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Abstract :La dimension cachée de la pédagogie dans la circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville

Our study focuses on the hidden dimension of teacher education Ouenze 2 in Brazzaville. This concept is defined as “the set of unanticipated situations that occur in the teaching-learning process that the teacher faces”.

The objectives of this study were to highlight the characteristics of the hidden dimension and its impact on the teaching-learning process. It was also a question of checking if the masters are aware of it. Observation and interview have served as instruments of investigation. Examination of the facts observed with teachers and the description they have given of their practice revealed that teaching work cannot be exonerated from the hidden dimension of pedagogy because it is intrinsic to any pedagogic practice to the point where it goes unnoticed. Awareness of the hidden dimension, far from being a puzzle, can become an added value on the management and authority of the master. To do this, it is necessary to review the training of teachers, to raise awareness and recontextualize the notion of class to increase the educational effectiveness of our teachers.

Keywords: Prescribed Dimension, Hidden Dimension, Reality of Classroom, Teaching Activity

Full Text                              

Résumé :La dimension cachée de la pédagogie dans la circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville

Guy Moussavou§

Résumé : Notre article porte sur la dimension cachée de la pédagogie dans la circonscription scolaire de Ouenzé 2 à Brazzaville. Cette dimension cachée est entendue comme l’ensemble des situations non prévues par l’enseignant dans sa préparation pédagogique et qui se produisent dans le processus enseignement-apprentissage, obligeant l’enseignant à y faire face pour faire la classe. L’objectif principal de cette recherche consiste à mettre en évidence les caractéristiques de la dimension cachée de la pédagogie et son impact sur le processus enseignement-apprentissage. Il s’agit aussi de vérifier si les maîtres en ont conscience dans leurs pratiques quotidiennes en classe. L’observation et l’entretien nous ont servi d’instruments de collectes de données. L’examen des faits observés auprès des maîtres et la description faite de leur pratique ont révélé que le travail enseignant ne peut s’exonérer de la dimension cachée de la pédagogie, car elle est intrinsèque à toute pratique pédagogique au point où elle passe inaperçue. La prise de conscience de la dimension cachée de la pédagogie, loin d’être un casse-tête, peut devenir une valeur ajoutée sur la gestion et l’autorité du maître. Pour ce faire, il est nécessaire de revoir la formation des maîtres, de les conscientiser et de recontextualiser la notion de classe pour augmenter l’efficacité pédagogique de nos maîtres.

Mots-clés : Dimension prescrite, dimension cachée, réalité de la classe, activité enseignante

Abstract: Our study focuses on the hidden dimension of teacher education Ouenze 2 in Brazzaville. This concept is defined as “the set of unanticipated situations that occur in the teaching-learning process that the teacher faces”.

The objectives of this study were to highlight the characteristics of the hidden dimension and its impact on the teaching-learning process. It was also a question of checking if the masters are aware of it. Observation and interview have served as instruments of investigation. Examination of the facts observed with teachers and the description they have given of their practice revealed that teaching work cannot be exonerated from the hidden dimension of pedagogy because it is intrinsic to any pedagogic practice to the point where it goes unnoticed. Awareness of the hidden dimension, far from being a puzzle, can become an added value on the management and authority of the master. To do this, it is necessary to review the training of teachers, to raise awareness and recontextualize the notion of class to increase the educational effectiveness of our teachers.

Keywords: Prescribed Dimension, Hidden Dimension, Reality of Classroom, Teaching Activity

Introduction

En s’émancipant de la philosophie, la pédagogie a fini par se donner un objet d’étude, des méthodes d’investigation et un vocabulaire qui est, aujourd’hui, largement partagé avec d’autres sciences. En définissant la pédagogie comme toute action d’une personne destinée à favoriser l’apprentissage d’autrui, Vergnioux, Piot et Bodergat stipulent qu’« avec un peu plus d’un siècle d’histoire, la pédagogie s’est progressivement construite théoriquement, pratiquement et méthodologiquement et a gagné en légitimité dans ses propositions pratiques ». Mais, dans la mesure aussi où le domaine de la pédagogie est de s’intéresser à l’interaction humaine, où la présence de l’autonomie des acteurs peut être envisagée « comme un levier essentiel de la réussite, elle doit admettre et intégrer dans sa réflexionune part d’incertitude contrôlée et accorder ses démarches à un principe de rationalité limitée » (Vergnioux, Piot et Bodergat).

Ainsi va-t-il de la dimension cachée de la pédagogie qui aujourd’hui veut mettre en lumière certaines facettes du travail enseignant dont l’enseignant lui-même, engagé dans son activité en classe, n’a pas conscience. Guidé par les ressources issues de la formation professionnelle initiale, l’enseignant a du mal à se soustraire de la routine quotidienne de sa pratique en classe. De plus en plus de recherches récentes en éducation et formation commencent à cerner la dimension cachée de la pédagogie grâce à l’observation du travail enseignant notamment ses réactions et sa gestion des situations non prévues, inattendues et non prescrites qui interviennent au cours du processus d’enseignement-apprentissage.

Dans le contexte congolais, la pratique pédagogique est encadrée par les instructions officielles (IO). Ces instructions définissent des règles et des principes guidant l’action de l’enseignant. Il s’agit ici de solliciter l’imagination et la créativité de l’enseignant qui doit juger de la congruence entre l’objectif opérationnel et le contrat didactique de son cours.

Dans nos différents échanges avec les enseignants, mettant en lien le prescrit du travail enseignant et le réel de l’activité, il ressort que dans le travail enseignant, l’écart qui se construit entre ces deux dimensions, se manifeste par la dimension cachée de la pédagogie, qui n’apparait qu’en classe et ne peut donc pas être visible dans la fiche de préparation pédagogique. Avec souvent des effectifs pléthoriques dans les différentes salles de classe dépourvues de tables bancs, et un manque de matériel didactique, le maître doit gérer les tensions quotidiennes pour que l’élève apprenne. En situation d’impasse ou de blocage, l’enseignant peut puiser ses ressources dans la dimension cachée de la pédagogie qui facilite l’apprentissage des élèves conformément à l’esprit des méthodes actives. Il s’agit donc de constater qu’au-delà des éléments contenus dans la fiche de préparation pédagogique, certains évènements imprévus viennent perturber les échanges entre enseignants et élèves. Ce sont ces évènements imprévus qui caractérisent la dimension cachée de la pédagogie au sens où l’enseignant est amené à mobiliser d’autres ressources pour faire face à la difficulté entraînée par ces évènements imprévus. Puisque les méthodes actives, selon Rieunier, sont basées sur l’activité propre de l’enfant, sa spécificité propre et son intérêt, ces mêmes méthodes autorisent l’enseignant à investir son expérience personnelle, sa créativité et son sens d’initiatives pour tracer et ouvrir son chemin à travers les difficultés pédagogiques : il puise ainsi ses solutions techniques et conceptuelles dans « la dimension cachée de la pédagogie ».

Creuser la notion de dimension cachée de la pédagogie, mettre en évidence ses aspects et contours, telle est l’ambition de ce travail qui veut montrer aussi l’impact de cette dimension cachée sur le processus d’enseignement-apprentissage. Puisque la formation pédagogique permet de développer des compétences générales et des compétences spécifiques, selon les archives de DISCAS[1]. L’interaction de ces deux types de compétences donne lieu à des compétences transversales qui se manifestent à travers la « dimension cachée de la pédagogie » qui n’est ni enseignée ni évaluée spécifiquement. La rationalité limitée de la pédagogie que nous avons évoquée plus haut se caractérise par le fait que dans les situations de classe, certains événements imprévus viennent perturber les échanges entre enseignants et élèves. Cette dimension cachée résulte du fait des évènements imprévisibles et inattendus qui apparaissent dans le déroulement de l’activité en classe. La lecture des auteurs ayant abordé cette thématique et l’observation des activités pédagogies des enseignants congolais exerçant dans la circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville a motivé cette recherche dont l’objectif général est d’analyser la dimension cachée de la pédagogie.

