnage-narrateur, qui est souvent de culture arabo-musulmane, comme un Autre qui porte une culture à l’antipode des valeurs socioculturelles arabo-musulmanes. Ce personnage-étranger est susceptible d’être un danger au regard du narrateur. Cette situation crée une tension permanente perceptible entre les personnages protagonistes. Dans notre corpus, les rapports diégétiques entre les personnages connaissent souvent un schéma assez identique qui part d’une situation de conflit entre les personnages protagonistes telle que l’acquisition des valeurs traditionnelles arabo-musulmanes, la méfiance vis-à-vis de l’Autre, la subversion des excès de sa propre culture. Ensuite, il s’opère une altération identitaire qui ouvre la voie au rapprochement à l’Autre qui se caractérise par l’altérité, l’acceptation de l’autre. Enfin, à l’issue de l’étape d’altération, le personnage-narrateur se retrouve dans une situation transculturelle car il aurait acquis tout au long de son parcours d’autres identités. Il prend alors conscience de sa contingence culturelle mais a du mal, non seulement à identifier les éléments transférés mais aussi à se séparer d’eux. Cette situation explique bien la notion de l’« identité de la différence » (Bueno 7-22). En quoi consiste ce processus qui conduit à l’identité transculturelle ? Pour répondre à cette problématique, nous exploitons principalement l’approche transculturelle proposée par Hédi Bouraoui (2005) afin d’évoquer les différents fondements de l’identité transculturelle. Nous utilisons par ailleurs, des éléments de l’approche bibliographique pour mettre en exergue les caractéristiques de l’identité transculturelle chez les personnages de Boudjedra.

1. De « l’identité de la différence » de H. Bouraoui : une remise en question de l’identité de soi

La question de la différence des identités trouve son implication dans le terme adjectival « transculturel » qui semble mieux s’appliquer au niveau identitaire et esthétique. Il existe sémantiquement une relation d’opposition entre « identité » et « différence » mais cette relation d’opposition entre les deux termes renvoie à une seule et même réalité lorsqu’on utilise l’expression « identité de la différence » qui introduit une perspective nouvelle dans l’évaluation de la diversité, tout en lui conférant une qualité oxymorique pour lire et analyser les œuvres qui posent la problématique de la contradiction ou de la pluralité identitaire.

Ainsi, l’identité et la différence demeurent deux concepts-clés dans la fiction romanesque de Boudjedra car le rapport d’opposition entre ces deux termes implique le caractère de toute identité humaine, dont la composante essentielle est une étrangeté inconnue par laquelle nous sommes tous des êtres étrangers condamnés à l’étrangeté absolue (Bouraoui 14). La découverte de l’autre et de la différence entraîne la prise de conscience de cette étrangeté propre à tout homme et l’approche de l’autre n’est qu’une forme particulière de migrance. Et selon Boudjedra, l’écriture est la forme parfaite de l’expérience de migrance ; et à en croire l’auteur algérien un migrant est essentiellement un étranger.

La perspective transculturelle de Boudjedra est perçue à la fois comme une participation et une tension conscientes à l’échange entre les cultures du personnage autochtone et celui étranger. Souvent, ces protagonistes du récit envisagent ces échanges comme la manifestation d’une dynamique de « perte et gain » selon les termes de Tassinari entre la culture d’origine et la culture d’accueil (Tassinari 23). La notion d’évolution demeure à la base une perspective anthropologiquement très dynamique, puisque selon (Lamore 43-48) la notion de la transculturation n’est pas lié un moment ni à un facteur isolé, mais elle est bien un processus séculaire, constant, permanent. Ainsi, cette permanence dans le processus de construction de l’identité transculturelle revêt un caractère objectif et nécessaire.

Entièrement jouée sur le mode de la conciliation des contrastes, la notion de l’identité de la différence se révèle ainsi une approche efficace pour l’évolution du conflit engendré par le choc culturel, tant sur le plan de l’identité individuelle que sur celui interactionnel. C’est par ce choix que le personnage, en tant que sujet évolutif dans l’univers diégétique, arrive à transformer  les différentes identités acquises en une identité de la différence.

 Dans La Répudiation ou Printemps, Boudjedra fait adopter à ses personnages des caractères qui traduisent l’identité de la différence. Il présente la plupart de ses personnages-narrateurs comme des sujets perdus dans leur propre société, méconnus par eux-mêmes, énigmatiques et sans identité fixe. À ce titre, ces personnages sont sources de tous les maux sociétaux : violents, transgresseurs, homosexuels, lesbiennes, sadomasochistes, alcooliques, psychopathes entre autres. Aussi sont-ils à l’origine des conflits qui les opposent en permanence au clan islamiste. En réalité, ce statut de contingence des personnages subversifs a souvent un lien avec l’histoire puisque ces personnages se basent de façon remarquable sur l’histoire de la colonisation de leur pays, ou de la décolonisation, pour soit se méfier de l’étranger, soit fustiger tous les complices du Clan, qu’il considère comme une autre forme de colonisation.

Mieux encore, Boudjedra décrit l’espace diégétique des personnages-narrateurs comme un espace historiquement sous domination occidentale, ce qui engendre chez lui des transformations culturelles et identitaires, un phénomène qui serait à l’origine de leur transmutation identitaire[1] expliquant le fait qu’ils oscillent entre attirance et rejet de l’Autre. Cette attitude est d’autant plus manifeste chez Rachid que chez Teldj, des personnages que nous considérons comme des sujets essentiellement transculturels. Encore faudrait-il mentionner que le sujet transculturel est un sujet transcendant.

La représentation que le personnage transculturel Rachid fait de son amante étrangère Céline, dans La Répudiation, relève d’une approche transcendantale. La preuve en est que Boudjedra met en scène un monde fictivement complexe, composé de deux entités : d’une part, l’Algérie, encore attachée à une tradition patriarcale représentée par cette unité fondamentale qu’est la famille, et d’autre part l’Étranger, la France, symbole de la modernité agressive qui oblige à l’ouverture. Il faut, par ailleurs, préciser que le conflit entre Rachid et Céline est historico-social, celui d’une Algérie en quête d’une identité après sa tragique colonisation par la France, le pays d’origine de Céline. Et pourtant, il y avait quelque chose de commun entre ces deux personnages aux origines historiquement conflictuelles. Néanmoins, Boudjedra passe par des stratégies interculturelles pour créer des situations de réciprocité ou de confluence entre Rachid et Céline. Visiblement, Céline serait, elle aussi, répudiée par sa société d’origine, ce qui l’oblige à une immigration sur fond de la quête d’identité tout comme le narrateur Rachid. C’est en cela qu’elle ressemblait à Rachid, au niveau identitaire, « Céline me ressemblait ! J’étais double et elle l’était aussi » (15).

Ainsi, à partir de ce moment-là, toutes les relations interactionnelles entre Rachid et Céline vont changer. Désormais, le narrateur la désigne par les termes : mon double (15), ma congénère (16), mon amante (18). La négociation des identités étant faite, le narrateur, qui au départ résistait à la narration de son récit d’une enfance saccagée, a repris tout son esprit et adopta la disposition normale pour débuter son récit (19).

Pour réussir un tel exercice qui est à la fois exutoire et cathartique, la présence de Céline est cruciale, car si elle n’existait pas, Rachid ne pourrait trouver l’occasion de raconter ses souvenirs. Elle a pour fonction de délivrer la parole du narrateur : « Inutile de remâcher tout cela, disait-elle, parle-moi plutôt de ta mère… » (14) ; « Parle-moi encore de ta mère. » (16) ; « Raconte, disait-elle » (41). Souvent, pour montrer sa coopération l’amante semble désirer connaître la suite de l’histoire entamée, elle est loin d’être dévorée par la curiosité et donne l’impression de vivre un conte sans s’y impliquer puisqu’elle n’est pas un sujet parlant   (Maingueneau 71) mais un véritable embrayeur du discours de Rachid avec sa phrase injonctive assez récurrente dans le texte : « parle-moi ».  

Rachid, conscient du pouvoir coopératif qu’ont ses paroles sur son amante ne cessera, lui aussi, de parler. Il l’enchante par son éloquence pour mieux la retenir : « Je restais avec cette envie de la faire souffrir en l’enfermant dans un voile blanc où elle se fût trémoussée comme une pieuvre tentaculaire » (18).

De même, on retrouve une ressemblance presque congénitale entre Teldj et son amante espagnole Nieve comme le lui faisait savoir le facteur :

Mais un matin, le facteur sonna chez Teldj pour lui faire signer un recommandé et en bavardant il lui dit : « Tu sais que ta voisine s’appelle Nieve ? Il paraît que ça veut dire neige en espagnol. Elle s’appelle donc comme toi ! Vous portez le même prénom ! Amusant, non ! Et elle est espagnole ! Elle vient de Grenade. Ça, c’est marrant aussi, n’est-ce pas ? Grenade le pays de nos ancêtres andalous ! » (…) (Teldj = Nieve (en espagnol) = Neige !)  (Printemps 140-141)

Toutes ces ressemblances entre les personnages, pourtant issus de cultures diverses, ne sont ni anodines ni gratuites. Elles sont nourries de prétextes transculturels voulus par Boudjedra. La lecture de ces romans de Rachid Boudjedra nous entraîne donc vers un espace de désillusion intimement lié à l’éternelle confrontation des identités entre Européen / Africain, Colonisateur / Colonisé, entre l’ici / l’ailleurs, entre le Soi / l’Autre, Autochtone / Etranger, Homme / Femme, Sexe masculin / Sexe féminin, etc.Ainsi, à travers cette écriture empreinte de modernité, Boudjedra arrive à tracer un monde de rencontre et de reconnaissance des différences, voire une identité de différence. Il marque un tournant dans la représentation de l’Autre, un Autre qui se définit par le Soi aussi bien par la langue que par la culture notamment les valeurs relatives à l’histoire, à la politique, à la sexualité ; bref on accepte la manière dont l’Autre perçoit le monde et on le subit. Et tout cela se tisse dans un imaginaire complexe qui traduit l’identité transculturelle.

2. Les différents fondements de l’identité transculturelle

2.1. Les fondements biographique et social

L’œuvre romanesque de Rachid Boudjedra est un espace où se produisent des identités, c’est tout simplement pour l’auteur algérien le terreau des rencontres identitaires. La présente analyse s’intéresse aux fondements sociaux de la création en littérature et, plus précisément, à l’influence des différents cadres de socialisation d’un écrivain sur les modalités identitaires de sa pratique littéraire. À travers ces cadres, il se donne à voir des corrélations potentielles entre la forme esthétique du texte et ses contextes sociaux de réalisation (Harchi). Dans cette perspective, étudier le cas de l’écrivain algérien de langue française Rachid Boudjedra se révèle particulièrement intéressant. 

Investiguer sur les identités dans l’œuvre littéraire de Boudjedra nous conduit ainsi à considérer l’histoire intime et l’histoire collective comme le carrefour au détour duquel s’opère un ensemble de transpositions, de négociations et de réajustements qui, une fois mis au jour, sont susceptibles de révéler « les mécanismes de la fabrique littéraire », (Lahire 67). En nous appuyant sur un corpus constitué d’éléments biographiques, de textes romanesques et d’un ensemble de propos tenus par Rachid Boudjedra ainsi que de discours critiques relatifs à son œuvre littéraire, nous nous attacherons à comprendre les différentes constructions identitaires de l’écrivain. 

Lorsqu’on considère biographiquement, la trajectoire sociale de Rachid Boudjedra, il est observable qu’il s’est construit au fil du temps une identité sociale, marquée par une formation scolaire solide puisque né dans une famille bourgeoise, sa mère était une femme au foyer, occupée à élever ses trois enfants, deux garçons, une fille, et le père était, quant à lui, un riche commerçant. Rachid Boudjedra vit sa jeunesse à Ain Beida, dans la région des Aurès, en Algérie. Interrogé par Hafid Gafaïti, Rachid Boudjedra revient lui-même sur cette première période de sa vie :

J’ai d’abord été à l’école coranique à quatre ans. Ensuite l’école française à partir de six ans. Doublée d’un cursus d’arabe. C’est-à-dire que j’allais à l’école arabe le soir, à la sortie de l’école française. Cela me faisait une quinzaine d’heures à l’école par jour. Il faudrait rappeler que l’arabe n’était pas enseigné à l’école, pendant la colonisation française. Il y avait des écoles privées qui fonctionnaient le soir, qui étaient d’ailleurs gratuites mais financées par les dons des citoyens et des bénévoles. Cet apprentissage double se faisait à Ain Beida, dans le village où je suis né. (Gafaïti 13)

 Puis, Boudjedra entame des études à Constantine et poursuit ces dernières à Tunis, au collège Sadiki, alors réputé pour ses enseignements relatifs à la littérature, aux sciences, aux mathématiques. Souvent qualifiés de modernes, ils étaient dispensés en arabe ainsi qu’en français. À cet égard, l’écrivain précise :

Ensuite, mon père m’a envoyé au lycée de Tunis. J’ai été élève au collège Sadiki ; rien que pour faire des études où l’arabe était enseigné au même titre que le français. C’était un enseignement bilingue et élitiste. Tous les cours étaient doublés. Par exemple, nous étudions les maths en français et en arabe, les sciences naturelles aussi et ainsi de suite. Toutes les matières étaient enseignées obligatoirement dans les deux langues (Gafaïti 13-14)

Tous ces éléments paraissent être de bons indicateurs qui révèlent l’appartenance de Rachid Boudjedra à un univers social aisé où des capitaux, économiques notamment, ont pu être déployés afin de favoriser l’acquisition, par le jeune enfant, de compétences linguistiques et intellectuelles solides. Cet investissement parental et paternel, plus précisément en l’éducation du fils signale, d’une part, une conscience aigüe des possibilités d’ascension sociale qu’offre une scolarité réalisée au sein d’un établissement « élitiste » et, d’autre part, un savoir-faire stratégique susceptible de concrétiser l’ambition familiale. Cela nous semble d’autant plus remarquable, et donc significatif, que cette ambition s’inscrit dans un contexte colonial où le système de l’enseignement est le lieu privilégié d’exercice d’une domination symbolique en ce qu’il « vise principalement l’acculturation convenable de la main-d’œuvre destinée aux colons ou à l’émigration puisque l’école dispense tout à la fois : et les savoirs et les manières d’en bien user » (Colonna 128).

  L’environnement familial dans lequel Rachid Boudjedra a été amené à évoluer, dès l’enfance, se caractériserait ainsi par une capacité singulière de contournement des déterminismes sociaux que le système colonial faisait peser, à l’époque, sur une très grande majorité de la population algérienne. Ainsi, de l’identité sociale (ou familiale), en opposition au système colonial, le jeune Rachid, en tant que produit social, s’est construit une identité individuelle, celle qui l’oppose cette fois-ci à son père géniteur et, à travers lui, au système patriarcal fondé sur la religion.

    Par ailleurs, nous analyserons cette fois-ci une autre identité que l’auteur algérien s’est forgée sur les modalités de son engagement politique. Au tournant des années 1960, Rachid Boudjedra, alors âgé de 19 ans, fait le choix de prendre part au combat pro-indépendantiste. Sa lutte contre la présence française en Algérie revêt la forme d’un engagement militant marxiste, particulièrement actif. Il s’agit de l’identité politique. Voici de quelle manière l’écrivain en parle :

J’ai découvert le marxisme à dix-sept ans et j’ai tout de suite adhéré à cette idéologie parce que j’ai été un enfant rebelle. Rebelle à tout un contexte sociologique caractérisé essentiellement par les relations féodales qui existaient à l’intérieur de ma famille. L’hypocrisie, le mensonge et l’exploitation y régnaient d’une façon révoltante. Donc, très tôt, le marxisme m’a semblé comme une philosophie, une vision du monde qui s’opposait à cette féodalité familiale. Cela dans un premier temps, évidemment, et d’une manière presque sensitive, affective, sentimentale. Il y avait un terrain pour que je devienne marxiste. Par exemple mon père employait des centaines d’ouvriers et en les fréquentant j’ai pris conscience de l’exploitation et de l’injustice. J’ai été choqué tout jeune par le fait qu’un des ouvriers de mon père dormait dans les écuries avec les chevaux, à même le foin, hiver comme été. Surtout, surtout, j’ai été frappé par la situation des femmes à l’intérieur de la famille, par le mépris dans lequel elles étaient tenues, par leur passivité aveuglée, par leur peur. Du même coup, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de pourri dans cette façon d’être algérien au début des années 1950. (Gafaïti 25-26)

Et il ajoute, un peu plus loin :

Il y avait une situation propice à la compréhension de l’injustice sociale dans la mesure où du côté de ma mère la famille était très pauvre, alors que du côté de mon père elle était immensément riche. Donc, naturellement, j’ai été porté vers ma famille maternelle et en particulier vers mon grand-père que j’ai d’ailleurs connu très peu. Il est mort alors que j’étais un enfant d’à peine dix ans. En vivant à l’intérieur de cette contradiction, j’ai compris ce qu’était la sociologie politique. Les classes. L’exploitation. L’histoire. Mon grand-père maternel était un cheminot. Mon oncle maternel était lui aussi ouvrier. Cette opposition m’a amené à une certaine prise de conscience et je crois même qu’elle a été déterminante. Mais je n’en étais qu’au stade sensible. Mon grand-père et mon oncle maternels étaient communistes. Ils m’ont toujours fasciné parce qu’ils étaient très humains, très préoccupés par les autres et très originaux. Être communiste dans les années 1940, dans un village situé dans une région agricole très riche où les colons français et les féodaux algériens faisaient la loi, ce n’était pas n’importe quoi. Et puis après cette adhésion sentimentale, il y a eu, plus tard, l’adhésion consciente. À vingt-deux ans, j’ai adhéré au P.C.A. J’y suis resté fidèle ma vie durant puisque j’y suis encore aujourd’hui, sans interruption. (Gafaïti 28)

Ce qui nous semble particulièrement intéressant à noter, ici, est la manière dont Rachid Boudjedra, subjectivement, définit sa propre identité politique par constitution des faits d’histoire familiale et d’engagement marxiste. En effet, tout au long de son propos, l’écrivain ne fait que peu référence au contexte politique, pourtant très difficile, dans lequel était alors placée l’Algérie puisque de novembre 1954 à juillet 1962 faisait rage, dans le pays, une guerre de libération des plus violentes. En ayant recours à cinq reprises au terme «famille» et une fois seulement au terme « colon »,Rachid Boudjedra crée une relation à la fois directe et forte entre son expérience de l’injustice sociale observée et vécue au sein de sa propre famille et sa volonté de militer politiquement au sein du Parti Communiste Algérien. La sensibilité aigüe de l’écrivain à la problématique des conflits de classes semble ainsi s’être formée très précocement, à l’époque de l’enfance. En ce sens, la croyance en l’idéal communiste ne nous apparaît pas tant être une prise de position nouvelle et spontanée vis-à-vis de la problématique historique et coloniale mais plutôt le renforcement d’une posture ancienne à l’égard du thème de l’injustice.

Par la suite, grièvement blessé au genou, Rachid Boudjedra devient alors l’un des représentants du Front de Libération Nationale. S’engage alors pour lui une période marquée par de nombreux voyages en Espagne et en Europe de l’Est. Sur cette période, l’écrivain ne s’est que peu exprimé, si ce n’est en ces termes : « En tant qu’Algérien, je me suis trouvé très jeune confronté à la résistance anticolonialiste. J’ai vu la guerre de très près et cela m’a fait comprendre l’importance vitale de l’histoire » (35) ou encore : « J’ai été engagé et structuré très jeune dans la guerre d’Algérie » (36).

Nous voyons ainsi se tisser, dans le discours rétrospectif de Rachid Boudjedra, des associations d’identités individuelle et collective d’une part entre les réalités familiales et le fait colonial, et cela à travers une forme de connaissance personnelle et intime forgée au rythme des épreuves rencontrées ; et d’autre part un intérêt profond porté à l’histoire collective. Toutes ces données biographique et socio-historique auraient, comme dans tout processus de création, des implications sur l’œuvre romanesque de Boudjedra.

2.2. Le fondement de conflit : le rapport de force entre les personnages

A la lecture des textes du corpus, quatre personnages répartis deux à deux dans les romans du corpus représentent des figures de subversion. Ils ont été pratiquement révoltés par la même situation et partagent la même vision : celle de renverser les tabous et briser le fanatisme quel qu’il soit. Nous parlerons essentiellement des personnages tels que Rachid et Zahir dans La Répudiation, Teldj et Malika dans Printemps.

  • Rachid

Rachid est l’un des personnages narrateurs de La Répudiation qui a connu d’énormes tourments et hallucinations parce que sa mère est répudiée par Si Zoubir. À partir de ce moment, Rachid va haïr son père et tous les dignitaires de  l’Islam, de même que les préceptes de la religion musulmane. Il va décider d’affronter ceux qu’il juge désormais comme ses bourreaux. Son acte de subversion portera alors sur la religion, la politique et la sexualité à désacraliser les dogmes religieux, perçus comme système aliénant et castrateur(19-21) « Mon plaisir parricide béait. Tuer le chat, tous les chats » (139). Il se révolte contre son père pour venger sa mère. Il fantasme et aiguise son désir de parricide.

  • Zahir

Zahir est un personnage de La Répudiation, le frère aîné de Rachid. Ainsi, il partage la même conviction que Rachid. Lorsque Zahir déclare : « Je suis un mauvais musulman ». Au fond, l’adjectif « mauvais » dit tout sur le statut ou la position de Zahir vis-à-vis de l’islam. De surcroit dans l’énoncé « Zahir est un mauvais musulman », l’on en déduit la phrase négative « Zahir n’est pas un bon musulman ». Dans cette logique, on suggère que ce dernier ignore les préceptes de la religion musulmane ou simplement Zahir est « un mauvais pratiquant » : il transgresse les lois de la religion en s’autorisant l’alcool, la fornication, l’homosexualité, l’ataraxie, le refus de prier cinq fois par jours, et considère paradoxalementla Mecque comme un lieu de kleptomanes et d’hypocrites, etc.

De toutes ces analyses, nous remarquons que Zahir semble plus subversif que son frère Rachid puisque dans le texte la révolte contre le père et la religion semble être plus prononcée chez Zahir surtout à travers ses actes de profanation. Cet état de fait a conduit ce personnage à commettre lui aussi, des actes de fanatisme. Or, Boudjedra est déterminé à toujours combattre le fanatisme. Cela peut alors justifier la mort de Zahir dans l’intrigue.

  • Teldj  

La construction des personnages dans le corpus est quasi-identique. La révolte de Teldj contre les Islamistes va naitre de la décapitation de sa mère Selma par ces derniers. Les raisons de ce crime sont fondées sur un des préceptes idéologico-religieux qui interdisait strictement à la femme l’avortement, sous toutes ces formes. La mère de Teldj ayant violé cette prescription en pratiquant aux femmes des IVG (interruption volontaire de grossesse) comme on peut lire dans les pages 76 et 77 du Printemps « Selma (…) pratiquait l’avortement strictement interdit par la loi, pour venir en aide aux paysannes qui faisaient trop d’enfants pour complaire à leurs maris.»

Dans Printemps, Teldj décide, elle-même, de sa sexualité en choisissant d’être non seulement lesbienne mais surtout la pratiquer avec une femme non musulmane, May, une chinoise :

Elle [May] est nue et son corps, maintenant ouvert, exhibe la plaie du vagin. « Mon vagin médiocre donc qui pisse l’urine quotidienne et le sang menstruel, où le mâle a décidé depuis longtemps de fourrer son pénis et son nez pour l’éternité. Et c’est avec ça que les femelles font fonctionner leur coquetterie et leur séduction, alors que ce n’est qu’une lézarde anatomique, une fistule physiologique, un œil rouge et cyclonique qui régule le monde, quand même !  » (…) May est très belle aussi (…) Va-et-vient. Sa main agile farfouille dans son sexe. May est une fille espiègle. (Printemps 14-15)

L’homosexualité, le lesbianisme et autres actes de perversité sexuelle pratiqués par Teldj et ses amies la caractérisent comme un personnage subversif dans Printemps. Malika, l’autre personnage-narrateur de ce roman, est aussi une victime du fanatisme des islamistes.

  • Malika

La nymphomanie de Malika est d’abord provoquée par son excision, une pratique imposée aux jeunes filles pubères dans les sociétés traditionnelles. Ensuite, son viol par un vieil arabe. Ces faits vont provoquer chez ce personnage des traumatismes qui se manifesteront par de violentes crises d’hallucinations. Elle décide de se venger par son sexe donc par son corps.  Boudjedra décrit l’excision, exécuté rituellement avec les coqs, et le viol commis par les hommes sur les gamines comme des crimes alimentés par des fanatiques religieux. Ainsi, il animalise un de ces fanatiques, le vieil arabe qu’il compare à un coq noir :

Le coq noir (…) enfonçait son bec dans le vagin volumineux, comme bouffi, comme gonflé et dans tout ce qu’il trouvait dans cet espace cerné et limité par les deux jambes écartées de Malika, maintenue debout ou assise par deux ou trois femmes, picorait allégrement dans la motte chair incisée en deux parties égales de Malika (…) les chats faisant un cercle autour de la victime et prêts à miauler pour laper la première goutte de sang. (Printemps, 87-88)

A partir de ce viol, Malika perd sa dignité et va décider de mener une vie de débauche. Elle arnaque les bourgeois du clan en se servant de son sexe. L’escroquerie et la débauche sont devenues son quotidien en ville Elle n’hésite pas à user de la magie noire pour mieux dompter et dépouiller ceux qu’elle appelle désormais les bâtards de la civilisation, les islamistes. Comme ce fut le cas de Zahir dans La Répudiation, Malika est un personnage particulièrement subversif qui connaitra aussi un sort tragique. Elle se fait écraser par un Tramway.

A l’issue de nos analyses, nous retenons qu’il existe dans les deux romans de notre choix des personnages subversifs. L’auteur offre d’ailleurs des personnages symétriques de par la similitude de leurs actes et de leurs sorts. Zahir et Malika semblent plus subversifs que Rachid et Teldj. Cela donne deux visions de la subversion : la subversion constructive qui propose un idéal social et celle négative qui a conduit les sujets comme Zahir et Malika à la fatalité et à la mort. Tous ces actes de vengeance donnent à tous ces personnages des traits subversifs car, l’on présume que le but pragmatique de ces actes est de briser les tabous sociaux en s’attaquant à tout ce qui est considéré comme sacré. Ce positionnement de chacun de ces personnages subversifs produit subséquemment des discours subversifs.

2.3. Le fondement de l’altérité : Le regard du personnage-narrateur sur l’étranger(e)

  • Rachid / Céline

            Rachid est un jeune algérien qui raconte le récit de la répudiation de sa mère. Cette répudiation sera le point de départ des péripéties et d’images d’une enfance traumatisée. Le jeune Rachid grandit dans le giron des femmes recluses, entouré de la tendresse d’une mère terriblement solitaire, analphabète qui a quand même su lui léguer son goût à la culture arabo-berbère. Dans l’empire et sous l’emprise d’un père polygame et féodal, Si Zoubir, le jeune narrateur connaîtra des blessures.

Déjà cette brève présentation du personnage permet de dégager deux identités chez Rachid narrateur. La première est sociale et liée à sa collectivité, il est Algérien et musulman. La seconde est individuelle parce que née de l’en Soi du narrateur. Il est un révolté contre la figure du père, du clan et de la religion au nom de laquelle sa mère est répudiée. A ce titre, il se considère étranger dans son clan.

