Résumé:Réseaux sociaux comme dispositifs e-learning dans les établissements d’enseignement supérieur en contexte de la Covid-19 au Burkina Faso 

Bapindié Ouattara§,

Benjamin Sia,

Dimkêeg Sompassaté Parfait Kaboré

&

Félix Compaoré

Résumé : La crise sanitaire liée à la covid-19 a entraîné la suspension des activités pédagogiques dans les établissements d’enseignement supérieur. Au Burkina Faso, certains établissements supérieurs ont eu recours aux possibilités offertes par les TICs pour assurer la continuité des activités pédagogiques. L’étude a concerné les étudiants de l’enseignement supérieur ayant expérimenté ces outils de réseautage comme dispositif e-learning dans le contexte de la covid-19. Basée sur le modèle de l’UTAUT, elle vise à analyser les facteurs déterminant l’intention d’adoption des outils de réseautage comme dispositif e-learning. Les résultats indiquent que « l’influence sociale » et « l’attente d’usage » exercent une influence positive et significative sur l’intention d’acception et d’usage des réseaux sociaux comme dispositif de formation à distance. A contrario, les variables centrales de l’UTAUT, « l’attente de performance », « l’attente d’effort » et « les conditions facilitantes » n’ont aucune influence significative sur l’intention d’acceptation des réseaux sociaux.

Mots-clés : Réseaux sociaux virtuels, intention d’usage, influence sociale, e-learning, résilience, covid-19

Abstract: The health crisis related to covid-19 has led to the suspension of pedagogical activities in higher education institutions. In Burkina Faso, some higher education institutions have used the possibilities offered by ICT to ensure the continuity of pedagogical activities. The study focused on higher education students who have experimented these networking tools as an e-learning device in the context of covid-19. Based on the UTAUT model, it aims to analyze the factors determining the intention to adopt networking tools as an e-learning device. The results indicate that « social influence » and « expectation of use » have a positive and significant influence on the intention to accept and use social networks as a distance learning device. In contrast, the central variables of the UTAUT, « performance expectation », « effort expectation » and « facilitating conditions » have no significant influence on the acceptance intention of social networks.

Keywords: Virtual Social Networks, Intention to Use, Social Influence, E-Learning, Resilience, Covid-19

Introduction

L’enthousiasme pour les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement a connu un regain d’intérêt avec la covid-19 pour assurer la continuité des activités pédagogiques dans les universités et établissements d’enseignement supérieur. D’après le tableau de bord 2018-2019 de l’enseignement supérieur (MESRSI, Rapport, février 2020), ce sont environ 113 Institutions d’Enseignement Supérieur parmi lesquels 13 établissements publics avec plus de 132 569 étudiants dont 21,0% du privé, qui sont concernés par les effets de la pandémie. Au moment de la fermeture des classes en mars 2020, de nombreuses voix au sein de la communauté éducative se sont levées pour exiger le passage à la formation à distance. Cette requête a mis les décideurs et les gestionnaires du système éducatif devant un dilemme concernant le choix des technologies informatiques. En effet, certains établissements ont eu recours aux réseaux sociaux virtuels (WhatsApp, Facebook, Instagram, Telegram, etc.) comme dispositif d’enseignement et d’apprentissage en ligne. L’atteinte des objectifs poursuivis à travers de tels dispositifs requiert la maîtrise de différents facteurs parmi lesquels ceux déterminant leur acceptation par les étudiants. Ainsi, comment les étudiants ont-ils accueilli ces outils de réseautage social ? Quels sont les facteurs potentiels qui ont motivé leur acceptation ? Autrement dit, quels sont les déterminants de l’acceptation par les étudiants, des réseaux sociaux comme dispositifs de formation à distance dans ce contexte de pandémie liée à la covid-19 ? En adaptant le modèle de UTAUT au contexte de la présente étude, alors, l’objectif consiste à identifier les facteurs susceptibles d’influencer l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants des établissements d’enseignement supérieur du Burkina Faso. Il s’agira de manière spécifique d’examiner le lien entre cette intention d’usage et l’attente de performance, les efforts requis, les conditions facilitatrices, l’influence sociale, les attentes d’usage.