L’intérêt de mener une telle recherche réside dans le fait d’offrir une grille de lecture qui permet à l’enseignant de s’approprier de la dimension cachée de la pédagogie de manière à faire face aux événements imprévisibles et inattendus qui peuvent subvenir dans le processus enseignement-apprentissage. Cet intérêt nous amène à questionner d’une manière critique la dimension cachée de la pédagogie.

  • Qu’est-ce que la dimension cachée de la pédagogie ?

La dimension cachée de la pédagogie renferme l’ensemble des situations non prévues inattendues, non prescrites se produisant dans le processus enseignement-apprentissage et auxquelles l’enseignant doit faire face en mobilisant des ressources hétérogènes pour faire la classe.

  • Comment se caractérise-t-elle ?

Elle se caractérise par une multiplicité d’interactions entre les acteurs de la classe, par une imprévisibilité des événements qui peuvent subvenir de manière surprenante et inattendue au cours de n’importe quelle leçon, par une simultanéité de ces évènements marqués par les différents comportements des élèves en classe.  Comme le souligne Perrenoud, l’enseignant est amené à « agir dans l’urgence et décider dans l’incertitude », de s’adapter à la situation de classe et adopter des stratégies immédiates.

  • Pourquoi cette dimension cachée existe-t-elle dans le processus enseignement-apprentissage ?

Parce que dans ce processus, il s’agit des interactions humaines. Dans toute interaction humaine survient souvent des imprévus, des aléas auxquels les acteurs doivent s’adapter pour atteindre l’objectif assigné.

  • Que font les enseignants pour faire face à cette dimension cachée ?

Il apparaît que la préoccupation première de l’enseignant est de se conformer à sa préparation pédagogique tenant compte des objectifs prescrits et du contrat pédagogique. Les situations imprévues ou inattendues qui entravent le climat, la discipline et l’apprentissage des élèves se doivent d’être résolues par l’enseignant qui tient à garder le cap à tout prix. Pour ce faire, il est obligé de mobiliser son expérience, sa personnalité et d’autres ressources non prescrites, mais de quelle manière ?

Si certaines de nos recherches antérieures ont abordé l’enseignement en milieu scolaire sous l’angle de l’analyse du travail (Moussavou), et que d’autres ont posé le problème du travail des enseignants pour essayer de comprendre l’écart qui existe entre le prescrit et l’activité réelle de l’enseignant en classe (Tardif et Lessard; Drand), cet article pose le problème de la prise de conscience de la dimension cachée de la pédagogie et de ses manifestations dans le contexte de l’école congolaise en mettant en évidence les réactions des enseignants face aux caractéristiques de cette dimension cachée.

La problématique est ainsi présentée, nous amène à la question de recherche suivante : Comment se caractérise la dimension cachée de la pédagogie ?

Cette question inspire l’hypothèse ci-après : La dimension cachée de la pédagogie se manifeste par des événements multiples qui interviennent en classe. Ces événements multiples se manifestent par une imprévisibilité de la situation de classe (variable 1), une pluridimensionnalité (variable 2), une simultanéité (variable 3) et une immédiateté des décisions (variable 4).

Afin de vérifier cette hypothèse et cerner la notion de dimension cachée de la pédagogie, nous avons eu recours à l’observation des pratiques enseignantes et des entretiens avec les enseignants des écoles primaires de la circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville.

Outre cette introduction, cet article nous permettra dans le premier chapitre d’aborder la méthodologie de travail utilisée. Dans le deuxième chapitre, nous présenterons, analyserons et interpréterons les résultats de notre travail de terrain. Le troisième chapitre discutera des résultats obtenus. Enfin, nous terminerons par une conclusion qui envisagera la dimension cachée de la pédagogie comme étant levier de l’efficacité dans l’enseignement.

  1. Méthodologie de recherche
    1. Le champ d’investigation

La circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville a été notre champ d’investigation.

  1.  De l’échantillon

Pour les besoins de notre recherche, nous avons retenu 20 enseignants. Cet échantillon se présente de la manière suivante :20 enseignants dont 15 femmes.

Tableau 1 : Répartition de l’échantillon concerné

ÉtablissementHommesFemmesTotal
Saboukoulou 1235
Saboukoulou 2325
5 Février 10033
5 Février 20012
Emeraude 10033
Emeraude 20022
Total051520
  1. Les instruments de collecte des données

La recherche obéit à une démarche qui offre une multitude d’instruments susceptibles d’aider l’enquêteur dans la collecte des  données. Pour notre recherche, nous avons retenu deux types d’instruments : l’observation et l’entretien qui prennent en compte les quatre thèmes suivants :

  • la connaissance de la dimension cachée ;
  • les manifestations de la dimension cachée ;
  • l’impact de la dimension cachée ;
  • la gestion de ses caractéristiques.

Tableau 2 : Synthèse des instruments de la collecte des données

InstrumentsSujets concernésObjectifs
01L’observationEnseignants actifsRecueillir les données relatives à la dimension achée de la pédagogie
02L’entretienEncadreurs pédagogiques et enseignantsRecueillir les informations sur le travail caché, les dimensions clandestines ; Comment accéder à ces dimensionsIdentifier le statut de la dimension cachée et ses caractéristiques  
  • Présentation, analyse et interprétation des résultats
  • Analyse et interprétation des résultats
  • De la formation des enseignants 

Parmi les vingt enseignants qui ont fait l’objet de notre recherche, douze affirment avoir bénéficié d’une formation initiale à l’Ecole Normale des Instituteurs (ENI), contre huit enseignants qui le sont devenus suite à une formation sur le tas. En effet, il existe une différence de comportement entre ceux qui ont été formés et ceux qui n’en ont pas bénéficié. Ici, les ressources issues de la formation professionnelle initiale servent de base à la conduite de la classe. Par contre, la jeunesse et le manque d’expérience des maîtres non formés constituent des freins à la maîtrise de l’activité enseignante en classe. Dans les deux cas, les situations imprévues et donc inattendues viennent perturber l’activité enseignante en classe.

  • Du rapport à la tâche 

Au niveau du rapport à la tâche, nous avons noté une conscience professionnelle qui se traduit par la préparation de leur classe, par leur assiduité. Malgré la pénibilité du travail enseignant au plan pédagogique, matériel et psychologique, et donc qui caractérisent la dimension cachée de la pédagogie, les enseignants sont résilients dans leur pratique de la classe. Donc, prendre conscience des caractéristiques de la dimension cachée de la pédagogie peut devenir une valeur ajoutée sur la gestion et l’autorité du maître. La capacité de résoudre les situations imprévues et de les réguler pendant qu’on fait la classe, confère au maître une expertise indéniable.

  • De l’imprévisibilité

En termes d’imprévisibilité de la situation de classe, 18 enseignants sur 20 constatent qu’il y a de nombreuses variables qui déstabilisent la quiétude du maître : le climat conflictuel entre élèves et parfois entre élèves et le maître. L’environnement de l’école surdétermine le climat de la classe et des courants qui la traversent.