Céline, un personnage féminin du roman, est Française et a immigré en Algérie. Elle aussi est une étrangère à la quête de soi pour combler ce vide identitaire en elle. En dépit des différences socioculturelles, Céline, la Française, est l’amante étrangère de Rachid. Ainsi dans l’énoncé : « Il fallait que je la défende, car elle était, elle aussi, une victime au même titre que les autres femmes du pays dans lequel elle était venue vivre » (La Répudiation 13).

À travers le mot « victime » dans cet extrait, nous comprenons d’office que Céline serait, elle aussi, une femme répudiée par sa patrie, la France. Cela justifierait son aventure pour la quête d’identité.  Or, précédemment, à l’issue de la répudiation de sa mère, Rachid s’est dit : « Je ne voulais pas être en contradiction avec les principes que j’avais forgés tout au long de mes cauchemars et où les femmes jouaient toujours des rôles très importants ». (13)

En fait, Céline aurait connu le même sort que la mère de Rachid, en cela il s’est créé un rapprochement qui favorise l’altérité entre Céline et Rachid. Céline, l’amante étrangère, est désormais une figure qui définit l’en Soi de Rachid. La preuve en est qu’elle devient l’embrayeur de la narration en demandant à Rachid, à chaque fois que le besoin se faisait sentir, de reprendre le récit de la répudiation.

 Céline constitue alors une figure incontournable dans la construction du discours par son interlocuteur Rachid. Le texte précise même que la relation qui existe entre Rachid et Céline est devenue très intime par le fait du discours. Déjà au début du récit, Rachid disait que Céline était son « amante », ensuite son « semblable », par ailleurs son « double » et finalement sa « maîtresse », sa « congénère » ou son « amante Française » (213). Alors nous considérons que cette ressemblance n’est pas anodine.

On peut aussi trouver les raisons de la coexistence entre Rachid-narrateur et Céline dans les données paratextuelles qui, constituent des indices référentiels non négligeables en analyse du discours. Ainsi, à la faveur de quelques sources biographiques (Gafaïti 35), Boudjedra fit sa soutenance sur l’un des chefs d’œuvre de l’écrivain français Louis-Ferdinand Céline[2], lui aussi, un écrivain exclu et marginalisé dans son pays la France. Boudjedra dans la vie réelle s’est marié à une Française. Tous ces indices extratextuels justifieraient le fait que Boudjedra a adopté finalement Céline comme un alter ego. De ces analyses, nous pouvons en déduire que l’altérité est donc une réalité existentielle entre Rachid et Céline.

  • Teldj / Nieve

Il est vrai que dans le contexte de mondialisation actuel, les rapports entre les cultures deviennent de plus en plus fréquents et revêtent toutes sortes de configurations : échanges, confluences, influences, frictions, voire conflits. Or, la littérature demeure de loin le lieu emblématique où certaines questions portant sur l’interculturel sont posées et trouvent souvent une réponse.  Dans Printemps, Teldj va porter un regard sur ses voisins immigrés. C’est en cherchant à connaitre les vraies causes d’immigration de ses voisins que Teldj va ressentir le désir d’altérité.

Au départ (p.9), les rapports entre Teldj et les voisins immigrés étaient très complexes et tendus justement parce qu’elle ignorait culturellement ses voisins. Elle les trouvait d’ailleurs bizarres et grossiers, par conséquent elle les haïssait. Jusque-là, nous supposons que ce personnage est dans la non-altérité. Mais, quelques temps après, ce qui a rapproché Teldj de ses voisins a été les langues étrangères dans lesquelles communiquaient les voisins quand ils parlaient au téléphone :

Ils téléphonaient ou plutôt ils hurlaient, dans leurs appareils portables, leurs consignes ou leurs ordres à des interlocuteurs installés, certainement, dans les bureaux à Londres, à Barcelone, Paris, Moscou, Dubaï, Shanghai ou New York. » ; « Ainsi et sans le vouloir, Teldj apprit quelques phrases de russe et quelques bribes d’allemand, et elle perfectionna son anglais et son espagnol. Mais ce qui l’agaçait le plus c’était ce dépotoir qu’était devenu la terrasse qu’ils occupaient. (Printemps 9.)

A partir de ces instants, Teldj relativise l’image qu’elle avait de ses voisins tout au départ.  Dès lors, un processus d’interaction, d’échange et de réciprocité est enclenché. Tout comme le souligne Carmel Camilleri « On parlera d’interculturel lorsqu’apparaît la préoccupation de réguler les relations entre ces porteurs [porteurs de systèmes différents], au minimum pour réduire les effets fâcheux de la rencontre, aux mieux les faire profiter de ses avantages supposés » (Camilleri 35), Teldj comprit elle aussi que ses voisins, immigrés ou expatriés, n’en étaient pour rien parce que cela pouvait arriver à tout le monde. Elle se rappelait qu’elle aussi « avait passé deux années en Chine, à enseigner la langue et la civilisation arabes à l’Université de Shanghai, grâce aux échanges culturels ».

Mis à part, ce premier aspect d’altérité rendue possible par l’enseignement des langues et la réciprocité culturelle, Teldj aura une autre interaction avec Nieve, sa nouvelle voisine espagnole qui occupait la terrasse après le départ de cette horde d’immigrés.

Cette fois-ci, Teldj ayant des prédispositions à l’altérité, tout semble aller vite. Rappelons que, tout comme les autres personnages-narrateurs de Boudjedra notamment Rachid et Zahir, Teldj porte en elle une révolte contre sa société, sa culture et sa religion depuis la décapitation de sa mère par les islamistes. Ainsi, le désir de réformer cette société est béant en elle. Elle voulait cette « société ouverte, c’est-à-dire d’une société faisant le pari de construire ses performances sur l’échange, la diversité et le respect » (Badie et Sadoun 18-19).

L’altérité entre Teldj et Nieve est non seulement physique mais aussi biologique malgré leurs différences. Teldj (Algérienne) et Nieve (Espagnole) portent les mêmes prénoms qui renvoient à un même référent dans chacune des langues. Leurs prénoms signifient « Neige ». Les deux jeunes femmes sont toutes nées en janvier en plein hiver et dans la même année 1984. Elles ont le même âge : 30 ans. Elles partagent les mêmes passions, les mêmes caractères (83). Autant de coïncidences naturelles et culturelles qui rapprochent les deux femmes qui finiront par s’aimer, s’ébattre afin de manifester leur altérité.

De toutes ces analyses fondées sur l’altération et l’altérité des personnages dans les deux romans, nous avons pu constater que chacun des personnages porte en lui une identité individuelle ou sociale selon son histoire. La compréhension des systèmes culturels et sociaux de l’Autre, conduit chacun d’eux à une adaptation identitaire sur un format qui ne ressemble ni à l’identité de départ ni à celle acquise grâce au système de croisement avec l’Autre, c’est justement en cela qu’il devient un sujet transculturel (Kanga 7-21).

Conclusion

A l’issue de l’analyse des romans du corpus de Rachid Boudjedra, nous réalisons  que le personnage, pris comme une donnée de création, constitue dans le texte de Boudjedra un prétexte de reconfiguration sociale. D’abord, il se présente comme une figure de conflit pour des raisons de divergence culturelle, historique et parfois même sexuelle. Ensuite, de ce conflit, comme dans toute situation de choc, le personnage subit un phénomène d’altération à force de frotter ses stéréotypes avec ceux de l’Autre. Ainsi, il se modalise, se transfigure et finalement cède à l’altérité. Et justement, l’altérité, en tant que paramètre de négociation et de contingence des différences, favorise enfin chez le sujet-personnage l’émergence d’une identité de la différence qui n’est en réalité qu’une identité de transcendance culturelle mettant ainsi la conscience culturelle du sujet transculturel dans une zone intermédiaire. Ainsi, la démarche bouraouienne de l’identité se fonde sur un moi « écartelé » qui se métamorphose de façon dynamique et qui harmonise le self et le pour-soi des altérités. Nous sommes donc en face d’un nouveau type de personnage que nous tentons de nommer « personnage transculturel ». Au demeurant, l’on résume le processus transculturel ayant conduit à la construction du personnage transculturel comme suit : Conflit-Altération /Altérité-Identité transculturelle. Ce processus peut faire l’objet d’analyse encore plus profonde pour son amélioration, cependant ce dont l’on est sûr est que les nouvelles écritures francophones sont de plus en plus caractérisées par les regards croisés, les rapprochements culturels, la reconnaissance des différences comme élément de diversité et non de conflit, la naissance d’une identité transfuge dénudée de toute individualité et narcissisme culturocentrique.

Travaux cités

Alemdjrodo, Kangni. Rachid Boudjedra, la passion de l’intertexte, Bordeaux, P.U.B. Pessac, 2001.

Belhabib, Assia. « Une poétique de l’interculturel : entre littératures francophones d’ici et d’ailleurs, Université Ibn Tofail », Maroc, 2010.

Bertant, Badie et Marc, Sadoun (dir). L’Autre, Presses de Sciences Po, 1996.

Boudjedra, Rachid. Praxis et catharsis chez Louis-Ferdinand Céline, DES, La Sorbonne, 1967.

———– La Répudiation, Paris, Denoël, 1969.

———– Printemps, Alger, Barzakh, 2014.

Bouraoui, Hédi. Transpoétique. Eloge du nomadisme, Ontario, Mémoire d’encrier, 2005.

Buono, Angela. « Le transculturalisme : de l’origine du mot à « l’identité de la différence » chez Hédi Bouraoui », in Revue internationale d’études canadiennes N° 43, 2011.

Bronckart, Jean-Paul et al. Le fonctionnement des discours : un modèle psychologique et une méthode d’analyse, Paris, Delachaux et Niestlé, 1985.

Camilleri, Carmel. « Le relativisme, du culturel à l’interculturel », in L’individu et ses cultures, L’Harmattan, 1993, volume 1.

Colonna, Fanny. Instituteurs algériens (1883-1939), Alger, Presses de la Fondation Nationale des sciences politiques et Offices de publications universitaires d’Alger, 1975.       

Coulibaly, Adama. « Critique transculturelle dans le roman africain francophone : Aspects et perspectives d’une théorie », Annales de l’Université Omar Bongo, N° 17, 2012.

Diop, Papa Samba. Fictions africaines et postcolonialisme, Paris, L’Harmattan, 2002.

Gafaïti, Hafid. Boudjedra, ou la passion de la modernité, Paris, Denoël, 1987.

Grenier, Eugène. La berbérie, L’islam et la France, Paris, Ed. de l’Union Française, 1950.

Kanga, Arsène Konan. « Le roman transculturel francophone, un roman des convergences d’écritures », in Rhésus, 2011.

Kaoutar, Harchi. « La création littéraire au carrefour de l’histoire intime et de l’histoire collective », mis en ligne le 26 février 2015, consulté le 26 avril 2021.

Maingueneau, Dominique. Éléments de linguistique pour le texte littéraire, Paris, Bordas, 1986.  

Molley, Koffi Litinmé. « Appendice sur la transculturalité », Lomé, Université de Lomé, 2020.

Tassinari, Lamberto. « Sens de la transculture » Le projet transculturel de Vice Versa. Actes du Séminaire international du CISQ, Rome, 25 novembre 2005.

Comment citer cet article :

MLA : Akakpo, Kokouvi Jean-Paul. « De l’identité du personnage transculturel dans La Répudiation et Printemps de Rachid Boudjedra ». Uirtus 2.1. (avril 2022) :  370- 387.


§ Université de Lomé / [email protected]

[1] Romuald Fonkoua cité par Anissa Talahite-Moodley, Problématiques identitaires et discours de l’exil dans les littératures francophones, Ottawa, Les Presses de l’Université d‘Ottawa, 2007, p. 1.                                                   

[2] Rachid Boudjedra, Praxis et catharsis chez Louis-Ferdinand Céline, DES, La Sorbonne, 1967.

Résumé (La gouvernance des politiques publiques de protection sociale des enfants au Sénégal)

Rama Diallo Tall§

Résumé : Au Sénégal, la gouvernance et la production de l’action publique dans les politiques de protection sociale de l’enfant sont exécutées par plusieurs acteurs. Cet article analyse les dynamiques qui existent dans cette gouvernance polyarchique sur ces politiques. Cette coproduction et cette gouvernance polyarchique est une arène où les confrontations, les interactions, les luttes, les conflits, les compétitions entre acteurs contribuent à la progression de la vulnérabilité de l’enfant. Les résultats obtenus montrent que les multiples interactions entre les acteurs fragilisent les interventions. Les pratiques et les attitudes dans la prise en charge de l’enfant s’inscrivent dans des logiques différentes. La gouvernance polyarchique constitue un frein dans les réalisations des politiques publiques de protection sociale de l’enfant. 

Mots-clés : Gouvernance polyarchique, action publique, protection sociale, vulnérabilité, interaction.

Abstract: In Senegal, the governance and production of public action in child social protection policies are carried out by several actors. This article analyzes the dynamics that exist in this polyarchic governance over these policies. This polyarchic co-production and governance is an arena where confrontations, interactions, struggles, conflicts, competitions among actors contribute to the progression of the child’s vulnerability. The results obtained show that the multiple interactions between the actors weaken the interventions. Practices and attitudes in the care of the child are part of different logics. Polyarchic governance constitutes a brake to the achievement of such policies.

Keywords: Polyarchic governance, public action, social protection, vulnerability, interaction.

 

Introduction

Les études africanistes sur les politiques publiques ont été longtemps le point aveugle de la recherche d’après les chercheurs (Eboko 4). Pendant une trentaine d’années, les études politiques sur l’Afrique se sont focalisées sur l’idéologie et la gouvernance des Etats postcoloniaux (Eboko 4). Ainsi, son processus tardif de prise en compte en Afrique a attendu la disparition de l’Etat post colonial africain organisée et financée par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Ce n’est qu’en 2000, que l’analyse des politiques publiques en Afrique a connu sa genèse et elle est mobilisée pour rendre compte de l’émergence dans le continent.

À l’exception de certains anthropologues qui ont abordé les politiques publiques en mettant l’accent sur les jeux des acteurs au niveau local, national ou international, il y a eu la multitude de travaux dont l’attention a plus souvent été portée sur les politics et la polity que sur les policies (Eboko 4). Cependant, depuis peu, l’étude de la gouvernance et des politiques publiques est devenue un objet de recherche à part entière. Ce regain d’intérêt, est caractérisé par des interrogations sur l’action publique et les rapports entre l’action collective et les politiques publiques. Et surtout son rôle dans l’analyse des politiques publiques qui était de questionner le rôle historique de l’Etat et sa capacité à gouverner la société. Au fil des années, l’analyse de l’action publique change de perspective pour tenir compte de la multiplication des acteurs, liée au transfert de compétences et de ressources vers d’autres niveaux de gouvernement.

  1. Contexte

La nouvelle perspective sur les transferts de compétences montre que l’État n’est plus le seul acteur de l’action publique et de l’exécution des politiques publiques d’où la réactualisation et le re-questionnement de la gouvernance de l’action publique. Au Sénégal, cette nouvelle perspective de l’action publique est récente et nous la retrouvons dans les politiques de protection sociale de l’enfant. En effet, les questions concernant la protection sociale de l’enfant sont exécutées par plusieurs acteurs. Elles offrent en quelque sorte « un schéma très dynamique, au sein duquel se déploient les anciennes alliances, les nouvelles affiliations, les désaffiliations et les stratégies globales » (Eboko 4).

Nous considérons que beaucoup d’action publique et de politiques publiques vont mêler dans leurs actions des acteurs publiques et non publiques. De manière spécifique, nous remarquons que l’action publique sur les questions de protection sociale de l’enfant est coproduite à plusieurs niveaux, du global au local. Cette coproduction entraîne une gouvernance plurielle. Autrement dit, la protection sociale de l’enfant au Sénégal devient une organisation sociale où les confrontations, les interactions, les luttes, les conflits, les compétitions entre acteurs contribuent à l’accroissement de la vulnérabilité de l’enfant. Ce regain d’intérêt soulève la question de savoir si l’Etat est absent ou incapable de mener à bien son rôle de protecteur ?

Dans cette optique, cet article analyse clairement les groupes et les acteurs qui fondent et qui font l’action publique et la gouvernance de la protection sociale de l’enfant au Sénégal. D’une certaine façon, nous analysons les politiques en termes de gouvernance, de confrontations, de négociations, d’intérêts et de dynamique des interactions. L’objectif est de décrire, d’analyser et d’expliquer les dispositifs qui structurent la production de l’action publique autour de la protection de l’enfant en faisant d’une part la description des politiques publiques de protection sociale de l’enfant et d’autre part en mettant l’accent sur les formes de gouvernance auxquelles elles donnent lieu dans la prise en charge de l’enfant.

Dès lors, il urge d’analyser les politiques publiques de protection et l’action publique en faveur de l’enfant car il est paradoxal de voir tout ce dispositif institutionnel ainsi que les acteurs en présence autour de l’enfant et que cela ne permet pas de résorber le problème de vulnérabilité de cette catégorie. La capacité de gouvernance, l’efficience des approches, la cohérence des modes et la synergie des acteurs offrent une opportunité d’analyse de la production de l’action publique aux segments les plus bas de la communauté et des échelles d’interventions. L’Etat central et local et ses collaborateurs seront au centre de ces ethnographies à Dakar, Louga et Saint Louis dans le cadre de cette recherche. 

Un nouveau modèle de régulation s’impose, il est polyarchique (plusieurs centres de pouvoir), avec de multiples scènes de négociation et la présence d’un grand nombre d’acteurs. Parmi ces acteurs, nous voyons de plus en plus souvent apparaître des opérateurs privés dotés de leurs propres logiques d’action et d’intérêts. Par ailleurs, de nombreux acteurs publics sont susceptibles d’intervenir selon les circonstances du moment et les hasards des rencontres. La scène d’action tend donc à s’élargir au point de devenir fluctuante. Dans le cadre d’un même programme d’action publique, et sur un même territoire, on peut retrouver toute une série d’acteurs et de niveaux d’action impliqués. A ce titre, nous sommes confrontés à des formes de gouvernance à multiples niveaux. Ce sont des combinaisons multiples et complexes de financements croisés, de contrats institutionnels, de conventions et d’alliance entre des acteurs très diversifiés. Les interactions autour de la protection sociale de l’enfant supposent de plus en plus aussi des espaces de dialogues entre acteurs et un partage de l’institution publique à tous les niveaux (local, national, international). Nous pouvons dès à présent parler de gouvernance polyarchique. Ces acteurs s’activent pour apporter une réponse à la souffrance quotidienne des enfants mais la situation montre que des efforts doivent être encore faits. Ces constats nous poussent à nous poser un certain nombre de questionnements : quelles sont les dynamiques qui existent dans la gouvernance polyarchique des politiques de protection sociale des enfants au Sénégal ?  Comment les acteurs structurent l’action publique et influent chacun en fonction de son approche à la gouvernance de la protection sociale ?

  1. Méthodologie

La recherche s’est déroulée à Dakar, St Louis et Louga (Coky). Le choix de ces zones n’est pas fortuit. Nous avons fait des études de cas pour chaque zone de l’enquête. La méthode qualitative a été privilégiée en raison de nos objectifs : cartographier les acteurs et les domaines d’interventions, décrire et expliquer les mécanismes, les pratiques de protection sociale et les modes de gouvernance en montrant les enjeux, les contradictions et les stratégies. La technique mise en exergue est l’entretien l’observation et l’analyse de contenu. L’avantage est de trianguler nos données, le recours à ces techniques de recueil de données citées, permet de recueillir les informations sur la production et la structuration de l’action publique des politiques de protection sociale de l’enfant au Sénégal et sur la gouvernance multi niveaux avec les enjeux, les pratiques et les attitudes.

L’étude a concerné les acteurs de la protection sociale de l’enfant, les parents, les enfants et les maîtres coraniques. Notre cible principale est le groupe constitué par les acteurs intervenants dans la protection sociale qu’ils soient étatiques, non étatiques, organismes nationaux, internationaux, communautaires pour comprendre les représentations, les dispositifs, les pratiques, les attitudes et les mécanismes mis en place pour les enfants aussi les modes de gouvernance, les enjeux, les collaborations. Les cibles secondaires sont les parents, les personnes ressources, les enfants, les maîtres coraniques pour appréhender les représentations, les croyances, le rôle, les besoins des enfants, la participation à l’élaboration des politiques.

  1. Les modèles appropriés

Nous avons accordé une place importante à l’interactionnisme dans la mesure où les dimensions telles que l’interaction, la collaboration, le pouvoir, la négociation et la confrontation nous intéressent pour mieux comprendre le processus dans lequel se réalisent les dispositifs de protection sociale de l’enfant. Cette recherche montre comment les différents acteurs développent des interactions entre eux à travers des jeux de rapports et des situations concrètes. Par référence à Mead, nous pouvons estimer que c’est à travers la dynamique des interactions que l’on peut saisir le sens du jeu des acteurs (Mead). Dans la mesure où nous sommes en face d’une interaction entre acteurs du publique et acteurs d’exécution de proposition et de contre-proposition (Eboko 5), ce courant permet de décrire les processus d’interactions entre les différents acteurs et les enjeux de ces interactions.

L’analyse stratégique nous sert aussi de cadre pour étudier les logiques d’actions et les stratégies que dégagent les acteurs de la protection sociale. Cette théorie telle que conçue permet d’analyser la stratégie et le pouvoir des acteurs à partir d’une situation donnée et démontre comment les acteurs bricolent, négocient, construisent les stratégies et les rapports de pouvoir à travers le clientélisme, le réseautage, la domination etc. Les enquêtes exploratoires ont montré que les différentes structures développent des stratégies d’action pour obtenir de la part des bailleurs un financement. Des écarts et des contradictions ont été notés et c’est ce que J. P. O. De Sardan explique « qu’il y a des écarts importants entre les normes officielles qui régissent les institutions et les comportements réels des agents et ils sont loin d’être respectés » (De Sardan 4).

  1. Résultats

4.1. Les acteurs et les actions : entre engagement et enjeu

La question de l’enfance et le système de protection sociale sont au cœur des politiques et programmes de plusieurs acteurs dont plusieurs ministères et organes de l’Etat, les organismes, les organisations communautaires et la société civile. Ces dernières années, la multiplication des organisations et structures de protection de l’enfant est surprenante, plus de 200 répertoriées et autant d’autres qui œuvrent dans l’ombre. Certes, il est considéré comme un engagement national mais plusieurs facteurs montrent qu’il y a des enjeux. Ce qui nous a poussé à vouloir questionner les enjeux qui existent dans la création d’une structure pour enfant tant du plus haut niveau de l’échelle qu’au plus bas et surtout désigner qui est « acteur ou sujet de l’enfant ».

Les acteurs interpellés sur ces enjeux expliquent que :

cette floraison d’acteurs et d’actions ne constituent pas un engagement mais une source de survie et d’enrichissement pour ces acteurs. Ils ne s’activent pas pour le compte de l’enfant mais pour leur propre compte, déjà, dès que les bailleurs financent ou appuient, les 80% du budget vont dans la logistique et le fonctionnement (location bureau, voiture, carburant, salaire) et les activités envers l’enfant se contentent des miettes qui semblent insuffisantes.

Selon cet acteur rencontré à Dakar : « séne boop rekk le gnou fi nékal, (ils ne sont là que pour eux-mêmes), ils se sucrent derrière le dos des enfants, certains vivent pour l’enfant et d’autres vivent de l’enfant ».

L’analyse de ces propos nous édifie sur le paradoxe qu’il y a dans l’émergence des différentes politiques, programmes et projets de protection de l’enfant et sur la persistance de la souffrance de l’enfant au Sénégal. Ces deux explications interpellent les logiques et les conditions de création d’une structure pour l’enfance. Nos investigations en ce sens ont révélé qu’il n’y a pas de dispositif de contrôle et de suivi pour la plupart des structures.

Nombreuses de ces organisations développent des pratiques et des attitudes selon les différentes approches qui concernent la protection sociale de l’enfant. La construction de la prise en charge par les différents acteurs montre qu’il existe plusieurs contraintes car chaque structure ou acteur développe sa propre stratégie et sa ligne de conduite de prise en charge.  Même si certaines actions sont bien visibles et ont permis d’améliorer et de protéger l’enfant, cette pluralité d’acteurs favorisent dans les pratiques institutionnelles comme communautaires, des chevauchements et des contradictions. Ces contradictions sont plus visibles du plus haut niveau de l’échelle surtout dans les services étatiques.

 

 

4.2. Des interventions et interactions qui fragilisent le dispositif

D’abord la cartographie des acteurs de la protection sociale de l’enfant montre qu’il existe une pluralité d’acteurs. Ils sont étatiques, non étatiques et communautaires. Les acteurs construisent leurs propres approches de prise en charge. En effet, au niveau étatique, les interactions des acteurs s’inscrivent dans une absence totale de cadre de concertation et dans un cloisonnement des rapports. Cet état de fait reflète la configuration des rapports entre acteurs étatiques au niveau national.

De manière générale, le ministère de la famille, de la femme et de l’enfance est l’exécutant principal de la protection sociale de l’enfant. Cependant, dans l’exercice de cette fonction, d’autres acteurs étatiques s’attribuent d’autres mandats et responsabilités sur la protection de l’enfant et ne sont pas nécessairement en coordination entre eux. Notre recherche démontre en ce sens qu’au sein du ministère de tutelle, le ministère de l’enfance, il existe un manque de consensus entre les différentes directions comme celle de la protection des groupes vulnérables et celle de la petite enfance. Les acteurs travaillent de façon isolée et ne disposent pas d’indicateurs clefs si ce n’est que l’indicateur « enfant ».

A part la dislocation des actions au niveau du ministère de tutelle, nous avons d’autres ministères qui interviennent dans la protection de l’enfant. Ces départements ministériels exécutent eux aussi des programmes en faveur de l’enfant dont certaines activités sur le terrain sont totalement ignorées par le ministère de tutelle. Ces interventions sectorielles même si elles semblent être des avancées pour les différents ministères concernés, nous avons noté des dédoublements sur les actions et cela ne favorise pas la pérennisation des actes de protection sociale de l’enfant. Le manque de coordination, de stratégies et de protocoles d’actions communs influence sur la collaboration des acteurs étatiques et entravent dans l’obtention de bons résultats en matière de protection sociale de l’enfant.

            Au niveau non étatique, les acteurs concernés sont les partenaires techniques et financiers, les organismes. Leurs interventions s’inscrivent dans une reconnaissance sur les actions menées. En ce qui concerne les partenaires techniques et financiers et les organismes, les interactions sont plus structurées. Il existe rarement ou quasiment pas de compétition ou de rivalité dans leurs actions. Ils travaillent sur des thématiques propres à chacune et dans des zones spécifiques. Ces organisations sont considérées comme expertes dans le domaine dans lequel elles s’exercent. Leur collaboration n’est pas basée sur une reconnaissance dans les interventions mais sur une relation stratégique.

Cette stratégie est propre à chacune d’elles autrement dit chacune des ONG est organisée selon sa propre logique de fonctionnement. Elles collaborent et coordonnent certaines de leurs activités dans le but de partager des résultats et d’obtenir des indicateurs de référence. Le jeu de la collaboration repose sur des enjeux, sur une relation de situation présente. Toujours dans le même sillage, la collaboration se limite à des invitations, à des ateliers ou activités de restitution de rapports d’enquête.

Au niveau communautaire, les interventions sont influencées par les priorités des bailleurs. En effet, les acteurs fondent leurs actions par rapport aux exigences des bailleurs dans l’optique d’accéder aux fonds. Leurs interventions s’inscrivent dans une relation stratégique et dans une logique de (re)positionnement. En revanche, même si leurs interventions s’inscrivent dans une absence totale de synergie, elles sont considérées plus dynamiques par la communauté. Cela peut s’expliquer par leur approche micro lors du déroulement des activités.

