Theophile Kwame Atonon§
Résumé : Cet article est une partie de notre thèse de doctorat en cours. C’est une analyse d’un produit de traduction de trois textes dans le domaine juridique et financier au Ghana. L’objectif est de relever des nuances rencontrées lors de la traduction et de les analyser du point de vue syntagmatique et paradigmatique. L’analyse est basée sur des observations faites sur ces textes et l’application de la méthode d’analyse comparative des textes en traduction de (Nord). Nous avons aussi exploré les méthodes d’approche sémantique et communicative de traduction pour produire de sens dans les textes d’arrivée. En fin de compte, c’est trouvé que les textes juridiques présentent des nuances linguistiques qui ne favorisent pas la traduction. Le traducteur doit toujours faire attention tout en traduisant des textes de ce domaine.
Mots-clés : nuancelinguistique, traduction pragmatique, texte juridique, connotation, dénotation
Abstract: This article is part of our ongoing Doctoral Thesis. It is an analysis of the translation of three legal and financial texts in Ghana. The main aim of this work is to collect linguistic nuances that occur in the given texts and analyze them through a pragmatic approach. The analysis is mainly focused on the observation of the given texts and the application of comparative analysis of translated texts by (Nord). Communicative, and semantic methods of translation were explored in order to carry out this work. The results showed that legal texts are characterized by linguistic nuances which affect the translation of texts of this nature. The translator must therefore be cautious while translating texts in this domain.
Keywords: Linguistic Nuance, Legal Text, Pragmatic Translation, Connotation, Denotation
Introduction
L’article est tiré de notre thèse de doctorat en cours. Le but est d’identifier et analyser des nuances stylistiques, linguistiques, et pragmatiques qui influencent la traduction des terminologies ou expressions combinées (juridico-financières) dans ces textes.
La traduction juridique est un type de traduction spécialisée, qui consiste à traduire des documents appartenant au domaine du droit. Alors un texte juridico-financier est tiré de deux domaines (juridique et financier). Le texte joue deux fonctions qui sont des lois qui gouvernent le milieu financier.Toute traduction dans ce domaine est vaste et s’étend de la traduction des simples documents contractuels à la traduction des documents plus complexes. Il y a la présence de terminologies juridique et financière caractérisées par des nuances multiples qui rendent difficile le travail d‘interprétation et de reformulation en français.
1. Problématique et pragmatique de la traduction des textes juridico-financiers
Nous avons tout d’abord présenté la problématique et le caractère pragmatique des textes juridico-financiers, et ensuite relevé quelques nuances sous forme stylistique et linguistique dans l’analyse.
1.1. Problématique
La traduction juridique est plus ou moins un exercice de transfert de terminologies d’une langue à l’autre. C’est-à-dire que le texte juridique est doté de terminologies dont on doit reproduire le sens exact ou la forme équivalente dans des textes traduits. De toute façon, l’acquis linguistique du traducteur compte beaucoup plus lors de la traduction des terminologies. En conséquence la tâche de traduction est ardue et exige une forme d’analyse minutieuse des textes avant de traduire. Cette notion est noté dans les observations suivantes sur les difficultés de traduction juridique: “Translating legal texts is regarded by many researchers as one of the most arduous endeavors, « combining the inventiveness of literary translation with the terminological precision of technical translation.” (Fakhouri &Tawfiq 2).
[La traduction d’un texte juridique est considérée par un grand nombre de chercheurs comme l’une des initiatives les plus ardues, car elle combine l’esprit d’invention de la traduction littéraire avec l’esprit de précision terminologique de la traduction technique.] (Notre traduction).