  • De la simultanéité

Quant à la simultanéité des évènements apparaissant en classe, seize enseignants sur vingt reconnaissent qu’il n’y a pas de moments neutres. Lors du déroulement du travail en classe, des évènements surviennent les uns après les autres. Ces événements imprévus peuvent surgir soit du fait de l’enseignant lui-même suite au rendu de son propre cours, soit du fait des apprenants porteurs de litiges. Dans ce sens, Perrenoud stipule :

 Répondre ou non, s’attarder auprès d’un élève en difficulté ou l’encourager d’un mot, choisir de voir ou de ne pas voir, de sanctionner ou de ne pas sanctionner une conduite déviante, suivre ou ne pas suivre une piste suggérée par un élève, poursuivre une discussion agitée ou y mettre fin, donner la parole à tel ou tel, accepter ou non une  proposition, dramatiser  ou banaliser un appel au calme… autant de décisions prises dans l’instant, sans longue réflexion ou sans réflexion du tout. Cela signifie-t-il que les décisions sont prises au hasard ? Nullement .

Ce comportement traduit tout simplement l’existence de la dimension cachée de la pédagogie.

  • De la pluridimensionnalité

A propos de la pluridimensionnalité, il est évident que sous le feu ou la pression des événements inattendus, l’enseignant est obligé de se remobiliser, de résoudre, efficacement ou inefficacement, ces événements qui viennent entraver le déroulement de son activité en classe. Ce faisant, l’enseignant recourt à la dimension cachée de la pédagogie sans s’en rendre compte. Dix-huit (18) enseignants en ont fait l’expérience.

  • De la gestion pédagogique

La gestion pédagogique d’une classe place le maître devant l’immédiateté des décisions : l’urgence de la pratique de la classe, les séquences des activités à mener obligent l’enseignant à s’investir personnellement dans sa pratique et à prendre toute décision utile et nécessaire à l’aboutissement de l’action pédagogique. Une leçon inachevée résultant des facteurs multiples fruste l’enseignant qui a passé des nuits blanches à préparer ses leçons. Dix-sept (17) maîtres sur vingt le reconnaissent.

2.2. Synthèse des résultats

Comme souligné ci-dessus, notre recherche s’est déroulée dans les écoles primaires. En ce qui concerne notre échantillon, il était composé de vingt (20) enseignants de tout niveau confondu. Des instruments de collecte de données ont été utilisés : il s’agit principalement de l’entretien semi-directif et l’observation. Cet entretien semi directif pour les enseignants portait sur la connaissance et l’usage de la dimension cachée de la pédagogie.

Sur les vingt (20) enseignants interviewés, six (6) ignorent complètement la notion de dimension cachée de la pédagogie. Ils précisent « qu’ils n’ont jamais entendu parler de cela ». Toutefois, neuf (9) enseignants formulent une définition approximative ou réellement imprécise de la dimension cachée de la pédagogie. Cependant, ils sont cinq (5) enseignants qui ont pu préciser ce qu’est la dimension cachée en évoquant le « travail caché de l’enseignant », c’est-à-dire les savoirs qu’ils mobilisent pour faciliter l’apprentissage ou renforcer leurs acquisitions. Tous les enseignants interrogés ont été amenés à préciser l’importance de la dimension cachée de la pédagogie en termes d’utilité. Au total sept (7) enseignants ont insisté sur le développement des fonctions cognitives de l’enseignant qui doit enseigner une pluralité de disciplines. D’autre part, treize (13) enseignants sur 20, donc la majorité souligne que la dimension cachée de la pédagogie fait intervenir la personnalité de l’enseignant qui doit être capable d’interagir avec les apprenants pour exhumer sa créativité et son sens d’initiatives lorsqu’il est bloqué par une situation inédite ou imprévue. Comment s’en sortir avec panache ou maestria sinon en recourant à la dimension cachée de la pédagogie !

Plus globalement, cette analyse de la situation révèle que les enseignants préparent des cours dont les contenus doivent être mobilisés en classe. Une fois devant leurs élèves, il arrive que ceux-ci se retrouvent en difficulté face aux questions qui leur sont posées. Alors, pour faire face à cette difficulté, l’enseignant adapte sa manière de faire la classe pour amener les élèves à avancer dans leurs apprentissages. Cette situation révèle qu’au-delà de toute préparation de la classe, il y a des éléments cachés qui se révèlent dans le déroulement de la classe.

  • Discussion

Les maîtres sortis de l’Ecole Normale des Instituteurs sont prisonniers des théories apprises au cours de leur formation. L’approche des programmes en cours dans ces institutions de formation est loin de les épanouir. En théorie, on pense que la pédagogie est faite de recettes, or « la pratique n’est pas une mise en pratique de recettes », Huberman s’appuie sur :

  • « le nombre important d’interactions dans lesquelles le maître est engagé pendant une heure, leur rythme soutenu ;
  • la diversité des sollicitations qui se succèdent, souvent se chevauchent ;
  • la concentration des activités et interactions dans un espace limité » pour montrer la réalité  des événements imprévus auxquels le maître doit faire face. C’est dire qu’en réalité, la pédagogie formelle cohabite avec sa dimension cachée. Les déductions qui ont abouti à la mise en évidence de la dimension cachée de la pédagogie, à partir de leur pratique et leur discours ont semblé être des révélations.

Dans le contexte de l’école congolaise en général et de la circonscription scolaire de Ouenzé II en particulier, les exigences du métier d’enseignant consistent à :

  • concevoir et mettre en œuvre son enseignement ;
  • organiser le travail de la classe ;
  • prendre en compte la diversité des élèves ;
  • se former et innover, etc.

Malheureusement, nous l’avons vu, avec les situations multiples de la classe, les conditions du travail enseignant se sont sérieusement dégradées et la profession enseignante est devenue une gageure. Prendreconscience de la dimension cachée de la pédagogie est un facteur d’émancipation pour l’enseignant car elle le rend apte à l’investigation, au diagnostic et à la prise de décision. Abonder dans ce sens, c’est prendre en compte les dimensions multiples du vécu, avec ses composantes individuelles et collectives, psychologiques et sociopolitiques, ses processus conscients et inconscients. Puisque les conditions de travail évoquées par les enseignants sont porteuses des caractéristiques de la dimension cachée de la pédagogie, pourquoi ces derniers en sont-ils inconscients ?

Ainsi, aborder le problème de la dimension cachée de la pédagogie, revient à porter la réflexion sur ce que fait l’enseignant vis-à-vis des élèves, tout particulièrement face aux situations inattendues. Il s’agit là d’une pédagogie qui intègre, dans sa pluri dimensionnalité et sa transversalité tout le processus d’enseignement-apprentissage. Il appartient donc à l’enseignant d’identifier ce sens caché, de le rendre explicite, et donc le sortir de l’invisibilité.

Au sens de Chavallard, les dispositions pratiques permettant de rendre la dimension cachée plus visible et efficace, et donc plus utile pour les maîtres, sont à comprendre dans l’analyse de pratique qui suit la leçon et qui est structurée autour des cycles “explicitation-modélisation” fondés sur la notion de praxéologie que cet auteur définit au regard de quatre entrées : la tâche que s’assigne l’enseignant (son intention générale), les techniques qu’il développe (l’action située observable), les technologies qu’il fournit dans l’entretien (l’explication qu’il donne de son action) et les théories de référence (le champ de la culture professionnelle extrinsèque à l’action). Ces quatre entrées, considèrent la dimension cachée de la pédagogie comme devant se situer, selon Chavallard, moins dans l’ordre de la praxéologie qu’il nomme science de la pratique ou de l’action, et plus dans la science de la praxis, c’est-à-dire le mouvement de va et vient entre le vécu, la pratique et la pensée. Cette alternative suppose une dimension cachée de la pédagogie qui, pour cet auteur, intègre plusieurs champs disciplinaires, parce qu’il s’agit d’une action qui est en soi une opération transdisciplinaire.