1. Cadre théorique et conceptuel

1.1. Apports ou potentialités des réseaux sociaux

Certaines études sur les réseaux sociaux dans l’éducation s’appuient sur les services et les fonctionnalités (communiquer, collaborer, partager des contenus) de ces médias pour déduire les apports possibles dans le domaine de l’enseignement et de la formation. Il s’agit généralement d’études empiriques selon (Wenger 2). Cet auteur note que les réseaux sociaux sont des lieux importants pour l’apprentissage pour des personnes ayant un centre d’intérêt commun et qui acceptent de collaborer. D’autres recherches se sont intéressées aux usages de ces médias par les acteurs de l’éducation. Ces différentes recherches ont révélé deux catégories d’usages pour ce qui concerne les apprenants.

En premier lieu, les usages pour la distraction seraient prédominants en milieu étudiant. En effet, il ressort de plusieurs études que les apprenants utiliseraient les réseaux sociaux pour maintenir le contact, passer du temps entre amis, réagir ou apprécier les contributions des membres de leurs réseaux (Hart 37 ; Thivierge). Ces auteurs qui se sont penchés sur le cas de Facebook, l’un des réseaux les plus utilisés par les jeunes dans le monde, révèlent que l’usage des réseaux sociaux par les étudiants est axé sur les aspects de la sociabilité comme le maintien des liens sociaux, le partage des informations etc. L’étude de (Koutou), qui a eu pour public cible le milieu scolaire en contexte africain notamment en Côte d’Ivoire, a abouti au même résultat. Les apprenants utilisent préférentiellement les réseaux sociaux pour télécharger de la musique, partager des photos, lier des contacts etc. Ces usages et ces pratiques sont influencés par les représentations des jeunes qui considèrent ces médias comme des outils de lutte pour la transparence (Damome et al.29). Cette prédominance des usages non académiques affecte les capacités des apprenants à respecter les règles de production écrites en français (Dia et al.)

En deuxième lieu, les résultats des études réalisées par (Mian; Beauné ; Dakouré) mettent plutôt en évidence l’usage des réseaux sociaux à des fins éducatives. Ces études présentent des résultats intéressants et diversifiés concernant les usages éducatifs de Facebook. Elles montrent que, globalement, les étudiants réagissent positivement à l’idée de développer de tels usages ou a posteriori, après avoir expérimenté de tels usages. « Les élèves et étudiants ont des usages scolaires couplés à des usages de distraction : téléchargement de sons et images, chats, jeux en ligne, messagerie, visites de différents sites d’informations, etc. ». Dans cette même veine, (Chomienne et Lehmans 2) vont plus loin en s’intéressant à l’efficacité des réseaux sociaux numériques dans la construction d’une communauté de savoirs et dans l’appropriation de connaissances par les étudiants dans une démarche de construction collective par la recherche d’information, l’écriture et le partage. (Alava et Message-Chazel 55) ont mis l’accent sur les compétences numériques nécessitées par les « pratiques en communautique » et leur impact sur les stratégies d’apprentissage des apprenants FOAD. Il ressort de leur étude que les apprenants à travers l’usage des réseaux sociaux renforcent leur autonomie d’une part et d’autre part favorise leur adhésion aux pratiques d’apprentissage en équipe.

Au-delà des potentialités pour l’apprentissage et des conditions d’efficacité, il est également important de s’interroger sur les rapports de ces nouveaux médias avec les apprentissages des étudiants universitaires africains en contexte de la covid-19 et plus précisément au Burkina Faso. En effet, les croyances de (McLoughlin, Wang et Beasley) et les facteurs environnementaux tels que le profil culturel et l’adoption des outils numériques (Collin et Karsenti 206) peuvent affecter la réussite de l’implémentation d’un dispositif elearning.