1.2. Pragmatique de la traduction
Nous avons remarqué que la terminologie des textes est employée en contexte général et que la reproduction de sens s’étend au-delà de la linguistique. Alors nous avons abordé les textes de façon pragmatique. Le terme pragmatique désigne une partie de la sémiotique traitant les relations entre les signes et les usagers des signes (Morris). Elle traite des relations qui existent dans l’emploi des signes. En d’autres termes, la pragmatique s’occupe de l’aspect contextuel d’un message et que seuls les usagers comprennent les détails. Elle s’étend postérieurement de l’emploi de la langue et tient compte à des réalités spatiales temporelles du texte. Nous avons trouvé que la traduction doit suivre les réalités possibles dans le texte de départ avant de reproduire son sens dans le texte cible. Le sens véhiculé souvent ne se détermine pas directement, il faut une forme d’interprétation pour déduire le non-dit du texte. L’aspect pragmatique du texte est déterminé par sa neutralité au niveau de sens dans la communication. Cette idée est soutenue dans la définition suivante :
…la pragmatique est l’étude de l’usage du langage qui n’est neutre, ni dans ses effets, ni sur le processus de communication, ni sur le système linguistique lui-même ; elle s’intéresse aux signes qui ne peuvent recevoir d’interprétation qu’en contexte, aussi à la fonction actionnelle du langage, et aux stratégies interprétatives de l’allocutaire. (Baktache 35)
Le sens ne se trouve pas dans les mots mais plutôt dans le texte en contexte. L’interprétation elle aussi joue bien sur le sens ; au cas où l’interprétation varie, le sens aussi varie et peut jouer sur la traduction. L’interprétation des signes linguistiques présents dans un texte détermine la valeur du sens du message.
Tout d’abord, la traduction des textes choisis est prise comme un acte de communication. Dans ce cas, il faut considérer la technicité de la langue et la forme systématique des terminologies des textes à traduire. En général, un document juridique contient des codes ou des lois spécifiques, des obligations etc…, qui nécessitent un style ou une rédaction précise, expressive que l’on doit conserver. La traduction d’un tel document dans certains cas demande une interprétation expressive ou équivalente. C’est-à-dire que l’interprétation nécessite la transmission du sens à travers le message du texte. Dans certains cas, les phrases dans les textes à traduire sont brèves et ambigües et, dans d’autres cas, elles sont longues et complexes. Le langage juridique est spécifique et exige un vocabulaire spécialisé pour le traduire. Sarcevic propose l’idée que: “The text is formulated in a special language or sublanguage that is subject to special syntactic, semantic and pragmatic rules” (8)
[Le texte est formulé dans une langue ou sous-langue spéciale soumise à des règles syntaxiques, sémantiques et pragmatiques.] Ces règles constituent les aspects incontournables du texte et contribuent à des difficultés de traduction.
Les nuances sont des relations de connexions stylistiques et linguistiques qui existent entre des terminologies dans les textes traduits. La tâche de faire le choix de terminologies lors de la traduction devient de plus en plus complexe s’il s’agit de choisir le terme approprié. La similarité de sens entre des termes synonymes et des faux-amis jouent sur la reformulation du terme. Certaines des terminologies employées dans les textes ont des nuances minimales qui ont été relevées et analysées. Par exemple, « Foreign currency » (devise étrangère) et « Local currency» (monnaie nationale).
Souvent le terme « Currency » se traduit comme « monnaie » ou « devise ». Mais la vraie traduction de « currency » est (monnaie) sous forme de monnaie en circulation dans un pays alors que le terme « devise » s’emploi pour la traduction de « foreign currency ». La qualité de la traduction doit provenir du caractère linguistique choisi lors de la traduction. Choisir un terme équivalent accepté détermine le niveau linguistique du texte et du destinataire. Considérons l’exemple tiré de « The World Bank Translation Style Guide 4»:
‘Local currency’ (monnaie nationale) One may easily fall into the trap of a literal translation of the adjective in this phrase, and the erroneous monnaie locale is sometimes seen as a result, when the correct rendering is monnaie nationale. This is particularly useful to remember in the context of World Bank projects, in which a distinction is made between “disbursements for foreign expenditures” (décaissements au titre de dépenses en devises) and “disbursements for local expenditures” (décaissements au titre de dépenses en monnaie nationale).
“Foreign currency” (devise):
The words ‘monnaie’ and ‘devise’ are often confused and incorrectly used in French translations. Put simply, ‘monnaie’ is the standard translation of “currency”—defined as the money in circulation in any country—whereas devise strictly designates “foreign currency”—defined as the money of any foreign country. Other accepted translations of “foreign currency” are ‘monnaie étrangère’ and ‘devise étrangère’. In the plural form, ‘devises’ designate all the means of payment denominated in foreign currencies.