Cette dimension cachée est aussi à comprendre avec les travaux de Perrenoud (207), parlant de l’improvisation réglée, ou avec les recherches sur les imprévus et les gestes d’ajustement professionnels évoqués par Bucheton et Soulé (31), qui citent Jean, Chabanne et Bucheton. Tous ces travaux renvoient à l’agir professionnel des enseignants considérés comme des praticiens susceptibles de faire face aux situations inattendues qui viennent scander le déroulement de la classe. La formation devient ainsi une variable d’ajustement devant intégrer la maîtrise des actions et des situations nouvelles inattendues. Ainsi, puisque les textes officiels prévoient des sessions de recyclage ou renforcement des capacités pour les enseignants en exercice, ce serait donc des occasions indiquées pour compléter la formation des maîtres par les techniques d’animation pédagogique permettant de révéler l’existence de cette dimension cachée, ses caractéristiques et son impact sur l’efficacité dans le processus d’enseignement-apprentissage. Les conférences pédagogiques, les leçons d’essais et l’encadrement pédagogique, voilà autant de dispositifs et de pratiques de professionnalisation susceptibles d’être exploitées pour informer et installer la capacité à surmonter les événements inattendus.

Conclusion

Pour mieux comprendre ce qui se passe dans le processus d’enseignement-apprentissage, il importe de disposer d’une image adéquate, réaliste, de la pratique pédagogique et de son rapport à la connaissance. Notre recherche s’est efforcée d’éclairer quelques aspects de la dimension cachée de la pédagogie, de mettre en évidence cette dimension et son impact dans la gestion d’une classe.

Notre recherche a posé le problème de la prise de conscience de la dimension cachée de la pédagogie et de ses manifestations dans le contexte de l’école congolaise en décrivant les réactions des enseignants face aux manifestations de cette dimension cachée. En interrogeant la pratique de la classe et en nous entretenant avec les enseignants de l’école primaire sur leur propre pratique pédagogique, nous avons compris que la dimension cachée de la pédagogie n’est pas simplement une mise en pratique de recettes toutes faites ou de schémas d’action conscients ; elle est guidée, même en suivant ces schémas, de systèmes de pensée et d’action qui conditionnent les décisions multiples et parfois incertaines intervenant dans l’activité de l’enseignant en classe.

C’est dans ce sens que Perrenoud (201) parle de la « pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage » soulignant « la capacité du maître à supporter des interactions soutenues, décousues, dans une atmosphère bruyante et agitée », qu’il est « sollicité de toutes parts, confronté à des demandes simultanées », et que « quelle que soit la variation d’une classe à l’autre, la pratique pédagogique reste faite, même dans la classe la plus ordonnée et contrôlée, d’une succession de microdécisions de tous ordres ».

La problématique de la dimension cachée de la pédagogie s’inscrit donc dans cette perspective, en soulignant le caractère urgent des décisions prises et qui n’obéit pas forcément à des règles explicites ou à des schémas d’action conscients. Ainsi, notre hypothèse soulignant la complexité et le caractère multiple de la dimension cachée a été confirmée.

Cet article qui n’a pas épuisé les différentes caractéristiques de la dimension cachée, a eu au moins le mérite d’élargir l’horizon mental des enseignants de la circonscription scolaire de Ouenzé II. Il revient à d’autres chercheurs de généraliser et de vulgariser la connaissance de la dimension cachée de la pédagogie.

Travaux cités

Bucheton, Dominique et Yves Soulé. Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées, Éducation et didactique [En ligne], 3-3 | Octobre 2009, mis en ligne le 01 octobre 2011, consulté le 10 décembre 2020. URL : http:// journals.openedition.org/educationdidactique/543 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ educationdidactique.543

Chevallard, Yves. Analyse des pratiques enseignantes et didactiques des mathématiques : l’approche anthropologique. Clermont Ferrand : La Rochelle, 1997.

Cuisiniez, Frédérique et Ghuyslaine Roy-Lemarchand.Réussissez vos actions de formation, ESF, 2008.

Durand, Marc. L’enseignement en milieu scolaire. Paris : Presses Universitaire de France, 3e édition, 2002.

Develay, Michel. Didactique et sciences de l’éducation, Bulletin de l’Association des enseignants chercheurs en sciences de l’éducation n°13, 1993.

Moussavou, Guy. Le travail enseignant : écart entre le prescrit et la réalité dans la classe, Les cahiers de la Chaire. Revue pluridisciplinaire de Recherche, n°3, Septembre 2016. Pointe-Noire : Editions LMI, 2016.

———-. La professionnalisation par l’expérience des enseignants sans formation initiale au Gabon. Paris : L’Harmattan, 2015.

Perrenoud, Philippe. « La pratique pédagogique entre l’improvisation réglée et le bricolage », Éducation & Recherche, 1983, n° 2, pp. 198-212. Repris dans Perrenoud, Ph. : La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan, 1994, chapitre I.

———-. Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. Paris : ESF, 1996.

Rieunier, Alain. Préparer un cours, les stratégies pédagogiques efficaces. Issy-les-Moulineaux : ESF, 3e édition, 2007.

Romelaer, Pierre. L’entretien de reherche. Bruxelles : De Boeck, 2005.

Tardif Maurice, Lessard Claude. Le travail enseignant au quotidien : Expérience, interactions humaines et dilemmes professionnels. Bruxelles : De Boeck, 2000.

Tsafak, Gilbert. Ethique et déontologie de l’éducation. Paris : PUF, 1998.

Vergnioux, Thierry Piot et Jean-Yves Bodergat. La pédagogie. Son sens, ses pratiques. Paris : EP. 2014.

Comment citer cet article :

MLA : Moussavou, Guy. « La dimension cachée de la pédagogie dans la circonscription scolaire de Ouenzé II à Brazzaville. » Uirtus 1.1 (août 2021): 356-370.


§ Ecole Normale Supérieure de l’Université Marien Ngouabi, [email protected]

[1] Les archives de Discas, 2013, http://www.csrdn.qcca/profilcompétence/enseignant/profils

Abstract: Le mandingue originel dans Les soleils des independances d’Ahmadou Kourouma, un espace de bonheur

An interstitial space between the real and the fictitious, Horodougou, at least its representation in The Suns of Independence by Ahmadou Kourouma, is the place where Fama Doumbouya, faced with the many difficulties of everyday life in the “capital”, rediscovers honor and happiness. That he should never have lost because of his princely origins. The great gap that exists between the image of this miserable character in the big city where the «  sons of bastards  » reign and that of a Malinké prince respected and venerated on the land of origin of his ancestors in Horodougou, confers an improving function to the encompassing space of the Mandingo and makes it a place of full development for him. This article attempts to describe these “little moments of happiness” which animate the character in this novel and which have a considerable impact on his psychology. From where the deduction that the feeling of happiness can also be the consequence of the type of relation which the individual maintains with an intimate space.

Keywords: Representation – Horodougou – space – happiness – Mandingo – novel.