Les interactions des acteurs font référence dans notre recherche à la structuration du dialogue, la configuration, les méthodes, les démarches, la collaboration entre les échelons (local, national, international). Nous affirmons à partir de ces données, que ces interactions entre acteurs de la protection sociale de l’enfant ne suivent pas un processus commun, elles sont éparpillées et contradictoires et fragilisent les interventions dans la prise en charge de l’enfant.

4.3. Les logiques des acteurs dans les pratiques de prise en charge de l’enfant

L’ethnographie des pratiques de prise en charge de l’enfant montre que le processus s’articule à deux niveaux dans les localités où l’étude s’est effectuée : le niveau institutionnel et le niveau communautaire. Nous observons l’existence de différentes logiques et stratégies étant donné les niveaux de l’échelon qui coproduisent les pratiques.

À Saint Louis nous avons noté qu’entre l’intervention institutionnelle et communautaire, les pratiques répondent aux préoccupations de l’acteur concerné. La dynamique montre :

  • l’implication de la population dans la prise en charge des questions touchant l’enfant : santé, éducation, protection,
  • la collaboration entre la mairie, les services décentralisés, les organisations communautaires de base et la population à travers les Comités Départementaux pour la Protection de l’Enfant, les conseils de quartier et les comités de quartier
  • et l’engagement communautaire à travers la prise en charge communautaire et l’initiative Ndéyuu daara (maman du talibé).

À Louga plus précisément à Coky, nous retrouvons le même scénario concernant le processus dans les pratiques. Cependant, le contexte religieux influe dans les interventions à adopter. Il y a la présence de plusieurs organismes internationaux et nationaux. La précarité de la zone de Louga reflète la configuration sociale de la population et leurs conditions de vie. En effet, la situation nutritionnelle de la zone incite les interventions à se focaliser dans ce domaine. Autrement dit, les attitudes et les pratiques dans la protection sociale de l’enfant tant au niveau institutionnel que local sont axées sur l’éducation, la santé et la nutrition.

À Dakar, nous avons la centralité des décisions dans la prise en charge de l’enfant au niveau national même si nous retrouvons des délégations de pouvoir.  Nous retrouvons la présence de tous les ministères et les bureaux régionaux des organismes. Dakar est la zone pilote en ce qui concerne les projets et programmes.

L’hypothèse selon laquelle les pratiques et attitudes des acteurs dans la prise en charge de l’enfant s’inscrivent dans des logiques différentes est confirmée. En effet, à Saint- Louis, Louga, Coky et Dakar, les pratiques de protection sociale de l’enfant sont exécutées par plusieurs acteurs. Ainsi, les logiques qui sous-tendent ces pratiques sont régies par un certain nombre de facteurs : d’abord la typologie de l’acteur, la structure (institutionnelle ou communautaire) et la particularité de la zone d’intervention. À ce titre, les logiques se conforment aux relations qu’entretiennent les acteurs. Chaque acteur de la protection sociale de l’enfant crée sa propre logique d’action individuelle et/ou collective dans un souci de reconnaissance, de (re)positionnement et d’obtention de ressources financières à travers des pratiques clientélistes, informelles, népotisme et de réseautage.

 

4.4. La gouvernance polyarchique, un frein dans la réalisation des politiques de l’enfant

La gouvernance dans les politiques de protection sociale de l’enfant offre une multitude de négociations en scène et un grand nombre d’acteurs. Elle mêle dans notre recherche les acteurs du privé et les acteurs du public. Ces acteurs se lancent dans des combinaisons multiples et complexes. De manière générale, cette gouvernance polyarchique se soumet aux règles établies, mais créée en dessous des moyens de contournement. Ces aspects montrent que différents acteurs assurent la délivrance des biens et services en faveur de l’enfant.

Dans cette recherche, la gouvernance suppose l’implication des usagers et des bénéficiaires à la gouvernance et à la délivrance des biens leur concernant. Cependant les résultats démontrent les effets pervers de cette gouvernance polyarchique que sont : la non-participation, le partage et la gestion de l’information. Les bénéficiaires estiment que les programmes des acteurs ne répondent pas à leurs besoins, ils ne participent pas aussi à l’élaboration des projets et programmes. Dans certains cas où l’enfant participe, il est juste mis en contribution dans la mise en œuvre mais n’est pas acteur dans la décision. Cela s’explique par le fait que le cadre culturel et social n’est pas encore favorable à une participation de l’enfant dans les projets les concernant. De plus, les contradictions qui relèvent de la conception des politiques à l’exécution et à l’évaluation soulèvent le débat sur les limites des politiques publiques qui ne correspondent pas le plus souvent aux réalités sociales et à la demande sociale. Les résultats montrent que la gouvernance polyarchique est à l’origine des contre-performances et aux conduites solitaires dans l’exécution et la réalisation des politiques.

4.5. Le rôle des organisations « régulatrices » dans la cohésion des acteurs et des actions

Les organisations régulatrices dans la protection sont censées réguler les actions concernant la protection sociale de l’enfant au Sénégal et coordonner les interventions des acteurs. Leurs rôles sont de coordonner, de contrôler, de mettre en place une stratégie transversale pour la protection de l’enfant et de veiller à l’amélioration des services sociaux de base de l’enfant. Ces organisations que nous avons nommé « régulatrices » sont des coalitions qui regroupent un ensemble d’acteurs étatiques, non étatiques, communautaires, société civile, personnes ressources travaillant dans le secteur de la prise en charge de l’enfant.

La plus connue est la Coalition Nationale en Faveur de l’Enfance qui regroupe plus de 200 associations et organisations et qui opère sous la tutelle de plusieurs partenaires stratégiques. Cependant, les activités de la Coalition Nationale en Faveur de l’Enfance ne sont pas reconnues dans l’unanimité par les acteurs de la protection sociale de l’enfant, c’est pourquoi, il y a eu la création de la CAPE (Coalition des Acteurs de la Protection de l’Enfant) qui elle aussi constitue un cadre fédérateur qui regroupe en son sein plusieurs acteurs et dont les dirigeants sont des personnes ressources très qualifiées dans la protection enfantine.

À côté de ces deux organisations, il y a la CAPE (Cellule d’Appui à la Protection de l’Enfant) créée et rattachée à la présidence mais dont le rôle est fortement décrié par les associations locales dans nos zones de recherche. Ces associations ne se sentent pas concernées par les activités de la CAPE dont le rôle initial était de constituer un fort leadership autour des différentes parties prenantes sur la question de l’enfant. La CAPE n’assure pas pleinement le rôle qui lui est attribué car les défis concernant le renforcement des capacités, le développement des compétences, la mobilisation de ressources, la coordination entre les multiples acteurs ne sont pas effectives.

Les organisations « régulatrices » pouvaient assurer une bonne prise en charge des questions de l’enfant au Sénégal si elles réussissaient à relever les nombreux défis qui freinent l’effectivité des politiques publiques de l’enfant et qui rendent toujours la persistance de la vulnérabilité de l’enfant. Beaucoup de défis non atteints sont dus à une mauvaise gouvernance des systèmes de protection sociale de l’enfant, à l’appropriation des politiques et aux écarts dans les normes officielles sur les délivrances de services. Ces aspects nous permettent d’interroger les modes de gouvernance et la structuration de l’action publique autour de la question de la protection sociale de l’enfant.

4.6. Analyse de la gouvernance des politiques de l’enfance à l’épreuve du développement

Parler de la gouvernance et de la production de l’action publique autour de la protection sociale de l’enfant au Sénégal revient à apporter des réponses sur comment se passe le processus de gestion et de délivrance des politiques publiques de protection sociale de l’enfance au niveau central et au niveau local. Au préalable, l’objectif était de faire une analyse des dynamiques qui structurent l’action publique autour de la protection sociale de l’enfant et à la gouvernance et d’analyser les modalités de délivrance de biens et services publiques.

Nos explorations nous ont amené à découvrir que dans la gouvernance des questions concernant l’enfant, l’Etat du Sénégal n’est pas le seul acteur et qu’il existait d’autres modes de gouvernances établis par d’autres acteurs non étatiques. De Sardan explique pour illustrer l’existence de plusieurs modes de gouvernance que la fonction particulière de l’action collective, de l’autorité ou de la régulation longtemps associée à l’Etat, est aujourd’hui mise en œuvre par d’autres types d’institutions et d’acteurs (De Sardan 8).

En ce qui concerne notre recherche sur la gouvernance et la production de l’action publique dans les politiques de protection sociale de l’enfant, la gouvernance désigne les divers dispositifs de délivrance des biens et services établis par les acteurs de la protection sociale de l’enfance. La gouvernance dont il est question ici donc apparaît comme la description de nouvelles gestions publiques qui tout en étant variées possèdent des principes communs. Elle questionne et renvoie aux actions de l’Etat et à d’autres institutions. La gouvernance explique comment les relations de pouvoir se manifestent et comment les services de biens et services collectifs sont délivrés aux usagers. La délivrance de biens et services passe par la conception de politiques publiques et ces politiques sont vues comme le déroulement logique d’un programme d’actions, impulsé par une décision initiale prise par les autorités publiques.

Cependant, comme le souligne Favre « …Il y a d’autres domaines où l’on est bien en présence d’actions ou de politiques mais qui ne sont pas des actions publiques ou des politiques publiques » (Favre). Ces explications montrent que dans les politiques et les actions délivrées, des relations de pouvoir se manifestent et la gouvernance au quotidien démontre les services et biens délivrés aux bénéficiaires qu’elles soient publiques ou privées. Autrement dit, nous nous retrouvons devant diverses formes de politiques et d’actions exercées par une multitude d’acteurs.

Au Sénégal, ces cinq dernières années sont marquées par l’émergence de plusieurs politiques et actions publiques comme privées en faveur de l’enfance. Les nouvelles pratiques de protection sociale de l’enfance élaborées pour l’enfant sénégalais ne sont pas adoptées à l’unanimité et cela peut s’expliquer par la mal gouvernance autour de ces politiques. En effet, il existe tout un processus : de la conception, à l’élaboration des politiques, à l’acceptabilité, l’appropriation, à l’adaptation et aux différents modes de gouvernance qui se créent. Cependant, il existe plusieurs contraintes liées à ce processus et influent sur l’appropriation et l’acceptabilité des nouvelles pratiques de protection sociale de l’enfance.

En effet, si nous prenons par exemple la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq, beaucoup de parents interrogés sur la question ont préféré adopter d’autres stratégies de prise en charge sanitaire outre la gratuité en choisissant le mode payant. Cette réaction suscite des questionnements étant donné que la gratuité est bénéfique pour les parents, pourquoi choisir de payer pour soigner son enfant. Ces attitudes sont expliquées par le fait que les parents ne sont pas satisfaits de la qualité des soins qu’octroie cette politique de gratuité. Au niveau des hôpitaux et des districts, souvent l’attente pour obtenir des soins d’urgence et le manque d’infrastructures font que des stratégies de contournement sont optées. Mais, il faut signaler que même si les assurances, les Institutions de Prévoyance Maladie (IPM) envoient leurs malades dans les cliniques, en cas de complication majeure l’hôpital est la destination finale car même s’il manque d’infrastructures, il renferme le potentiel en expérience dans divers cas de pathologies.

Au niveau de l’éducation, des progrès ont été accomplis avec l’augmentation de la part allouée à ce secteur dans le budget national et l’extension des infrastructures, des programmes, des projets et des politiques dans le domaine de l’éducation. A cela s’ajoute l’augmentation des taux brut de scolarisation et des taux d’achèvement, l’implantation de nombreuses écoles à proximité des habitations, la réalisation de l’inscription des enfants dans le préscolaire. Certes, l’école sénégalaise absorbe un budget assez consistant ce qui est rassurant par rapport aux normes internationales mais ces aspects n’ont pas réussi à relever les défis et les disparités existants dans le secteur. Certaines politiques en faveur de l’éducation des enfants rendent l’enfant vulnérable surtout les jeunes filles et maintenant les garçons.

La politique de l’achèvement qui consiste à maintenir l’enfant pendant cinq années au primaire jusqu’en cours moyen 2 est décriée par certains leaders de la protection sociale de l’enfance qui estiment que c’est une mauvaise politique. En effet, la politique de laisser passer l’enfant en classe supérieure sous réserve d’une bonne moyenne même avec l’échec à l’examen fait que beaucoup d’enfants se retrouvent sans diplôme après l’échec à l’examen du baccalauréat. Ainsi, l’enfant perd 15 ans de sa vie car se retrouve sans diplôme et sans qualification professionnelle. Cette conséquence de la politique d’achèvement impacte la vie de l’enfant. Il y a aussi après l’exécution des objectifs du millénaire pour le développement en 2015 et l’arrivée des ODD (objectifs de développement durable), il est inconcevable que l’on retrouve des abris provisoires dans les établissements scolaires alors que le pays parle de l’Education Pour Tous et du maintien des enfants à l’école.

Le secteur de l’éducation sénégalais renferme un système qui absorbe plusieurs problèmes et beaucoup de polémiques : les écoles coraniques. Ce système est considéré comme le parent pauvre du secteur éducatif sénégalais. Des milliers d’enfants fréquentent les écoles coraniques et la plupart mendient pour survivre. D’innombrables politiques en faveur des daaras issus de l’Etat, des organismes, de la Société civile ont été initiées. Cependant le problème majeur des écoles coraniques demeure dans la gouvernance de ce système qui selon un Maître Coranique est un véritable lobbying où Maître Coranique et acteurs de la protection de l’enfance se confrontent.

Nous avons noté lors de notre enquête qu’il avait une floraison d’associations, de projets et de politiques d’appui aux daaras (école coranique) et à ses pensionnaires. Ces acteurs proposent des plans d’actions pour améliorer la situation des écoles coraniques mais la gouvernance des actions est parcellaire car chaque acteur agit en solitaire alors qu’ils ont le même domaine d’intervention. En plus de ces faits, les principaux concernés c’est-à-dire les Maîtres Coranique ne participent pas à l’élaboration des différentes politiques élaborées ce qui fait la plupart d’entre eux sont réticents et méfiants envers les intervenants. Ces réactions sont dues aux différentes approches qui résultent d’une gouvernance clientélisme, informelle et favoritisme car les politiques, les stratégies sont celles des bailleurs le plus souvent sans adaptation socio culturelle. Le projet de modernisation récemment initié a subi beaucoup de critiques liées à son élaboration, à sa conception et à son adaptation. La lettre de politique sectorielle de 2009 précisait que la politique de modernisation des daaras devra permettre l’insertion socioprofessionnelle de certains talibés d’une part, et d’autre part la mise en place de passerelles pour l’intégration de ceux d’entre eux présentant des aptitudes pour le circuit franco-arabe formel ou classique. Cette politique assurerait également une plus nette démocratisation du système éducatif dans un souci d’équité puisque ces daaras seront intégrés dans l’école formelle. Dans ces daaras modernes, l’État déterminera et réglementera en effet le programme, la formation et les normes relatives aux enseignants, ainsi que les exigences en matière de sécurité et d’hygiène. Les écoles seront soumises à des inspections effectuées par des agents de l’État et, si elles ne respectent pas les normes, ordre pourra leur être donné de fermer. La mémorisation du Coran s’y effectue en général en trois ans et mène à l’enseignement franco arabe ou à l’école française. L’Inspection des daaras précise que le daara moderne prend en charge les enfants dès l’âge de 5 ans. La scolarité s’étale sur 8 ans et se déroule en trois étapes.

Toutefois, si tel est l’objectif de ce projet, le problème se situe où ? Pourquoi la réticence des Maîtres Coranique sur le refus d’être modernisés ? Ils nous ont révélé que le problème résidait d’abord sur le terme de « modernisation des daaras ». Autrement dit, ils sont gênés par le terme utilisé. Un directeur d’un Institut Islamique explique :

les termes comme modernisation, réaménagement peuvent constituer des blocages pour l’adoption de ce projet, des problèmes d’interprétation et d’acceptabilité peuvent surgir car certains refuseront de changer leur mode d’enseignement et de perception sur le daara. D’autres termes pouvaient être employés comme renforcement, amélioration et cela prendrait en compte la prise en charge et l’appui des daaras sur les plans sociaux, culturels et pédagogiques. Des modèles de daara déjà en place dans le système ont réussi à faire des avancées sans l’appui du projet ou de l’Etat. Ce sont les daaras comme Pire, Coky etc.

Ces propos montrent la réticence des acteurs qui est due à la mauvaise gouvernance de la question du projet de modernisation. Les daaras traditionnels pouvaient être des modèles ou des pilotes et associer les initiateurs de ces structures pouvaient rendre cette politique plus effective. Il y a aussi le fait que la connaissance de la logique de fonctionnement et du mode de régulation interne des daaras n’est pas partagée par tous les acteurs de la protection de l’enfance.

Le troisième domaine qui nous intéresse est la protection avec ses nouvelles dispositions de protection sociale. Des efforts ont été entrepris dans le cadre de la protection à travers des engagements pour renforcer l’assistance de l’enfant. Les ratifications des codes, des conventions, des chartes sont des avancées en matière de législation mais cela n’a pas permis de lutter de lutter contre la discrimination, la vulnérabilité et les disparités de l’enfant. Depuis 2013, l’Etat a mis en place le programme des bourses de sécurité familiale qui consiste à fournir des allocations trimestrielles de 25000 FCFA aux ménages dans une situation d’extrême pauvreté. Certes, la bourse permet aux ménages de résoudre certains problèmes mais les critères d’inclusion ont fait des exclusions sociales. Les critères pour bénéficier de ces bourses sont : l’inscription et le maintien des enfants à l’école, le respect du calendrier de vaccination et l’enregistrement à l’état civil. Cependant, cette initiative pouvait inclure d’autres cibles comme les maîtres coraniques, les enfants travailleurs qui subviennent aux besoins de leurs familles et qui ne bénéficient d’aucun système de protection et de gestion des risques.

Au Sénégal, plusieurs textes contenus dans le Code de la famille, le Code de procédure pénale, le Code de procédure civile se sont consacrés dans la protection de l’enfant. Malgré ces mesures préventives, la violation des droits de l’enfant persiste. C’est pourquoi un projet portant sur le Code de l’enfant est en cours, qui une fois votée va corriger certaines disparités et discriminations qui sont dans nos lois comme la définition de l’âge de l’enfant et l’interdiction de la mendicité sous toutes ses formes.

Un acteur nous explique que :

les textes ne fixent pas l’âge de l’enfant. L’enfant est définit comme tout être humain âgé de moins de 18 ans et cela est valable aussi pour l’âge au mariage. Le Code de la famille sénégalaise fixe l’âge au mariage à 16 ans. D’autres lacunes notamment la tolérance de la mendicité dans les lieux de culte alors que il faut interdire et légiférer la mendicité sous toutes ses formes. Le principal est la suppression des dispositions de l’article 285 du code de la famille relatives à la tolérance des châtiments corporels dans le cercle familial pour le respect de l’intégrité physique des enfants.

Autre fait à souligner, la transposition des modèles de politiques, de programmes, de projets des occidentaux qui ne répondent pas à nos réalités socio culturelles. Les politiques publiques de protection sociale doivent répondre aux préoccupations majeures des populations cibles (différentes catégories d’enfants) et tenir compte des convictions, aspirations, pratiques, attitudes des questions touchant l’enfant. Il convient dans une vision prospective de définir ce qui est possible, réalisable et dans quelles conditions ou mesures les bénéficiaires et la communauté peuvent participer aux décisions et aux actions les concernant.  Il faut que les besoins des enfants soient pris en compte tout le long du processus car il existe des écarts, des contradictions entre les problèmes de protection exprimés et ce que l’on retrouve dans le système de protection élaboré.

Conclusion

À l’issu de l’analyse des données, nous avons retenu que c’est la floraison d’acteurs, de politiques, de projets, de programmes, l’absence de coordination et de synergie dans les interventions, attitudes et pratiques qui font que la vulnérabilité de l’enfant sénégalais persiste. Ce défaut de concertation et de coordination des actions se manifeste par des difficultés à initier une action unitaire comme le cas de l’éducation non formelle c’est-à-dire les daaras où le problème de la reconnaissance juridique fait toujours débat. Sur le plan institutionnel, les rapports mentionnent l’absence d’une définition claire des responsabilités au niveau des services étatiques intervenants. Les stratégies solitaires entraînent un climat de méfiance réciproque et de manque de confiance tel qu’il est difficile d’élaborer une vision commune et partagée. Dans les collaborations, les acteurs ne jouent pas le jeu mais plutôt sur l’enjeu tant les intérêts et préoccupations personnels priment sur l’intérêt collectif.

Les limites des politiques demeurent dans quatre points essentiels :

  • D’abord au niveau du cadre juridique, il y a une non effectivité des lois, un non-respect des textes et surtout le caractère ambigu de certains textes.
  • Ensuite dans le dynamisme des acteurs, on note un foisonnement d’investissement, une utilisation non rationnelle des ressources, un manque de concertation dans les décisions, une absence de mécanisme de suivi et évaluation et de synergie des acteurs (reproduction des mêmes activités, rivalités, conflit etc.), acteurs téléguidés dans leurs interventions par les bailleurs.
  • Puis le cadre fédérateur manque de dynamisme et il y a une faible maitrise de la situation de référence.
  • Enfin au niveau du cadre social, il y a une non-participation des bénéficiaires à l’élaboration des politiques, une non prise en compte des pesanteurs socio culturels.

Il conviendrait pour le bien-être de l’enfant au Sénégal d’ériger un cadre de référence plus dynamique pour les interventions et mettre en place un dispositif de suivi évaluation commune pour les différents acteurs et cela en adoptant un code d’éthique pour tous les acteurs pour éviter les dispersions dans les actions qui rendent le plus souvent l’enfant vulnérable. Il faut aussi l’implication des enfants (conception, mise en œuvre et suivi évaluation) et promouvoir le partenariat ministère, ONG, leaders communautaires, chercheurs des universités et des centres de recherche.

La protection sociale suppose une législation en phase avec les normes internationales, un environnement national adéquat et des plans et programmes compatibles avec la réalité du pays. La juridiction constitue aujourd’hui le domaine dans lequel nous dénombrons de nombreuses failles dans la protection des enfants. En y regardant de plus près, nous constatons de manière générale que l’environnement dans lequel sont définies les lois relatives à la protection de l’enfant permet de constater la nécessité d’une remise en question de l’ensemble de la juridiction sur l’enfant. L’acte majeur à promouvoir est la cohérence des politiques qui constituera la première protection de l’enfant pour tendre vers un développement.

 

Travaux cités

De Sardan, Jean Pierre Olivier. 2008, « A la recherche des normes pratiques de la gouvernance réelle en Afrique. » Discussion Paper 5, 23p.

———. 2009 « Les Huit modes de gouvernance locale en Afrique de l’Ouest. » Working Paper 4, 56p.

Eboko, Fred. 2015 « Vers une matrice de l’action publique en Afrique ? Approche trans-sectorielle de l’action publique en Afrique contemporaine. » Questions de recherche 45, 40p.

Favre, Pierre et  Schemeil, Yves, 2003, « Qui gouverne quand personne ne gouverne ? » in Être Gouverné. Etudes en l’honneur de Jean LECA, Paris : Presses de Sciences-po. 376p

Mead, George Herbert. 1963, L’esprit, le soi et la société. PUF Paris, 329p

Rapport : Paquet, programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence, secteur éducation 2013-2025.

Rapport : Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale 2013-2017, Sénégal.

Rapport : Stratégie Nationale pour la Protection de l’Enfant, 2012.

Tall, Rama Diallo. 2018, Gouvernance et politiques publiques de protection sociale de enfants au Sénégal, Thése de doctorat, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, 318 p.

 

Comment citer cet article :

MLA : Tall, Rama Diallo. « La gouvernance des politiques publiques de protection sociale des enfants au Sénégal ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 51-69.

 

Résumé (La gouvernance des politiques publiques de protection sociale des enfants au Sénégal)

Au Sénégal, la gouvernance et la production de l’action
publique dans les politiques de protection sociale de l’enfant sont
exécutées par plusieurs acteurs. Cet article analyse les dynamiques qui
existent dans cette gouvernance polyarchique sur ces politiques. Cette
coproduction et cette gouvernance polyarchique est une arène où les
confrontations, les interactions, les luttes, les conflits, les compétitions
entre acteurs contribuent à la progression de la vulnérabilité de l’enfant.
Les résultats obtenus montrent que les multiples interactions entre les
acteurs fragilisent les interventions. Les pratiques et les attitudes dans la
prise en charge de l’enfant s’inscrivent dans des logiques différentes. La
gouvernance polyarchique constitue un frein dans les réalisations des
politiques publiques de protection sociale de l’enfant.
Mots-clés : Gouvernance polyarchique, action publique, protection
sociale, vulnérabilité, interaction.

Résumé (Une vie de bonne ou les employées de maison maliennes à Niamey)

Abdoulaye Seidou§

Résumé : Cette contribution analyse les conditions des travailleuses domestiques, d’origine malienne, à Niamey (la capitale du Niger). Il examine les mobiles de l’aventure des migrantes, leurs itinéraires, les multiples stratégies d’adaptation aux réalités socioprofessionnelles du milieu d’accueil et leur mode d’organisation. L’étude est fondée sur la méthode qualitative avec comme techniques les entretiens semi directifs, les récits de vie et l’observation directe. Des documents écrits, sonores et audio-visuels ont complété les autres sources d’informations. L’échantillon exemplaire est constitué d’employées et d’employeurs.  L’intérêt scientifique du travail réside dans la mise en évidence de la capacité d’une communauté étrangère, féminine et jeune de surcroît, à investir dans un domaine professionnel concurrentiel, puis à y occuper une position quasi-hégémonique, dans des ménages bien déterminés. L’article a découvert que la motivation essentielle des bonnes est la recherche de revenu pour subvenir à leurs besoins et à ceux de la parentèle villageoise. L’emploi est acquis par intermédiation, mené dans l’informel et souvent au prix de maints sacrifices.

Mots-clés : migrantes, domestiques, travail, profession, employeurs.

 

Abstract: This paper analyzes the conditions of domestic workers of Malian origin in Niamey (the capital of Niger). It examines the motives for the migrants’ adventure, their itineraries, the multiple strategies for adapting to the socio-professional realities of the host environment, and their mode of organization. The study is based on a qualitative method using semi-structured interviews, life stories and direct observation. Other sources of information were supplemented by written, audio and audio-visual documents. The sample consisted of female employees and employers. The scientific interest of the work lies in highlighting the capacity of a foreign community, female and young at that, to enter a competitive professional field, and then to occupy a quasi-hegemonic position in it, in well-defined households. The paper found that the primary motivation for the maids is the search for income to support themselves and their village relatives. Employment is acquired through intermediation, conducted informally and often at great sacrifice.

Keywords: Migrant Women, Domestic Workers, Work, Profession, Employers

 

Introduction

La Communauté urbaine de Niamey est la huitième région du Niger. Elle est également la capitale du pays. Les diverses activités économiques qui y sont pratiquées en font un pôle d’attraction par excellence. Elle est constituée de cinq arrondissements communaux, divisés en quartiers. Certains ménages, en raison de leur statut relativement privilégié, recourent aux services de travailleurs domestiques dont la situation intéresse aujourd’hui toutes les sciences sociales (Destremau B. et Lautier B., 2002). En plus, la domesticité, qui est un phénomène mondial, est intimement liée aux migrations nationales et internationales (Moya J., 2007).

Ainsi, au Niger, outre les domestiques d’origine locale, se trouvent, sur le marché du travail, des employées de maison provenant des pays étrangers, notamment le Mali. Aussi est-il loisible de savoir les raisons de l’aventure des travailleuses migrantes. La principale motivation, qui constitue le postulat de cette étude, est la recherche d’un revenu en vue de la satisfaction de leurs besoins et de ceux des parents du pays de départ. Pour atteindre cet objectif, elles suivent des trajectoires variées.