1.2. Modèle théorique

L’intention d’usage d’une technologie définie comme une décision prise par l’individu d’interagir avec une technologie fonde son origine dans les théories de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen), du comportement planifié (Ajzen 316) et de la Théorie sociale cognitive de (Wood et Bandura 380). Parmi les modèles qui servent de base aux théories de l’acceptation des technologiques, il y a le TAM (Technology Acceptance Model) de (Davis 322) et UTAUT (Unified Theory of Acceptance and Use of Technology) proposé par (Venkatesh et al.). La TAM souligne que l’utilité perçue (attente de performance) et la facilité d’utilisation sont des variables déterminant l’acceptation de la technologie. L’UTAUT de (Venkatesh et al. 447), fait la synthèse des modèles précédents en retenant les variables les plus significatives : la performance attendue, l’effort attendu, l’influence sociale et les conditions facilitantes. (Karahanna et Straub 200) ont également montré que le modèle d’acceptation d’une technologie de (Davis 1986) peut être enrichi de facteurs supplémentaires comme la présence sociale et le support technique. Nous nous sommes basés sur les résultats de recherche de (Karahanna et Straub197, 199) qui révèlent les variables : attente de performance, attente d’effort, influence sociale, conditions facilitantes et attentes d’usage comme étant les facteurs influençant l’acceptation d’une technologie dans l’apprentissage à travers une échelle de mesure.

Notre modèle de recherche se présente comme suit :

Figure 1. Modèle de recherche

1.3. Hypothèses de recherche

En nous appuyant sur notre modèle de recherche, nous formulons l’hypothèse générale que l’utilisation des réseaux sociaux comme dispositif e-learning par les étudiants est fonction de l’intention d’usage (INU).

En termes d’hypothèses spécifiques, nous retenons :

  • Hypothèse 1 (H1) : l’attente de performance a un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants. L’attente de performance (ATP) correspond au degré auquel une personne pense que l’utilisation des réseaux sociaux peut l’aider à obtenir des gains de performance dans ses études (Venkatesh et al. 447).
  • Hypothèse 2 (H2) : l’attente d’effort d’utilisation des réseaux sociaux par les étudiants influence leur intention d’usage. L’attente d’effort (ATE) représente le degré de facilité qui est associé à l’utilisation des réseaux sociaux par les étudiants dans leurs activités d’apprentissage (Venkatesh et al. 450).
  • Hypothèse 3 (H3) : l’influence sociale a un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux par les apprenants pour leur apprentissage. L’influence sociale (INS) : c’est la perception d’un individu quant à l’emprise de certaines personnes importantes sur son intention d’accepter d’utiliser les réseaux sociaux pour ses activités d’apprentissage (Benali et al.). La décision de l’apprenant d’accepter cette technologie pour l’apprentissage peut être alors influencée soit par les condisciples, soit par les enseignants, ou encore les parrains, voire par l’administration scolaire.
  • Hypothèse 4 (H4) : les conditions facilitantes sont en lien avec l’intention d’usage. Les conditions facilitantes (CDF) représentent la disponibilité de ressources temporelles, techniques et financières nécessaires pour soutenir l’utilisation des réseaux sociaux. Dans le contexte de notre recherche, les étudiants seraient plus enclins à accepter les réseaux sociaux à des fins éducatives que si elles estiment l’environnement institutionnel, infrastructurel et         financier favorable.
  • Hypothèse 5 (H5) : les attentes d’usage des réseaux sociaux par les apprenants influencent leur intention d’usage. Les attentes d’usage (ATU) sont définies comme les avantages perçus de l’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. Il s’agit de la perception que les réseaux sociaux permettent d’atteindre plus rapidement leurs objectifs d’apprentissage et d’améliorer leurs résultats scolaires.

2. Méthodologie

L’échantillonnage de commodité est la technique adoptée pour la collecte des données. C’est une méthode non probabiliste qui permet de se contenter des personnes volontaires pour répondre à l’enquête. Le pré-test auprès du public cible de l’étude a permis de savoir que les établissements publics d’enseignement supérieur dans le contexte de la covid-19 n’ont pas expérimenté l’usage des réseaux sociaux pour la continuité pédagogique. En effet, le Ministère chargé de l’Enseignement supérieur après avoir fait le point des enseignements dans chaque université a plutôt pris l’option d’une plateforme en ligne. Un portail d’accès a été créé avec un lien pour chacun des centres universitaires. Il a été demandé aux enseignants de déposer les modules programmés mais non encore dispensés en format PDF sur la plateforme dédiée à leur université pour permettre aux étudiants d’y accéder.

