Résumé:Énonciation lyrique et la question du rythme dans la poésie chantée N’dolo[1]  de Côte d’Ivoire

Jean De Dieu Krouwa§

Résumé : Dans la plupart des sociétés traditionnelles africaines, il existe des formes poétiques pour dire un au revoir aux morts. Ce sont des poèmes qui retracent les faits, les prouesses et même le portrait physique du défunt. Ces œuvres d’épanchement permettent d’exprimer les meurtrissures de la communauté face à la mort. Textes d’inspiration lyrique, ils cherchent à attendrir l’auditoire. La poésie N’dolo s’inscrit dans ce sens. Elle est l’une des poésies qui accompagne le défunt en pays Agni[1]. Ce genre poétique est empreint de lexèmes et de ponctuations à connotation lyrique.  Le rythme sériel met en évidence un lyrisme de type élégiaque.

Mots-clés : Poétique, Enonciation lyrique, N’dolo, Élégiaque, Serré rythme, Rythme sériel 

Abstract: In most traditional African societies, there are poetic forms for saying goodbye to the dead. These are poems that retrace facts, feats and even physical portrait of the deceased. These outpouring works make it possible to express the bruises of the community facing death. Lyric inspiration texts, they try to soften the audience. N’dolo poetry fits in this direction. It is one of the poetries that accompanies the deceased in Agni­ country. This poetic genre is imbued with lexemes and punctuation with a lyrical connotation. The serial rhythm highlights a lyricism of the elegiac type.

Keywords: Poetic, Lyrical enunciation, N’dolo, Elegiac, Tight rhythm, Serial rhythm.

Introduction

En Afrique, dans certaines communautés, le deuil est accompagné de cérémonies traditionnelles pour exprimer son ressentiment. En société Agni, par exemple, la chanson N’dolo intervient dans ce sens. Elle est un moyen pour le peuple de pleurer l’Être qui part rejoindre les aïeux. Cette pratique est exercée exclusivement par les femmes dans cette société. Le N’dolo est une chanson qui exprime les sentiments éprouvés face à la mort, il se révèle comme de la poésie lyrique.      

  La poésie N’dolo apparaît comme le moyen d’expression de la gamme entière des sentiments humains. Elle est un genre poétique qui s’accompagne d’instruments musicaux traditionnels. Dans le genre N’dolo, il se présente une série d’énoncés abondants, variés mais homogènes qui ramènent au lyrisme. Certains éléments linguistiques dans le discours N’dolo sont représentatifs du lyrisme. Partant de la construction lexicale et syntaxique des textes du N’dolo, la problématique de cette étude est la suivante : le N’dolo, une poésie lyrique de type élégiaque ?

Quelles sont, alors, les éléments linguistiques qui mettent en exergue la tonalité lyrique de type élégiaque ?

 La poétique selon Meschonnic sera appliquée au corpus. Il accentue sa notion de poétique sur le rythme, parce qu’il organise la signifiance et la signification du discours. Elle permet de cerner tous les contours du discours et de prendre en compte l’énoncé et l’énonciation.  La poétique du rythme crée un rapport entre la chose exprimée et la manière de l’exprimer. Pour ce théoricien, le but de l’analyse rythmique est de montrer les éléments prosodiques, syntaxiques qui concourent au sens. Sa méthode est construite autour du rythme dans les discours littéraires. Il définit le rythme comme : 

L’organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques, et extralinguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une sémantique spécifique, distincte du sens lexical, et que j’appelle la signifiance : c’est-à-dire les valeurs propres à un discours et à un seul. Ces marques peuvent se situer à tous les « niveaux » du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques. Elles constituent ensemble une paradigmatique et une syntagmatique qui neutralisent précisément la notion de niveau (Meschonnic 216-217)

La poétique telle que présentée par Meschonnic nous semble la plus fluide pour l’analyse des textes du N’dolo. Elle prend en compte tous les indices pour décrypter les chansons. Elle permettra de montrer les éléments qui fondent la littérarité du N’dolo. Elle aidera à faire une analyse de la chanson N’dolo et d’en tirer les déterminismes qui font d’elle une poésie lyrique de type élégiaque.

1-Le N’Dolo : Une poésie lyrique

Les textes de la poésie N’dolo sont en accord avec les sentiments qui habitent les hommes quand survient la mort. Les ressentiments de la communauté sont un pan important dans la chanson N’dolo. En chantant le N’dolo, les femmes évoquent les thèmes relatifs aux chagrins provoqués par la mort qui est le substrat de beaucoup de discours. Les chanteuses évoquent les personnes disparues dans une ferveur poétique. Ces personnes mortes sont célébrées en évoquant leurs qualités. L’organisation du discours N’dolo fait apparaître le lyrisme. Le serré rythmique met en exergue un lyrisme de type élégiaque. Nous aborderons le lyrisme partant des récurrences syntagmatiques pour mettre en axiome l’élégie. Les textes N’dolo à analyser présentent dans leur ensemble les marques du lyrisme. Ils sont caractérisés par :

1-1-Pronoms personnels et adjectifs possessifs de la première personne

Il s’agit de tous les éléments qui prouvent la présence du locuteur, c’est-à-dire la personne qui parle. En effet, « le lyrisme est l’émanation d’un je » (Stalloni 115).