À Niamey, elles sont recrutées dans l’informel selon plusieurs canaux. Elles s’acquittent de tâches multiples et multiformes, parfois cumulativement, devenant, de ce fait, des « servantes globales », global servants (Parreñas R. S., 2001). Ces travaux sont exercés dans des conditions souvent difficiles. Pour s’adapter aux réalités du milieu d’accueil (faites de concurrence parfois interne et avec les bonnes autochtones), les employées de maison, originaires du Mali, développent de nombreuses stratégies qui les rendent incontournables pour certains foyers à la structuration et au mode de vie requérant leurs prestations.

Cette étude a pour ambition d’examiner leurs conditions matérielles et morales, à travers leurs rapports avec les employeur-e-s ainsi que les autres acteurs (les intermédiaires, par exemple). Elle est axée autour de deux rubriques : 1) la méthodologie ; 2) les résultats et la discussion, déclinés en trois chapitres : a) les mobiles de la migration et les itinéraires des bonnes maliennes ; b) leurs conditions de travail et de vie ; c) le décryptage de leurs stratégies adaptatives.

  1. Méthodologie

Le présent travail privilégie la méthode qualitative, autrement dit, il met l’accent sur le sens, la signification des discours et des réalités observées.

En l’absence d’une base de sondage, la technique de l’échantillonnage non probabiliste a été utilisée pour les deux principaux groupes. Ainsi, un échantillon exemplaire de vingt travailleuses domestiques, d’origine malienne, a été retenu. Autrement dit, ce qui est important au niveau de la sélection n’est pas la quantité des individus mais plutôt leur exemplarité en raison de la méthode qualitative adoptée. Elles proviennent majoritairement de la région de Mopti. Leur âge est compris entre 13 et 35 ans. Elles sont réparties sur les cinq arrondissements communaux de la ville de Niamey où elles exercent leurs activités. Le choix des cellules familiales d’accueil a mis l’accent sur des variables comme la catégorie professionnelle et la taille des ménages. Les enquêtées ont été rencontrées soit sur leurs lieux de travail, soit dans des concessions, servant d’espaces de rassemblement.

Dix employeur-e-s (deux par arrondissement communal) ont été interviewé-e-s à leurs domiciles, à l’issue de rendez-vous. Les patrons-nes sont essentiellement des hauts et moyens cadres de l’administration ainsi que des fonctionnaires d’organismes internationaux basés à Niamey. Des épouses de grands commerçants ont été également recensées : les maliennes ne travaillent pas dans des foyers pauvres.

Les guides d’entretien individuel, destinés à chaque groupe, ont été administrés pour recenser les diverses réactions. Quelques personnes ressources (logeurs, observateurs) et d’autres acteurs (intermédiaires) ont été aussi interrogés, souvent de manière informelle.

Des documents écrits (ouvrages, thèses, mémoires, articles), audio-visuels, relatifs au sujet, ont été consultés afin de comprendre le phénomène étudié à travers ses multiples dimensions. En effet, au-delà de leur similitude, les situations de travail, les profils des domestiques sont divers et les formes de domesticité plurielles.

Des séances d’observation directe (parfois participante, du fait de la sélection de notre ménage) des conditions de travail de certaines bonnes, à leurs postes, ont été réalisées durant le mois de septembre 2021. Elles visent à compléter les données issues des entretiens. Une grille d’observation a été prévue à cet effet en vue de relever divers aspects de la domesticité.

Pour mieux appréhender les réalités du séjour des employées maliennes à Niamey, il convient de présenter et de discuter les résultats obtenus à l’issue des investigations.

  1. Résultats et discussion

Dans cette partie, sont analysés successivement : a) les motivations des migrantes et leurs itinéraires ; b) la condition domestique sous toutes ses facettes ; c) les stratégies adaptatives mises en œuvre par les bonnes maliennes.

2.1. Les mobiles de la migration de travail et les itinéraires

La mobilité des employé-e-s domestiques et leurs trajectoires ont intéressé de nombreux auteurs (Comoé E. F., 2005 ; Dahdah A., 2010 ; Freitas A. et Godin M., 2013). En Afrique de l’Ouest, il est établi, aujourd’hui, que la migration de travail n’est plus l’apanage des hommes. C’est le cas, actuellement, de la cinquième région du Mali : Mopti. Selon un leader de la communauté malienne à Niamey (Entretien réalisé le 09/09/2021 avec B. G. à Niamey), les filles et femmes rurales de cette zone se déplacent à intérieur de leur pays et vers d’autres destinations internationales dont le Niger (particulièrement Niamey, la capitale) pour des raisons diverses.

2.1.1. Une ambition unique mais des logiques plurielles 

La mobilité spatiale des femmes est sous tendue par une aspiration. Pour Oumarou (2015 : 321), la recherche d’un travail salarié en est la « motivation globale ». Cependant, selon lui, cette ambition cache en réalité des « logiques plus individualisées, liées pour l’essentiel au statut matrimonial de la migrante ou à son âge, à son groupe socio-culturel ou à la nature de son réseau social » (2015 : 321). Ce constat, relatif à une zone du Niger, est également observable chez les travailleuses migrantes du Mali.

En effet, pour toutes les enquêtées, le motif de l’aventure est la pauvreté ambiante qui sévit dans le milieu rural où se vêtir décemment, voire payer du savon pour la toilette devient parfois un luxe. Cette réalité incite même les hommes (la plupart agriculteurs) à quitter les villages pour les centres urbains du Mali ou d’autres contrées proches (Burkina, Côte d’Ivoire, Niger, Algérie, Libye, par exemple) voire lointaines (Europe, Asie, notamment). Les chefs de ménages, incapables de prendre en charge leurs épouses, même au village, les négligent quelquefois durant leur séjour à l’extérieur. Ceci contraint les femmes mariées à choisir la migration comme issue. Le récit de cette répondante illustre la situation :

J’ai 25 ans. On m’a mariée à l’âge de 15 ans à un parent âgé de plus de 3 ans que moi. Mon père est cultivateur. Il a une femme et une seule enfant, moi-même. Mon mari est cultivateur, marié déjà à une femme. Il a une expérience de migration avant le mariage à Bamako et à Sikasso. Au cours de notre vie commune, qui a duré 5 ans, j’ai eu un garçon avec lui. Après, il est parti en Italie, puis en France en passant par le Niger et la Libye qu’il a quittée avec son patron pendant la guerre. Mais, pendant tout son séjour   en Europe, il ne m’envoie rien. J’ai quitté sa famille pour aller chez mon père. Puis, j’ai décidé, sans son accord, de partir à l’étranger chercher du travail. (Entretien réalisé le 12/09/2021 avec M. K. à Niamey)

Les jeunes filles, elles, migrent généralement en vue de la constitution du trousseau de mariage. Son acquisition requiert de multiples sacrifices surtout lorsqu’elles sont orphelines ou issues de familles modestes. En plus, selon une enquêtée, « ce ne sont pas tous les fiancés qui aident leurs futures épouses » (Entretien réalisé le 13/09/2021 avec A. A. à Niamey), d’autant plus qu’elles ne connaissent pas souvent les hommes auxquels elles sont ‘’réservées’’ dès le bas âge. 

D’autres raisons sont avancées par les deux catégories de travailleuses. Il s’agit d’abord du mimétisme car les migrantes de retour font étalage des biens rapportés du séjour dans les pays d’accueil. Cela pousse alors celles restées au village, qui arrivent difficilement à joindre les deux bouts, à entreprendre l’aventure migratoire. Ensuite, sont mentionnés les mariages arrangés. Des filles, mariées à des hommes dont elles ne sont pas amoureuses parfois, fuient le village avant ou après la célébration des noces. Cette situation est appuyée par ce récit : « J’ai quitté clandestinement le village après ma première semaine de mariage parce que je n’aime pas l’homme à qui on m’a donnée. J’ai peur de retourner chez lui » (Entretien réalisé le 13/09/2021 avec H. Y. à Niamey). 

À travers cet acte, les fugueuses espèrent jouir d’une certaine liberté et s’assurer d’une autonomie financière, gage de respect dans le milieu d’origine à l’image de celles qui ont séjourné à l’extérieur. Pour une enquêtée, beaucoup de migrantes, au retour, n’acceptent plus les conditions d’avant, en raison de leur indépendance économique et d’esprit, acquise à l’étranger. La migration féminine joue ainsi une fonction de promotion socioéconomique pour les concernées. Mais l’itinéraire des filles et femmes, qui choisissent Niamey comme ville d’accueil, n’est pas souvent linéaire.

2.1.2. Des trajectoires parfois sinueuses ou le parcours du combattant

Des travaux (Granotier B., 1980 ; Jacquemin M., 2012) ont montré que le chemin du travailleur migrant n’évolue pas toujours en ligne droite. Avant d’arrivée à la destination finale, il s’arrête souvent dans des villes escales. Cette migration par étapes, avec quelquefois des « bifurcations », dépend des opportunités de travail qu’offrent les différentes villes. Quelques maliennes ont suivi des chemins tortueux avant de ‘’débarquer’’ à Niamey. Le parcours de cette bonne est révélateur de cet état de fait.

Je suis née en 1991. J’ai appris le travail domestique à la maison, à l’âge de 12 ans, au cours de la maladie de ma mère qui a duré 2 ans. Ma première expérience migratoire a concerné Gao où j’ai passé 6 mois puis je suis revenue au village pendant la saison hivernale. Je suis partie ensuite à Kidal où j’ai travaillé 2 ans. A mon retour au village et après la mort de mon père, mon tonton m’a marié à un homme que je n’aimais pas. Après 7 ans de mariage dans lequel j’ai eu deux enfants (décédés par la suite) et la mort de ma mère, j’ai quitté pour Ouaga au Burkina. Ensuite, je suis arrivée à Niamey où j’ai changé plusieurs fois de patronnes. (Entretien réalisé le 10/09/2021 avec F.M. à Niamey)

D’autres migrantes sont venues directement à Niamey soit en traversant le Burkina, soit en franchissant la frontière nigéro-malienne. Leur transport est parfois assuré par l’argent envoyé par un parent travaillant déjà sur place. Ces frais sont consentis à titre gratuit ou sont remboursés à l’expéditeur, selon la proximité du lien ou d’autres considérations.  

Les candidates à la migration ou les parents du village de départ reçoivent l’argent soit par le canal de personnes qui retournent au pays, soit à travers les agences modernes. Concernant la deuxième option, certains employeurs sont souvent sollicités pour les opérations d’envoi. Une patronne, qui aide son employée lors des transactions, témoigne :

Comme ma domestique n’a pas de compte électronique et pour qu’elle n’aille pas perdre du temps dans les agences de téléphonie mobile ou auprès de leurs correspondants installés dans les quartiers, elle me donne le montant qu’elle souhaite envoyer et j’effectue le transfert avec mon portable. (Entretien réalisé le 14/09/2021 avec S.A. à Niamey)

Il convient de noter aussi que les travailleuses domestiques sont mobiles à l’échelle de la ville de Niamey, entre les quartiers ou les ménages, au gré des changements d’employeurs (même si quelques bonnes sont relativement stables). Ainsi, certaines maliennes deviennent de véritables nomades. Le cas d’une enquêtée, qui a sillonné les cinq arrondissements communaux de la capitale, confirme cette situation (Entretien réalisé le 13/09/2021 avec K.S. à Niamey).

Cette extrême mobilité géographique renseigne, de manière implicite, sur les conditions de vie et de travail des bonnes.

2.2. La condition domestique : entre précarité et velléités de défense

Les conditions de vie et de travail des domestiques sont parfois précaires et recouvrent diverses réalités : pénibilité des activités, difficiles relations avec les employeurs, modes de rémunération aléatoires. Ces facteurs induisent des réactions caractérisées par l’entente ou le conflit.

2.2.1. Les rapports au travail et aux employeurs 

Les situations de domesticité sont diversifiées. Elles dépendent des deux principaux acteurs : l’employeur et l’employée. Elles sont aussi conditionnées par le mode de recrutement, le type de relations hiérarchiques (styles de commandement), la nature des tâches et leur rétribution.

Le marché du travail domestique à Niamey est essentiellement informel. Autrement dit, il est basé sur des « portes » ou « modalités d’entrée » (Freitas A., Godin M., 2013) généralement relationnelles, c’est-à-dire reposant sur des réseaux sociaux. Ainsi, le placement des anciennes ou nouvelles migrantes maliennes chez leurs employeurs est assuré principalement par des amies, parentes ou les patronnes de celles-ci. Une enquêtée apporte ce témoignage, assimilable à la formule dite de « cooptation », observée par Freitas et Godin (2013) chez les migrantes latino-américaines dans le secteur de la domesticité à Bruxelles : 

Je suis arrivée à Niamey, par mes propres moyens, via le Burkina. Je suis descendue chez une tante commune où une femme est venue me prendre. J’ai travaillé pour elle pendant quelques jours. Elle m’a congédiée juste après la fête de la Tabaski.  Je suis partie chez une autre femme. Quand sa fille s’est mariée, elle m’a alors confiée à la jeune mariée qui a divorcé quelques temps après. La petite sœur de sa mère m’a alors prise mais nous ne nous sommes pas entendues.  Ensuite, j’ai trouvé du travail chez la mère de deux jumelles où j’ai séjourné juste un mois. Après cela, j’ai été embauchée dans un ménage que connaît une de mes amies qui a souvent placé là-bas d’autres amies. J’ai quitté après plus d’un an d’exercice. Maintenant, je suis chez une autre patronne. (Entretien réalisé le 10/09/2021 à Niamey) 

Cet extrait d’entretien, confirmé par la quasi-totalité des employées et des employeurs, montre le placement informel des bonnes maliennes dans les ménages. Ce circuit repose, surtout sur la confiance, elle-même découlant généralement de la connaissance mutuelle de l’intermédiaire et du nouvel employeur.

Ce recrutement par intermédiation ne présente aucune garantie pour les deux parties (la patronne et la domestique) parce qu’il n’est fondé sur aucun engagement écrit. La simple foi de l’intermédiaire est parfois trahie par l’employée pour divers motifs (paresse, vol, indiscipline…), d’où parfois les multiples plaintes des employeurs auprès des placeurs. Une employeuse qui n’est pas satisfaite de la prestation d’une travailleuse, venue fraîchement du Mali, exprime ainsi sa déception :  

Depuis qu’on m’a amené cette fille, c’est moi qui la réveille chaque matin pour qu’elle démarre son travail. Ensuite, à mon retour du service, je la trouve souvent, allongée sur le canapé, entrain de dormir alors que son travail n’est pas terminé. Elle mange toujours la même chose que moi. Je fais tout ce que je peux pour créer les conditions d’une bonne coexistence mais elle ne change pas. J’ai été obligée de la ramener chez sa grande sœur qui m’a donné raison. (Entretien réalisé le 11/09/2021 à Niamey)

Souvent, c’est le patron qui viole le « pacte » en licenciant la domestique sans raison valable. Cette situation interroge les stratégies de formalisation et les recours possibles pour l’un ou l’autre. Dari Mossi M. (2015) note d’ailleurs qu’au Niger le travail domestique « n’est pas pris en compte explicitement dans les législations en matière de protection des travailleurs de manière générale », d’où l’urgence de mesures adéquates.

Ces comportements altèrent les rapports entre ces partenaires. Ils pénalisent quelquefois l’employeur qui ne peut plus faire recours aux services de l’intermédiaire déçu. En plus, l’employée, qui évolue dans un cercle d’amies et de parents, se transforme en détracteur de l’ancienne patronne, asséchant ainsi sa source d’approvisionnement en main-d’œuvre. Et, comme les employeurs appartiennent aux classes moyennes et supérieures (constituées généralement de fonctionnaires), ils sont relativement dépendants des prestations des domestiques. Ainsi, ils sont souvent obligés de supporter certains caprices des employées pour ne pas les perdre.  Conscientes de cette vulnérabilité des patrons, les bonnes l’utilisent comme une arme de protection, voire de chantage.

Une ancienne bonne (« pionnière »), qui sert de « pont », selon les expressions de Freitas et Godin (2013), entre les candidates à la domesticité et les futurs employeurs, relate ce genre de situations.

Une femme de mon quartier m’a demandé de lui chercher une domestique. Elle a dit qu’elle a confiance en moi parce que j’ai duré chez ma patronne. J’ai donc encouragé une de mes amies à quitter sa patronne qui la maltraitait pour la confier à celle qui m’a sollicitée. Elle a expliqué à mon amie les différentes tâches à accomplir et fixé la rémunération correspondante. Quelques jours après, mon amie a abandonné le travail parce que la dame n’a pas respecté ses engagements. Vous voyez ce que cette dame m’a fait. Est-ce que demain je vais lui chercher une autre fille ? (Entretien réalisé le 11/09/2021 avec T.Z. à Niamey)

Ces passages illustrent les relations dissymétriques conflictuelles entre employeurs et employées. Toutefois, quelques bonnes sont logées décemment, perçoivent régulièrement leurs rémunérations. Des patronnes leur offrent même des habits usagés ou leur confectionnent des vêtements lors de certaines cérémonies (baptêmes, mariages). Lorsque les travailleuses retournent au village, elles reçoivent des cadeaux en espèces ou en nature. En guise de reconnaissance à ces marques de considération, les employées se font remplacer par des amies ou parents de confiance afin de ne pas perdre leur place, une fois revenues du pays de départ.

Cette politique de fidélisation réciproque est une stratégie des deux parties pour pérenniser la relation de travail que nous pouvons qualifier de « gagnant-gagnant ». Cette pratique, très courante dans le milieu des maliennes et des travailleuses provenant des zones côtières, ajoutée à leur hygiène corporelle, à la maîtrise du travail ainsi qu’à leur conduite respectueuse, est une qualité appréciée par les patronnes. En plus, ces bonnes sont toujours disponibles. Elles acceptent de vivre dans les ménages (contrairement aux employées nigériennes qui quittent le soir pour dormir dans les espaces de regroupement). Les domestiques hébergées sont souvent considérées comme des membres à part entière de la famille et bénéficient de beaucoup de faveurs.

À l’inverse, les employées autochtones sont jugées indisciplinées et sales surtout par les patronnes lettrées, vivant généralement dans des villas où les règles d’hygiène sont respectées scrupuleusement. Les maliennes et les côtières occupent ainsi une place de choix, pour ne pas dire hégémonique, sur le marché du travail domestique à Niamey. Un observateur (agent de sécurité chez une personnalité) témoigne : « Ici Madame n’emploie que des Kotokoli [originaires des pays côtiers] et des Kado [Maliennes]. Elle m’a dit de refouler systématiquement toute Nigérienne qui frappe à la porte pour des raisons de travail ». (Entretien réalisé le 14/09/2021 à Niamey)

Les séances d’observation des conditions de quelques bonnes ont permis de découvrir des détails qui ne ressortent pas des entretiens. Certaines travailleuses, qui résident en permanence chez leurs patronnes, sont sollicitées à tout moment pour des tâches diverses. Elles deviennent ainsi des bonnes à tout faire. Cette domesticité intérieure (live-in) a souvent une contrepartie relativement favorable : commodité du cadre de vie et de travail (chambre annexe avec lit et/ou matelas, parfois ventilée, nourriture convenable, repas préparés sur des cuisinières à gaz, prise en charge en cas de maladie).

D’autres domestiques, en revanche, dorment dans des cuisines ou dans les chambres des enfants lorsqu’il n’y a pas suffisamment de pièces dans le logement. Elles font la cuisine avec du bois de chauffe, se contentent des restes du repas de la veille comme petit déjeuner, se débrouillent pour se soigner, etc. Les situations varient donc selon les statuts sociaux des employeurs.

Les activités dévolues aux bonnes sont la cuisine, le balayage, la vaisselle, la lessive, les courses (aller au moulin, acheter des condiments…), la garde des enfants. Ces tâches sont effectuées cumulativement ou spécifiquement. Le baby-sitting ainsi que les courses dans l’environnement géographique immédiat du domicile sont confiées, en général, aux plus jeunes domestiques. La cuisine, elle, est réservée aux bonnes expérimentées. L’attribution des activités, tout comme la rémunération, est négociée au moment de l’engagement. Mais, que gagnent les employées maliennes ? Quelle est leur perception de leurs salaires et quel usage en font-elles ?

2.2.2. Le prix du travail domestique : quelle appréciation et quelle destination ?

Au Niger, le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) est fixé à 30 047 FCFA pour 40 heures de travail hebdomadaire, soit 8 heures par jour et 2 jours de repos. Les employées de maison, toutes nationalités confondues, travaillent largement au-delà de ces horaires officiels. Les entretiens et les observations montrent que les bonnes maliennes ne font pas exception à la règle. Plusieurs études, réalisées au Niger et ailleurs (Dari Mossi M., 2012 ; Oumarou Aouade H., 2007 ; Jacquemin M., 2012), relèvent que les domestiques sont les premières à se lever et les dernières à se coucher. Elles sont non seulement mal employées, mais subissent, dans l’exercice de leurs tâches, divers abus.  Elles ne bénéficient ni de congé annuel, ni de jour de repos, ni de jour de fête. Leur salaire mensuel est dérisoire. En plus, l’écrasante majorité des filles domestiques est analphabète, ce qui les expose à la surexploitation par leurs employeuses du fait de la méconnaissance de leurs droits.

Les bonnes maliennes interviewées confirment certains faits communs à la domesticité informelle, notamment les longues heures de travail sans repos et mal rétribuées. Il faut préciser que cette communauté est relativement mieux rétribuée que les domestiques nigériennes, payées entre 10.000 et 15.000 FCFA par mois et travaillant généralement chez de petits fonctionnaires ou commerçants.

Les employées maliennes, qui ont séjourné longtemps au Niger, elles, fixent, un seuil de 30.000 à 40.000 FCFA le mois. Ce montant est cependant susceptible de révision à la hausse en cas d’ajout d’activités imprévues. Pour ce faire, elles mettent en œuvre leurs capacités d’empowerment ou d’agency dans la négociation de leurs conditions de travail d’une part, et dans leurs façons de valoriser leur travail, d’autre part (Constable N., 1997).

Quelques très jeunes migrantes, nouvellement arrivées et sans expérience, sont recrutées entre 20.000 et 25.000 FCFA le mois, le temps de s’acclimater (apprendre les langues locales et le métier, généralement sous la supervision de la patronne). Elles sont souvent utilisées, dans les foyers aisés, comme secondes bonnes, destinées aux petites tâches ménagères, avec la domestique principale (qui s’occupe en général de la cuisine) comme initiatrice. D’ailleurs, les jeunes maliennes, nouvellement arrivées à Niamey et qui vivent chez leurs tutrices employées, apprennent auprès d’elles, bénévolement, le métier en attendant un éventuel recrutement. 

Ce processus de socialisation à la domesticité est courant dans le milieu malien. En réalité, bien que le travail domestique soit souvent perçu comme une activité sans compétences, il exige un apprentissage voire une véritable initiation aux pratiques et normes relatives aux rapports qui s’instaurent entre employeurs et employées. Le service s’acquiert dans la maison ou dans d’autres espaces. Blanchard S. (2014), étudiant les trajectoires de travailleuses domestiques andines à Santa Cruz, parle de passage « de l’apprentissage à la professionnalisation » pour montrer la conversion que requiert le métier. À Niamey, la maîtrise de l’activité est acquise sur le tas, autrement dit en dehors de tout circuit scolaire.

Et, la force de travail domestique, rémunérée selon certaines modalités, est diversement appréciée par les bonnes maliennes. Une unanimité se dégage pour noter qu’elle est insuffisamment rétribuée au regard des efforts déployés par les employées. Toutefois, les enquêtées reconnaissent que le salaire leur permet de faire face à certains besoins personnels et d’aider les parents restés au village. Une « pionnière », qui a 7 ans de présence à Niamey, exprime ainsi l’opinion générale de ses compatriotes :

Vous savez, le salaire à Niamey est insuffisant. C’est dans le salaire que nous payons nos habits et satisfaisons quelques petits besoins. C’est dans le salaire que nous envoyons quelque chose aux gens du village. Nous payons la location des maisons communes [où sont stockés les bagages d’un groupe de bonnes] souvent à 30.000 F ainsi que l’électricité à 4000 F. Le salaire n’est pas suffisant car nous travaillons jour et nuit. Il y a cependant des patrons qui ont pitié des bonnes et qui leur offrent des choses en dehors du salaire alors qu’il y en a qui ne font rien. Parfois, c’est nous-mêmes qui nous débrouillons pour le petit déjeuner, pour le savon de la lessive. (Entretien réalisé le 13/09/2021 avec F.D. à Niamey)

Une partie de la rémunération est consacrée au trousseau, pour les filles, fiancées ou non. Les mariées, elles, paient des objets indispensables à l’équipement du domicile conjugal. Toutes ces dépenses sont réalisées pour acquérir une certaine autonomie économique et soulager les parents.

Souvent, face à l’insuffisance du salaire par rapport aux multiples besoins et aux contraintes liées à la domesticité, des bonnes l’abandonnent momentanément ou définitivement pour embrasser d’autres activités, jugées plus rentables. Ainsi, quelques-unes optent pour la restauration populaire (vente de repas ou de dégué, bouillie de mil mélangé au lait en poudre). D’autres s’adonnent au commerce d’habits et produits féminins divers qu’elles se procurent en voyageant vers des pays comme le Burkina Faso ou le Mali. Leur clientèle est constituée, pour l’essentiel, des travailleuses maliennes. D’autres aussi se livrent à la prostitution, pratiquée exclusivement ou parallèlement aux autres activités, avec souvent un client (« bailleur de fonds ») principal qui prend en charge certains besoins.

Et, dès que les migrantes (quelle que soit leur situation matrimoniale) estiment que leur objectif est atteint, c’est-à-dire que les biens (financiers, matériels) escomptés sont réunis, elles prennent la décision de rentrer au village. Cette attitude, courante chez les bonnes maliennes, confirme la théorie de la nouvelle économie de la migration de travail (Flahaux M.-L., 2011). Toutefois, le « projet initial » peut évoluer au gré des circonstances (Van Meeteren et al., 2009). Ainsi, quelques migrantes se marient soit à des Nigériens, soit à des hommes d’autres nationalités et s’installent définitivement au Niger. Elles ne retournent au Mali que pour rendre visite périodiquement aux parents. Ceci montre la fluctuation des « carrières migratoires [qui] ne sont pas déterminées, mais elles se construisent aussi en réaction à des événements ‘’imprévisibles’’ » (Freitas A. et Godin M., 2013) : 42).

Parfois, ce sont les parents (père, mère, oncle, frère ou mari) du village, après moult ultimatum, qui prennent l’initiative de venir à Niamey en vue de ramener à la maison une fille promise ou une mariée (fugueuse ou exerçant des activités immorales). Quelquefois, les parents ou les époux, qui débarquent à l’improviste, retournent bredouilles car certaines migrantes (qui ne craignent pas les menaces de malédiction des parents) se débrouillent pour se cacher durant tout le séjour des visiteurs. 

Pour s’adapter aux diverses réalités socioprofessionnelles, parfois difficiles, les travailleuses migrantes du Mali, adoptent des stratégies multiples et multiformes.

2.3. Décryptage des stratégies adaptatives

Les actes d’adaptation aux contraintes du milieu d’accueil se manifestent à travers l’adhésion à diverses organisations. Au sein de ces structures (avec leur mode de fonctionnement propre) se cultivent des habitudes de protection ou de défense.  Des initiatives personnelles sont également prises par les bonnes pour faire face à la condition domestique.