La traduction du terme monnaie doit s’effectuer d’une manière concise pour déterminer le terme approprié à utiliser pour éviter toute forme de confusion. Par exemple prenant les définitions déjà données du terme « monnaie », si on veut traduire « monnaie courante », il faut bien considérer le sens du terme. L’expression veut dire « commun » alors la traduction sera « common or common place or wide spread»
2. Méthodologie et présentation de l’échantillon des textes traduits
Nous avons choisi et traduit trois textes du milieu juridique et financier au Ghana à savoir « Anti-Money Laundering Act, 2008, Act 749, Borrowers and Lenders Act, 2008, Act773 et Non-Bank Financial Institutions Act, 2008, Act 774. » que nous avons comme suit : (Loi No749 de 2008 portant lutte contre le blanchiment d’argent ; Loi No.773 de 2008 relative aux emprunteurs et aux prêteurs ; Loi No. 774 de 2008 relative aux institutions financières non-bancaires). Nous n’avons fourni que quelques exemples de ces textes dans cet article. Nous avons basé l’analyse sur les observations faites sur ces textes et appliqué la méthode d’analyse comparative des textes en traduction de (Nord). Nous avons aussi exploré les méthodes d’approche sémantique et communicative de traduction de (Newmark), (Nida et Taber), (Sarcevic), et (Seleskovitch et Lederer) pour produire de sens dans les textes d’arrivée.
3. Nuances linguistiques
Le style de rédaction des textes de départ est considéré dans l’analyse et les aspects sémantiques ; l’emploi des antonymes, dénotation, connotation des expressions ont fait l’objet d’étude pour bien déterminer le sens et reformuler des idées d’une manière appropriée dans la langue cible. Les textes juridico-financiers étant pragmatiques, nous avons apporté une analyse pragmatique en vue de prendre en compte l’aspect contextuel de la traduction.
3.1. Nuances de style
Le langage des textes est écrit suivant un ton didactique pour faire ressortir l’explicitation méthodique des règles qui gouvernent chaque aspect de la loi. L’information est passée dans les idéologies et des grands principes de base qui gouvernent les textes. Nous avons déduit que tous les textes choisis étant juridiques et financiers, ils ont un même style, un même ton et aussi un même niveau de langage et produisent un même effet qui est celui de contrôler le système financier dans le pays. La seule variation se trouve au niveau du fond du texte mais la forme est la même. Le registre du langage est soutenu et soigné selon le domaine et les tons sont aussi autoritaires. Le regroupement et l’arrangement des unités linguistiques sont les mêmes. Le texte juridique est doté de nuances et alors « il faut pourtant reconnaître qu’en matière de traduction juridique, il n’y a guère de vraies divergences de fond mais seulement quelques nuances » (Bocquet 110). La rédaction des textes suit une forme propre à la tradition juridique. La traduction est faite suivant cette tradition dans la pratique juridique française. L’arrangement des termes et expression et l’emploi isolé de ces termes en sous-titre est un cas particulier qui est aussi considéré.
Par exemple
Texte source | Texte traduit |
Allowances (142) | Indemnités |
Regulations (54) | Réglementations |
Interpretation (55) | Interpretation |
Schedules (62) | Annexes |
Offences (126) | Infration |
Investigation (73) | Investigation |
Notices (126) | Avis |
La traduction de ces termes ne vient pas aisément. Il faut situer les concepts en contexte dans lequel ils sont employés pour être en mesure de trouver des équivalents appropriés. Nous avons parcourus plusieurs documents juridiques tels que The World Bank Translation Style Guide, des dictionnaires juridiques, etc… tout en considérant les termes ou expressions nécessaires à retenir dans le contexte des textes de départ. Nous avons essayé de trouver les sens en contexte juridique, surtout quand il s’agit de faire le choix parmi plusieurs lexiques qui y conviennent. La formulation des idées ne se déroule pas isolement mais dans le contexte juridique et financier. Le ton, le style, la structure et l’arrangement syntaxique des textes dépeignent un texte de type d’obligation et autoritaire.