Ainsi, nous découvrons dans les textes du N’dolo, une forte présence du pronom personnel ‘’Je’’. La polyphonie de ce pronom personnel forme la subjectivité du langage. Ce pronom est utilisé pour représenter la communauté. Le ‘’Je’’ tel qu’il est employé ne désigne pas la poétesse, mais la communauté.  L’emploi de ce « je » pour désigner la communauté indique la nécessité de l’union de celle-ci en cas de deuil. En outre, le ‘’je’’ ne désigne pas seulement l’individu parlant. Il est une représentation du peuple en communion face à la douleur. Le ‘’je’’ est la combinaison de plusieurs voix qui pleurent un membre de la communauté disparu. Par ailleurs, le pronom personnel ‘’je’’ ne doit pas être considéré comme celui d’une œuvre biographique. En analysant les textes du N’dolo, il est perceptible que les dérivés du pronom personnel de la première personne ‘’nous’’ ’moi’’ et les adjectifs possessifs ‘’ma et mon’’ reviennent constamment dans le discours.

Abordons les textes du corpus pour nous en convaincre :

Texte 1

1-/aȷia mmó já ééé kobuja ééé ééé/

AyiaDame Yah eh! Kobouya eh! eh! eh!

2-/aȷia mmó já ééé kobuja ééé ééé/

Ayia! Dame Yah eh! Kobouya eh! eh! eh !

3-/mɛ̰́ kló mɛ́ éwé trà ɛ̀fɛ̀ bɔ̀ mɩ́ wɔ̀ nú/

Je préfère ma mort à la souffrance que je vis.

4-/aȷia mmó já ééé kobuja ééé ééé ééé/

Ayia! Dame Yah eh! Kobouya eh ! eh! eh!

5-/aȷia mmó já ééé kobuja ééé ééé ééé/

AyiaDame Yah eh! Kobouya eh! eh! eh!

Texte 2

1/- ééé mԑ̰́ krù  ɟɔ̀ má̰  óóó   óóó/

eh ! je me sens troublé oh ! oh ! oh !

2-/ ééé  mòwá  jah ééé ééé ééé /

ma sœur yah eh ! eh ! eh !

3- /ééé mԑ̰́  wá̰   mԑ̰́ kru  ɟɔ̀ má̰  mԑ̰́  hɔ̰́ óóó  óó/

eh ! je suis perturbé   oh ! oh ! oh !

Texte 3

LA MORT

1-/éwé ééé sa̰ná̰ éwé ééé ééé ééé/

eh ! eh ! eh ! la mort, nous sommes faits seulement pour la mort

2-/éwé ééé sa̰ná̰ éwé ééé ééé ééé/

eh ! eh ! eh ! la mort, nous sommes faits seulement pour la mort

3-/sɔ̰́ná̰ ti kɛ̀ àkɔ́ ɔ̀ ʃɛ̀ má̰ ná̰ w’àwú óóó/

l’homme est comme un poulet, il ne tarde pas à se briser  oh !oh !oh !

4-/sɔ̰ná̰ ti kɛ̀ bódómá̰ ɔ̀ ʃɛ̀ má̰ ná̰ w’ábó óóó/

l’homme est comme une bouteille, il ne tarde pas à se briser    oh !

TEXTE 4

La terre

1-/àsi wà mɛ̰́ ti èwɔ̀fwɛ̀/

Sur la terre, je suis étranger

2/-àunò lɔ̀ mɛ̰́ lé mɛ̰́ awló/

Au ciel, j’ai mon habitation

3-/ àunò lɔ̀ jɛ́ mɛ̰́ kùló mɛ̰ ɔ̀ má̰ àmɔ̀ siésié mɛ̰́ kpá ma gɔ̀/

Au ciel, le seigneur m’aimes, pour cela, arrangez-moi pour que je parte

La forte présence des lexèmes de la première personne montre qu’il s’agit d’un discours axé sur la fonction émotive. Les femmes poètes expriment la douleur du peuple en face de la  mort. Les textes mettent l’accent sur les émotions de la communauté.  Ces différents textes montrent l’emprunt du lyrisme dans la poésie N’dolo.

Toutefois, il existe d’autres éléments grammaticaux qui dénotent du lyrisme dans le N’dolo. Quels sont ces éléments ?