Les migrantes maliennes se regroupent sur la base de certaines considérations sentimentales, professionnelles et spatiales : le village, la région, le pays. En effet, la principale « porte d’entrée » dans la domesticité à Niamey étant la « cooptation », essentiellement parentale, le premier refuge ou repère des employées maliennes est la sphère hébergeant le parent ou tuteur qui a organisé le voyage et l’accueil. Ce cercle de transition peut être le domicile du patron ou de la patronne du parent ou tuteur. Il peut aussi correspondre à une maison commune, louée par un groupe de ressortissantes, leur servant à la fois de dépôt de bagages, de point de rassemblement et de case de passage pour les visiteurs venant du Mali pour des motifs divers.

Le second milieu que découvre la migrante malienne est le foyer de son nouvel employeur. Elle y tisse, selon ses capacités d’adaptation, des liens durables ou éphémères avec les différents membres. Cette famille d’accueil peut, selon ses connexions avec d’autres cercles, constituer une passerelle entre la domestique et ces groupes. Ceci élargit son capital social mobilisable pour trouver du travail pour elle-même ou pour d’autres. Ces groupes deviennent à ce titre des « structures intermédiaires » (Freitas A. et Godin M., 2013) auxquelles elle peut se référer en vue d’exploiter certaines opportunités. Une malienne confirme cette situation en ces termes :

Ma patronne a une sœur qui fait de la restauration. Cette dernière connaît plusieurs personnes à travers ses clients. Ma patronne m’envoie souvent l’aider quand elle a beaucoup de commandes. Et, comme sa sœur apprécie mon travail, elle me délègue certaines tâches de distribution. Ainsi, j’ai connu des gens qui me demandent souvent de leur trouver des amies pour travailler chez eux. Parfois, il y en a qui me proposent même d’aller travailler pour eux contre un salaire plus intéressant. Mais comme ma patronne est très gentille avec moi et me considère comme sa petite sœur, je n’accepte pas les offres. (Entretien réalisé le 10/09/2021 avec S.I. à Niamey)   

Les autres « points de référence » sont les groupes constitués par les membres du même village ou de la même région. Ils se réunissent dans les espaces de rassemblement, généralement les weekends correspondant à leurs jours de repos. Ces rencontres sont des occasions d’échange d’expériences et de consolidation de la solidarité en vue de la défense de leurs intérêts face aux contraintes de la domesticité. Les actions menées revêtent différentes formes. Il peut s’agir de tontines ou d’entraide se manifestant lors d’événements heureux (baptêmes, mariages…) ou malheureux (décès, maladies…). Il existe également des canaux de rapatriement de biens et de personnes.

Toutefois, cette complicité est altérée quelquefois par des contradictions internes. Les sources sont, par exemple, la rivalité entre deux membres ou la jalousie à cause du succès professionnel d’une autre. Ces différends se traduisent parfois par la rétention d’informations relatives à une offre d’emploi pouvant intéresser l’adversaire, malgré la « déontologie » liant officieusement les membres de la communauté.

A Niamey, les maliennes se réfèrent souvent à l’ambassade de leur pays pour des raisons diverses (établissement de papiers, problèmes professionnels …). Ceux qui servent de passerelles entre cette institution diplomatique et les autres composantes de la communauté sont des Maliens anciennement installés au Niger. Ces leaders facilitent aussi les recours devant les institutions judiciaires ou policières en cas de litiges opposant leurs concitoyens à d’autres personnes physiques ou morales. Certains exercent des activités permanentes et sont même propriétaires de leurs maisons qui servent quelquefois de lieux d’accueil des compatriotes de passage ou de rencontres importantes.

Ces différentes sphères d’appartenance, souvent concentriques, représentent, pour les bonnes maliennes, des réseaux jouant un rôle de socialisation, de protection, de défense et de placement dont elles dépendent parfois. Parallèlement, elles exploitent individuellement leur expérience et leur savoir-faire dans le cadre des négociations des conditions de leurs contrats.

 

Conclusion

Le présent travail éclaire les logiques multiples qui président à la mobilité de travail des filles et femmes maliennes aux échelles locales, régionales, nationales et internationales. La principale aspiration est la recherche d’un emploi en vue d’une autonomisation socioéconomique, singulièrement l’acquisition du trousseau pour les filles (fiancées ou non), de l’équipement destiné au domicile conjugal pour les mariées et l’aide aux parents pour toutes. 

Cette motivation découle de l’incapacité des maris et des parents à prendre en charge les filles et femmes. Elle est surdéterminée par l’ostentation des migrantes revenues au village et leur esprit d’indépendance. Le voyage (dont l’itinéraire n’est pas toujours linéaire) et l’accueil sont souvent organisés par des parents, ami-e-s ou connaissances travaillant à Niamey. Ceux-ci servent d’intermédiaires entre la candidate et le futur employeur.

La condition domestique, qui est le lot de la plupart des migrantes maliennes à Niamey, est caractérisée généralement par de nombreuses contraintes (tâches pénibles et mal rémunérées, rapports difficiles avec les patronnes). Aussi, certaines employées de maison, en vue d’échapper à cette situation, optent-elles pour des activités plus rentables. Et, dès que l’objectif fixé est atteint, la quasi-totalité des migrantes retourne au village, parfois définitivement. Toutefois, il a été noté des changements de projets initiaux chez quelques travailleuses migrantes qui s’installent définitivement au Niger pour des raisons de mariage avec des Nigériens ou d’autres nationalités.

Et, pour s’adapter aux dures conditions socioprofessionnelles de la domesticité, les migrantes d’origine malienne, développent de multiples stratégies collectives et individuelles. Ainsi, elles évoluent dans divers milieux de socialisation et de défense de leurs intérêts.

En définitive, les migrations des femmes et jeunes filles du Mali sont-elles, comme s’interroge Lesclingand M. (2011), une « exploitation ou [une] émancipation » ? Au regard des énormes sacrifices consentis par les bonnes pour leur autonomisation socioéconomique, elles subissent une double exploitation : celle des employeurs (qui abusent de leur labeur) et celle des parents (qui ponctionnent leurs revenus). Cette situation est aggravée par le désengagement des maris face à leurs responsabilités. Il serait intéressant d’examiner, ultérieurement, la vie des bonnes de retour dans le milieu de départ en vue de savoir si la migration de travail féminine n’est pas un cercle vicieux.

 

Travaux cités

Blanchard, Sophie. « Migration féminine et « condition domestique » : de l’apprentissage à la professionnalisation. Trajectoires de travailleuses domestiques andines à Santa Cruz ». Revue Tiers Monde, 1(217), 2014, pp. 147-162.

Comoe, Elise Fiédin. « Femmes et migration en Côte d’Ivoire : Le mythe de l’autonomie ». Etude de la population africaine, 20 (1), 2005, pp. 89-117.

Constable, Nicole. Maid to order in Hong Kong: Stories of Filipina workers. Cornell University Press, 1997.

Dahdah, Assaf. « Mobilités domestiques internationales et nouvelles territorialités à Beyrouth. Le cosmopolitisme beyrouthin en question ». Espace populations sociétés, 2-3, 2010, pp. 267-279.

Dari mossi, Massaoudou. La protection des filles domestiques dans le premier Arrondissement communal de Niamey. Mémoire de Master de Sociologie, Université Abdou Moumouni de Niamey, 2015, 88 p.

———-. Situation des femmes ou filles travailleuses communément appelées « bonnes » dans l’Arrondissement communal N° 1 : Cas du quartier Koira Kano. Mémoire de Maîtrise de Sociologie, Université Abdou Moumouni de Niamey, 2012, 76 p.

Destremau, Blandine et Lautier, Bruno. « Femmes en domesticité. Les domestiques du Sud, au Nord et au Sud ». Tiers-Monde, 43(170), 2002, pp. 249-264.

Flahaux, Marie-Laurence. Rôle de la situation des familles dans l’intention et la décision du retour. Analyse comparative Sénégal-RD Congo. Texte présenté à la 6e Conférence africaine organisée à Ouagadougou en décembre 2011 par l’UEPA, 2011.

Freitas, Any et Godin, Marie. « Carrières migratoires des femmes latino-américaines dans le secteur de la domesticité à Bruxelles ». Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 29, no 2, 2013, pp.37-55. 

Granotier, Bernard. La planète des bidonvilles. Perspectives de l’explosion urbaine dans le tiers-monde. Paris, Seuil, 1980, 383 p.

Jacquemin, Mélanie. « Petites bonnes » d’Abidjan. Paris, L’Harmattan, 2012.

Lesclingand, Marie. « Migrations des jeunes filles au Mali : exploitation ou émancipation ». Travail, genre et sociétés, 1(25), 2011, pp. 23-40

Moya, José. « Domestic Service in a Global Perspective : Gender, Migration, and Ethnic Niches ». Journal of Ethnic and Migration Studies, 2007, 33(4), pp. 559-579.

Oumarou, Amadou. « La migration féminine, une stratégie extra-agricole d’adaptation aux changements climatiques et environnementaux dans l’Imanan (Niger) ». Les sociétés rurales face aux changements climatiques et environnementaux en Afrique de l’Ouest, dirigé par Sultan, Binjamin et al. Paris, IRD Editions, 2015, pp. 315-334.

Oumarou Aouade, Housseini. La problématique du phénomène de l’emploi des enfants comme domestiques au Niger : cas de la Commune III de Niamey. Mémoire de Maîtrise de sociologie, Université Abdou Moumouni de Niamey, Département de sociologie, 2007, 76 p.

Parreñas, Rhacel Salazar. Servants of Globalization: Women, Migration, and Domestic Work. Stanford, Stanford University Press, 2001, 309 p.

Van Meeteren, Masja et al. « Straving for a better position: Aspirations and the role of Cultural, Economic, and Social capital for Irregular Migrants in Belgium ». International Migration Review, 43(4), 2009, pp. 881-907.

 

Comment citer cet article :

MLA : Seidou, Abdoulaye. « Une vie de bonne ou les employées de maison maliennes à Niamey ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 15-32.

 

mployeurs.

Résumé (La communication selon Jürgen Habermas)

Abdourahim Tchassanti§

Résumé : Ce travail contribue à la clarification du concept de communication chez Jürgen Habermas. À partir de la distinction entre l’« effet escompté » et l’« effet émanant », l’étude a permis de montrer que, bien que le but de toute communication est de susciter un effet, dans la Théorie de l’agir communicationnel, Habermas s’en démarque par son appréhension de l’effet communicationnel. Ainsi, au rebours de l’effet escompté qui consiste à atteindre un but intentionnel et stratégique au moyen du discours, Habermas y voit plutôt l’effet résultant ou émanant qui est un effet de couplage ou de réciprocité des interlocuteurs.

Mots-clés : communication, effet émanant, effet escompté, intercompréhension.

(plus…)
Résumé:À César ce qui n’est pas à César ? Retour sur un communiqué des Évêques de Centrafrique incitant clairement à la désobéissance civile

Alexis N’Dui-Yabela§

Résumé : Le 24 novembre 2018, à l’issue d’une session extraordinaire de la Conférence épiscopale centrafricaine (CECA), un « communiqué épiscopal » avait été publié.  Aux termes de ce communiqué, les Évêques de Centrafrique demandaient à « l’Église Famille de Dieu » ainsi qu’aux « hommes et femmes de bonne volonté de s’abstenir des festivités du 1er décembre », une fête non religieuse. Ceci par solidarité et dans le respect de la mémoire des victimes des actes de barbarie perpétrés le 15 novembre 2018 à Alindao, une ville située à l’Est de la République Centrafricaine. Ces actes de barbaries avaient coûté la vie à plusieurs personnes dont deux prêtres centrafricains. 

Au lendemain de la publication du communiqué épiscopal, deux courants d’idées s’étaient vivement affrontés tant dans la presse écrite que sur les réseaux sociaux. De façon schématique, on distinguait, d’un côté, le courant de ceux qui pensent toujours avoir la science infuse et, de l’autre côté, le courant de ceux qui cultivent un scepticisme cartésien à l’égard du communiqué épiscopal. 

À un moment où les nerfs se sont complètement distendus, la présente étude a essayé d’appréhender le communiqué épiscopal uniquement sous l’angle du droit, en mettant en exergue une double préoccupation : d’une part, les atteintes portées au droit positif centrafricain par certains points dudit communiqué et, d’autre part, les conséquences juridiques qu’en auraient normalement dû tirer les autorités politiques centrafricaines.

Mots-clés : Centrafrique, Code, Communiqué épiscopal, Constitution, droit positif, droit canon, procédure.

Abstract: At the outcome of an extra ordinary central african republic episcopal conference (CAREC), an episcopal announcement was delivered on November 2018. In subtance, the central african bishops demanded ‘’the church family people of God” and “faithfull men and women to boycott the celebration of the ceremony of the national day of the independance of the 1st December’’, considered as a non religious feast. This is a solidarity in memory of people dead during the assasination of people on november 15th, 2018 in Alindao,a town located at the East. This assassination has caused the death of many people including two central african priests.           

The next day following the publication of this episcopal announcement, two contradictory tendencies were confronted on press as well as social networks. From one side, we can have those who pretend to knwo everyrhings and those who are Cartesian skeptical about the episcopal announcement on the other side.

Now that the tensions are over, this given study tend to analyse the episcopal announcement on the legal ground emphasing on the two folded preocupations of: an attempt to the central african positive law on one side and the judicial consequences learnt by the central african politicians on the other side.

Keywords: Canon law, Central African republic, episcopal announcement, Code, Constitution, positive law, procedure.

Introduction

À l’issue de la session extraordinaire[1] de la Conférence épiscopale centrafricaine (CECA) du 24 novembre 2018, Son Éminence, le Cardinal, archevêque de Bangui avait publié un communiqué, dont la tonalité tranche avec celle des « Lettres pastorales[2] » des années 1990. Aux termes dudit communiqué, les évêques de Centrafrique avaient curieusement demandé à la fois à une personne morale de droit privé (« l’Église Famille de Dieu ») et à des personnes physiques[3] (« hommes et femmes de bonne volonté ») « de s’abstenir des festivités du 1er décembre en signe de deuil » ; ceci par solidarité et dans le respect de la mémoire des victimes des actes de barbarie[4] perpétrés le 15 novembre 2018 dans la ville d’Alindao[5], lesquels actes de barbarie avaient coûté la vie à plusieurs personnes dont deux prêtres centrafricains.

De l’avis de ces évêques, les jours de deuil en Centrafrique n’étaient pas « tous accomplis[6] » avec les trois journées de deuil national décrétées officiellement par le président de la République centrafricaine. À leurs yeux, les trois journées de deuil national n’étaient guère suffisantes et selon leur apostolique conviction, seul le fait de s’abstenir de la commémoration[7] du 1er décembre constituait un véritable signe solidaire de deuil national.

Deux jours après la publication du communiqué épiscopal, une conférence de presse, qualifiée par certains commentateurs de « méga conférence[8] » (Zouloukotoa), avait été organisée à l’archevêché de Bangui aux fins de « restituer la vérité[9]» (Cardinal  Nzapalainga) sur les crimes à répétition perpétrés dans certaines villes de la République Centrafricaine (RCA). Mais le nex plus ultra, c’est qu’au lendemain de la publication du communiqué épiscopal, deux courants d’idées s’étaient vivement affrontés tant sur les réseaux sociaux que dans les colonnes de certains journaux de la place. De façon schématique, on distinguait, d’un côté, un courant de ceux qui pensent avoir la science infuse et, de l’autre côté, un courant de ceux qui cultivent un scepticisme cartésien à l’égard du communiqué épiscopal.

Dans le camp de ceux qui ont la science infuse, les points de vue exprimés étaient articulés de façon péremptoire, voire dogmatique. Ainsi, pour certains, « L’Épiscopat centrafricain et le Cardinal Dieudonné Nzapalainga[10]» (Akouisson de Kitiki) avaient raison de s’opposer au défilé de la fête de l’indépendance. Pour d’autres, l’appel à boycotter les festivités du 1er décembre n’était point « en soi un crime de lèse-majesté[11] » (Mackouzangba). Relevant du camp de ceux qui ont la science infuse, un ‘’Juriste, Administrateur des Elections’’ (et donc un expert censé ne pas ignorer l’importance de l’expression de la volonté générale) en était même arrivé, pour sa part, à la conclusion suivante : « nous partageons in fine l’appel patriotique du cardinal qui, sans offenser diverses sensibilités est resté dans la mission de l’église qui est celle de proclamer la paix, la justice et la vérité[12] » (Selembi-Doudou).

Du côté de ceux qui cultivent un scepticisme pyrrhonien, les points de vue étaient diamétralement opposés à la conclusion hâtive du ‘’Juriste, Administrateur des Elections’’. En filigrane, ce scepticisme cartésien transparaissait dès l’intitulé même des chroniques publiées. Il en va ainsi des titres suivants : « L’incompréhensible appel du Cardinal Nzapalainga aux catholiques de Centrafrique[13] » (Patianga) ou « La position ambiguë de l’archevêque de Bangui, Nzapalaïnga aux antipodes des valeurs religieuses[14] » (Binah). D’autres intitulés apparaissaient quelque peu provocateurs ou tendancieux, tel celui rapporté ici[15] : « Les vieux démons de la crise ont entendu l’appel de leur résurrection par le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga  […]» (Zang To-Wen-Na). Faisant, pour sa part, office de modérateur, le frère de l’un des deux prêtres assassinés à Alindao était intervenu, à travers une « Lettre à la nation », pour appeler les uns et les autres « à l’apaisement des esprits et aux discernements[16] » (Guianissio).

Telle était la quintessence même du débat fort animé qui avait opposé les Centrafricains au lendemain de la publication du communiqué épiscopal du 24 novembre 2018. À un moment où les nerfs se sont complètement distendus, la présente étude se propose de revenir sur ledit communiqué aux fins de l’appréhender uniquement sous l’angle du droit.  Au cœur de notre préoccupation figure la question épistémologique suivante : les évêques de Centrafrique n’avaient-ils pas, en quelque sorte, poussé le bouchon du vin de messe trop loin en demandant à l’« Église Famille de Dieu en Centrafrique, aux hommes et femmes  de bonne volonté de s’abstenir des festivités du 1er décembre », une fête non religieuse ? Sans aucun doute, on ne peut répondre à cette question que par l’affirmative.

En effet, bien que le communiqué épiscopal soit auréolé d’une disposition constitutionnelle, il n’en demeure pas moins que certains points énumérés dans le corpus de ce communiqué portent manifestement atteinte au droit positif[17] centrafricain (I). Fort heureusement, les autorités politiques de la RCA étaient animées d’un esprit chrétien. Autrement, si elles étaient hantées par « Belzébul, le prince des démons[18] » (Luc 11), ces autorités politiques auraient dû tirer, comme on le verra plus loin, toutes les conséquences juridiques découlant du communiqué épiscopal rendu public le 24 novembre 2018 (II).

I/ Les atteintes portées au droit positif centrafricain par certains points du communiqué épiscopal

            En la forme, le corpus même du communiqué épiscopal du 24 novembre 2018 se décline en trois points, dont une « invitation[19] », une « demande[20] » et un « décret[21] ». Le dernier point étant conforme au droit canon[22], seuls les deux premiers et particulièrement le deuxième point entrent en conflit avec le droit positif centrafricain.

Ainsi, conformément à la hiérarchie des normes élaborée par Hans Kelsen[23] le point 2 du communiqué épiscopal constitue une atteinte gravissime à certaines dispositions de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016 (A). Quant au point 1, il heurtait manifestement certaines dispositions du Code de procédure pénale centrafricain (B).

A) Le point 2 du communiqué épiscopal, une atteinte gravissime à certaines dispositions de la Constitution centrafricaine

Tout en saluant l’affrontement d’idées entre les Centrafricains autour du communiqué épiscopal du 24 novembre 2018, il convient absolument de faire remarquer, et ce sous l’éclairage de la doctrine des « publicistes les plus qualifiés de différentes nations[24] », que, au regard du droit constitutionnel, le point 2 du communiqué épiscopal constitue une atteinte gravissime à l’expression de la volonté du peuple centrafricain. En effet, aux termes de l’article 24 alinéa 10 de la Constitution du 30 mars 2016, le peuple centrafricain a fixé lui-même la célébration de la fête nationale de son pays « au 1er décembre, date de la proclamation de la République ». Incontestablement, cette disposition reste et demeure une expression de la « volonté générale » théorisée par Jean-Jacques Rousseau et commentée à merveille par de nombreux constitutionnalistes[25]. De l’économie générale de cette théorie et en vertu d’une « présomption irréfragable du droit constitutionnel[26] » (Fraissex 38), une fois qu’un peuple souverain a exprimé la volonté générale à travers ses représentants ou par la voie du référendum, « Toute personne habitant sur le territoire national[27] » de ce peuple souverain doit se soumettre à cette volonté jusqu’à ce qu’elle soit modifiée, par exemple dans les formes et conditions prévues aux articles 151, 152 et 153 de la Constitution centrafricaine.

Par ailleurs, importe-t-il de le rappeler, l’article 26 de la Constitution centrafricaine précise que « La souveraineté nationale appartient au peuple centrafricain qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Selon la doctrine, la décision souveraine est à la fois « source de la normalité juridique » et « source de l’exception[28] » (Apostolodis 795). Par conséquent, il n’appartient pas à un groupuscule de prélats réunis au sein d’une conférence épiscopale, dont certains membres, pour ne pas dire la grande majorité, sont d’ailleurs de nationalité étrangère[29], de ‘’demander’’ au peuple centrafricain de s’abstenir de leur fête nationale. La CECA fait-elle partie des « pouvoirs publics constitutionnels[30] » (Blachèr 33) dont parle le professeur Philippe Blachèr ?

À suivre les explications de cet éminent constitutionnaliste, il n’en est absolument rien du tout. En dehors de la « Cour constitutionnelle[31] », le seul gardien politique de la Constitution est le président de la République, et non le président de la CECA. Loin d’être une institution républicaine, la CECA est, quant à elle, une institution créée par le Concile Vatican II et ayant une « finalité pastorale[32] » (Code canonique annotée, 285). Le canon 447 précise en effet que :

La conférence des Évêques, institution à caractère permanent, est la réunion des Évêques d’une nation ou d’un territoire donné, exerçant ensemble certaines charges pastorales pour les fidèles de son territoire, afin de bien promouvoir le bien que l’Eglise offre aux hommes, surtout par la forme et moyens d’apostolat adaptés de façon appropriée aux circonstances de temps et de lieux, selon le droit. (Canon 447) 

En formulant donc une demande incitant à l’inobservation des dispositions de l’article 24 alinéa 10 de la loi fondamentale des Centrafricains, les évêques de Centrafrique avaient transgressé les dispositions de l’article 23 de la Constitution centrafricaine ainsi énoncé : « Toute personne habitant sur le territoire national a le devoir de respecter, en toutes circonstances, la Constitution, les lois et les règlements de la République ».

Au regard de cette disposition, la question se pose de savoir si les membres de la CECA habitent sur un autre territoire que celui du peuple centrafricain. Même du point de vue du Code du droit canonique[33], il est inadmissible que des prélats foulent aux pieds « des lois civiles ». En effet, aux termes du canon 22, il est prescrit que : « Les lois civiles auxquelles renvoie le droit de l’Église doivent être observées en droit canonique avec les mêmes effets, dans la mesure où elles ne sont pas contraires au droit divin et sauf disposition autre du droit canonique[34]. » (Code droit canonique)  Selon les spécialistes du droit canon, il s’agit d’un « principe de la canonisation conditionnelle du droit civil, l’expression ‘’droit civil’’ ici, étant à entendre au sens d’un droit séculier, de droit public ou de droit privé et non uniquement de droit séculier privé[35] » (Durant 69).

Sous l’éclairage de ces prescriptions canoniques, d’aucuns pourraient légitimement s’interroger en ces termes : la fête du 1er décembre, souverainement approuvée à l’article 24 alinéa 10 de la Constitution par le peuple centrafricain, est-elle une fête « contraire au droit divin » ? Ou encore en appelant à un boycott de la commémoration de la fête nationale, les évêques de Centrafrique voudraient-ils assimiler la volonté du peuple centrafricain exprimée lors du référendum constituant de 2015 à une sorte de « vox diaboli [36]» (Pezet 419) ? Aussi, l’interrogation soulevée par le frère de l’un des deux prêtres froidement assassinés à Alindao n’est point dénuée de toute pertinence : « Pourquoi, soulignait-il, le Cardinal n’a pu contacter ses compères de la plate-forme religieuse avant de faire une telle déclaration[37] ? » (Guianissio)

Au demeurant, on peut l’affirmer sans risque de commettre un « péché mortel[38] » (Feuillet 89) que les évêques de Centrafrique avaient effectivement poussé le bouchon du vin de messe trop loin en formulant une « demande » contraire à certaines dispositions constitutionnelles. Mais ces prélats n’en étaient pas restés à ce niveau. Poussant davantage le bouchon du vin de messe trop loin, ils avaient invité, à travers le point 1 de leur communiqué, de nombreuses autorités à prendre part à une conférence de presse sur une thématique relevant de la procédure judiciaire, notamment celle de « restituer la vérité sur des crimes inacceptables et odieux perpétrés contre les populations civiles ». Ce faisant, les évêques de Centrafrique avaient heurté, à la manière de Monsieur Jourdain, certaines dispositions du Code de procédure pénale centrafricain.

B) Le point 1 du communiqué épiscopal, une atteinte à certaines dispositions du Code de procédure pénale

Comme le souligne un grand maître en la matière, « la procédure pénale est souvent présentée comme ayant pour objet principal la recherche de la vérité[39] » (Pradel 641) et selon le professeur Pradel, cette procédure se décline en trois vérités : la « vérité matérielle », la « vérité formelle » et la « vérité consensuelle[40] » (Pradel 643). Certes, cela était évident, à Alindao, des crimes odieux et inacceptables avaient incontestablement été perpétrés contre les populations civiles par un groupe armé bien identifié. Dans son rapport évoqué ci-dessus, Amnesty international exigeait, pour sa part, « qu’une enquête impartiale soit diligentée sans délai en vue d’établir, en particulier, si la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) a failli à son devoir de protéger la vie de plus de 18 000 personnes vivant sur place[41] »(Amnesty international).

Dans cette configuration, la question juridique qui s’impose ici est celle-ci : en matière criminelle, appartient-il au Cardinal de Bangui d’organiser une conférence de presse aux fins de « restituer la vérité » (Cardinal Nzapalainga) sur l’ensemble des crimes commis sur le territoire centrafricain ? À s’en tenir au concept lui-même, de quelle « vérité » s’agissait-il ? Etant donné que le Cardinal de Bangui n’avait point assisté intuitu personae aux scènes de barbarie perpétrées à Alindao au même titre qu’un « survivant, maître de conférences à Sciences-Po de Lille[42] » (Lallau), étant donné par ailleurs que ce prélat avait effectué seulement une descente sur les lieux quelques jours plus tard après le forfait des criminels, quelle « vérité » pouvait-il restituer aux représentants de différentes institutions conviés à sa conférence de presse ? Pour reprendre les expressions de Blaise Pascal, la « méga conférence » du Cardinal de Bangui était-elle organisée autour de la « vérité en deçà[43] » (Pascal, 51) de l’Archevêché, opposée aux mensonges répandus « au-delà » de l’Archevêché ? Ou encore, s’agissait-il de « vérité judiciaire » ou de « vérité religieuse [44] » (Ravaz 175) ? Si la « méga conférence » du Cardinal, était organisée autour des vérités religieuses, cela relève incontestablement de ses charges apostoliques.