Dans les trois textes choisis nous remarquons l’emploi prédominant du présent de l’indicatif qui joue en même temps le rôle de l’impératif pour exprimer des ordres. Par exemple; «Where a borrower fails to make payment on … », « A person who makes a suspicious transaction report » « A person who intends to convey currency that exceeds the », etc… Il y a aussi dans les textes le recours à l’auxilliaire shall en lieu et place de will pour exprimer une obligation légale. Par exemple ; « The court shall in addition to the penalty…», «A person shall not be convicted … », etc. nous avons relevé l’emploi de la forme passive dans les textes. Par Exemple; « the person is required by law», « …as a result of a transaction concluded by or …. » etc. Les textes sont aussi caractérisés par la présence de sujet indéfini ; par exemple : « A person who ; Any written solicitation ; An accountable institution » etc. Il y a aussi présence des marques négatives, par exemple l’emploi répété du verbe « fails » et les constructions restrictives par exemple l’emploi répétitif de « shall not » dans « a person shall not» pour exprimer l’interdiction. Les marques démonstratives, par exemple l’emploi de « that » dans nombreuses expressions telles que « that agreement ; that corporate body, ». Ces marques signifient les multiples façons de localiser et situer les objets décrits. Les marques verbales expriment l’obligation ou la permission par exemple l’emploi de « shall» ou de « may». Toutes ces caractéristiques des textes ont engendré des quiproquos de traduction. Il a fallu analyser les textes avant de déterminer comment reproduire le sens dans le texte d’arrivée.
La nature exceptionnelle et notamment la technicité de la terminologie et du lexique du langage juridique ne facilite pas la traduction. Au plan stylistique, les nuances se rapportent aux éléments suivants. Nous avons aussi noté l’utilisation des phrases de formule dans les textes. Les formules, d’après les Dicocitations, sont des « modèles qui contiennent les termes formels et exprès dans lesquels un acte est ou doit être conçu. » Ces phrases de formules ont des caractères variés ; soit elles sont courtes ou soit elles sont alambiquées.
Par exemple
Texte source | Texte traduit |
Where the Centre has reasonable grounds to suspect that an accountable institution or a person other than a supervisory body subject to the provisions of this Act, has contravened or failed to comply with a provision of this Act or a rule or guideline applicable to the accountable institution or person which facilitates compliance with this Act, the Centre shall refer the matter to(50) | Au cas où le centre a des motifs raisonnables de suspecter qu’une institution compétente ou une personne autre que l’agence de supervision sujette aux dispositions de la présente loi, enfreint ou ne respecte pas une disposition à la présente loi, ou un règlement ou une directive applicable à l’institution compétente ou à une personne facilitant la conformité à la présente loi, le Centre doit renvoyer l’affaire à |
Where the Centre after consulting an accountable institution, or a person required to make a report, has reasonable grounds to suspect that a transaction or proposed transaction may involve the proceeds of unlawful activity or may constitute money laundering, the Centre may direct the accountable institution or person to (45) | Au cas où le Centre après avoir consulté une institution compétente, ou une personne devant faire un rapport, a des motifs raisonnables de croire qu’une opération ou une opération envisagée peut inclure des produits d’activités illégales ou peut constituer un blanchiment d’argent, le centre peut ordonner l’institution ou la personne à |
Where a non-bank financial institution fails, refuses or neglects to comply with an order, direction, or agreement made under section 35, the Bank may… (122) | Au cas où l’institution financière non-bancaire ne parvient pas à, refuse ou néglige de se conformer à une ordonnance, une directive, ou un accord, établi conformément à la section 35, la banque peut |
The Bank may, without prejudice to any other course of action. (121) | La banque peut, sans préjudice de tout autre plan d’action |
Nous avons retenu la complexité des phrases en deux niveaux : style alambiqué (extrêmement compliqué) et la longueur des phrases. Comme dans l’exemple, certaines des phrases sont de natures complexes et d’autres sont très simples. Cette complexité force le traducteur à relire tout le contenu du texte avant de déterminer le sens véhiculé. Souvent elles prêtent à des ambigüités et rendent la traduction un peu compliquée.
Finalement, nous pouvons dire que la traduction étant une activité linguistique, elle est aussi un acte de communication qui doit se dérouler et suivre toutes les démarches communicatives. Celui qui traduit doit prendre en compte les fonctions des éléments de communication dans le texte.
Chaque langue présente un ordre structural qui aide la construction des phrases et la production du sens. La compréhension d’une parole ou un message est le résultat d’une analyse structurale des termes. Le sens se déduit après une analyse critique du message. Traduire donc un texte exige une interprétation profonde des idées du texte avant de reproduire le sens. Les problèmes rencontrés proviennent de la compréhension des structures linguistiques du texte. La complexité des expressions et des terminologies rend la traduction difficile. Il est observé que la majorité des problèmes est d’ordre pragmatique et linguistique. La compréhension d’un texte technique, exige une forme d’expérience et de formation de la part du traducteur (Neveu 7).