1-2-Le N’dolo: un lexique et une ponctuation émotive

Les indices lexicaux du discours N’dolo sont l’expression de la détresse du peuple souffrant de la séparation d’avec un membre. Le peuple exprime sa détresse face à la solitude qu’occasionne la mort. Certains éléments syntaxiques montrent les meurtrissures de la communauté. 

 Exploitons ces textes pour nous en convaincre.

Texte 1 :

1-/ éée mɛ̰́ gɔ̰́ mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Eh ! Je suis seul oh ! oh ! oh !

2- /mami ya ééé ééé ééé/

Dame Yah est partie eh ! eh ! eh !

3- / ı́tjɔ̀ wà hà mɛ̰́ gɔ̰́ mɛ̰́/

C’est pourquoi, je suis resté seul

Texte 2 :

1/-mòwǎ káɟò mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ lé wɔ̀/

Mon fils Kadjo, tu es mon frère

2-/à é mòwǎ káɟò ó  ò/

3-/káɟò mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ lé wɔ̀ ò  a/̄

Kadjo, tu es mon frère oh! Ah ! oh !

4-/mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ káɟò ò   ō   ó   ó/

Mon frère Kadjo oh ! oh ! oh ! oh !

5-/(pleure) mòwǎ káɟò ò  ó/

(Pleure) Kadjo oh ! oh ! oh ! oh!

6 -/ káɟò mɩ̰̀ djɛ́ jɛ́ lɛ̀ wɔ́ ò ó/

Kadjo tu es à moi, tu es tout ce qui me reste oh ! oh ! oh !

Texte 3 :

1-/ɛ̀ bı́sà mɩ̰́ ǹzútjɔ̀ bɔ̀ mɩ̰̀ sṵ́/

Tu me demandes pourquoi je pleure

2-/m̀mó mɩ̰̀ sṵ́ mà̰ ŋ̀gbǎ̰ mɩ̰̀ wâ wá wú/

Ma tante je ne pleure pas en vain, mon fils est mort

3-/ı́tjɔ̀ mɩ̰̀ sɷ̀ sṵ́/

C’est pourquoi je suis en train de pleurer

4-/kàɟó kwá ɛ̀ fá m̀mâ mɷ́ fá mà̰nɩ̀ wá̰/

Koua Kouadio, tu as remis les enfants à qui ?

Texte 4 :

1-/sà̰drófjá bɛ̀ tú ɲ̀ɲɔ̰́ ɲ̀ɲɔ̰́/

Les Sandrofia volent par paires

2-/é  ē  è sà̰drófjá bɛ̀ kɔ́ ɲ̀ɲɔ̰́ ɲ̀ɲɔ̰́/

eh ! eh ! eh ! les sandrofia vont par paires

3-/é  ē  è ànùmà̰á̰ sà̰drófjá bɛ̀ kɔ́ bɛ̀ kɔ́ ɲ̀ɲɔ̰́ ɲ̀ɲɔ̰́/

Eh ! eh ! eh ! les oiseaux sandrofia ils volent, ils vont par paires

4-/wà hà mɩ̰́ gɔ́mɩ̰́/

Il ne reste plus que moi

Texte 5 :

1-/àbòdı̀á bàá kṵ̀gbá wà wú/

Abodia, le fils unique est mort

2-/àbòdı̀á wú àwùló nà̰ bó/

Abodia est mort, la maison est déserte

3-/bàá sɔ̀ na̰ wú ò  ō  ó/

Cet enfant-là est mort oh ! oh ! oh !

Texte 6 :

1/-bómòtjé mɩ̰̀ lá bjé/

Je n’ai pas de termitière

2-/é ē è bómòtjé mɩ̰̀ lá bjé ò ō  ó/

Eh ! eh ! eh ! je n’ai pas de termitière oh ! oh ! oh !

3-/mɩ̰̀ lá bjé ná̰ mà̰ fá mɩ̰̀ tı́ gı́sà é  ò  ō  ó/

Je n’ai rien pour m’adosser eh ! oh ! oh ! oh !