Mais en matière de « vérité judiciaire », les articles 11 à 34 du Code de procédure pénale centrafricain énumèrent un certain nombre d’autorités chargées d’établir la vérité à propos des crimes commis sur le territoire centrafricain. Il s’agit successivement de la « Police judiciaire[45] », du « Procureur Général[46] », du « Procureur de la République[47] » et surtout du « Juge d’instruction[48] ». Aux termes de l’article 52 du même Code centrafricain de procédure pénale, il est clairement spécifié que « Le Juge d’Instruction procède conformément à la loi à tous les actes d’information qu’il juge utile à la manifestation de la vérité […] » Une récente contribution doctrinale[49] développe des points de vue allant dans le sens des dispositions du Code de procédure pénale centrafricain. En versant quelque peu dans l’exagération, d’aucuns pourraient, en s’inspirant d’une excellente contribution du Doyen honoraire de la Faculté de droit de Nancy, avoir la faiblesse d’assimiler la « méga-conférence » du Cardinal de Bangui à une sorte de « puissance publique usurpée[50] » (Cachard 37).

En ayant entretenu, d’une part, une sorte de « bras de fer[51] » (Zouloukotoa) avec les autorités centrafricaines au sujet de la commémoration des festivités du 1er décembre et en se faisant ostensiblement  passer, d’autre part, pour des autorités judiciaires, les évêques de Centrafrique avaient incontestablement porté atteinte au droit positif de ce pays. Si les autorités centrafricaines n’avaient pas un esprit chrétien, ils auraient dû tirer toutes les conséquences juridiques découlant du communiqué épiscopal du 24 novembre 2018.

II/ Les conséquences juridiques pouvant être tirées du communiqué épiscopal

Dès le lendemain de la publication du communiqué épiscopal, les autorités centrafricaines auraient pu déclencher, et ce pour plusieurs motifs juridiquement valables, une double procédure contentieuse : l’une devant les tribunaux centrafricains (A) et l’autre, dénommée « Procès contentieux ordinaire[52] », devant les tribunaux du Vatican (B).

A) Des moyens et arguments de droit pour le déclenchement d’une procédure contentieuse devant les tribunaux centrafricains

Bien que les Évêques de Centrafrique n’eussent formulé dans leur communiqué qu’une simple demande appelant une réponse négative ou positive, il n’en demeure pas moins que, si les magistrats de l’ordre judiciaire avaient été saisis, les points 1 et 2 du communiqué épiscopal auraient dû être respectivement interprétés par le ministère public, d’une part, comme une usurpation de la fonction du juge d’instruction et, d’autre part, comme une incitation indirecte à la désobéissance civile.

Pour emporter la conviction des magistrats du siège, en ce qui concerne l’incitation épiscopale à la désobéissance civile, le ministère public aurait inéluctablement soulevé une double interrogation dans son réquisitoire : primo, le rôle des responsables de l’Eglise catholique en Centrafrique est-il d’inciter à la désobéissance civile ou à une sorte de « révoltes de la conscience[53] » (Maestre 140) vis-à-vis des autorités légitimement établies ? Secundo, les « hommes et femmes de bonne volonté » spécialement visés dans le communiqué épiscopal et travaillant dans les secteurs public ou privé, devraient-ils invoquer leurs convictions religieuses pour se soustraire à leurs obligations professionnelles ou légales ?

À la première question, le ministère public aurait lui-même demandé aux juges d’y répondre par la négative, en se référant aux épîtres de Saint Paul aux premières communautés chrétiennes. En effet, dans son épître aux Romains, l’Apôtre des gentils[54] invite clairement tous les enfants de Dieu à se soumettre aux autorités civiles en ces termes :

Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent ; toute autorité vient de Dieu et celles qui existent ont été établies par Dieu. C’est pourquoi, celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent, attireront une condamnation sur eux-mêmes[55] […]» (Romains 13)

Selon le Professeur Lavroff, les chrétiens sont des citoyens comme les autres et doivent se comporter comme tels. Ils ne peuvent donc invoquer la qualité de chrétien pour justifier leur désobéissance[56]. Saint Paul voit une faute religieuse dans la désobéissance, « celui qui résiste à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi » (Romains 13).

Pour ce qui est des éléments de réponse à la seconde question, le ministère public aurait mobilisé en faveur de ses démonstrations d’importantes solutions jurisprudentielles dégagées notamment par la Cour de cassation française. En effet, dans une espèce jugée en 1986 et rapportée par un auteur[57], cette haute juridiction française avait en effet estimé qu’il était impossible d’invoquer ses convictions religieuses pour se soustraire des obligations professionnelles ou légales, « comme d’effectuer une visite médicale[58]». Dans une  autre espèce[59], elle   jugea que si l’employeur « est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n’entrent pas dans le cadre du contrat de travail et l’employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public».

Conformément à ces solutions jurisprudentielles, le président centrafricain n’avait politiquement commis aucune faute en limogeant[60], le 14 décembre 2018, son ministre des Affaires étrangères  qui, au nom de ses convictions religieuses, s’était désolidarisé du Gouvernement pour se conformer « au mot d’ordre de boycott du 60e Anniversaire de la proclamation de l’indépendance lancé par la conférence épiscopale de Centrafrique[61] » (Zimmer-Mass 1).

Poursuivant son réquisitoire, le ministère public aurait même fustigé le manque de loyalisme des évêques de Centrafrique en ces termes : alors qu’en période de guerre et sous l’occupation (1941-1944), les évêques français avaient cultivé un loyalisme[62] à l’égard des autorités illégitimes (sous le régime de Vichy), en Centrafrique les prélats entretiennent un bras de fer avec des autorités légitimes au sujet de la commémoration d’une fête non religieuse.

Au bénéfice de toutes ces observations, le ministère public aurait ensuite requis, à l’encontre du président de la CECA, une sanction exemplaire conformément aux dispositions des articles 289 du Code pénal centrafricain dont la teneur suit :

Sera puni de cinq à dix ans d’emprisonnement, quiconque s’affilie, adhère, ou de quelque manière que ce soit, participe à l’activité d’un groupement ou organisme qui tend par ses conseils, instructions, consignes ou par quelque moyen que ce soit :

1. A provoquer la désobéissance aux lois et règlements ou aux ordres du Gouvernement ;

2. (…) Si l’activité du groupement ou organisme tend dans les conditions ci-dessus mentionnées à préparer où à provoquer des mouvements de désordre ou de rébellion contre l’autorité de l’Etat, le coupable sera puni de la peine des travaux forcés.

Telle devait être la substance d’une procédure qu’auraient pu déclencher les autorités centrafricaines devant les tribunaux de droit commun. Quid cependant du libelle pour un procès en  « contentieux ordinaire[63] » (Seriaux 741) devant les tribunaux du Vatican ?

B) Du libelle pour un procès en « contentieux ordinaire » devant les tribunaux du Vatican

Loin de vouloir remuer les cendres du passé[64], il importe de signaler que dans un passé très récent, le Vatican avait été saisi du comportement non orthodoxe de certains membres du clergé centrafricain. À la suite d’une enquête diligentée[65] par le Vatican, le Pape Benoît XVI avait énergiquement procédé non seulement à un ménage[66] au sein de l’épiscopat centrafricain, mais aussi à son renouvellement en profondeur[67]. C’est à la faveur de ce renouvellement que l’archevêque de Bangui avait été élevé à la dignité du Cardinal.

Au regard de ce précédant, rien n’empêchait le Gouvernement centrafricain de saisir les tribunaux du Vatican pour inobservation du canon 1389 §1 énoncé ainsi :

Qui abuse d’un pouvoir ou d’une charge ecclésiastique sera puni selon la gravité de l’acte ou de l’omission, y compris de la privation de l’office, à moins que contre cet abus une peine n’ait déjà été prévue par la loi ou par un précepte.

Pour la gouverne du Gouvernement centrafricain, la procédure à suivre et empreinte de secret[68] est précisée au canon 1502 en ces termes : « Qui veut assigner quelqu’un en justice doit présenter au juge compétent un libelle exposant l’objet du litige et demandant l’intervention du juge » (Code droit canonique). Comme l’explique l’Abbé Bernard du Puy-Montebrun[69], le « libelle » ou libellus (petit livre) est un mot employé en droit processuel canonique pour désigner un petit écrit rédigé par un fidèle ou par le promoteur de la justice afin d’obtenir l’ouverture d’une instance judiciaire. En partant de cette définition, il suffisait au Gouvernement centrafricain de rédiger un libelle sur le communiqué épiscopal du 24 novembre 2018 pour déclencher une procédure contentieuse devant les tribunaux du Vatican.

Que des responsables de partis politiques, tels Anicet Georges Dologuélé de l’URCA[70], Martin Ziguélé du MLPC[71], Nicolas Tiangaye du CRPS[72], Joseph Bendounga du MDREC[73], s’opposent aux défilés du 1er décembre, cela est tout à fait concevable et participe effectivement de la liberté dont ils jouissent au titre des jeux politiciens entre les « professionnels de la politique[74] » (Gaxie). Dans le cadre du « libéralisme politique[75] » (Pactet 86), il existe toutefois un petit bémol : ces responsables de partis politiques se doivent de respecter le principe de la « souveraineté nationale » visé à l’article 31 alinéa 2 de la Constitution du 30 mars 2016. Autrement, leurs formations politiques pourraient s’exposer à un risque de dissolution[76]. Mais que des prélats se mêlent ou entrent « directement dans des querelles politiciennes[77] » (Pape François), il y a indubitablement abus de pouvoir ou abus de charges ecclésiastiques de la part des membres de la CECA.

Aussi, le Premier ministre centrafricain de l’époque, à savoir le professeur Simplice Mathieu SARANDJI, avait tout à fait raison de s’en prendre au Cardinal de Bangui, même sur un ton virulent. En demandant aux Centrafricains de s’abstenir des festivités du 1er décembre, le Cardinal de Bangui était allé au-delà des messages que Sa Sainteté le Pape François avait adressés en 2015 à tous les membres de la CECA. Pour mémoire, ce souverain pontife avait en effet reçu au Vatican, dans la matinée du vendredi 15 mai 2015, l’ensemble des membres de la CECA en visite ad limina. Ils étaient conduits par l’Archevêque de Bangui élevé à la dignité de Cardinal.  Au cours de cette visite, le Souverain pontife leur avait délivré le message dont la teneur suit :

Vous êtes appelés à former la conscience des fidèles ; et même celle du peuple tout entier car votre voix est écoutée et respectée de tous. C’est de cette manière qu’il convient de tenir la place qui vous revient dans les évolutions actuelles, évitant d’entrer directement dans les querelles politiciennes [78][…] (Pape François)

En organisant une sorte de bras de fer avec le Gouvernement centrafricain au sujet des festivités du 1er décembre, les évêques de Centrafrique n’étaient-ils pas directement entrés dans des « querelles politiciennes » (Pape François) auxquelles faisait justement allusion le Pape François ? Aux responsables des partis politiques de l’opposition démocratique et de la Société civile ayant publié une « Déclaration[79] » tendant à magnifier le communiqué épiscopal ici commenté, il convient de faire remarquer que c’est le Cardinal de Bangui qui avait attiré sur lui-même la foudre de l’ancien Premier ministre centrafricain. En désobéissant au message du Saint Père de 2015, le cardinal banguissois ne pouvait qu’en faire les frais ou en subir les contrecoups. La politique étant une entreprise de combat d’idées, il n’y avait pas lieu d’exciper de propos « irrévérencieux[80]  » envers le Cardinal de Bangui. De l’avis même d’un Avocat au barreau de Bruxelles, la liberté d’expression vaut aussi pour des propos qui « heurtent » et « choquent[81] » (Krenc, 311).

Conclusion

In fine, le message de Jésus de Nazareth mérite d’être humblement rappelé aux évêques de Centrafrique : « À césar ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu » ? La RCA n’est pas un Etat théocratique. À l’avenir, les membres de la CECA devraient s’inspirer de leur défunt aîné, le feu Barthélémy Boganda.  En effet, à une époque où il y avait moins de prêtres en Oubangui-Chari, ce tout premier prêtre centrafricain avait décidé de descendre directement dans l’arène politique afin d’extirper le peuple oubanguien du joug de la colonisation. Pour cette « juste cause », il avait courageusement quitté la soutane comme le permet expressément de nos jours le canon 187, libellé ainsi qu’il suit : « Quiconque est maître de soi peut renoncer à un office ecclésiastique pour une juste cause. »

Travaux cités

« Déclaration des Partis Politiques de l’Opposition Démocratique et de la Société Civile Relative aux festivités du 1er décembre 2018 », du 05 décembre 2018.

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Comment citer cet article :

MLA : N’Dui-Yabela,Alexis. « À César ce qui n’est pas à César ? Retour sur un communiqué des Évêques de Centrafrique incitant clairement à la désobéissance civile ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 388-409.


§ Université de Bangui / [email protected]

[1]Cette conférence extraordinaire s’était tenue à Bimbo, l’une des seize préfectures de la RCA et la plus proche dela capitale Bangui.

[2]En ce sens, voir « Lettre pastorale des évêques de Centrafrique. Que faisons-nous de notre pays ? », in Pentecôte sur le monde (Revue bimestrielle des Spiritains et Spiritaines), n°743, 1991, p.20.

[3]Les juristes établissent généralement un distinguo entre « personnes physiques » et « personnes morales » de droit public ou de droit privé. Pour de plus amples informations, se reporter aux auteurs suivants : S. Druffin-Bricca et L.-C. Henry, Introduction générale au Droit, Paris, 12e édition, Gualino éditeur, Lextenso éditions 2018, coll. « Mémentos LMD », p.157-203.

[4] Pour des détails sur ces scènes de barbarie, le lecteur pourra se reporter à une synthèse du rapport publié par  Amnesty International le 14 décembre 2018 intitulée, « République centrafricaine. Une centaine de civils tués et brûlés à Alindao alors que les casques bleus quittent leurs postes », disponible en ligne à l’adresse : https://www.centrafrique-presse.info/ (consulté le 17/12/2018).

[5] Une autre préfecture centrafricaine située précisément à l’Est.

[6]Chanter pour Dieu, carnet réalisé par Chrétiens en Grande Ecole, Imprimerie de Montligeon, 1999, p.18. Voir notamment cantique « Debout resplendis », K 230.

[7] Une commémoration est une cérémonie officielle organisée pour conserver la conscience nationale d’un événement de l’histoire collective et servir d’exemple et de modèle. Elle engage tout l’État : les hauts fonctionnaires doivent y assister et doivent rassembler les citoyens afin de conforter la mémoire collective. Elle donne lieu à des événements culturels en dehors de la cérémonie. Les commémorations portent souvent sur des événements heureux, comme la fin d’une guerre, l’abolition d’une loi discriminante, les prouesses d’un inventeur ou d’un héros. Les commémorations peuvent être nationales ou locales, régulières ou occasionnelles.

[8]É. Zouloukotoa, «Vers un bras de fer entre le gouvernement et l’église catholique à propos de la fête de l’indépendance ? », disponible en ligne à l’adresse : https://www.corbeaunews.-centrafrique.com (consultée le 28/11/2018).

[9] Voir point 1 du communiqué épiscopal.

[10]J. Akouissonne de Kitiki, « L’avertissement sans frais de la conférence épiscopale », disponible en ligne à l’adresse : http://www.corbeaunews.com (consulté le 30/11/2018).

[11]G. Mackouzangba, « L’appel à boycotter les festivités du 1er décembre n’est pas en soi un crime de lèse-majesté et encore moins une violation des idéaux de Barthélémy Boganda », in Médias Plus, n° 2032, 30 novembre 2018, p.4.

[12]B. Selembi-Doudou, « Le sursaut patriotique viendra-t-il de la plateforme des confessions religieuses ? », disponible en ligne à l’adresse : http://www.corbeaunews.com (consultée le 01/12/2018).

[13]E. Patianga, chronique in Centrafrique Matin, n°2850, 30 novembre 2018, p.7. 

[14] H. Binah, « Centrafrique : la position ambiguë de l’archevêque Nzapalainga aux antipodes des valeurs religieuses », disponible en ligne à l’adresse : http://www.lepotentielcentrafricain.com (consulté le 30/11/2018).

[15]Zang To-Wen-Na, chronique in L’Expansion, n°1125, 30 novembre 2018, p.7.

[16]Voir « Lettre à la nation de Monsieur Dominique Guillaume GUIANISSIO », disponible en ligne à l’adresse : http://www.corbeaunews.com (consulté le 30/11/2018).

[17]Par définition, le droit positif est constitué de l’ensemble des règles juridiques en vigueur dans un État ou dans un ensemble d’États de la Communauté internationale, à un moment donné, quelles que soient leurs sources. Le droit positif repose sur la théorie du normativisme, élaborée par le théoricien Hans Kelsen au XXe siècle, qui structure le droit dans une hiérarchie des normes (ou pyramide des normes) : Constitution, lois et règlements.

[18] Voir La Bible. L’original, avec les mots d’aujourd’hui (Luc 11, 15-25).

[19] Voir point 1 du communiqué épiscopal.

[20] Voir point 2 du communiqué épiscopal.

[21] Voir point 3 du communiqué épiscopal.

[22]Canon. 455 – § 1. « La conférence des Évêques ne peut porter de décrets généraux que pour les affaires dans lesquelles le droit universel l’a prescrit, ou lorsqu’une décision particulière du Siège Apostolique l’a déterminé de sa propre initiative ou à la demande de la conférence elle-même. »

[23] Voir note n°16 ci-dessus.

[24]Expression tirée de l’article 38 du statut de la Cour internationale de Justice.

[25] Pour l’essentiel, voir : S.-L. Formery, La Constitution commentée article par article, Paris, 22e édition Hachette Livre, coll. « Les Fondamentaux », 2019, p.16-17 ; P. Türk, Les principes fondamentaux du droit constitutionnel, Paris, 11e édition, Gualino/Lextenso éditions, coll. « Mémentos LMD », 2018, p.54-63 ; D. Chagnollaud, Droit constitutionnel contemporain. Tome 1 Théorie générale – Les régimes étrangers, Paris, 8e édition Dalloz, coll. « Cours Dalloz », 2015, p.202-208 ; M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel (présentation par Jacky Hummel), Paris, Dalloz, 2015, p.164-186 ; P. Fraisseix, Droit constitutionnel, Paris, 6e édition Vuibert, coll. « Dyna’Sup Droit », 2013, p.34-36.

[26]P. Fraisseix, 2009, op.cit., p.38.

[27]Art. 23 de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

[28]Ch. Apostolidis, « Le souverain, la règle, l’exception », Revue générale de droit international public (RGDIP), n°4, 2013, p.795-831.

[29] En guise d’illustration, on peut citer : Dennis Kofi Agbenyadzi, de nationalité ghanéenne (évêque de Berberati depuis le 14 mai 2012) ; Miroslaw Gucwa, de nationalité polonaise (évêque de Bouar depuis le 2 décembre 2017) ; Juan-José Aguirre Muñoz, de nationalité espagnole (évêque de Bangassou depuis le 21 décembre 2000) ; Tadeusz Kuzy, de nationalité polonaise (évêque de Kaga Bandoro depuis 2015) ; Jésus Ruiz Molina,  originaire d’Espagne (évêque de Mbaïki depuis le 10 mars 2021). Pour plus de détails, voir « Liste d’évêques et d’archevêques en Centrafrique, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.wikipedia.org (consultée le 01/04/2022).

[30]Ph. Blachèr, Droit constitutionnel, Paris, 5e édition Hachette Livre, coll. « Les Fondamentaux », 2018, p.33-34.

[31] Dans son ouvrage, le professeur Blachèr traite du « Conseil constitutionnel » en France. Son équivalent en Centrafrique est la Cour constitutionnelle.

[32] Voir Code de droit canonique annotée, Paris-Bourges, Les EDITIONS DU CERF/ LES EDITIONS TARDY, 1989, p.285.

[33] Voir Code de droit canonique bilingue et annotée, 2è édition révisée et mise à jour, Montréal, Wilson& Lafleur Limitée, 1999 ; L. Gerosa, « Le droit de l’Eglise », in Manuel de théologique catholique, Paris, Editions Saint Paul, vol. XII, Cerf, 1998, p.137-138.

[34]Voir Code de Droit Canonique, disponible en ligne à l’adresse : http://www.vatican.va/archive/FRA0037/__P2.HTM (Consulté le 27/11/2018).

[35]J.-P. Durant, « Droit civil et droit canonique », Pouvoirs n°107/2003, p.69.

[36]F. Pezet, « ‘’Vox populi, vox diaboli’’ ? La normalisation du référendum dans les régimes de souveraineté parlementaire après la décision de Miller », Revue française de droit constitutionnel (RFDC), 2018, n°114, pp.419-441.

[37]D. G. Guianissio dans sa « Lettre à la nation » précitée.

[38]M. Feuillet, Vocabulaire du christianisme, Paris, 2e édition mise à jour, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2000, p.89.

[39]J. Pradel, « Les trois vérités de la procédure pénale. Aspects comparatifs », dans Légalité, légitimité, licéité : Regards contemporains. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-François Seuvic, Presses universitaires de Nancy-Editions universitaires de Lorraine, 2018, p.641.

[40] Pour des détails sur ces trois vérités, voir J. Pradel, op.cit., p.643-656.

[41]Voir chronique intitulée « République centrafricaine. Une centaine de civils tués et brûlés à Alindao alors que les casques bleus quittent leurs postes, disponible en ligne à l’adresse : https://www.centrafrique-presse.info/ (consulté le 17/12/2018).

[42] B. Lallau, « Face à la crise en Centrafrique, l’ONU dans le déni », article republié par  The conversation, sous le titre : « République centrafricaine : l’incapacité de l’ONU à protéger les civils face aux attaques des milices », disponible à l’adresse :https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/.html (consulté le 16 décembre 2018).

[43]B. Pascal, Pensées, Paris, Editions du Seuil, 1962, p.51 (pensée 294).

[44]B. Ravaz, « Vérité judiciaire et vérité religieuse », dans Champs Libres. Etudes interdisciplinaires. Justice et religions (Journées d’études organisées par le Centre d’Etudes et de Recherche sur le contentieux de l’Université de Toulon et du Var), Paris-Hongrie-Italie, L’Harmattan, 2002, p.175-187.

[45] Articles 11 à21 du code de procédure pénale de la RCA.

[46] Articles 23 à 26 du même Code.

[47] Articles 27 à 32 du même Code.

[48] Articles 33 à 34 du même Code.

[49]C. Porteron, « Le parquet, le secret de la procédure pénale et le droit à l’information du public et des institutions », dans Parcours pénal. Mélanges en l’honneur du Doyen Roger BERNARDINI, Paris, L’Harmattan, 2017, p.197-211.

[50]O. Cachard, « La puissance publique usurpée : les conséquences pénales du déploiement forcé des compteurs communicants », dans Légalité, légitimité, licéité : Regards contemporains. Mélanges en l’honneur du professeur Jean-François Seuvic, Presses universitaires de Nancy-Editions universitaires de Lorraine, 2018, p.37-72.

[51] Voir Zouloukotoa précité.

[52]Voir canon. 1501-1512 du Code du Droit canonique.

[53]J.-C. Maestre, « Le devoir d’obéissance : quelles limites ? », dans Constitution et Fiances publiques. Mélanges en l’honneur de Loïc Philip, Paris, Ed. Economica, 2005, p.140-148.

[54]Benoît XVI, Saint Paul, l’Apôtre des Gentils, Perpignan, Tempora-Artege, coll. « Les indispensables », 2008, 93p.

[55]Voir La Bible, op.cit., Romains (13, 1-4).

[56]D. G. Lavroff, Histoire des idées politiques de l’Antiquité à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 4e édition Dalloz, coll. « Mémentos Dalloz », 2001, p.58-59.

[57]C. Benelbaz, « Liberté religieuse et laïcité dans les relations du travail dans les secteurs public et privé », Revue de droit public (RDP), 2018, n°5, p.1435.

[58] Cass. soc., 20 mai 1986, El Yacoubi c/Automobile Peugeot, Bull. V., n°262, p.201.

[59] Cass. soc., 24 mars 1998, Azad c./Chamsidine M’Ze : Bull. V. n°171, p.125; Dr. soc., juin 1998, n°6, p.614, obs. J. Savatier; Gaz. Pal 19 nov. 1998, n°9024.

[60] Décret n°18.361 rapportant les dispositions du décret n°17.324 du 12 septembre 2017 portant nomination ou confirmation des membres du Gouvernement.

[61]Zimmer-Mass, « Le Ministre Charles Armel Doubane révoqué purement du Gouvernement », in L’Hirondelle, n° 4408, p.2 ; ou encore « Touadera se sépare enfin de Charles Armel Doubane », in Le Citoyen n° 5748, 17 décembre 2018, p.1-2.

[62]J.-L. Clément, Les évêques au temps de Vichy. Loyalisme sans inféodation. Les relations entre l’Eglise et l’Etat de 1940 à 1944, Paris, Beauchesne Editeur, 1999, p.89-154.

[63] Pour des informations détaillées, voir A. Seriaux, Droit canonique, Paris, Puf, coll. « Droit fondamental », 1996, p.741-862.

[64] Voir : lettre des prêtres diocésains centrafricains du 14 avril 2009, à l’attention du Nonce Apostolique près la RCA, 9p. ; Correspondance n° 2083/9 du Cardinal Ivan Dias adressée en date du 5 mai 2009 « Aux Révérends Prêtres diocésains, signataires de la lettre adressée au Cardinal Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples le 14 avril 2009 », 4p.

[65]Pour de plus amples détails, voir « Lettre de son Eminence Card. Ivan Dias, aux Prêtres de la République Centrafricaine à l’occasion du dimanche de la divine miséricorde et du 4è anniversaire de l’élection du Pape Benoît XVI », n°1805/09, Rome, le 19 avril 2009, 4p. ; « L’Eglise centrafricaine secouée par une grave crise », disponible en ligne à l’adresse : https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/-2009-05-28-535424(consulté le 30/12/2018).

[66]N. Trouiller, « Ménage de printemps chez les évêques de Centrafrique », disponible en ligne à l’adresse : http://centrafrique-presse.over-blog.com/-105213701.html (consultée le 02/01/2019).

[67] F. Mounier, « Benoît XVI renouvelle en profondeur l’épiscopat centrafricain », disponible en ligne à l’adresse : http://www.eglisecatholique-gabon.org/.html (consulté le 29/12/2018).

[68]Abbé B. du Puy-Montbrun, « Le secret en droit processuel canonique. Une question d’équité », dans Le droit pénal à l’aube du troisième millénaire. Mélanges offerts à Jean Pradel, Paris, Editions Cujas, 2006, p.499-523.

[69] Voir son article précité, note n°24.

[70] Union pour le renouveau centrafricain.

[71] Mouvement de libération du peuple centrafricain.

[72] Convention républicaine pour le progrès social.

[73] Mouvement démocratique pour le renouveau et l’évolution de Centrafrique.

[74]D. Gaxie, Les professionnels de la politique, Paris, Puf, 1973, 96p.

[75]P. Pactet, Institution politique-Droit constitutionnel, Paris, 18è édition à jour, Armand Colin, 1999, p.86.

[76]P. Bon, « La dissolution des partis politiques », dans Mouvement du droit public. Du droit administratif au droit constitutionnel. Du droit français aux autres droits. Mélanges en l’honneur de Franck Moderne, Paris, Dalloz, 2004, pp.1011-1044.

[77]Voir discours du pape François aux évêques de Centrafrique en visite ad Limina, disponible en ligne à l’adresse : https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-catholique(Consulté le 02/01/2019).

[78]Ibidem.

[79] Voir « Déclaration des Partis Politiques de l’Opposition Démocratique et de la Société Civile Relative aux festivités du 1er décembre 2018 », du 05 décembre 2018.