Avant d’arriver à bout de ce travail, nous avons essayé, à partir de l’analyse linguistique, de comprendre les mécanismes institutionnels des textes à traduire afin d’acquérir les atouts importants servant à la traduction. Le sens à véhiculer dépend du message du texte donc le niveau de langue est aussi important. Afin de trouver le sens d’un terme, il suffit de situer les terminologies dans leur contexte linguistique et de faire recours à des dictionnaires spécialisés et des glossaires bilingues juridiques et financiers tirés sur l’internet sans oublier des références faites des travaux déjà effectués dans ce domaine. Nous avons fait des références et des consultations d’après des experts dans le domaine de la traduction et avons puisé des expériences ultérieures pour bien mener ce travail. Ces idées nous ont aidées à améliorer la traduction et à bien analyser les différentes formes de difficultés provenant des textes.
D’après Ferdinand de Saussure, la comparaison des terminologies entre deux langues est basée sur les signifiés et les signifiants. Le signifié est une unité des idées qui caractérisent la relation qui existe entre des choses et est identifié par un terme qui est le signifiant. Selon la représentation du sens linguistique de Nida, la traduction d’un texte technique conduit vers deux concepts linguistiques à savoir le sens linguistique et la structure linguistique. Le sens linguistique se situe dans le choix de terminologies en contexte alors que le sens profond du texte dépend de son analyse et de son interprétation. Mais la structure linguistique se détermine d’abord, à partir de la forme, et ensuite à partir de l’aspect grammatical du texte :
Linguistic meaning must be carefully distinguished from other types of meaning, for the linguistic signification of a form does not refer to anything outside of the language itself, as does referential or emotive meaning, but rather to the meaningful relationships which exist within the language. On the other hand, linguistic meaning is similar to referential and emotive meanings, for all types of meaning are derived essentially from the signaling of a relationship. (Nida 57)
[Le sens linguistique doit être attentivement dissocié d’autres types de sens, puisque toute la signification linguistique d’une forme ne se déduit pas en dehors de la langue, comme dans le cas du sens référentiel ou émotif, mais plutôt à d’autres relations significatives qui existent dans le langage. D’une autre part, le sens linguistique se rapproche aux sens référentiels et émotifs, car tout type de sens se déduit de la relation signalée.] Le sens contextuel du texte se déduit à partir de l’équivalence du texte de départ.
Par exemple :
Texte anglais | Traduction équivalente en farçais |
(v) has been used or is about to engage in money laundering, shall within twenty four hours after the knowledge or the ground for suspicion of the transaction submit a suspicious transaction report to the Centre (41) | (v) a été utilisée ou est sur le point de s’engager dans le blanchiment d’argent doit, durant les vingt-quatre heures qui suivent la prise de connaissance ou des raisons de la suspicion de l’opération, soumettre un rapport d’opération suspecte au Centre. |
(2) A person who, without reasonable excuse, contravenes or fails to comply with an order under subsection (1) commits an offence and is liable on summary conviction to a fine of not more than five thousand penalty units or to a term of imprisonment of not more than ten years or to both (76) | (2) Toute personne qui, sans raison valable, contrevient ou ne se conforme pas à une ordonnance relative à la sous-section (1) commet une infraction et est passible, suite à une poursuite sommaire, à une amende maximale cinq mille unités pénales ou à une peine d’emprisonnement ne dépassant pas dix ans ou aux deux. |
(2) Within ninety days after the receipt of an application, or where additional information or clarification had been sought, after the receipt of the additional information or clarification, the Bank may if it is satisfied that the application is in accordance with this Act, and the specified fee has been paid (100-101) | (2) Dans quatre-vingt-dix jours après recette de la demande, ou au cas où les informations ou clarifications supplémentaires sont exigées après la recette des informations supplémentaires, la banque peut dans le cas où elle est satisfaite que la demande est en conformité avec la présente loi, et le frais spécifié est payé. |
Les textes traduits sont de nature juridico-financière et présentent des séries de difficultés de traduction. Cette nature bipolaire des textes les caractérise en textes pragmatiques. La déduction du sens se déroule dans le contexte selon l’ordre linguistique des termes. L’ordre linguistique se distingue par le style et la façon dont les termes s’emploient dans les textes. Nous avons analysé les relations linguistiques et extralinguistiques dans les textes pour faire ressortir les rapports pragmatiques qui déterminent la reproduction de sens. Dans ce cas notre objectif principal consiste à prendre connaissance du document et à porter de l’information jusqu’au destinataire dans le texte d’arrivée. Cette analyse des rapports pragmatiques nécessite la prise en compte de la forme et tous les facteurs qui contribuent à la reproduction de sens.