4-/é ē è bɛ̀ njǎ̰ bɔ̀ lé àjéè ná̰ tɩ́ wà á mɩ̰̀ gɔ́mɩ̰́/

Eh ! eh ! eh ! regardez ceux qui ont la graine de palme l’ont coupé, je suis restée seule

Texte 7 :

1/-mɩ̰̀ ǹzṵ́ mà̰ kɔ̰́ wá hà mɩ̰̀ gɔ̰̀mɩ̰́/

Je ne pleure plus, je suis restée seule

2- /bɛ̀ sɷ́ fá mɩ̰̀ mà̰mɩ̰́ kɔ́/

Ils sont en train d’emmener ma mère

3-/mɩ̰̀ ǹzṵ́ mà̰ kɔ̰́ wá hà mɩ̰̀ gɔ̰̀mɩ̰́/

Je ne pleure plus, je suis restée seule

4-/bɛ̀ sɷ́ fá mɩ̰̀ mà̰mɩ̰́ kɔ́/

Ils sont en train d’emmener ma mère

5/-mɩ̰̀ kpóŋ̀gbó wà sɩ̰́ wá/

Ma cuvette est passée par ici

Dans la chanson N’dolo, le lyrisme est marqué par le sentiment de la solitude. Dans cette poésie élégiaque, la poétesse montre que l’idée de la mort rime avec la solitude. La mort apporte la tristesse et surtout la solitude. Elle prive la communauté d’une personne importante. Cette dernière comblait un vide dans la vie des vivants. Dans les sept (7) fragments de discours relevés, l’expression de la solitude est dominante. Dans l’analyse du texte 1, nous remarquons la présence de l’adjectif qualificatif ‘’seule ‘’. Ce syntagme adjectival montre que le départ d’un membre de la communauté laisse certaines personnes dans la solitude. Dans le texte 2, l’idée de solitude se manifeste par la phrase exclamative ‘’tu es tout ce qui me reste oh ! oh ! oh !’’. Cette phrase de façon implicite informe que celui qui part était le dernier parent. Dans le texte 3, l’idée de solitude se manifeste avec la phrase interrogative ‘’tu as laissé les enfants à qui ?’’. Cette question est adressée au mort. Son départ met ses enfants dans la solitude. Ils manqueront de cette affection parentale dont le défunt les comblait au quotidien. Ces derniers sont livrés à eux-mêmes. Dans le texte 4, l’idéologie de la solitude se perçoit avec la phrase affirmative ‘’il ne reste que moi ‘’. Dans le texte 5, la solitude est perceptible par cette métaphore-hyperbolique : ‘’ la maison est déserte’’. Le désert est un lieu où l’on ne rencontre pratiquement personne, puisque les conditions de vie sont hostiles.

Par ailleurs, l’adjectif qualificatif à valeur attributive ’’déserte’’ montre la solitude, le vide depuis la mort de cet enfant. L’analyse du texte 6 confirme l’idée de solitude à travers l’emploi du syntagme adjectival ‘’seul’’. Le verbe ‘’adosser’’ qui est mis sous la forme négative renforce l’idée de solitude dans la mesure où celui qui vient de mourir constituait un pilier solide sur qui on pouvait s’adosser. Sa disparition crée un vide mais ampute la communauté d’un pilier sur qui on s’appuyait. Son association avec le lexème ‘’termitière’’ exprimelasolitude. Ce monticule de terre, ’’termitière’’ est utilisé pour représenter l’homme comme un appui moral, physique et financier. Elle est seule, et n’a personne sur qui compter. Pareillement dans la chanson 7, la solitude se lit avec la réitération de l’adjectif qualificatif à valeur attributive ‘’seule’’. Le verbe d’état ‘’suis’’ qui est utilisé en auxiliaire du verbe ‘’resté’’, montre que l’individu dont il est question est désormais seul. 

En définitive, ces types de phrase et ces lexies permettent d’exprimer la solitude de la communauté.  La ponctuation dans les textes fait référence aux sentiments. Les expressions, c’est-à-dire les vocatifs et les interjections (eh !, oh !, ayia !) donnent des informations sur les sentiments. Les poétesses utilisent des vocatifs pour mimer les pleurs. Les interjections sont utilisées également dans ce sens. Nous découvrons dans les discours du N’dolo, une présence massive de points d’exclamation (!) qui sont la conséquence de l’utilisation massive des vocatifs et des interjections. Ces éléments sont utilisés pour représenter les sensations du peuple Agni dans la douleur. Ces différents éléments du discours N’dolo précités marquent la fonction expressive ou émotive. La fonction émotive dans les textes est perceptible avec les locutions exprimant les impressions, les émotions et les sensations. Les vocatifs et les interjections mettent en évidence la fonction expressive du langage. Cette fonction du langage a pour rôle essentiel dans le N’dolo d’exprimer les réactions affectives. Même les textes satiriques sont profondément marqués par les énoncés émotifs pour marquer le chagrin. Nous le percevons dans les textes comme : 

Texte 1 :

1/-ɔ̀ mú mà̰ sá/

il ne se casse pas vainement

2/-Clɛ́kpɛ́kpɛ́ è ē  é/

punaise des bois eh !eh !eh !