[80] Voir « Déclaration des Partis Politiques de l’Opposition Démocratique et de la Société Civile relative aux festivités du 1er décembre 2018 », op.cit.

[81]F. Krenc, « La liberté d’expression vaut pour des propos qui « heurtent, choquent ou inquiètent ». Mais encore ? », in Revue trimestrielle des droits de homme (RTDH) 2016, n°106, pp.311-348.

Résumé:Réseaux sociaux comme dispositifs e-learning dans les établissements d’enseignement supérieur en contexte de la Covid-19 au B F

Bapindié Ouattara§,

Benjamin Sia,

Dimkêeg Sompassaté Parfait Kaboré

&

Félix Compaoré

Résumé : La crise sanitaire liée à la covid-19 a entraîné la suspension des activités pédagogiques dans les établissements d’enseignement supérieur. Au Burkina Faso, certains établissements supérieurs ont eu recours aux possibilités offertes par les TICs pour assurer la continuité des activités pédagogiques. L’étude a concerné les étudiants de l’enseignement supérieur ayant expérimenté ces outils de réseautage comme dispositif e-learning dans le contexte de la covid-19. Basée sur le modèle de l’UTAUT, elle vise à analyser les facteurs déterminant l’intention d’adoption des outils de réseautage comme dispositif e-learning. Les résultats indiquent que « l’influence sociale » et « l’attente d’usage » exercent une influence positive et significative sur l’intention d’acception et d’usage des réseaux sociaux comme dispositif de formation à distance. A contrario, les variables centrales de l’UTAUT, « l’attente de performance », « l’attente d’effort » et « les conditions facilitantes » n’ont aucune influence significative sur l’intention d’acceptation des réseaux sociaux.

Mots-clés : Réseaux sociaux virtuels, intention d’usage, influence sociale, e-learning, résilience, covid-19

Abstract: The health crisis related to covid-19 has led to the suspension of pedagogical activities in higher education institutions. In Burkina Faso, some higher education institutions have used the possibilities offered by ICT to ensure the continuity of pedagogical activities. The study focused on higher education students who have experimented these networking tools as an e-learning device in the context of covid-19. Based on the UTAUT model, it aims to analyze the factors determining the intention to adopt networking tools as an e-learning device. The results indicate that « social influence » and « expectation of use » have a positive and significant influence on the intention to accept and use social networks as a distance learning device. In contrast, the central variables of the UTAUT, « performance expectation », « effort expectation » and « facilitating conditions » have no significant influence on the acceptance intention of social networks.

Keywords: Virtual Social Networks, Intention to Use, Social Influence, E-Learning, Resilience, Covid-19

Introduction

L’enthousiasme pour les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement a connu un regain d’intérêt avec la covid-19 pour assurer la continuité des activités pédagogiques dans les universités et établissements d’enseignement supérieur. D’après le tableau de bord 2018-2019 de l’enseignement supérieur (MESRSI, Rapport, février 2020), ce sont environ 113 Institutions d’Enseignement Supérieur parmi lesquels 13 établissements publics avec plus de 132 569 étudiants dont 21,0% du privé, qui sont concernés par les effets de la pandémie. Au moment de la fermeture des classes en mars 2020, de nombreuses voix au sein de la communauté éducative se sont levées pour exiger le passage à la formation à distance. Cette requête a mis les décideurs et les gestionnaires du système éducatif devant un dilemme concernant le choix des technologies informatiques. En effet, certains établissements ont eu recours aux réseaux sociaux virtuels (WhatsApp, Facebook, Instagram, Telegram, etc.) comme dispositif d’enseignement et d’apprentissage en ligne. L’atteinte des objectifs poursuivis à travers de tels dispositifs requiert la maîtrise de différents facteurs parmi lesquels ceux déterminant leur acceptation par les étudiants. Ainsi, comment les étudiants ont-ils accueilli ces outils de réseautage social ? Quels sont les facteurs potentiels qui ont motivé leur acceptation ? Autrement dit, quels sont les déterminants de l’acceptation par les étudiants, des réseaux sociaux comme dispositifs de formation à distance dans ce contexte de pandémie liée à la covid-19 ? En adaptant le modèle de UTAUT au contexte de la présente étude, alors, l’objectif consiste à identifier les facteurs susceptibles d’influencer l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants des établissements d’enseignement supérieur du Burkina Faso. Il s’agira de manière spécifique d’examiner le lien entre cette intention d’usage et l’attente de performance, les efforts requis, les conditions facilitatrices, l’influence sociale, les attentes d’usage.

1. Cadre théorique et conceptuel

1.1. Apports ou potentialités des réseaux sociaux

Certaines études sur les réseaux sociaux dans l’éducation s’appuient sur les services et les fonctionnalités (communiquer, collaborer, partager des contenus) de ces médias pour déduire les apports possibles dans le domaine de l’enseignement et de la formation. Il s’agit généralement d’études empiriques selon (Wenger 2). Cet auteur note que les réseaux sociaux sont des lieux importants pour l’apprentissage pour des personnes ayant un centre d’intérêt commun et qui acceptent de collaborer. D’autres recherches se sont intéressées aux usages de ces médias par les acteurs de l’éducation. Ces différentes recherches ont révélé deux catégories d’usages pour ce qui concerne les apprenants.

En premier lieu, les usages pour la distraction seraient prédominants en milieu étudiant. En effet, il ressort de plusieurs études que les apprenants utiliseraient les réseaux sociaux pour maintenir le contact, passer du temps entre amis, réagir ou apprécier les contributions des membres de leurs réseaux (Hart 37 ; Thivierge). Ces auteurs qui se sont penchés sur le cas de Facebook, l’un des réseaux les plus utilisés par les jeunes dans le monde, révèlent que l’usage des réseaux sociaux par les étudiants est axé sur les aspects de la sociabilité comme le maintien des liens sociaux, le partage des informations etc. L’étude de (Koutou), qui a eu pour public cible le milieu scolaire en contexte africain notamment en Côte d’Ivoire, a abouti au même résultat. Les apprenants utilisent préférentiellement les réseaux sociaux pour télécharger de la musique, partager des photos, lier des contacts etc. Ces usages et ces pratiques sont influencés par les représentations des jeunes qui considèrent ces médias comme des outils de lutte pour la transparence (Damome et al.29). Cette prédominance des usages non académiques affecte les capacités des apprenants à respecter les règles de production écrites en français (Dia et al.)

En deuxième lieu, les résultats des études réalisées par (Mian; Beauné ; Dakouré) mettent plutôt en évidence l’usage des réseaux sociaux à des fins éducatives. Ces études présentent des résultats intéressants et diversifiés concernant les usages éducatifs de Facebook. Elles montrent que, globalement, les étudiants réagissent positivement à l’idée de développer de tels usages ou a posteriori, après avoir expérimenté de tels usages. « Les élèves et étudiants ont des usages scolaires couplés à des usages de distraction : téléchargement de sons et images, chats, jeux en ligne, messagerie, visites de différents sites d’informations, etc. ». Dans cette même veine, (Chomienne et Lehmans 2) vont plus loin en s’intéressant à l’efficacité des réseaux sociaux numériques dans la construction d’une communauté de savoirs et dans l’appropriation de connaissances par les étudiants dans une démarche de construction collective par la recherche d’information, l’écriture et le partage. (Alava et Message-Chazel 55) ont mis l’accent sur les compétences numériques nécessitées par les « pratiques en communautique » et leur impact sur les stratégies d’apprentissage des apprenants FOAD. Il ressort de leur étude que les apprenants à travers l’usage des réseaux sociaux renforcent leur autonomie d’une part et d’autre part favorise leur adhésion aux pratiques d’apprentissage en équipe.

Au-delà des potentialités pour l’apprentissage et des conditions d’efficacité, il est également important de s’interroger sur les rapports de ces nouveaux médias avec les apprentissages des étudiants universitaires africains en contexte de la covid-19 et plus précisément au Burkina Faso. En effet, les croyances de (McLoughlin, Wang et Beasley) et les facteurs environnementaux tels que le profil culturel et l’adoption des outils numériques (Collin et Karsenti 206) peuvent affecter la réussite de l’implémentation d’un dispositif elearning.

1.2. Modèle théorique

L’intention d’usage d’une technologie définie comme une décision prise par l’individu d’interagir avec une technologie fonde son origine dans les théories de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen), du comportement planifié (Ajzen 316) et de la Théorie sociale cognitive de (Wood et Bandura 380). Parmi les modèles qui servent de base aux théories de l’acceptation des technologiques, il y a le TAM (Technology Acceptance Model) de (Davis 322) et UTAUT (Unified Theory of Acceptance and Use of Technology) proposé par (Venkatesh et al.). La TAM souligne que l’utilité perçue (attente de performance) et la facilité d’utilisation sont des variables déterminant l’acceptation de la technologie. L’UTAUT de (Venkatesh et al. 447), fait la synthèse des modèles précédents en retenant les variables les plus significatives : la performance attendue, l’effort attendu, l’influence sociale et les conditions facilitantes. (Karahanna et Straub 200) ont également montré que le modèle d’acceptation d’une technologie de (Davis 1986) peut être enrichi de facteurs supplémentaires comme la présence sociale et le support technique. Nous nous sommes basés sur les résultats de recherche de (Karahanna et Straub197, 199) qui révèlent les variables : attente de performance, attente d’effort, influence sociale, conditions facilitantes et attentes d’usage comme étant les facteurs influençant l’acceptation d’une technologie dans l’apprentissage à travers une échelle de mesure.

Notre modèle de recherche se présente comme suit :

Figure 1. Modèle de recherche

1.3. Hypothèses de recherche

En nous appuyant sur notre modèle de recherche, nous formulons l’hypothèse générale que l’utilisation des réseaux sociaux comme dispositif e-learning par les étudiants est fonction de l’intention d’usage (INU).

En termes d’hypothèses spécifiques, nous retenons :

  • Hypothèse 1 (H1) : l’attente de performance a un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants. L’attente de performance (ATP) correspond au degré auquel une personne pense que l’utilisation des réseaux sociaux peut l’aider à obtenir des gains de performance dans ses études (Venkatesh et al. 447).
  • Hypothèse 2 (H2) : l’attente d’effort d’utilisation des réseaux sociaux par les étudiants influence leur intention d’usage. L’attente d’effort (ATE) représente le degré de facilité qui est associé à l’utilisation des réseaux sociaux par les étudiants dans leurs activités d’apprentissage (Venkatesh et al. 450).
  • Hypothèse 3 (H3) : l’influence sociale a un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants pour leur apprentissage. L’influence sociale (INS) : c’est la perception d’un individu quant à l’emprise de certaines personnes importantes sur son intention d’accepter d’utiliser les réseaux sociaux pour ses activités d’apprentissage (Benali et al.). La décision de l’apprenant d’accepter cette technologie pour l’apprentissage peut être alors influencée soit par les condisciples, soit par les enseignants, ou encore les parrains, voire par l’administration scolaire.
  • Hypothèse 4 (H4) : les conditions facilitantes sont en lien avec l’intention d’usage. Les conditions facilitantes (CDF) représentent la disponibilité de ressources temporelles, techniques et financières nécessaires pour soutenir l’utilisation des réseaux sociaux. Dans le contexte de notre recherche, les étudiants seraient plus enclins à accepter les réseaux sociaux à des fins éducatives que si elles estiment l’environnement institutionnel, infrastructurel et         financier favorable.
  • Hypothèse 5 (H5) : les attentes d’usage des réseaux sociaux par les apprenants influencent leur intention d’usage. Les attentes d’usage (ATU) sont définies comme les avantages perçus de l’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. Il s’agit de la perception que les réseaux sociaux permettent d’atteindre plus rapidement leurs objectifs d’apprentissage et d’améliorer leurs résultats scolaires.

2. Méthodologie

L’échantillonnage de commodité est la technique adoptée pour la collecte des données. C’est une méthode non probabiliste qui permet de se contenter des personnes volontaires pour répondre à l’enquête. Le pré-test auprès du public cible de l’étude a permis de savoir que les établissements publics d’enseignement supérieur dans le contexte de la covid-19 n’ont pas expérimenté l’usage des réseaux sociaux pour la continuité pédagogique. En effet, le Ministère chargé de l’Enseignement supérieur après avoir fait le point des enseignements dans chaque université a plutôt pris l’option d’une plateforme en ligne. Un portail d’accès a été créé avec un lien pour chacun des centres universitaires. Il a été demandé aux enseignants de déposer les modules programmés mais non encore dispensés en format PDF sur la plateforme dédiée à leur université pour permettre aux étudiants d’y accéder.

Alors, l’étude a concerné les étudiants des universités ou écoles supérieures privées ayant opté pour les réseaux sociaux comme dispositif e-learning dans le contexte de covid-19. En prélude au lancement du questionnaire, un mail envoyé aux fondateurs d’établissement a permis d’identifier les écoles ou institutions privées ayant véritablement expérimenté les réseaux sociaux pour la continuité des activités académiques et pédagogiques. Environ 125 étudiants provenant des instituts comme le Centre de Recherche Panafricain en Management pour le Développement (CERPAMAD), l’Institut Internationale de Management (IAM), Ecole Supérieure Polytechnique de la Jeunesse (SUP-JEUNESSE), l’Université Libre du Burkina (ULB) ont effectivement répondu au questionnaire.

Tableau 1. Caractéristiques des répondants

VariablesModalitésEffectifPourcentage
GenreFéminin4636,8
Masculine7963,2
Total125100%
Tranche d’âgemoins de 20 ans32,4
20-25 ans7761,6
26-30 ans2217,6
31-35 ans1411,2
35 ans et plus97,2
Total125100%
École ou universitéCERPAMAD2822,4
ESUP-JEUNESSE2923,2
IAM4334,4
ULB2520,0
Total125100%
Niveau d’étudeLicence 1ère année21,6
Licence 2ème année4032,0
Licence 3ème année4132,8
Master 11814,4
Master 22419,2
Total125100%
FilièreBTP2923,2
Droit-science politique2923,2
Economie-Gestion6753,6
Total125100%

Pour le recueil des données, un questionnaire constitué de 23 items de type échelle de Likert à 7 modalités (allant de « (1 = désaccord total, 2 = désaccord, 3 = léger désaccord, 4 = neutre (ni accord, ni désaccord), 5 = léger accord, 6 = accord, 7 = accord total) » a été élaboré à partir du modèle de l’UTAUT enrichi par (Karahanna et Straub198). Il comprend des rubriques allant de l’identification du répondant à son intention d’usage des réseaux sociaux en passant par son utilisation des réseaux sociaux, ses attentes de performance, ses attentes d’efforts, l’influence sociale et les conditions favorisant l’apprentissage durant cette période de la covid-19. Parallèlement au questionnaire en ligne, la version papier a été administrée auprès de certains étudiants des établissements ciblés.

Pour l’analyse des données, la première étape a consisté à analyser la fiabilité des items de notre questionnaire en utilisant le test de l’alpha de Cronbach. Dans la deuxième étape pour tester les relations hypothétiques de notre modèle de recherche, nous avons utilisé l’ANOVA. La troisième étape a été consacrée au test de régression linéaire afin de représenter la relation linéaire entre notre variable dépendante à savoir l’intention d’usage et les variables indépendantes comme les attentes de performance des réseaux sociaux utilisés, les attentes d’efforts, les conditions facilitant son usage, l’influence sociale et les attentes d’usage. Les différents tests ont été réalisés grâce au logiciel de traitement de données IBM SPSS 26.

3. Résultats et discussion  

Dans cette partie, nous vérifions la fiabilité de mesure et présentons nos résultats. C’est également le lieu pour nous de montrer les discordances et les concordances de notre travail avec d’autres études.

Vérification de la cohérence interne des items du questionnaire

Pour vérifier la cohérence interne des questions formulées à partir du modèle de UTAU, le test alpha de Cronbach a été utilisé. Le résultat présenté dans le tableau 2 montrent un indice de 0,834. Ce qui est supérieur au seuil minimum de 0,70.

Tableau 2. Fiabilité des échelles de mesure

Statistiques de fiabilité
Alpha de CronbachAlpha de Cronbach basé sur des éléments standardisésNombre d’éléments 
0,8340,8356 

Alors, l’échelle de mesure des facteurs d’acceptation utilisée pour l’étude est fiable et par conséquent elle constitue un prédicteur des variables de comportements que nous souhaitons vérifier dans notre étude.

Nous avons aussi vérifié l’utilisation des réseaux sociaux pour l’apprentissage avant la covid-19

Tableau 3. Utilisation des réseaux sociaux pour apprendre dans le cadre de la formation avant la crise sanitaire due à la covid-19

 EffectifPourcentage
Non4435,2
Oui8164,8
Total125100,0

Il ressort du tableau 3 qu’avant la crise sanitaire due à la covid-19, 64,8% des répondants utilisaient déjà les réseaux sociaux contre 35,2%. Les réseaux sociaux cités sont les suivants : WhatsApp, Facebook, Instagram, YouTube, Snapchat, Google Classroom.

Vérification de lien entre la variable dépendante et les variables indépendantes

Pour la vérification de ce lien, nous avons eu recours au test de regression

Tableau 4. Résultat de vérification du lien entre l’intention d’usage et l’attente de performance (ATP), l’attente d’effort (ATE), l’influence sociale (INS), les conditions facilitantes (CDF), les attentes d’usage (ATU)

L’ANOVA révèle une valeur de F de 71,82 et p < 0,005. Cela signifie qu’il y a probablement une relation statistiquement significative entre la variable dépendante INU (Intention d’usage) et les variables indépendantes ATP (attente de performance), ATE (attente d’effort), INS (influence sociale), CDF (conditions facilitantes), ATU (attentes d’usage).

Tableau 5. Récapitulatif des modèles

ModèleRR-deuxR-deux ajustéErreur standard de l’estimation
10,880a0,7740,7630,67269
a. Prédicteurs : (Constante), ATU, ATE, CDF, INS, ATP

Dans le tableau 5 ci-dessus, la valeur du coefficient de corrélation est de 0,88. Cette valeur révèle que les données sont très bien ajustées au modèle. En effet, si nous considérons la valeur R-deux (0,77), celui-ci indique la proportion de la variabilité de la variable dépendante (intention d’usage) expliquée par le modèle de régression. Nous pouvons donc dire que les facteurs comme l’attente de performance, l’attente d’effort, l’influence sociale, les conditions facilitantes, les attentes d’usage peuvent expliquer à près de 77 % la variation de l’intention d’usage.

Le tableau 6 ci-après nous indique les valeurs Beta et leur degré de signification.

Tableau 6. Coefficients

A la lecture de ce tableau, il ressort que les résultats du test de régression pour les variables influence sociale (INS) et attente d’usage (ATU), les valeurs p= sont respectivement de 0,027 < 0.05 et 0,000 également < 0.05. Les hypothèses H3 et H5 sont donc confirmées. Nos résultats révèlent que les variables « influence sociale » et “attentes d’usage” ont un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage en ligne pendant la covid-19.

Par contre pour les variables attente de performance (ATP), attente d’effort (ATE), conditions facilitantes (CDF), dont les valeurs p respectivement 0,5540 ; 0,494 et 0,134 toutes supérieures à 0.05, le test n’est pas significatif. Cela indique que nos hypothèses H1, H2 et H4 ne sont pas confirmées. Alors, les variables « attente de performance », « attente d’effort » et « conditions de facilitation » n’exercent aucune influence significative sur l’intention d’usage des réseaux sociaux comme dispositif e-learning par les apprenants durant la période de la covid-19.

L’analyse des déterminants de l’acceptation des réseaux sociaux par les étudiants comme dispositif d’apprentissage en ligne indique l’existence d’une relation entre l’influence sociale et l’intention d’usage. Ce résultat correspond à ceux des études de (Benali et al.) et (Bere 88) mais contraste avec celui de (Kouakou 194) qui a démontré qu’aucune influence sociale n’a un impact sur l’utilisation des réseaux sociaux. Au regard de la jeunesse de la majorité des répondants (environ 64% qui ont moins de 25 ans), on peut déduire que leur entourage (camarades, parents, enseignants, etc.) a pu influencer leur intention d’usage des réseaux sociaux. Effectivement, comme l’ont indiqué (Benali et al.), en termes d’influence sociale, Il faut surtout souligner l’influence des enseignants et des proches à savoir les parents, les amis et les camarades de classe.

Nos résultats confirment également que les attentes d’usage des réseaux sociaux comme dispositif d’apprentissage influencent positivement l’intention d’usage des apprenants. Ce résultat converge avec le TAM et l’UTAUT qui considèrent l’attente d’usage comme une des variables significativement liées à l’intention d’usage d’une technologie. En effet, l’adéquation avec les tâches (Kouakou 66) et les effets positifs attendus de l’usage de whatsapp sur l’intention d’usage pour l’apprentissage ont été mis en évidence par (Adjanohoun et Agbanglanon 208). Cela signifie que l’intention d’usage des étudiants de notre échantillon de recourir aux réseaux sociaux comme dispositif d’apprentissage est déterminée par les avantages perçus. 

D’autre part, notre recherche révèle qu’il n’existe aucune influence significative des variables attente de performance, attente d’effort, conditions facilitantes sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. Cela contraste avec les études de (Ayadi et Kamoun 9) et (Ben Romdhane 52, 53) pour la variable attente de performance et l’UTAUT de (Venkatesh et al.) pour toutes ces variables citées. En ce qui concerne la variable conditions facilitantes, une des variables essentielles qui influence l’acceptation d’une technologie selon cette théorie de l’UTAUT, les répondants dont la plupart sont jeunes (61,60% entre 20 et 25 ans) appartiennent à la génération « digitale native » qui dispose d’une familiarité avec les réseaux sociaux virtuels. En effet, la majorité des répondants (64,8%) utilisaient déjà les réseaux sociaux avant la covid-19. La variable conditions facilitantes n’a donc pas eu d’effet sur leur intention d’utiliser ces technologies dans leur apprentissage.

Conclusion

L’objectif de la présente étude était d’identifier les déterminants de l’acceptation des réseaux sociaux comme dispositifs de formation à distance en vue de la continuité pédagogique dans ce contexte de pandémie liée à la covid-19. A partir du modèle UTAUT de (Venkatesh et al. 2003), cette recherche a été menée auprès de 125 étudiants des établissements d’enseignements supérieurs privés du Burkina Faso. Les résultats révèlent que les variables « influence sociale » et « attentes d’usage » sont des facteurs qui déterminent l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. En termes de contribution à la conception des dispositifs e-learning pour les établissements d’enseignement supérieur, notre recherche a mis en évidence deux facteurs déterminants à prendre en compte. Pour l’acceptation de l’apprentissage en ligne à travers les réseaux sociaux, ces établissements doivent s’appuyer sur l’influence de l’entourage des étudiants et des avantages perçus de l’utilisation de ces outils pour l’apprentissage. Cependant, l’étude comporte des limites relatives à sa validité externe. En effet, elle n’a pas pris en compte les étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur publics et les caractéristiques sociodémographiques. Ces limites ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. La première piste est l’extension du champ de l’étude aux institutions d’enseignement supérieur publiques et la prise en compte des variables sociodémographique. Une telle recherche permettra de cerner la variation des déterminants en fonction du statut de l’établissement et des caractéristiques sociodémographiques des étudiants. La deuxième piste est celle de la prise en compte de la cible enseignante qui joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre des dispositifs e-learning.

Travaux cités           

Adjanohoun, Jonas, et Sylvain Agbanglanon. « Réseaux sociaux pour apprendre : un modèle structurel basé sur la théorie unifiée d’acceptation et d’utilisation des technologies. » PUN 2020 Pédagogie universitaire numérique : Quelles perspectives à l’ère des usages multiformes des réseaux sociaux pour apprendre ?2020.

Ajzen, Icek. « The theory of planned behavior. » Organizational behavior and human decision processes 50.2 (1991): 179-211

Alava, Séraphin, et Eléonore Message-Chazel. “ Les pratiques en communautique au cœur des apprentissages en ligne “. Questions Vives, vol. 7, no 14, 2010, p. 55‑70.

Ayadi, F., et F. Kamoun. « Les déterminants de l’utilisation du système e-learning par les étudiants. » Actes du 14e colloque de l’AIM. 2009.

Beauné, Aurélie. « Utilisation des réseaux sociaux pour l’apprentissage des langues étrangères: le cas de Facebook. » Adjectif 15.1 (2012).

Benali, Mourad, Toufik Azzimani, et Mehdi Kaddouri. « Apprentissage médié par téléphone mobile: quelles intentions d’adoption chez les jeunes Marocains. » Adjectif. net (2018).

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Brangier, Eric, et Sonia Hammes. « Elaboration et validation d’un questionnaire de mesure de l’acceptation des technologies de l’information et de la communication basé sur le modèle de la symbiose humain-technologie-organisation ». Brangier, E., Kolski, C., Ruault, J-R. (Eds), 2006, p. 71‑78. ResearchGate,

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Comment citer cet article :

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§ Université Thomas Sankara- Burkina Faso/ [email protected]

Résumé (Rentas mínimas ante la pobreza y la exclusión social: Un estudio comaparado entre Cataluña y Euskadi)


Kassoum Soro§

Resumen: En Cataluña y en Euskadi, el número de personas con graves dificultades económicas y sociales va creciendo. Ante la precariedad, las autoridades catalanas y vascas elaboran programas de rentas mínimas en sus Comunidades Autónomas respectivas. Se trata de prestaciones de carácter económico a fondo perdido orientadas hacia la lucha contra la pobreza y la exclusión social. El presente artículo examina las analogías y diferencias entre las prestaciones de rentas mínimas desarrolladas en Cataluña y en Euskadi. Entre estas políticas sociales, se destacan similitudes y divergencias. El método utilizado para llevar a cabo el presente estudio es la investigación de campo.

Palabras clave: Cataluña, Euskadi, pobreza, renta mínima, comparación

Abstract: In Catalonia and Euskadi, the number of people with serious economic and social difficulties is growing. Faced with the precariousness the Catalan and Basque authorities elaborate minimum income programs. These are economic benefits aimed at combating poverty and social exclusion. This article examines the analogies and differences between the minimum income benefits developed in Catalonia and the Basque Country. Among these social policies implemented in both Autonomous Communities, similarities and divergences stand out. The method used to carry out the present study is field research.

Keywords: Catalonia, Euskadi, Poverty, Minimum Income, Comparison  

Introducción

Ante las situaciones de vulnerabilidad, las autoridades de Cataluña y las de Euskadi elaboran programas de rentas mínimas. Son políticas de lucha contra la pobreza y la exclusión social (Noemi et al 401). Se trata de prestaciones de carácter económico a fondo perdido orientadas a mejorar las condiciones de vida de las capas sociales afectadas por la precariedad. La renta mínima de inserción es una acción de solidaridad que promueve la inserción o la reinserción social y laboral.[1] Esta prestación nació en Euskadi en 1986 (Hernández 84). Su implantación tuvo lugar de forma concatenada en las Comunidades Autónomas (Ana 83). Esta iniciativa social queda muy fragmentada y carece de homogeneidad. (José Luis 426). Pero, valiéndose de esta herramienta de lucha contra la precariedad, los poderes públicos reconocen a los ciudadanos el derecho a un mínimo social de inserción (José 207). En las Comunidades Autónomas, las rentas mínimas hacen hincapié en los desempleados y en las personas afectadas por la pobreza y la exclusión social (Manuel 94). Ellas pretenden responder a la creciente demanda sin desincentivar el acceso al empleo (Lucía 161). Los programas de rentas mínimas son prestaciones sociales llevadas a cabo a nivel autonómico. Sin embargo, a la hora de diseñar estas políticas sociales, los poderes públicos catalanes y vascos comparten la misma filosofía: luchar contra la pobreza y promover la integración social. De esta forma, los programas de rentas mínimas elaborados en Cataluña y en Euskadi son susceptibles de abarcar analogías y diferencias. Para descubrirlas, nos interesamos en su estudio comparado. A nuestro entender, existen similitudes y divergencias entre las políticas de rentas mínimas puestas en marcha en Cataluña y en Euskadi.