3.3 Nuances sémantiques
Le vocabulaire des textes choisis étant juridique et financier, possède des traits qui rendent le message très unique. Nous avons rencontré des termes qui sont écrits en succession des expressions de nuances qui dénotent les sens différents de celui qu’ils possèdent isolément. Ces termes permettent d’avoir des réflexions sur le domaine juridique. La traduction repose donc sur le choix des terminologies appartenant au contexte dans lequel le texte se traduit. Ces termes ont des sens équivalents que nous devons trouver et reproduire en français afin de bien maintenir le sens notionnel des textes. Le terme « turnover » peut se traduire « revenu » ou « somme accrue ». Mais dans le cas de ce travail les deux notions « revenu et somme accrue » peuvent rendre le message hors contexte. De ce fait, il existe une manière particulière d’exprimer la même chose en français comme « chiffre d’affaire » et c’est aussi l’expression la plus employée du milieu de la finance. La notion de chiffre d’affaire est le premier indicateur de performance des ventes d’une entreprise.
La nuance de synonymie provient des termes qui ont un sens semblable mais non synonyme et qui se suivent dans la même phrase.
Exemple :
Expressions en anglais | Expressions traduites en français |
(a) process, analyse, disseminate and interpret information disclosed to or obtained by the Centre in terms of this Act; (p.28) | (a) traiter, analyser, diffuser et interpréter l’information divulguée ou obtenue par le Centre conformément à la présente loi. |
42. Where the Centre has reasonable grounds to suspect that an accountable institution or a person other than a supervisory body subject to the provisions of this Act, has contravened or failed to comply with a provision of this Act (p. 50) | 42. Au cas où le centre a des motifs raisonnables de suspecter qu’une institution compétente ou une personne autre que l’agence de supervision sujette aux dispositions de la présente loi, enfreint ou ne respecte pas une disposition de la présente loi, |
(h) has provided the Bank with false, misleading or inaccurate information, in connection with an application for a licence. (p. 102) | (h) a fourni à la Banque des renseignements faux, trompeurs ou inexacts relatifs à une demande d’un permis. |
3) The Bank shall, before it suspends or revokes a licence under subsection (2), give notice to the affected licensee, specifying the defect, omission or breach for which the licence is liable to suspension or revocation and request the person to remedy the defect (p.102) | 3.) La Banque doit, avant de suspendre ou de retirer un permis suivant le paragraphe (2), aviser le titulaire du permis en question, tout en spécifiant la défaillance, l’omission ou la violation entraînant la suspension ou le retrait du permis et demande à ladite personne de corriger ces défaillances |
L’emploi successif des termes qui reflètent des nuances de synonymes qui sont caractéristiques d’un texte juridique expose des nuances. La traduction de ces nuances qui apparaissent sous forme de synonymes dans une même phrase a été effectuée avec précaution pour ne pas détourner le sens du texte de départ. La question qui se pose ici est de savoir s’il faut reproduire toutes ces listes d’expression en français ? Dans la traduction, nous avons tout fait pour garder ce style de rédaction d’un texte juridique pour ne pas perdre le sens proposé dans le texte de départ.
Nous menons cette analyse à partir du sens émané du texte et du signifié connotatif des termes.
La connotation d’un terme ou d’une expression est le sens particulier du terme, c’est le sens contextuel donné au terme. La connotation vient de l’ensemble des idées qui peuvent s’ajouter au sens littéral du terme. La connotation contient tous les sens indirects, subjectifs, culturels, implicites et beaucoup d’autres. Déduire la connotation d’une expression ou d’un terme hors contexte est, dans la plupart des cas, presque impossible. Il convient souvent de déduire le sens du contexte pour bien garder l’idée du texte de départ, puisqu’un même terme ou symbole peut avoir de connotations différentes selon la situation dans lequel ce terme est utilisé. Les connotations permettent de trouver des significations variées selon les contextes et dépendent du contexte et du niveau de langue du texte. La connotation correspond au sens implicites qu’un mot reçoit dans le texte et regroupe l’intention, la présupposition de la signification. C’est la valeur que prennent les termes au-delà de leur sens premier. Le sens connotatif d’un terme exprime une idée que comporte un terme à côté du sens général. La connotation en traduction est une approche pragmatique qui rapproche le degré d’équivalence selon l’analyse du texte source et son effet sur le texte cible. À la base de ces notions nous avons traduit les textes et transmis le sens illocutoire des textes sources dans les textes d’arrivée. L’intérêt est de produire un contenu à effet communicatif équivalent aux contenus stylistiques et culturels des textes sources.