3-/bàkǎ mú mà̰ sá/

le bois ne se casse pas vainement

4-/ Clɛ́kpɛ́kpɛ́ jɛ̀ ɔ́ sà̰sà̰ jı́/

c’est la punaise des bois qui l’a piquée

Dans ce texte, les poétesses critiquent les personnes asociales. Les chansonnières disent que rien n’arrive au hasard. En effet, il y a des mains obscures (personnes mesquines) qui sont à la base des malheurs qui surviennent.  Cependant, nous découvrons les indices de la fonction émotive avec les verbes au présent ‘’casse’’ et un nombre élevé d’interjection ‘’eh !’’. Nous constatons que même dans les textes satiriques, il y a la présence des marques de la fonction émotive.

Pareillement, dans ces textes qui dénoncent les comportements insociables :

Texte 2

Aidez-moi

1/-bɷ̀ká mɩ̰̀ má̰ mɩ̰̀ hɔ́ è e­̄ é/

Aidez-moi pour que je parte eh ! eh ! eh !

2-/mò àɟwá bɷ̀ká mɩ̰̀ má̰ mɩ̰̀ hɔ́ è e­­­̄ é/

Tante Adjoua, aidez-moi pour que je parte eh ! eh ! eh !

3/-nà̰ má̰ mɩ̰̀ wú àhṵ́vó nṵ̀ ò ō ó/

Afin que je ne meurs pas dans la tristesse oh ! oh ! oh !

Texte 3

Chercher la mort

1/-ɛ̀ kpɔ̀ miɔ̰́ kù mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Tues-moi si tu me haies oh ! oh ! oh !

2-/ɛ̀ kpɔ̀ miɔ̰́ kù mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Mais ne me rends pas fou oh ! oh ! oh !

3/-ɔ̀li ɛ̀ kpɔ̀ miɔ̰́ kù mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Si tu me haies alors tues moi oh ! oh ! oh !

4-/ɛ̀ kpɔ̀ miɔ̰́ kù mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Tues-moi si tu me déteste oh ! oh ! oh !

5-/ná̰ sɛ̀kì miɔ̰́ kù mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Mais ne me gâte pas oh ! oh ! oh !

Les éléments référentiels aux émotions sont visibles avec les interjections ‘’eh !’’ , ‘’oh’’ et les pronoms de la première personne du singulier ‘’me, moi’’. Le lexique est émotif avec les termes ‘’aidezmoi ‘’ ‘’tristesse’’tués moi’’.  Ces syntagmes témoignent des sentiments. Néanmoins, les poétesses les utilisent pour dénoncer des tares de la société.

 Ainsi, dans le texte ‘’aidez-moi’’ par exemple, tous les indices du lyrisme sont représentés. Nous avons les interjections ‘’eh’’ et ‘’oh’’ suivi des points d’exclamations. Nous avons la présence du pronom personnel de la première personne ‘’je’’.

 Les interjections traduisent l’implication du sujet parlant dans son discours et dénotent des sentiments qui l’animent. Ces discours bien qu’émotifs sont des critiques envers les personnes asociales. Les discours satiriques sont empreints d’éléments émotifs.  Le N’dolo apparaît comme une élégie à l’égard du défunt.

                         2- Le N’dolo : Un rythme élégiaque

  L’organisation du langage dans un discours ramène à certaines thématiques. Ces dernières peuvent être situées dans un réseau rythmique qui fonde le sens du discours.

Pour Gérard Dessons, le rythme linguistique fonctionne en discours (…). Ce sont ces éléments précis et nombreux qui doivent faire l’objet de prises en compte dans l’idiolectalité des discours littéraires pour mettre en évidence une poétique propre .

    (Sadoulet10)   

Le rythme permet d’accéder à la poéticité d’un discours. Il relève les éléments qui fondent la littérarité d’une œuvre poétique. Ainsi, Les éléments nombreux et récurrents du discours N’dolo mettent en évidence un rythme élégiaque.

  Dans le prolongement de l’inspiration lyrique se situe la poésie élégiaque qui n’est en fait qu’un lyrisme limité et codifié. Le mot, d’abord renvoie à un contenu, puisqu’il vient du grec « élégia », dérivé de « élégos », chant de deuil. (Stalloni 115).

Dans le genre poétique N’dolo, on dénote deux formes de rythmes élégiaques : la figure romantique du deuil et l’éloge de l’être disparu.

2-1-La figure romantique du deuil

    L’élégie désigne un poème lyrique voué, à l’origine, à l’expression du deuil et du regret, à l’expression de la plainte mais qui peut aussi chanter la beauté de l’amour.Elle est portée sur la mélancolie face à la disparition d’un Être cher dans certains textes du N’dolo. L’élégie se révèle comme un moyen pour les poétesses chanteuses de faire l’éloge de l’être disparu. Les poèmes montrent l’impact de l’absence du défunt. Les auteures expriment la nostalgie face à l’absence de l’âme sœur. « L’élégie a opté (…) pour un paradigme foncièrement nostalgique, et s’est donnée pour fonction première de chanter ce qui a disparu, de dire l’absence » (Galland 342). Dans ces textes qui expriment la nostalgie face au départ de l’Être aimé, on découvre les termes langoureux (bien aimé, chéri, fiancé). Abordons le texte suivant pour nous en convaincre :

Texte 1

1-/ééé àsóma̰ ééé ééé ééé/

eh ! bien aimé eh ! eh ! eh !