Alors, l’étude a concerné les étudiants des universités ou écoles supérieures privées ayant opté pour les réseaux sociaux comme dispositif e-learning dans le contexte de covid-19. En prélude au lancement du questionnaire, un mail envoyé aux fondateurs d’établissement a permis d’identifier les écoles ou institutions privées ayant véritablement expérimenté les réseaux sociaux pour la continuité des activités académiques et pédagogiques. Environ 125 étudiants provenant des instituts comme le Centre de Recherche Panafricain en Management pour le Développement (CERPAMAD), l’Institut Internationale de Management (IAM), Ecole Supérieure Polytechnique de la Jeunesse (SUP-JEUNESSE), l’Université Libre du Burkina (ULB) ont effectivement répondu au questionnaire.

Tableau 1. Caractéristiques des répondants

VariablesModalitésEffectifPourcentage
GenreFéminin4636,8
Masculine7963,2
Total125100%
Tranche d’âgemoins de 20 ans32,4
20-25 ans7761,6
26-30 ans2217,6
31-35 ans1411,2
35 ans et plus97,2
Total125100%
École ou universitéCERPAMAD2822,4
ESUP-JEUNESSE2923,2
IAM4334,4
ULB2520,0
Total125100%
Niveau d’étudeLicence 1ère année21,6
Licence 2ème année4032,0
Licence 3ème année4132,8
Master 11814,4
Master 22419,2
Total125100%
FilièreBTP2923,2
Droit-science politique2923,2
Economie-Gestion6753,6
Total125100%

Pour le recueil des données, un questionnaire constitué de 23 items de type échelle de Likert à 7 modalités (allant de « (1 = désaccord total, 2 = désaccord, 3 = léger désaccord, 4 = neutre (ni accord, ni désaccord), 5 = léger accord, 6 = accord, 7 = accord total) » a été élaboré à partir du modèle de l’UTAUT enrichi par (Karahanna et Straub198). Il comprend des rubriques allant de l’identification du répondant à son intention d’usage des réseaux sociaux en passant par son utilisation des réseaux sociaux, ses attentes de performance, ses attentes d’efforts, l’influence sociale et les conditions favorisant l’apprentissage durant cette période de la covid-19. Parallèlement au questionnaire en ligne, la version papier a été administrée auprès de certains étudiants des établissements ciblés.

Pour l’analyse des données, la première étape a consisté à analyser la fiabilité des items de notre questionnaire en utilisant le test de l’alpha de Cronbach. Dans la deuxième étape pour tester les relations hypothétiques de notre modèle de recherche, nous avons utilisé l’ANOVA. La troisième étape a été consacrée au test de régression linéaire afin de représenter la relation linéaire entre notre variable dépendante à savoir l’intention d’usage et les variables indépendantes comme les attentes de performance des réseaux sociaux utilisés, les attentes d’efforts, les conditions facilitant son usage, l’influence sociale et les attentes d’usage. Les différents tests ont été réalisés grâce au logiciel de traitement de données IBM SPSS 26.

3. Résultats et discussion  

Dans cette partie, nous vérifions la fiabilité de mesure et présentons nos résultats. C’est également le lieu pour nous de montrer les discordances et les concordances de notre travail avec d’autres études.

Vérification de la cohérence interne des items du questionnaire

Pour vérifier la cohérence interne des questions formulées à partir du modèle de UTAU, le test alpha de Cronbach a été utilisé. Le résultat présenté dans le tableau 2 montrent un indice de 0,834. Ce qui est supérieur au seuil minimum de 0,70.