Notre analyse des textes traduits révèle qu’il peut y avoir de graves erreurs commises lors de la traduction si l’on s’en tient uniquement aux dénotations des unités lexicales et néglige leurs connotations. Or, la valeur connotative des mots est étroitement liée à leur champ sémantique selon le contexte. Elle dépend de la fréquence, l’alternance, de l’interaction, voire de leur distribution structurale dans le texte original, mais aussi de leur emploi idiomatique et de leur charge culturelle.
Exemples :
Expressions en anglais | Forme connotative |
Acceptance Houses (133) | Banques d’acceptation |
Building Societies (133) | Société de crédit foncier |
Discount Houses (133) | Maisons d’escompte |
Delivery of documents(65) | Remise des documents |
Electronic transfer of currency (43 ) | Virement électronique de devises |
Minimum requirements (105) | conditions requises |
Remedial action (121) | Mesures correctives |
Les expressions dans l’exemple donné sont du domaine financier et exigent des expressions équivalentes du même domaine. Le domaine linguistique du texte est très important dans la traduction. Les formes acceptées sous forme de traduction sont des variations équivalentes des expressions choisies dans les textes. Toute considération littérale de traduction peut rendre incompréhensible la forme traduite de ces expressions. Il peut exister de différentes manières de redire les mêmes choses mais les expressions employées sont plus appropriées selon le contexte d’usage. Le sens connoté n’est déduit qu’en contexte et il est préférable de situer le texte dans son contexte avant de commencer la traduction et nous considérons cet aspect comme l’équivalent connotatif ou contextuel du texte.
3.3.2 Nuances dénotatives
La dénotation d’un terme ou d’une expression est l’élément invariant et non subjectif de signification. D’une manière générale, la dénotation d’un terme est le sens littéral du terme. En linguistique, la dénotation constitue l’ensemble des significations directement accessibles d’un mot. En traduction non littéraire, les dénotations viennent en premier lieu avant la connotation : «… in a non-literary text the denotations of a word normally come before its connotation. » (Newmark 16). L’usage dénotatif d’un terme présente la forme explicite et objective du terme et permet de déduire le sens premier du terme. La dénotation est importante surtout quand il s’agit du sens équivalent du terme. La valeur dénotative d’un message doit aussi bien suivre la forme linguistique et littérale du texte. Dans le cas où la dénotation devient impossible, la valeur connotative est possible pour dériver le sens véhiculé dans le texte à traduire.
Par exemple :
Expressions en anglais | Forme denotative |
Acceptance Houses (133) | Maisons d’acceptation |
Building Societies(133) | Sociétés de construction |
Discount Houses (133) | Maisons de remise |
Delivery of documents (65) | Remise des documents |
Electronic transfer of currency (43) | Transfert électronique de devises |
Minimum requirements (105) | Exigences minimales |
La traduction de ces mêmes expressions est prise en deux volets. A ce niveau il s’agit de l’équivalent dénotatif ou littéral du texte. L’équivalent dénotatif tient compte du sens premier du et sa traduction dénote la valeur littérale du message. Dans certains cas, la forme dénotative peut rendre correctement le sens du texte mais ce n’est pas toujours accepté lorsqu’il s’agit d’un domaine de texte spécialisé.
En lexicographie le terme « antonyme » est défini comme des termes de sens opposés. C’est-à-dire des termes qui désignent les sens opposés à un autre. Il y a la présence des termes opposés dans les textes que nous avons choisis. Une recherche liée à l’usage des relations d’antonymie a contribué à une étude comparative des termes employés et leur valeur linguistique dans le contexte. Cornu propose que les termes antonymes soient vraiment opposés au niveau de leur sens dénoté.