2-/kɩá̰ béni ééé ééé ééé/

Quel jour pourrais-je te revoir encore eh ! eh ! eh !

3/-kadio mɛ̰́ wú kɩà̰ béni biékú/

Kadio je pleure quel jour pourrais-je te revoir encore ?

4-/ééé àtómoli ééé ééé ééé/

eh ! chéri eh ! eh ! eh !

5-/mɛ̰́ wá̰ kiá̰ béni ééé ééé ééé/

Je dis, quel jour pourrais-je te revoir encore eh ! eh ! eh !

Les poétesses chansonnières s’attardent sur les sentiments d’une conjointe qui a perdu son conjoint. Cette chanson montre que la mort démantibule les couples. Elle arrache un/une fiancé(e) à son amoureux(se) et engendre la solitude. La mort sépare les couples et oblige un/une fiancé(e) à vivre seul(e) ‘‘je pleure quel jour pourrais-je te revoir encore ?’’. Les auteures montrent l’impact de la mort dans une vie amoureuse. La mort est une source de séparation pour les personnes amoureuses. Le serré rythme met en avant une figure romantique du deuil. Cette chanson représente les pleurs pour un amour parti.

     La mort de l’être aimé n’est sans doute qu’une des figures – mais chargée d’affects, celle dont la poésie tirera le plus d’effets – du deuil romantique. (…)  on peut donc considérer la figure esthétique de la mort romantique comme l’aboutissement de « cette mort de toi » qui met l’accent sur la mort de l’autre et fait du deuil une relation duelle entre toi et moi.  (Galland 343-344)

    Le texte évoque la douleur de la perte d’un être cher. Les poétesses allient la mort et les sentiments qu’elle engendre chez la compagne. Les auteures font également l’éloge du disparu pour matérialiser sa beauté physique et morale.

   2-2-Éloge et élégie de l’Être disparu

        L’éloge et l’élégie sont deux éléments liés. L’élégie dans la plupart du temps fait l’éloge d’une personne ou d’un animal…

L’éloge et l’élégie sont deux genres très liés ; l’élégie fait presque toujours l’éloge de quelqu’un que ce soit un homme, un animal (il y a des élégies adressées à des chiens, à des chevaux…) ou une entité abstraite (…). L’éloge fait ressortir les qualités de quelque chose, elle loue quelque chose. L’élégie est un chant de louange et un chant de deuil. (Julliard 1)

Les auteures ont des propos élogieux pour le défunt. Elles mettent en perspective sa beauté physique et surtout morale. 

Referons-nous à quelques chansons pour voir le fonctionnement du rythme élégiaque de l’être disparu.

Texte 1

Abodia

1-/àbòdı̀á bàá kṵ̀gbá wà wú/

Abodia, le fils unique est mort

2-/àbòdı̀á wú àwùló nà̰ bó/

Abodia est mort, la maison est déserte

3-/bàá sɔ̀ na̰ wú ò  ō  ó/

Cet enfant-là est mort oh ! oh ! oh !

4-/tɛ́tɛ́ bɔ̀ lè ǹdɛ̀wáà klà̰má̰ wà wú ò  ō  ó/

la fourmi qui a de belles ailes est morte oh !oh !oh !

Texte 2

1/-mòwǎ káɟò mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ lé wɔ̀/

Mon fils Kadjo, tu es mon frère

2-/à é mòwǎ káɟò ó  ò/

3-/káɟò mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ lé wɔ̀ ò  a/̄

Kadjo, tu es mon frère oh! Ah ! oh !

4-/mɩ̰̀ nı̀á̰mà̰ káɟò ò   ō   ó   ó/

Mon frère Kadjo oh ! oh ! oh ! oh !

5-/(pleure) mòwǎ káɟò ò  ó/

(Pleure) Kadjo oh ! oh ! oh ! oh!

6 -/ káɟò mɩ̰̀ djɛ́ jɛ́ lɛ̀ wɔ́ ò ó/

Kadjo tu es à moi, tu es tout ce qui me reste oh ! oh ! oh !