Full Text                                       

Résumé: Le mandingue originel dans Les soleils des independances d’Ahmadou Kourouma, un espace de bonheur

Koné Diakaridia§

Résumé : Espace interstitiel entre le réel et le fictif, le Horodougou, du moins sa représentation dans Les Soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma, est le lieu où Fama Doumbouya, confronté aux nombreuses difficultés matériels du quotidien dans la « capitale », retrouve l’honneur et le bonheur qu’il n’aurait jamais dû perdre à cause de ses origines princières. Le grand écart qui existe entre l’image de ce misérable personnage dans la grande ville où les ’’fils de bâtards’’ règnent et celle d’un prince malinké respecté et vénéré sur la terre d’origine de ses ancêtres dans le Horodougou, confère une fonction méliorative à l’espace englobant du Mandingue et en fait un lieu de plein épanouissement pour cet être. Cet article tente de décrire ces « petits moments de bonheur » qui animent le personnage dans ce roman et qui ont un impact considérable sur sa psychologie. On peut ainsi en déduire que le sentiment de bonheur peut être aussi la conséquence du type de relation que l’individu entretient avec un espace intime.

Mots-clés : Représentation – Horodougou – espace – bonheur – Mandingue – roman.

Abstract: An interstitial space between the real and the fictitious, Horodougou, at least its representation in The Suns of Independence by Ahmadou Kourouma, is the place where Fama Doumbouya, faced with the many difficulties of everyday life in the “capital”, rediscovers honor and happiness. That he should never have lost because of his princely origins. The great gap that exists between the image of this miserable character in the big city where the «  sons of bastards  » reign and that of a Malinké prince respected and venerated on the land of origin of his ancestors in Horodougou, confers an improving function to the encompassing space of the Mandingo and makes it a place of full development for him. This article attempts to describe these “little moments of happiness” which animate the character in this novel and which have a considerable impact on his psychology. From where the deduction that the feeling of happiness can also be the consequence of the type of relation which the individual maintains with an intimate space.

Keywords: Representation – Horodougou – space – happiness – Mandingo – novel.

Introduction

Les Soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma est connu pour être un roman qui raconte la désillusion d’un prince malinké, Fama Doumbouya, après l’avènement des indépendances pour lesquelles il s’est pourtant beaucoup investi. Dans la « capitale » où il vit, Fama mène une existence erratique et difficile. C’est dans cette atmosphère des lendemains incertains qu’il est informé du décès de son cousin Lacina à Togobala, son village, natal situé dans le Mandingue. Comme la tradition le recommande en pareil cas, Fama est obligé de s’y rendre afin de participer aux obsèques du défunt. Une fois sur les terres de ses ancêtres, et bien qu’étant en deuil, le personnage renoue avec le bonheur et la joie de vivre. Là, auréolé de gloire et d’honneur, il est l’objet de toutes les attentions ; il a droit à tous les égards.

Ce constat, et bien d’autres, qui montrent que dans le Horodougou, Fama baigne dans une certaine plénitude, est renforcé par le fait que, dans l’économie générale de ce texte[1], cet espace interétatique[2] reste un repère locatif de plein épanouissement, à la fois pour le personnage, mais aussi pour l’auteur[3] lui-même. Partant de là, la notion d’« espace du bonheur » que l’on attribue au Horodougou dans le cadre de cette réflexion, devient entièrement opérante. Toutefois, il faut préciser que dans ce cas cette notion n’est pas réductible à la seule satisfaction des besoins économiques et sociaux, ou encore à la quête d’un idéal de plaisir permanent où l’esprit n’aurait plus rien à désirer. Loin s’en faut ! Il s’agit plutôt pour le personnage de retrouver une certaine gloire et un certain prestige proches de ceux qu’il avait lorsque sa famille régnante, les Doumbouya, détenaient encore le pouvoir dans le Horodougou.

Ainsi, si le bonheur reste, avant tout, un principe universel, il n’en demeure pas moins que dans le roman de Kourouma, il reste intimement lié à un espace communautaire spécifique appartenant en propre à un personnage, Fama Doumbouya, et à une communauté, les Malinkés. Ceux-ci y ont toujours été chez eux, sur leurs propres terres et y ont mené une existence princière, depuis des temps immémoriaux.

Quelle est donc la stratégie narrative déployée par Ahmadou Kourouma pour décrire le bonheur de son principal protagoniste dans le Horodougou ? Pourquoi l’auteur fait-il de cet espace un repère locatif de plein épanouissement pour le malinké Fama Doumbouya, par opposition à la « capitale » ? Mais avant, que faut-il concrètement entendre par la notion de « bonheur » ?

La présente contribution, fondée sur une sémiotique des lieux et un pictural de l’image et des sentiments, tente une ré-appropriation de la question du « bonheur » et montre à quel point cette notion, qui relève à la fois de la philosophie, de la poétique, de la sociologie et de la psychologie, reste avant tout redevable de la sphère de l’intime, et s’édifie à la mesure de chaque individu et de chaque situation.

I-De la notion du « bonheur » : cadrage terminologique d’une acception plurielle

Principe universel, mondialement recherché et souhaité par chaque être vivant, la notion du bonheur intéresse plusieurs domaines du Savoir. De la philosophie à la psychologie en passant par la poétique, la sociologie et la littérature, cette notion est au centre de toutes les préoccupations. Les philosophes la définissent comme un état de plénitude dans lequel l’individu n’aurait plus rien à désirer. Emmanuel Kant établit justement un lien étroit entre cette disposition de l’Être et la Morale. Ainsi, dans Les Fondements de la métaphysique des mœurs, le philosophe postule qu’« assurer son propre bonheur est un devoir […] car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé de nombreux soucis et au milieu de besoins non satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d’enfreindre ses devoirs (65) ». Il précise cependant que la fin de la morale ne peut être le bonheur dans la mesure où celui-ci, parce qu’il est un concept indéterminé, risque de conduire l’existence vers une série de contradictions.

Dès 1966, dans son ouvrage intitulé Bonheur et civilisation, le sociologue Jean Cazeneuve tente d’établir une typologie du bonheur avec d’un côté « le dionysiaque » ou bonheur de l’existence, et de l’autre, « l’apollinien » ou bonheur de l’être. Pour lui, en effet, « […] le bonheur est comme un moyen terme utopique entre sa propre contradiction dans l’apollinarisme et sa négation dans le dionysisme » (Cazeneuve, 1966 : 186). Pour ce chercheur, en effet, la civilisation technicienne crée un type spécifique de bonheur chez l’individu, fonctionnant de pair avec la société de consommation. Toutefois, la question que pose cette définition du sociologue reste le caractère indépassable de l’énigme humaine. En effet, l’individu est-il pour autant démunis dès lors qu’il cherche à penser la question de son propre bonheur en tant qu’humain ?

À cette question, certains philosophes répondent par la négative. Pour Emmanuel Kant, par exemple, l’homme reste toujours digne du bonheur dont il est constamment en quête quoiqu’il lui advienne. Car, selon lui, la quête de cet idéal relève d’une tâche historique de la liberté humaine. Autrement dit, pour ce philosophe, il est impossible à l’homme d’être heureux par lui-même, le vrai bonheur consistant dans ce qu’il appelle « la moralité accomplie ». Cette position kantienne, quoiqu’évoquée brièvement, permet au moins d’évoquer trois composantes essentielles de la dignité du bonheur humain, à savoir la liberté, la temporalité et la socialité. 

Tout comme chez Kant, la question du bonheur tient aussi une place centrale dans l’œuvre de Spinoza. Pour ce philosophe, en effet, chercher à être heureux est l’essence de l’Homme. L’homme heureux de Spinoza exerce la réciprocité et recherche le bonheur pour les autres autant que pour lui-même.