Deux termes sont antonymes, à proprement parler, lorsqu’ils s’opposent par la contrariété de leur sens dénotatif. Par rapport à un mot, son antonyme est doté d’un sens directement opposé […]. On pourrait nommer [opposants de classification] les termes qui, pris comme éléments d’une classification, s’opposent au sein de celle-ci sous un certain rapport. […] Ces opposants ne sont pas à proprement parler des antonymes, car ils ne possèdent pas des sens opposés. Mais ils s’opposent par la différence spécifique que met en relief leur rapprochement au sein d’une classification. (Cornu182-186)
Cela veut dire deux termes opposés ne sont en aucun cas liés en termes de synonyme et que le seul lien se vérifie au niveau de la comparaison de leur sens opposé. Mais en fonction de classification certains termes qui apparaissent opposés ne sont pas vraiment des antonymes puisque leurs sens ne sont pas opposés. La même remarque s’effectue au niveau des textes traduits. Si nous prenons par exemple des termes comme « borrower /lender », nous pouvons dire que ce sont des termes opposés. Mais le cas de « entered into possession/ goes out of possession » montre des relations d’opposition selon leur emploi dans le texte mais ce sont plutôt des expressions figées qui expriment des idées selon la situation. Les textes sont caractérisés par des termes antonymes qui s’utilisent parallèlement soit seul soit dans une même phrase. Le tableau suivant en est l’illustration.
Expressions en anglais | Expressions traduites en français |
(h) advise the Minister on matters of national policy related to credit and on the determination of standards as regards protection of the rights of borrowers and lenders in terms of this Act; (71) | (h) donner des conseils au ministre par rapport aux questions de politique nationale relative au crédit et sur la détermination des normes en ce qui concerne la protection des droits des emprunteurs et des prêteurs conformément aux clauses de la présente loi ; |
(b) person who has entered into possession goes out of possession the lender shall, within ten days of the occurrence of the events in paragraph (a) or (b), give notice to that effect in the prescribed form to the Registrar who shall enter the notice in the register of particulars of charges. (84) | (b) la personne qui est entré en possession des biens n’est plus en possession de ces biens, le prêteur doit, dans les dix jours qui suivent la réalisation des faits dans l’alinéa (a) ou (b), doit en notifier le greffier suivant le format prescrit. Le greffier doit inscrire l’avis dans le registre des détails des frais. |
(a) a record of violations and remedial actions taken, (86) | (a) le procès-verbal des violations et des mesures correctives prises |
La succession des termes antonymes détermine aussi la relation de comparaison entre les différents termes. La relation d’antonymie existe surtout dans les mots qui représentent des rapports logiques qui les lient selon leur rôle dans les textes. Les deux termes composants rendent une seule et même action-dénotation remarquée en même temps de deux points de vue opposés à savoir, entrer en possession d’une chose et céder le droit de propriété de cette chose.
L’opposition dans le cas des antonymes conversifs réside dans le fait qu’une seule et même chose est décrite du point de vue des participants situés sur des positions diamétralement opposées. C’est une relation de réciprocité qui existe entre les agents dans la chaine de communication. Par exemple le terme anglais « borrower» est réciproque au terme «lender» que parce que le « sujet » de l’un est le « destinataire » de l’autre, et réciproquement » (Amsili 4).
Il y a également la présence de la relation complémentaire car les exemples «record of violations and remedial actions taken » et « entered into possession / goes out of possession » lient, dans chaque cas, deux termes entretenant un rapport de négation contradictoire.
Conclusion
Les textes à valeur juridique ont des nuances qui influencent, dans la plupart des cas, la traduction. Ces nuances apparaissent sous forme de style du texte. Le traducteur doit alors trouver des procédés nécessaires pour traduire sans détruire le sens du texte original. Il est à déterminer que le traducteur doit disposer des connaissances pré-requises en techniques de rédaction d’un texte dans un domaine particulier pour faire ressortir des intentions de l’auteur dans le texte original. A travers ce travail, nous avons vu que la terminologie juridique est polysémique et constitue des nuances linguistiques au niveau de la traduction. Ces nuances variées de terminologie culturelle déterminent l’emploi des différents procédés de traduction selon le contexte du texte pour garder le sens dans les deux langues.
Travaux cités
Amsili, Pascal. « L’antonymie en terminologie : quelques remarques », Conférence TIA- 2003, Strasbourg 31 mars et 1 avril 2003. http://www.linguist.univ-paris diderot.fr/~amsili/papers/TIA03.pdf dernier accès le 14 octobre 2021.
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Comment citer cet article :
MLA : Atonon, Theophile Kwame. « Nuances linguistiques de traduction des textes juridico-financiers ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 212-230.
§ University of Education Winneba (Ghana) / [email protected]