El presente estudio pretende poner en evidencia las analogías y las diferencias que se observan entre las prestaciones de rentas mínimas desarrolladas en la Comunidad Autónoma de Cataluña y en la de Euskadi. Este artículo consta de tres partes. La primera parte trata de la metodología. La segunda parte remite a los resultados. En la tercera parte abordamos la discusión de los resultados.

1. Metodología

La metodología que usamos abarca el tipo de investigación, el muestreo y las diferentes técnicas de investigación que nos permitieron llevar a cabo el presente trabajo.

1.1. Tipo de investigación

Este estudio es el fruto de una investigación de campo. Sin embargo, antes de la encuesta, hicimos hincapié en la investigación documental que se fundamenta en la recolección, la selección y el análisis de datos. Se trata de un método de carácter interpretativo encaminado a examinar el contenido de las lecturas del investigador (Luis 230). De esta forma, nos interesamos sobre todo por libros y artículos que tratan de los programas de rentas mínimas en Cataluña y en Euskadi. El trabajo de campo se desarrolló entre el 5 y el 27 de agosto de 2015, en la Comunidad Autónoma de Cataluña y en la de Euskadi, precisamente en Barcelona y en Bilbao. Se trata de una encuesta cualitativa que nos facilitó datos recogidos directamente de la realidad (Mario 110). Recolectamos estos datos primarios mediante entrevistas que mantuvimos con los sujetos investigados (Fidias 31).

1.2. Muestra

El muestreo consta de dos Responsables de la Generalitat de Catalunya (Gobierno de la Comunidad Autónoma de Cataluña) y de tres miembros del Gobierno de Euskadi. Se trata de especialistas en políticas sociales. Se encargan del diseño, de la puesta en práctica, de la gestión y de la valoración de los programas de lucha contra la pobreza y la exclusión social, respectivamente en Cataluña y en Euskadi.

1.3. Técnicas de investigación

Con vistas a la salida al campo de investigación, elaboramos un cuestionario que mandamos, respectivamente, a la Generalitat de Catalunya (Gobierno de la Comunidad Autónoma de Cataluña) y al Gobierno de la Comunidad Autónoma de Euskadi (Gobierno del País Vasco). En un primer lugar, usamos la técnica de la entrevista estandarizada programada. Consiste en plantear a todas las personas encuestadas, una serie de preguntas idénticas, pero de respuestas libres y abiertas (Miguel 180). A lo largo de la entrevista, el investigador puede plantear nuevas preguntas (Carlos Arturo 198). Adoptamos esta actitud para sacar mejor provecho de la encuesta. En un segundo lugar, nos servimos de la técnica de la investigación comparada que lleva al investigador a moverse de forma dinámica entre los acontecimientos y su interpretación. (Roberto Hernández 7). Por fin, El análisis de contenido nos permitió explotar toda la documentación que estaba a nuestro alcance.

2. Resultados

Las políticas públicas de rentas mínimas de inserción elaboradas en Cataluña y en Euskadi quedan gestionadas por varios actores sociales. Tienen una estructura organizativa, su malla de seguridad social es de carácter universalista y tienen un régimen económico específico.

2.1. Programa de la Renta Mínima de Inserción en Cataluña

Para luchar contra las situaciones de vulnerabilidad, la Generalitat de Catalunya (Gobierno de la Comunidad Autónoma de Cataluña) despliega el programa de la Renta Mínima de Inserción por todo el territorio de Cataluña. Se gestiona mediante la Comisión de la misma.

2.1.1. Organización administrativa de la Renta Mínima de Inserción en Cataluña

En Cataluña, la gestión de la RMI (Renta Mínima de Inserción) está en manos de la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción. Ella actúa como órgano de dirección y coordinación de las funciones de los Departamentos de Trabajo y de Bienestar Social. También se establecen mecanismos de coordinación del programa de la Renta Mínima de Inserción con los Departamentos de Enseñanza, Justicia, Sanidad Seguridad Social. Para mejor gestionar esta prestación, los Consejeros o las Consejeras de Trabajo y de Bienestar Social nombran a un Presidente o una Presidenta y a un Secretario o una Secretaria con carácter rotativo.[2]

Con la misma finalidad, la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción se dota de un órgano técnico administrativo. A esta Comisión, le corresponde impulsar la aplicación de esta prestación de carácter económico en todos sus aspectos. En este sentido, emite informes sobre los proyectos relacionados con la política social de la RMI (Renta Mínima de inserción) y coordina las actuaciones relativas al programa de la Renta Mínima de Inserción. Además, la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción se encarga de coordinar las colaboraciones de las entidades de iniciativa social que participan en la puesta en práctica de esta política pública.[3]

Por una parte, la Comisión ya mentada evalúa periódicamente la prestación de la renta mínima de inserción con el fin de valorar su grado de desarrollo y los resultados de su aplicación. Por otra parte, la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción propone al Gobierno de Cataluña las modificaciones necesarias en la normativa reguladora de dicha prestación. Ella planifica, diseña y mantiene las estadísticas ligadas a la Renta Mínima de Inserción. Por fin, esta Comisión cuenta con un Comité de Seguimiento del programa de la RMI (Renta Mínima de Inserción) que abarca una representación de las administraciones locales, las representaciones de iniciativa social, las organizaciones profesionales, sindicales, empresariales y cívicas relativas a los fines de la prestación de la Renta Mínima de Inserción.[4]

2.1.2. Tipos de prestaciones de la Renta Mínima de Inserción en Cataluña

Cabe mencionar que la renta mínima catalana tiene por objeto proporcionar a los hogares, recursos convenientes destinados a la inserción social y laboral (Ramón y Anna 27). En otros términos, la noción de inserción se ubica en el corazón del programa de la renta mínima de inserción (Joan 323). Se trata de una política activa de empleo (Ramon 13). Entre la tipología de las prestaciones de la Renta Mínima de Inserción figuran las prestaciones de urgencia y resarcimiento. Es importante subrayar que su concesión provisional por las administraciones locales no implica necesariamente la aprobación del PIR (Plan individual de Inserción y Reinserción). Otra prestación del programa de la Renta Mínima de Inserción es la del apoyo a la integración social. Sus actuaciones remiten a la integración de carácter psicológico, social y educativo, a la información y orientación para que la persona afectada por la precariedad conozca los servicios otorgados por las Administraciones.[5]

Las acciones de formación de adultos forman parte de las prestaciones de la renta mínima de Cataluña. Consisten en actuaciones formativas dirigidas a las personas adultas con la finalidad de proporcionarles la formación básica. También, las autoridades de catalanas otorgan a los titulares de la Renta Mínima de Inserción, prestaciones de inserción laboral. Son prestaciones de motivación, orientación y de formación ocupacional destinadas a la incorporación de sus beneficiarios al mercado laboral. El Departamento de Trabajo organiza las actuaciones de apoyo a la integración laboral mediante empresas y entidades de inserción, administraciones u otras instituciones colaboradoras.[6]

 En el programa de la renta mínima catalana, la prestación económica es muy relevante. Tiene carácter periódico y queda sujeta al correcto desarrollo del plan individual de inserción y reinserción. Su cuantía está en función de las cargas familiares de la persona perceptora. Tiene como finalidad atender las necesidades de alimentos y subsistencia. Es gestionada por el Departamento de Trabajo y puede otorgarse de forma complementaria con otros ingresos de los beneficiarios. Cabe señalar que la prestación de la Renta Mínima de Inserción está dirigida a la unidad familiar. Sin embargo, asistimos a una feminización de esta prestación social (Alícia 43). Una de las fases más importantes de este programa es la del pago de la prestación.[7]

2.1.3. Financiación de la Renta Mínima de Inserción en Cataluña

La financiación del programa de la Renta Mínima de Inserción corresponde a la administración de la Comunidad Autónoma de Cataluña. En este sentido, los gastos administrativos del funcionamiento de la Comisión Interdepartamental y su órgano técnico administrativo corren a cargo de los Departamentos de Trabajo y de Bienestar Social. Le incumbe al Departamento de Bienestar Social tramitar los gastos de las actuaciones de apoyo a la integración social y financiar esta prestación de acuerdo con la normativa de la Renta Mínima de Inserción. También, este Departamento financia las acciones de formación de adultos.[8]

En cuanto al Departamento de Trabajo, se encarga del abono de la prestación de la RMI (Renta Mínima de Inserción) y tramita los gastos de motivación y orientación laboral, de formación ocupacional y de inserción laboral. Además, al Departamento de Trabajo le corresponden los gastos de las subvenciones a las empresas, entidades de inserción, administraciones locales y demás instituciones implicadas en el desarrollo de programas dirigidos a los titulares de un plan individual de inserción y reinserción social y laboral. En la Comunidad Autónoma de Cataluña, las administraciones locales constituyen la tercera fuente de financiación de la política de la renta mínima de inserción. Ellas se hacen cargo de las prestaciones de urgencia y resarcimiento necesarias para las personas atendidas según sus respectivos PIR (Plan Individual de Inserción y Reinserción).[9] También en Euskadi, los poderes públicos otorgan una prestación de renta mínima a las poblaciones hundidas en la precariedad.

2.2. Política social de la renta de garantía de ingresos en Euskadi

Para mejorar las condiciones de vida de sus conciudadanos afectados por la pobreza, las autoridades de la CAE (Comunidad Autónoma de Euskadi) ofrecen a las personas en situación de exclusión social, la prestación de la renta de garantía de ingresos. Su estructura organizativa es relevante.

2.2.1. Coordinación administrativa de la Renta de Garantía de Ingresos en Euskadi

En Euskadi (el País Vasco), la renta mínima que se otorga a las poblaciones en situación de vulnerabilidad se conoce con el nombre de Renta de Garantía de Ingresos. Para su despliegue en los Territorios Históricos, las administraciones prestan entre sí, la coordinación necesaria para garantizar la máxima eficacia en el funcionamiento de este programa social. A los efectos de encauzar dicha coordinación, el Sistema Vasco de Garantía de Ingresos y de Inclusión Social se dota de una organización institucional que se apoya en dos Comisiones.[10] La primera, denominada Comisión Interinstitucional para la Inclusión Social, se constituye como máximo organismo de colaboración entre las administraciones públicas vascas. Se dedica a la coordinación institucional de las diversas actuaciones relativas a la prestación de la renta de garantía de ingresos. Corresponde a esta Comisión el ejercicio de varias funciones. Primero, propone los criterios para la elaboración de las normas de desarrollo, de aplicación y de revisión de la ley de renta de garantía de ingresos. Luego detecta y analiza las necesidades básicas de las personas en situación de exclusión social. También elabora la propuesta del Plan Vasco para la Inclusión Social y propone a las distintas administraciones públicas vascas la adopción de las medidas necesarias para la coordinación de sus actuaciones ligadas al programa de la renta de garantía de ingresos. Además, analiza los criterios de distribución de los recursos económicos destinados a la financiación de las ayudas de emergencia social.[11]

En cuanto a la segunda Comisión, se conoce con el nombre de Comisión Interdepartamental para la Inclusión Social. Es el órgano de coordinación de las actuaciones del Gobierno Vasco en materia de inclusión social adscrita al departamento competente en garantía de ingresos e inclusión social. Entre sus distintas funciones, se destacan la identificación, el censo de las intervenciones y actuaciones de lucha contra la exclusión. También, se interesa por las acciones de promoción de la inserción social y laboral de las personas en riesgo de exclusión social en la Comunidad Autónoma de Euskadi. Además, propone las líneas básicas para la ejecución del Plan vasco para la Inclusión Social por los departamentos a través de los programas orientados a la inclusión.

Otra estructura administrativa implicada en la organización de la política social de la renta de garantía de ingresos es la del Consejo Vasco para la Inclusión Social. Se constituye como un órgano de carácter consultivo y de participación, adscrito al departamento del Gobierno Vasco competente en el dominio de la garantía de ingresos e inclusión social. Este órgano abarca representantes del Gobierno Vasco, de las diputaciones forales y de los ayuntamientos.[12]

Consta de varios miembros de las organizaciones sindicales y empresariales, de las personas usuarias y de las organizaciones del tercer sector de acción social que trabajan e intervienen en el ámbito de la inclusión social. Las funciones del Consejo Vasco para la Inclusión Social atañen a la emisión de informes en relación con los anteproyectos de ley, los proyectos de decreto y los planes generales o sectoriales en materia de garantía de ingresos e inclusión social. Además, propone al Gobierno de Euskadi iniciativas de garantía de ingresos e inclusión social y emite recomendaciones para la mejora del Sistema Vasco de Garantía de Ingresos y de Inclusión Social. Cabe precisar que la malla de seguridad social de la Renta de Garantía de Ingresos incorpora varias prestaciones.

2.2.2. Categorías de prestaciones de la Renta de Garantía de Ingresos en Euskadi

La RGI (Renta de Garantía de Ingresos) es una prestación periódica de naturaleza económica a fondo perdido, destinada anualmente a las personas integradas en una unidad de convivencia (Sara 112). Se otorga a unidades convivenciales que no disponen de ingresos suficientes para hacer frente tanto a los gastos asociados a las necesidades básicas como a los gastos derivados de un proceso de inclusión social. Es una prestación económica de derecho subjetivo (Gorka y Javier173). Tiene naturaleza subsidiaria respecto de los recursos de que disponga la persona beneficiaria y las personas integrantes de la unidad de convivencia. Es una prestación que no puede ser objeto de cesión total ni parcial.[13]

Mediante este programa social, los poderes públicos de la Comunidad Autónoma de Euskadi ofrecen a las poblaciones afectadas por la precariedad dos tipos de prestaciones: la renta básica para la inclusión y protección social, la renta complementaria de ingresos de trabajo. La primera es una prestación periódica de carácter económico, dirigida a las personas que no disponen de ingresos procedentes de rentas de trabajo y cuyo nivel mensual de ingresos no alcanza el importe de la renta básica para la inclusión y protección social. En fin, la renta básica para la inclusión y protección social tiene como finalidad hacer frente tanto a los gastos relativos a las necesidades básicas como a los gastos derivados de un proceso de inclusión social o labor.  La segunda, la renta complementaria de ingresos de trabajo, es otra prestación periódica, de índole económica, orientada a completar el nivel de ingresos de las unidades de convivencia que, aun disponiendo de ingresos procedentes del trabajo, cuentan con un nivel de ingresos que no alcanza el de la renta básica para la inclusión y protección social. Se trata de un nivel mensual de ingresos insuficiente para paliar las necesidades básicas de supervivencia y para llevar a cabo un proceso de inclusión social. Ambas prestaciones quedan vinculadas al establecimiento de un convenio de inclusión con la persona beneficiaria del programa de la renta de garantía de ingresos.[14] Varias fuentes proporcionan esta prestación a las unidades de convivencia afectadas por las situaciones de vulnerabilidad.

2.2.3. Fuentes de financiación de la Renta de Garantía de Ingresos en Euskadi

En Euskadi, existen sistemas que proporcionan a los ciudadanos vulnerables una garantía de ingresos. En esta Comunidad Autónoma, para pagar la Renta de Garantía de Ingresos, se requiere la previa provisión en divisas del Sistema Vasco de Garantía de ingresos e Inclusión Social. Primero, cabe mencionar que la financiación de este programa social es el fruto de una colaboración de las administraciones públicas vascas entre sí. Luego, es importante subrayar que, en la Comunidad Autónoma de Euskadi, la garantía de ingresos queda proporcionada por la seguridad Social del Estado Central y por el Sistema Vasco de Garantía de ingresos e Inclusión Social.[15] En un primer lugar, con la finalidad de conceder esta prestación a las unidades de convivencia en situaciones de pobreza, la CAE (Comunidad Autónoma de Euskadi), los Territorios Históricos y los ayuntamientos se conciertan. En un segundo lugar, se consignan anualmente, en los presupuestos generales de esta Comunidad Autónoma, los recursos económicos necesarios para financiar la Renta de Garantía de Ingresos. También, las diputaciones forales y los ayuntamientos dedican, de manera anual, una parte de sus presupuestos al pago de esta prestación de naturaleza económica. Además, se acepta cualquier otra aportación amparada en el ordenamiento jurídico destinada a la mejora de las condiciones de vida de la población.[16] 

3. Discusion de los resultados

Ante las situaciones de vulnerabilidad, las autoridades de Cataluña y las del País Vasco otorgan rentas mínimas a varios de sus conciudadanos. A primera vista, estas políticas sociales desarrolladas respectivamente en tierra catalana y en territorio vasco se parecen. Sin embargo, al observarlas con un ojo atalayador, notamos algunas divergencias.

3.1. Análisis comparado de las prestaciones de rentas mínimas en Cataluña y en Euskadi

En los programas de rentas mínimas puestos en práctica en la Comunidad Autónoma de Cataluña y en la de Euskadi, se destacan varias similitudes tanto en la organización administrativa de estas prestaciones como en su tipología y sus fuentes de financiación.  

3.1.1. Similitudes entre las rentas mínimas en Cataluña y en Euskadi

Los actores del diseño de las políticas de rentas mínimas de Cataluña son parecidos a sus homólogos de Euskadi. Dicho de otra manera, tanto en tierra catalana como en territorio vasco, los protagonistas de la elaboración de los programas de rentas mínimas son los Gobiernos autonómicos. Otra semejanza entre la Renta Mínima de Inserción de Cataluña y la Renta de Garantía de Ingresos de Euskadi se destaca en la gestión de dichas prestaciones. Para gestionar las prestaciones ya mentadas, las autoridades de Cataluña, a semejanza de sus homólogos de Euskadi crean estructuras orientadas a desplegar la malla de seguridad social de las rentas mínimas. Una característica común a Cataluña y a Euskadi en materia de aplicación de las políticas de rentas mínimas es la colaboración de las Comisiones encargadas de poner en práctica estas políticas, con otras estructuras administrativas. También, el Gobierno de Cataluña y el de Euskadi comparten la misma filosofía en términos de diseño de la estructura organizativa de las rentas mínimas. En Ambas Comunidades Autónomas, Esta estructura consta de dos pilares. El primero es vertical y abarca al Gobierno autonómico, a los departamentos implicados en la acción social y a las entidades administrativas locales que participan en la puesta en práctica de los programas de rentas mínimas. El segundo es horizontal e incorpora a todos los departamentos participantes en la realización de las políticas sociales. Una de las similitudes que se contempla en las prestaciones de rentas mínimas promovidas en Cataluña y en Euskadi se halla en su naturaleza. Se trata de prestaciones de carácter económico a fondo perdido, encaminadas a erradicar la pobreza y a promover la integración social. Tanto en Cataluña como en Euskadi, la principal fuente de financiación de las prestaciones de rentas mínimas es semejante y corre a cargo de la administración autonómica. Sin embargo, se destacan varias diferencias entre los programas de rentas mínimas implantados en tierra catalana y en territorio vasco.

3.1.2. Divergencias entre los programas de rentas mínimas en Cataluña y en Euskadi

En términos de divergencias, la denominación de la renta mínima de inserción difiere de una Comunidad Autónoma a otra. En Cataluña, este programa social se conoce con el nombre de RMI (Renta Mínima de Inserción). Al contrario, en Euskadi, la prestación de la renta mínima se denomina RGI (Renta de Garantía de Ingresos). En tierra catalana, la gestión de la renta mínima está en manos de una sola Comisión. Se trata de la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción. Ahora bien, en territorio vasco (en Euskadi), la Renta de Garantía de Ingresos queda coordinada por dos Comisiones: la Comisión Interinstitucional para la Inclusión social, la Comisión Interdepartamental para la Inclusión social. Mientras que la renta mínima catalana se organiza a escala de la Comunidad Autónoma, la Renta de Garantía de Ingresos se diseña a nivel autonómico y se despliega a los Territorios Históricos.

A diferencia de la prestación de la Renta Mínima de Inserción de Cataluña que se otorga a la unidad familiar, el programa vasco de la Renta de Garantía de Ingresos tiene como blanco la unidad de convivencia. El programa de la renta mínima de Euskadi es nítidamente diferente del de Cataluña, ya que abarca la formación de adultos que no figura en las prestaciones de la Renta Mínima de Inserción de esta Comunidad Autónoma. También, las divergencias entre las prestaciones de rentas mínimas desarrolladas en Cataluña y en Euskadi se observan en las fuentes destinadas a financiar estas políticas públicas. Prueba de ello es que, ahora bien, la financiación de la Renta Mínima de Inserción de Cataluña corresponde a la administración de esta Comunidad Autónoma, en Euskadi, el pago de la Renta de Garantía de Ingresos corre a cargo del Estado Central, de la Comunidad Autónoma de Euskadi, de los Territorios Históricos y de los ayuntamientos. Por fin, comparativamente a la malla de seguridad social de la renta mínima catalana, la de la renta mínima vasca es la más heterogénea y la más descentralizada.

Conclusión

Para mejorar las condiciones de vida de sus conciudadanos, las autoridades de Cataluña y las de Euskadi elaboran programas de rentas mínimas en sus Comunidades Autónomas respectivas. El propósito del presente estudio es llevar a cabo un estudio comparado de las rentas mínimas promovidas en Cataluña y en Euskadi. Este estudio nos ha permitido confirmar la hipótesis que nos sirvió de punto de partida. En otros términos, hemos comprobado que las políticas de las rentas mínimas implementadas en Cataluña y en Euskadi abarcan similitudes y divergencias. Efectivamente, cuando echamos un ojo atalayador sobre las políticas públicas de las rentas mínimas desarrolladas en Cataluña y en Euskadi, observamos algunas similitudes entre ambas políticas sociales. Por ejemplo, los programas de las rentas mínimas elaborados en Cataluña y en Euskadi son parecidos, dado que todos estos programas son promovidos por los Gobiernos autonómicos. Tanto en Cataluña como en Euskadi, la gestión de las rentas mínimas es similar y está en manos de las administraciones públicas autonómicas. Uno de los rasgos comunes a las prestaciones de rentas mínimas desarrolladas en estas Comunidades Autónomas es su naturaleza. En este sentido, la Renta Mínima de Inserción y la Renta de Garantía de Ingresos son prestaciones de carácter económico a fondo perdido, encaminadas a la lucha contra la precariedad. Otra similitud entre las rentas mínimas implementadas en la Comunidad Autónoma de Cataluña y en la de Euskadi es su modo de financiación que, en ambas Comunidades Autónomas, corre a cargo de la administración autonómica. Tanto en Cataluña como en Euskadi, la puesta en aplicación de las rentas mínimas requiere una labor de colaboración entre los departamentos participantes en la realización de las políticas sociales.

Sin embargo, entre las rentas mínimas elaboradas en Cataluña y en Euskadi, las diferencias tienen cabida. En este sentido, primero, la denominación de la renta mínima otorgada a las poblaciones en Cataluña y en Euskadi difiere de una Comunidad Autónoma a otra. En la Comunidad Autónoma de Cataluña, esta prestación se conoce con el nombre de Renta Mínima de Inserción. Al contrario, en la CAE (Comunidad Autónoma de Euskadi), ella se denomina Renta de Garantía de Ingresos. Luego, los titulares de las prestaciones de las rentas mínimas elaboradas en Cataluña y en Euskadi son divergentes. Prueba de ello es que, la Renta Mínima de Inserción de Cataluña se dirige al hogar mientras que la Renta de Garantía de Ingresos de Euskadi está destinada a la unidad de convivencia. Además, a diferencia de la Renta Mínima de Inserción de Cataluña que queda gestionada por una sola Comisión que es la Comisión Interdepartamental de la Renta Mínima de Inserción, la gestión de la Renta de Garantía de Ingresos de Euskadi corre a cargo de dos Comisiones: la Comisión Interinstitucional para la Inclusión social, la Comisión Interdepartamental para la Inclusión social. Comparativamente a la malla de seguridad social de la Renta Mínima de Inserción de Cataluña que se despliega a nivel autonómico, la de Euskadi es la más descentralizada, ya que se diseña a escala de la Comunidad Autónoma de Euskadi y cunde a los Territorios Históricos. Mientras que, en Cataluña, se otorga una prestación de renta mínima homogénea a las capas sociales afectadas por la pobreza, en Euskadi, la prestación de la renta mínima encaminada a luchar contra las situaciones de vulnerabilidad es heterogénea.

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Comment citer cet article :

MLA : Soro, Kassoum. « Rentas mínimas ante la pobreza y la exclusión social: Un estudio comaparado entre Cataluña y Euskadi ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 354-369.


§ Université Alassane Ouattara – Bouaké  / [email protected]

[1] Entrevista con Mireia Llorens Poch, Responsable del Ámbito Internacional en el Gabinete Técnico del Departamento de Bienestar Social y Familia de la Generalitat de Catalunya, en Barcelona, el miércoles 5 de agosto de 2015.

[2] Entrevista con Mireia Llorens Poch, Responsable del Ámbito Internacional en el Gabinete Técnico del Departamento de Bienestar Social y Familia de la Generalitat de Catalunya, en Barcelona, el miércoles 5 de agosto de 2015.

[3] Idem.

[4] Idem.

[5] Entrevista con Patricia Oquendo Rodríguez, Técnica del Ámbito Internacional en el Gabinete Técnico del Departamento de Bienestar Social y Familia de la Generalitat de Catalunya, en Barcelona, el miércoles 5 de agosto de 2015.

[6] Idem.

[7] Idem.

[8] Entrevista con Patricia Oquendo Rodríguez, Técnica del Ámbito Internacional en el Gabinete Técnico del Departamento de Bienestar Social y Familia de la Generalitat de Catalunya, en Barcelona, el miércoles 5 de agosto de 2015.

[9] Idem.

[10] Entrevista con José María Chaves Rivera, Jefe de la Sección de Prestaciones, Ayudas y Valoración de la Diputación del Territorio Histórico De Bizkaia, en el País Vasco, en el Departamento de Acción Social de Bilbao, el miércoles 26 de agosto de 2015.   

[11] Idem

[12] Entrevista con Xabier Aierdi Urraza, Profesor de Sociología en la Universidad del País Vasco, miembro del Gobierno Vasco, Consejero del Gobierno Vasco en políticas sociales, en el Departamento de Acción Social de Bilbao, el miércoles 26 de agosto de 2015.

[13] Entrevista con José María Chaves Rivera, Jefe de la Sección de Prestaciones, Ayudas y Valoración de la Diputación del Territorio Histórico De Bizkaia, en el País Vasco, en el Departamento de Acción Social de Bilbao, el miércoles 26 de agosto de 2015.

[14] Entrevista con Xabier Aierdi Urraza, Profesor de Sociología en la Universidad del País Vasco, miembro del Gobierno Vasco, Consejero del Gobierno Vasco en políticas sociales, en el Departamento de Acción Social de Bilbao, el miércoles 26 de agosto de 2015.

[15] Entrevista con Fernando Fantova Azcoaga, Educador social, Licenciado en psicología, Doctor en Sociología, Consultor Social en España y en América Latina, Diseño de políticas sociales, Escritor, Vice-Consejero en el Gobierno Vasco, el jueves, 27 de agosto de 2015, en el Departamento de Atención Social, en Bilbao, Calle, Nicolás Alcorta.

[16] Entrevista con José María Chaves Rivera, Jefe de la Sección de Prestaciones, Ayudas y Valoración de la Diputación del Territorio Histórico De Bizkaia, en el País Vasco, en el Departamento de Acción Social de Bilbao, el miércoles 26 de agosto de 2015.