Dans le domaine de la littérature, par contre, le bonheur est resté pendant longtemps une notion aux bornes indéterminées ; et cela en raison précisément de son caractère durable. Selon Robert Mauzi :

L’idée du bonheur appartient à la fois à la réflexion, à l’expérience et au rêve. On peut la rechercher au sein d’un système de morale, dans la trame d’une vie, à travers une fiction ou dans le simple déroulement de la pensée errante. Il faudrait pour la saisir se faire historien des idées, historien des âmes, et pratiquer cette analyse existentielle qui reconnaît dans le choix d’une sensation ou l’obsession d’une image l’attitude d’une conscience devant le monde. (Mauzi 9).

Ce thème est apparu, par la suite, dans les lettres françaises dès le XVIIIème siècle[4]. Bien plus tard, au milieu des années 1960, les écrits se rapportant au bonheur et à ses sentiments voisins tels que la vie heureuse, la joie, l’extase, etc, continuent d’alimenter le champ littéraire. Dans un article de référence consacré à la question, « Les romans dédiés au bonheur », Rémy Pawin parvient à la conclusion que les « […] diverses catégories de romans du bonheur diffusent un discours convenu que chaque lecteur est venu chercher pour l’occasion » (Pawin 25).

Les adeptes du post-modernisme, qui mènent en parallèle un procès contre la culture de masse, s’intéressent eux aussi à la question du bonheur. Jean Baudrillard, dans sa logique de stigmatisation de « l’idéologie égalitaire du bien-être », [de] la « démocratisation de la télévision, de la voiture, [et] de la chaîne stéréo » (Baudrillard 60) remet en cause certains principes de vie. Ainsi, il affirme que le bonheur ne naît pas simplement d’une impulsion naturelle inhérente à l’individu, mais reste plutôt tributaire de la dynamique socio-historique qui oriente le monde. De la sorte, on peut parler d’une pluralité d’acceptions face à une notion dont le but ultime est de procurer du plaisir. La notion du bonheur est donc relative. Elle est de l’ordre du sujet. Car ce qui me rend heureux, ne l’est pas forcément pour l’autre, et vice-versa.

Quoique né dans des circonstances assez dramatiques[5] à cause des enjeux de ce temps-là, le roman africain reprend très tôt à son compte cet état de l’être humain pour en faire un motif littéraire. Ainsi, chez Kourouma, en décidant de faire revenir Fama Doumbouya dans le Horodougou natal, son espace originel, la figure princière du personnage malinké, celle qui avait cours au moment où la dynastie des Doumbouya régnait dans le Horodougou, réapparaît et se réaffirme. Alors, le personnage se sacralise, s’institutionnalise pour faire émerger un nouvel état de son être. Il retrouve la joie de vivre, et avec lui, celle des autres. Ce qui fait dire à André Gide qu’

Il y a sur terre de telle immensité de misère, de détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme heureux n’y peut songer sans prendre honte de son bonheur. Et pourtant ne peut rien pour le bonheur d’autrui celui qui ne sait être heureux lui-même. Je sens en moi l’impérieuse obligation d’être heureux. Mais tout bonheur me paraît haïssable qui ne s’obtient qu’aux dépens d’autrui et par des possessions dont on le prive […] Mon bonheur est d’augmenter celui des autres. J’ai besoin du bonheur de tous pour être heureux. (220-221).

Chez Gide, le bonheur n’est donc ni dans l’ordre de la possession ni dans celui du paraître, mais consiste plutôt à être simplement heureux d’abord soi-même avant d’agir pour celui des autres. La notion ne peut qu’être un état subjectif, ou mieux, une certaine disposition personnelle de l’esprit humain à combler les désirs les plus intimes de l’homme, ses vœux les plus enfouis, les plus chers…

Toutefois, chez Kourouma, il s’agit d’un bonheur en rapport avec une origine, un espace, des lieux et des personnages emblématiques. Comment dans Les Soleils des indépendances l’auteur présente-t-il cet état de l’humain chez Fama Doumbouya en rapport avec l’espace originel de ce dernier, le Horodougou ? Quelle est la stratégie narrative déployée pour faire voir ce bonheur ? En quoi cet espace participe-t-il en définitive au bonheur que Fama ressent à l’approche de sa mort ?

II-La stratégie narrative pour décrire le bonheur de Fama

Dans Les Soleils des indépendances, il existe une rhétorique narrative en rapport avec le sentiment de bonheur que ressent Fama dans son terroir, parmi les siens. Les comportements collectifs, le protocole mis en place pour accueillir le prince Doumbouya, tout participe à ce sentiment de joie intérieure. Mais, pour ce faire, il faut que le personnage soit dans un univers spatio-temporel favorable à son plein épanouissement : le Horodougou.

     1-Le cadre spatio-temporel

L’espace et le temps jouent un rôle dynamique dans le nouvel état d’esprit de Fama dans le Horodougou. En offrant un autre type de rapport entre ce prince malinké et les siens, ils influencent tous deux l’humeur du personnage et lui permettent de renouer le fil du temps pour, en fin de compte, lui permettre de retrouver des instants de joie furtifs.

L’espace englobant du Horodougou est pour Fama le lieu de la gloire due à sa lignée princière et qu’il ne peut retrouver en étant dans la capitale. Il y entretient une sorte de rapport intime qui suscite en lui un sentiment de joie et de fierté intérieure. Car en ce lieu, dans cette province, bien avant que la « bâtardise » ne vienne modifier l’ordre des choses : « Ses aïeux en avaient le cœur, les bras, la virilité et la tyrannie. Maîtresse des terres, des choses et des vivants du Horodougou, la dynastie accoucha de guerriers virils et intelligents. […] Partout ici ils ont attaqué, tué et vaincu. (Kourouma 100-101) ». Le narrateur accumule tout un discours mélioratif, des expressions et le souvenir d’une épopée qui s’origine à partir de « Soundjata » jusqu’aux grandes familles guerrières (17) », en passant par « Samory (136) ». La convocation des noms de ces valeureux personnages historiques fertilise la popularité et la grandeur de cet espace, et par ricochet des Doumbouya du Horodougou. Autrefois, Fama Doumbouya, encore jeune prince malinké, « né dans l’or, le manger, l’honneur et les femmes (5) » y vivait dans un bonheur total.

Parallèlement à ses souvenirs glorieux et à ceux de ses aïeux Doumbouya, s’éveille en lui un autre sentiment de grande plénitude dû à la saison d’harmattan, et qui lui rappelle cette enfance princière dans le Horodougou :

On parcourait les brousses que Fama avait sillonnées de cavalcades, et son cœur se réchauffait des matins de son enfance. De partout surgissaient des bruits, des odeurs et des ombres oubliés, même un soleil familier sortit et remplit la brousse. Son enfance ! son enfance ! Dans tout il la surprenait, la suivait là-bas très loin à l’horizon sur un coursier blanc, il l’écoutait passer et repasser à travers les arbres, la sentait, la goûtait. (101-102).

Dans la foulée, il y a même droit à « des saluts majestueux (103) » ainsi qu’à un important bain de foule composée « d’une escorte d’habitants et d’une nuée de bambins (103) ». C’est tout ce beau monde qui l’accompagne dans la concession familiale où, encore malgré le deuil, il est l’objet de toutes les attentions. Tel dans un effet d’amplification, la joie de Fama monte d’un cran lorsqu’il se retrouve dans la cour familiale, entouré par les siens. Là encore, précise le narrateur, « […] Fama trônait, se rengorgeait, se bombait. (101) ». Car, en ce moment précis, « […] pendant un moment, un monde légitime plana ». (110)

Le roman reste parsemé de ces prédictions qui participent à une sorte de manipulation de la chronologie. Le présent du personnage se vit par opposition à un passé glorieux que les indépendances ont anéanti.