Tableau 2. Fiabilité des échelles de mesure

Statistiques de fiabilité
Alpha de CronbachAlpha de Cronbach basé sur des éléments standardisésNombre d’éléments 
0,8340,8356 

Alors, l’échelle de mesure des facteurs d’acceptation utilisée pour l’étude est fiable et par conséquent elle constitue un prédicteur des variables de comportements que nous souhaitons vérifier dans notre étude.

Nous avons aussi vérifié l’utilisation des réseaux sociaux pour l’apprentissage avant la covid-19

Tableau 3. Utilisation des réseaux sociaux pour apprendre dans le cadre de la formation avant la crise sanitaire due à la covid-19

 EffectifPourcentage
Non4435,2
Oui8164,8
Total125100,0

Il ressort du tableau 3 qu’avant la crise sanitaire due à la covid-19, 64,8% des répondants utilisaient déjà les réseaux sociaux contre 35,2%. Les réseaux sociaux cités sont les suivants : WhatsApp, Facebook, Instagram, YouTube, Snapchat, Google Classroom.

Vérification de lien entre la variable dépendante et les variables indépendantes

Pour la vérification de ce lien, nous avons eu recours au test de regression

Tableau 4. Résultat de vérification du lien entre l’intention d’usage et l’attente de performance (ATP), l’attente d’effort (ATE), l’influence sociale (INS), les conditions facilitantes (CDF), les attentes d’usage (ATU)

L’ANOVA révèle une valeur de F de 71,82 et p < 0,005. Cela signifie qu’il y a probablement une relation statistiquement significative entre la variable dépendante INU (Intention d’usage) et les variables indépendantes ATP (attente de performance), ATE (attente d’effort), INS (influence sociale), CDF (conditions facilitantes), ATU (attentes d’usage).

Tableau 5. Récapitulatif des modèles

ModèleRR-deuxR-deux ajustéErreur standard de l’estimation
10,880a0,7740,7630,67269
a. Prédicteurs : (Constante), ATU, ATE, CDF, INS, ATP

Dans le tableau 5 ci-dessus, la valeur du coefficient de corrélation est de 0,88. Cette valeur révèle que les données sont très bien ajustées au modèle. En effet, si nous considérons la valeur R-deux (0,77), celui-ci indique la proportion de la variabilité de la variable dépendante (intention d’usage) expliquée par le modèle de régression. Nous pouvons donc dire que les facteurs comme l’attente de performance, l’attente d’effort, l’influence sociale, les conditions facilitantes, les attentes d’usage peuvent expliquer à près de 77 % la variation de l’intention d’usage.

Le tableau 6 ci-après nous indique les valeurs Beta et leur degré de signification.

Tableau 6. Coefficients

A la lecture de ce tableau, il ressort que les résultats du test de régression pour les variables influence sociale (INS) et attente d’usage (ATU), les valeurs p= sont respectivement de 0,027 < 0.05 et 0,000 également < 0.05. Les hypothèses H3 et H5 sont donc confirmées. Nos résultats révèlent que les variables « influence sociale » et “attentes d’usage” ont un effet significatif sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage en ligne pendant la covid-19.

Par contre pour les variables attente de performance (ATP), attente d’effort (ATE), conditions facilitantes (CDF), dont les valeurs p respectivement 0,5540 ; 0,494 et 0,134 toutes supérieures à 0.05, le test n’est pas significatif. Cela indique que nos hypothèses H1, H2 et H4 ne sont pas confirmées. Alors, les variables « attente de performance », « attente d’effort » et « conditions de facilitation » n’exercent aucune influence significative sur l’intention d’usage des réseaux sociaux comme dispositif e-learning par les apprenants durant la période de la covid-19.

L’analyse des déterminants de l’acceptation des réseaux sociaux par les étudiants comme dispositif d’apprentissage en ligne indique l’existence d’une relation entre l’influence sociale et l’intention d’usage. Ce résultat correspond à ceux des études de (Benali et al.) et (Bere 88) mais contraste avec celui de (Kouakou 194) qui a démontré qu’aucune influence sociale n’a un impact sur l’utilisation des réseaux sociaux. Au regard de la jeunesse de la majorité des répondants (environ 64% qui ont moins de 25 ans), on peut déduire que leur entourage (camarades, parents, enseignants, etc.) a pu influencer leur intention d’usage des réseaux sociaux. Effectivement, comme l’ont indiqué (Benali et al.), en termes d’influence sociale, Il faut surtout souligner l’influence des enseignants et des proches à savoir les parents, les amis et les camarades de classe.