Texte 3

1-/mɩ̰̀ ǹzṵ́ mà̰ kɔ̰́ wá hà mɩ̰̀ gɔ̰̀mɩ̰́/

Je ne pleure plus, je suis restée seule

2- /bɛ̀ sɷ́ fá mɩ̰̀ mà̰mɩ̰́ kɔ́/

Ils sont en train d’emmener ma mère

3-/mɩ̰̀ ǹzṵ́ mà̰ kɔ̰́ wá hà mɩ̰̀ gɔ̰̀mɩ̰́/

Je ne pleure plus, je suis restée seule

4-/bɛ̀ sɷ́ fá mɩ̰̀ mà̰mɩ̰́ kɔ́/

Ils sont en train d’emmener ma mère

5-/mɩ̰̀ kpóŋ̀gbó wà sɩ̰́ wá/

Ma cuvette est passée par ici

6 /-bɛ̀ kɩ̰̀dɛ́ má̰ mɩ̰̀/

Qu’on me la retrouve

Texte 4

1-/ éée mɛ̰́ gɔ̰́ mɛ̰́ óóó óóó óóó/

Eh ! Je suis seul oh ! oh ! oh !

2- /mami ya ééé ééé ééé/

Dame Yah est partie eh ! eh ! eh !

3- / ı́tjɔ̀ wà hà mɛ̰́ gɔ̰́ mɛ̰́/

C’est pourquoi, je suis resté seul

Le texte 1 fait l’éloge d’un enfant décédé. Le discours est porté sur sa beauté physique. Celui-ci est comparé à une ‘’fourmi qui a de belles ailes’’. Au-delà, de son éloge, la poétesse montre l’impact de la perte sur la famille.  Depuis son décès, il y a un vide dans la maison. Ce vide est si immense qu’il est comparable à ‘’un désert’’.  L’enfant est parti avec la bonne humeur. Depuis que cet enfant est décédé, il règne une atmosphère morose dans ce foyer. Cette famille vit désormais dans la tristesse. Dans ce texte, il est fait l’éloge de l’enfant en évoquant son élégance et surtout son importance dans la qualité de vie dans la maison. 

L’analyse du texte 2 fait référence à un frère décédé. Il est évoqué dans le discours la bravoure de cet individu pour les personnes qui le pleure. Ce dernier est montré comme une richesse pour la famille. Cela est perceptible avec la phrase exclamative ‘’ tu es tout ce qui me reste oh ! oh ! oh,’’. Son départva chambouler l’organigramme de la famille. Les femmes ne sont pas désignées comme chef de famille dans la société Agni. Quand il y a un décès, la communauté désigne un nouveau chef de famille. Celui-ci peut se révéler comme une embûche pour la tranquillité financière et familiale. Il peut s’avérer qu’il ne soit pas juste dans la gestion des biens du défunt. Alors, les poétesses chansonnières font l’éloge du défunt qui était bienveillant et participait à la stabilité de la famille. Ce système est un moyen pour rappeler implicitement les charges du futur héritier. Ce dernier doit pérenniser les actes du défunt. Cette réalité est perçue dans le texte où l’on parle de ‘’Kadjo’’. Il est présenté dans le texte comme celui qui maintenait cette famille en éveil. ‘’Kadjo’’ était tout pour cette famille. Les poétesses mettent en perspective les valeurs de l’être disparu.

Dans le texte 3, par exemple, les chansonnières font l’éloge de la mère disparue. Elles usent de la métaphore pour désigner cette chère mère disparue. Dans le discours, il y a une séparation d’avec la réalité. La mère est identifiée à une cuvette. Nous assistons à une déconnexion avec la réalité. Le fait de représenter la mère par un récipient n’est pas un manque de considération à la mère. Les artistes le font au vu du caractère utilitaire du récipient dans la vie de l’homme. À l’image du récipient, la mère nourrit, elle emmagasine les douleurs de la famille et est utilisée au gré de tous. Dans les foyers traditionnels africains, la mère est celle qui veille au bien-être de tous. L’adjectif possessif ‘’ma’’ donne l’idée de possession. Les caractéristiques de la cuvette pour le ménage et pour une famille illustrent les qualités d’une mère pour le foyer. Cette rupture avec la réalité permet de matérialiser l’importance de la femme dans la société. 

Les artistes par leur esprit de créativité débordant, font l’éloge d’une mère en utilisant l’image de la ‘’cuvette’’.  Elles rendent vivant ce qui ne l’est pas. La cuvette en réalité n’a pas de membres donc ne peut pas disparaître sans qu’une personne ne la prenne. L’évoquer est une façon de s’adresser à Dieu en ces termes ’’tu me l’as pris’’. Ce discours regorge de grands traits du lyrisme qui sont l’éloge du mort, un vocabulaire d’expression des sentiments et une adresse aux divinités qui emportent les hommes qui nous sont chers.