 Contrairement à la « capitale » où sa vie n’est qu’amertume et désespoir, le Horodougou est pour Fama le lieu de la protection de son « moi » et celui de sa réhabilitation sociale. Faute de trouver le bonheur dans une capitale trop marquée matériellement, Fama retrouve la joie chez lui, sur ses terres, dans son Horodougou. Cet univers est donc un espace adjuvant qui a une réelle emprise sur l’état d’âme du personnage. À cela, il faut ajouter le rôle que jouent d’autres personnages ainsi que certains lieux emblématiques dans l’épanouissement de Fama.

2-Les personnages et les supports emblématiques

Les autres incubateurs de bonheur dans le récit sont les objets et les personnages emblématiques introduits par le narrateur. Ces objets et ces personnages remplissent de fait une fonction à la fois structurante et symbolique, de par leur présence symptomatique dans le récit.

Le premier personnage emblématique dont la présence aux côtés du prince malinké crée le bonheur est le griot Diamourou. En effet, une fois sur sa terre natale, et du fait de sa lignée princière, Fama y est obligé de se soumettre à un ensemble de dispositifs protocolaires que lui impose la tradition. Le premier élément de ce dispositif est le griot qui décide de (re)prendre sa place, celle qui lui est dévolue par la tradition, auprès de son maître. Désormais re-installé à la « droite (106) » de son maître, Diamourou peut, avec aisance, servir son Maître grâce à un fabuleux art oratoire dont il a seul le secret. De cette façon, il assume la part de fonction traditionnellement dévolue à sa caste. Bien évidemment, cela ne peut qu’en rajouter au sentiment de joie qui anime le prince Doumbouya qui voyait là une occasion de profiter de son statut : « Fama tenait le pouvoir comme si la mendicité, le mariage avec une stérile, la bâtardise des Indépendances, toute sa vie passée et les soucis présents n’avaient jamais existé. (110) ».

Tout comme le griot Diamourou, Balla participe lui aussi au bonheur du prince Doumbouya, grâce à sa présence remarquée auprès de celui-ci à l’occasion de son séjour dans le Horodougou. Ayant la réputation d’être foncièrement animiste, Diamourou et lui sont les deux seuls « […] témoins des grands jours des grands Doumbouya (112) ». Auprès du prince malinké, il forme, avec Diamourou, le duo qui tente la reconquête du pouvoir : « […] pour reconquérir son pouvoir, Fama possédait un sorcier, un griot, de l’argent, des appuis politiques ; bref, les derniers enthousiasmes de deux vieillards sur leurs derniers pas » (114). Un pouvoir, éphémère certes, mais tout de même important pour l’état d’âme d’un prince oublié dans la capitale et qui tente de profiter des instants de joie dans son Horodougou.

En dehors de ces deux hommes, il y a aussi Mariam, la plus jeune veuve du défunt cousin Lacina, qui participe au bonheur de Fama dans son village. En effet, jeune et très bonne séductrice, Mariam est désormais un cœur à (re)prendre à la suite du décès de son mari. Fama n’en demeure pas moins intéressé, surtout que Salimata, sa première épouse n’arrive pas jusque-là à procréer. Rien qu’à l’idée qu’il peut encore espérer avoir un héritier pour pérenniser la dynastie des Doumbouya, et aussi passer des nuits chaudes aux côtés de Mariam, il en est heureux : « Les pagnes, les mouchoirs, les joies, les propos de Mariam surgissaient à tout moment dans toutes [ses] pensées et rêves de la nuit. » (128). Au point même où Fama ne pensait plus qu’en de rares occasions à sa femme Salimata de la capitale.

À part les hommes-clés de son dispositif, il y a aussi le « palais » des Doumbouya qui participe au bonheur de Fama dans le Horodougou. Dans cet espace, le constat est que Fama renoue avec le pouvoir. En faisant de ce lieu symbolique des princes Doumbouya, un opérateur actanciel de relations, le narrateur fait remarquer qu’en ce lieu, Fama peut savourer des moments de gloire, de plaisir et de paix intérieure : « […] au seuil du palais des Doumbouya, […] le griot débitait comme des oiseaux de figuiers. Les salueurs venaient et partaient. (110) ». Se revoyant désormais dans ses ’’habits’’ princiers, le dernier légitime descendant des Doumbouya du Horodougou oublie un tant soit peu sa détresse, survenue au lendemain des « soleils des indépendances », pour se laisser aller à l’ivresse du pouvoir. Cependant, du fait des contingences extérieures et ayant pris conscience qu’il ne pourra plus jamais retrouver ce pouvoir, à cause des illégitimes nouveaux tenants du pouvoir, il décide et accepte de mourir dans le Horodougou, sa terre natale. 

III-La mort de Fama dans son Horodougou originel, l’heureuse fin d’une vie mouvementée

Après le retour de Fama dans la capitale, il est arrêté à la suite d’un prétendu complot. Quelques temps après, il est gracié par le président de la république. Aussitôt après sa libération, il décide de repartir à nouveau dans le Horodougou. Mais cette fois, pour y mourir, conformément à la volonté du personnage qui avait fait de la mort, son unique compagnon depuis sa cellule : « elle était devenue son seul compagnon (185) », et même dans ses rêves. Alors, « [la mort et lui] se connaissaient, ils s’aimaient (185) ». Rien qu’à cause de cette estime mutuelle, Fama refuse qu’elle intervienne n’importe où et n’importe comment : « C’est dans le Horodougou qu’il fait bon de vivre et de mourir (188) ».

Ici, contrairement à la conception du bonheur généralement perçu comme un état durable de joie et/ou de plaisir, Kourouma l’envisage comme la fin d’une vie tourmentée, celle de l’affranchissement de la bâtardise. Mieux, Fama regrette les nombreuses années passées ’’inutilement’’ dans la capitale : « Il regretta toutes les années passées dans les bâtardises de la capitale (188) ».

Maintenant, avec sa mort annoncée, il appréhende le bonheur, le sien notamment, à la fois comme un état imminent et un acte de libération de la domination des fils d’esclaves :

  Fama ? Tu vas à Togobala, Togobala du Horodougou. Ah ! voilà les jours espérés ! La bâtardise balayée, la chefferie revenue, le Horodougou t’appartient, ton cortège de prince te suit, t’emporte, ne vois-tu pas ? Ton cortège est doré.

 Donc argenté. Mais attention ! qu’est-ce ? Fama, ne vois-tu pas les guerriers te cerner ? Fama, avec la souplesse et la dignité, avec les pas comptés d’un prince du Horodougou, se porte devant. (188) ». 

La mort est donc pour Fama un phénomène qui lui permet de retrouver le bonheur lié à son statut de prince. Déjà, sentant cette mort très proche, il commence à rêver d’honneur, de gloire et de puissance : « Fama sur un coursier blanc qui galope, trotte, sautille et caracole. Il est comblé, il est superbe (195) ». Fama exultait, se pâmait de joie, […] Et enivré de joie Fama éclata de rire, d’un rire fou ; il rit si fort qu’il se réveilla (171) ».