Nos résultats confirment également que les attentes d’usage des réseaux sociaux comme dispositif d’apprentissage influencent positivement l’intention d’usage des apprenants. Ce résultat converge avec le TAM et l’UTAUT qui considèrent l’attente d’usage comme une des variables significativement liées à l’intention d’usage d’une technologie. En effet, l’adéquation avec les tâches (Kouakou 66) et les effets positifs attendus de l’usage de whatsapp sur l’intention d’usage pour l’apprentissage ont été mis en évidence par (Adjanohoun et Agbanglanon 208). Cela signifie que l’intention d’usage des étudiants de notre échantillon de recourir aux réseaux sociaux comme dispositif d’apprentissage est déterminée par les avantages perçus. 

D’autre part, notre recherche révèle qu’il n’existe aucune influence significative des variables attente de performance, attente d’effort, conditions facilitantes sur l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. Cela contraste avec les études de (Ayadi et Kamoun 9) et (Ben Romdhane 52, 53) pour la variable attente de performance et l’UTAUT de (Venkatesh et al.) pour toutes ces variables citées. En ce qui concerne la variable conditions facilitantes, une des variables essentielles qui influence l’acceptation d’une technologie selon cette théorie de l’UTAUT, les répondants dont la plupart sont jeunes (61,60% entre 20 et 25 ans) appartiennent à la génération « digitale native » qui dispose d’une familiarité avec les réseaux sociaux virtuels. En effet, la majorité des répondants (64,8%) utilisaient déjà les réseaux sociaux avant la covid-19. La variable conditions facilitantes n’a donc pas eu d’effet sur leur intention d’utiliser ces technologies dans leur apprentissage.

Conclusion

L’objectif de la présente étude était d’identifier les déterminants de l’acceptation des réseaux sociaux comme dispositifs de formation à distance en vue de la continuité pédagogique dans ce contexte de pandémie liée à la covid-19. A partir du modèle UTAUT de (Venkatesh et al. 2003), cette recherche a été menée auprès de 125 étudiants des établissements d’enseignements supérieurs privés du Burkina Faso. Les résultats révèlent que les variables « influence sociale » et « attentes d’usage » sont des facteurs qui déterminent l’intention d’usage des réseaux sociaux pour l’apprentissage. En termes de contribution à la conception des dispositifs e-learning pour les établissements d’enseignement supérieur, notre recherche a mis en évidence deux facteurs déterminants à prendre en compte. Pour l’acceptation de l’apprentissage en ligne à travers les réseaux sociaux, ces établissements doivent s’appuyer sur l’influence de l’entourage des étudiants et des avantages perçus de l’utilisation de ces outils pour l’apprentissage. Cependant, l’étude comporte des limites relatives à sa validité externe. En effet, elle n’a pas pris en compte les étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur publics et les caractéristiques sociodémographiques. Ces limites ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. La première piste est l’extension du champ de l’étude aux institutions d’enseignement supérieur publiques et la prise en compte des variables sociodémographique. Une telle recherche permettra de cerner la variation des déterminants en fonction du statut de l’établissement et des caractéristiques sociodémographiques des étudiants. La deuxième piste est celle de la prise en compte de la cible enseignante qui joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre des dispositifs e-learning.

Travaux cités           

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Comment citer cet article :

MLA : Ouattara, Bapindié, Sia Benjamin, Kaboré Dimkêeg Sompassaté Parfait, Félix Compaoré. « Réseaux sociaux comme dispositifs e-learning dans les établissements d’enseignement supérieur en contexte de Covid-19 au Burkina Faso ». Uirtus 2.1. (avril 2022): 70-85.


§ Université Thomas Sankara- Burkina Faso/ [email protected]

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