 Les inspirations lyriques orales transmettent une intuition sympathique des choses et des êtres. Elles chantent tout ce que l’auteur initial et les auteurs traditionnalistes ont voulu éterniser ou diviniser, faire adorer, ou regretter (Belinga 105)

Enfin, dans le dernier texte, il est fait l’éloge de la beauté de la défunte. Le discours est tourné vers le physique. L’adjectif qualificatif ’’ jolie’’ qui est relié directement (épithète) au nom de Yah qui est la défunte permet d’évaluer son élégance.

Au regard de l’analyse de ces textes, nous convenons avec  Julliard (6) que : « l’élégie peut à la fois faire l’éloge de quelqu’un ou de quelque chose et déplorer sa disparition ». De même, l’élégie dans le N’dolo est une forme de pleurs ou une plainte de l’homme à l’égard de la mort. Ces discours insistent sur la qualité des individus.  L’élégie est donc par « la qualité de son nom (…) un poème destiné aux pleurs et aux plaintes » (Rapin 27).

De ces différents textes, il est à retenir que le N’dolo est une poésie élégiaque qui permet la manifestation de la tristesse. Il est célébré, dans un discours émotif, les qualités des personnes disparues. Ce procédé, qui consiste à peindre le disparu, permet de marquer le vide que ce dernier crée. Ce système discursif suscite l’admiration et non la plainte du disparu.

Néanmoins, dans un intérêt cathartique, le N’dolo fait revivre le passé du défunt pour susciter auprès de la communauté une grande douleur. C’est un moyen pour évacuer la grande douleur qu’occasionne la mort.

En définitive, ces différents éléments fondent l’expressivité du N’dolo. En effet,

L’expressivité se trouve donc placée au cœur des préoccupations liées au sens, un peu comme les moyens de la rhétorique contribuaient à l’efficacité du propos, parce que la problématique de l’expressivité ou du rythme touche aux moyens mis en jeu pour atteindre le sens du texte. (…) le sens et son expression sont indissociables. (N’Guettia 44)

L’expressivité et le sens sont homogènes dans les textes du N’dolo. « Le sens, le sujet, le rythme sont liés » (Meschonnic 78). L’organisation de certaines marques linguistiques comme le lexique, le syntagme et la ponctuation concourent au rythme. Leur analyse produit la signifiance du discours et fait ressortir la tonalité littéraire du N’dolo. La sémantique sérielle dégage une poétique lyrique à consonance élégiaque.            

Conclusion

Les textes du N’dolo baignent dans une sphère émotive. Le serré rythme permet d’affirmer que la tonalité littéraire du N’dolo est le lyrisme. Les poétesses usent d’un lexique qui met en avant les sentiments de la communauté lorsque survient la mort. Les vers se terminent par des interjections qui matérialisent les pleurs de la communauté. La ponctuation la plus représentative dans les textes est le point d’exclamation. Les poétesses chansonnières évoquent les actes marquants du défunt dans un discours élégiaque. Elles cherchent à travers les textes émouvants à épancher les âmes en peine. Les textes ont une fonction cathartique, car l’exubérance des termes élogieux envers le disparu, tout en suscitant l’émotion, concourt à montrer qu’il a été utile à la communauté et que celle-ci devrait malgré tout accepter son départ. Ces différents éléments linguistiques (forte présence de la première personne et le champ lexical des émotions) fondent la littérarité de la poésie funéraire N’dolo.

Travaux cités

Belinga, Eno. Comprendre la littérature orale. Les Classiques africains, Editions Saint Paul, 1978.

Galland, David. Poétique de l’élégie moderne de C-H. de Millevoye à J. Reda. Littératures. Paris : Université Sorbonne, 2015.

Julliard, Alain. Eloge et élégie, étude de deux genres littéraires (Cours), 1999.

Meschonnic, Henri. Pour la poétique I. Paris : Gallimard, 1970.

———–. Critique du rythme, Anthropologie historique du langage, La grasse, Verdier, 1982

N’guettia, Kobenan Kouadio. De l’expressivité au sens dans la poésie ivoirienne d’expression française, thèse présentée pour le doctorat de poétique et littérature, Université de Savoie, 2005.

Rappin, René. Les réflexions sur la poétique de ce temps et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes, « réflexions sur la poétique en particulier », Genève, Droz, 1970.

Sadoulet, Pierre. Rythme, langue, discours, Limoges : Editions Lambert-Lucas.  2012.

Stalloni, Yves. Les genres littéraires, Paris : Armand Colin, 2008.

Comment citer cet article :

MLA : Krouwa, Jean De Dieu. «Énonciation lyrique et la question du rythme dans la poésie chantée N’dolo de Côte d’Ivoire.» Uirtus 1.1 (août 2021): 72-87.


§ Université Félix Houphouet Boigny, [email protected]

[1] Les Agni sont un peuple d’Afrique de l’Ouest, surtout présents en Côte d’Ivoire et au Ghana.

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