Le fait est que dans ce monde dominé par la bâtardise, l’égoïsme et l’ennui, Fama ne peut plus être heureux. Ce monde ne lui appartient plus, la sacralité des choses ayant disparu. Seule lui reste la mort, une mort qu’il veut rapide pour retrouver ses ancêtres Doumbouya qui, bien avant lui, ont, plusieurs générations durant, savouré les délices du pouvoir dans le Horodougou.

Conclusion

En partant du postulat qu’il a existé par le passé un vaste espace inter-étatique appelé le ’’Horodougou’’, Ahmadou Kourouma crée dans Les Soleils des indépendances, un univers fictif du même nom auquel il attribue des traits particulièrement attachants. Ce Horodougou de l’imaginaire textuel, à travers notamment les souvenirs du personnage, l’évocation des moments de gloire et de combats épiques de ses ancêtres Doumbouya, devient ainsi, pour ce principal protagoniste de Kourouma, un espace de plein épanouissement, voire de bonheur, par opposition à la capitale où le prince malinké n’est que l’ombre de lui-même. Sitôt sorti de prison, ce n’est donc pas par hasard que Fama choisit d’aller y mourir, comme pour prouver à maints égards que ce repère locatif, dans sa représentation sémantique, syntaxique et symbolique, a hautement contribué à procurer la vie heureuse à laquelle il a eu droit jusqu’à l’avènement des indépendances, avec leurs lots de déception et de malheurs. 

Travaux cités

Alain, Émile Chartier. Propos sur le bonheur. Paris : Gallimard, 1925.

Amar, Ruth. Quête et représentation du bonheur. Paris : Classiques Garnier, 2016.

Ben Shahar, Tal. L’Apprentissage du bonheur. Paris : Belfond, 2007.

Baudrillard, Jean. Les stratégies fatales. Paris : Grasset, 1983.

Brukner, Pascal. « L’Euphorie perpétuelle », Essai sur le devoir du bonheur. Paris : Grasset, 2000.

……….. « La tentation du bonheur », Le Magazine littéraire.no 389, Dossier, 07/2000.

Cazeneuve, Jean. Bonheur et civilisation. Paris : Gallimard, 1966.

Comte-Sponville André. La plus belle histoire du bonheur. Paris : PUF, 2002.

———-. Bonheur, désespérément. Paris : Pleins feux, Librio, 2006.

———-. Le Goût de vivre. Paris : Albin Michel, 2010.

Gide, André. Les Nourritures terrestres et Les Nouvelles nourritures, livre premier. Paris : Littérature Classique, Gallimard, 1936.

Csikszentmihalyi. Vivre, psychologie du bonheur. Paris : Laffont. 2004.

Keita, Jean Djigui. Les Mandingues, de Koumbi à Paris. Bamako : Éditions Donniya, 2011.

Kourouma, Ahmadou. Les Soleils des indépendances. Paris : Seuil, 1970.

Mauzi, Robert. L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIème siècle. Paris : Armand Colin, 1967.

Meheut, Martine. Penser le bonheur. Paris : Ellipses, 1997.

Misrahi, Robert. Les Actes de la joie : fonder, aimer, rêver, agir. Paris : Les Belles Lettres, Encre marine, 2010.

Ouedraogo, Jean et Saibou Alcény Barry. Ahmadou Kourouma, Les Soleils des indépendances. Paris : Honoré Champion, 2013.

Pawin, Rémi. « Les romans dédiés au bonheur », L’Écriture du bonheur dans le roman contemporain. textes réunis par Ruth Amar, Cambridge : CSP, 2010.

            Comment citer cet article :

MLA : Diakaridia, Koné. « Le mandingue originel dans Les soleils des independances d’Ahmadou Kourouma, un espace de bonheur. » Uirtus 1.1 (août 2021): 344-355.


§ Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire, [email protected]

[1] Dans le récit, le macroespace « Horodougou » comporte 60 occurrences contre moins d’une quinzaine pour la « capitale ».

[2] Pour les historiens, le Horodougou est un espace inter-étatique qui s’étend « de la Sierra-Léone à la Côte d’Ivoire », Cf. Christophe G. Wondji, 1977, « L’Aspect historique », Essai sur Les Soleils des indépendances, Abidjan, NEA, p. 21-22.

[3] Il importe de préciser que le mandingue reste un espace important pour Kourouma. Etant lui-même originaire de cet espace, il en fait très souvent le cadre de référence des actions de ses personnages. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à rappeler Les Soleils des indépendances (Montréal : 1968, Paris : Seuil, 1970), Monnè, outrages et défis (Paris : Seuil, 1990) et Allah n’est pas obligé (Paris : Seuil, 2000) où, à travers respectivement le Horodougou, Soba et Worosso les différents narrateurs plongent de plain-pied le lecteur dans l’univers mandingue. 

[4] Il faut rappeler à ce propos l’ouvrage de référence de Robert Mauzi intitulé L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIème siècle (Paris, Armand Colin, 1967).

[5] Il importe en effet de rappeler que le roman africain est né pendant la colonisation. Pris dans cet engrenage, les romanciers africains avaient d’autres préoccupations beaucoup plus importantes. Plutôt que de s’intéresser à la peinture des joies individuelles, ils cherchaient bien au contraire à dénoncer avec véhémence le fait colonial en vue de la libération de leur peuple. 

Résumé: West-Deutschland  und  Mali  um  1960 : Die Politischen Beziehungen dieser Beiden Länder Besonders Kurz nach der Unabhängigkeit Malis

Daba Gbota§

Zusammenfassung: Der heutige Staat Mali geht aus dem mittelalterlichen Reich Mali von West-Afrika hervor. Auf dem Territorium von Mali gab es zuerst das Reich Ghana, dann das Reich Mali und dann das Reich Songhai. Am Ende des 19. Jahrhunderts kamen die Franzosen auf dem Territorium vom heutigen Mali an. Sie machten dann aus Mali eine französische Kolonie, die im Jahre 1960 unabhängig wurde. Das Ziel dieser Untersuchung ist zu wissen, welche politischen Entscheidungen Mali gegenüber West-Deutschland traf, nachdem jenes Land unabhängig geworden war. Ab seiner Unabhängigkeit erklärte es sich als ein sozialistischer Staat, aber das Land trat trotzdem in diplomatische Beziehungen mit West-Deutschland, das ihm ab 1960 in den Bereichen der Landwirtschaft, Wirtschaft und Dezentralisierung half.

Schlüsselwörter : Mali, Frankreich, Kolonie, West-Deutschland, Reich.

Résumé : L’État du Mali d’aujourd’hui résulte de l’Empire médiéval du Mali de l’Afrique Occidentale. Sur le territoire du Mali, il y a eu d’abord l’Empire du Ghana, ensuite l’Empire du Mali et ensuite l’Empire Songhai. C’est à la fin du 19ème Siècle que les Français sont arrivés sur le territoire du Mali d’aujourd’hui. Ils ont fait par la suite du Mali une colonie française, qui est devenue indépendante en 1960. L’objectif de cette Étude est de savoir quelles décisions politiques a prises le Mali vis-à-vis de l’Allemagne de l’Ouest, quand ce pays fut indépendant. À partir de son indépendance, le Mali s’est déclaré comme État socialiste, mais le pays est néanmoins entré en relations diplomatiques avec l’Allemagne de l’Ouest, qui, à partir de 1960 lui apporta de l’aide dans les domaines de l’agriculture, de l’économie et de la décentralisation.

Mots-clés : Mali, France, colonie, Allemagne de l’Ouest, Empire.

Abstract: The state Mali of today results from the West African empire Mali of the Middle Age. On the territory of Mali, there were first of all the empire Ghana, then the empire Mali and then the empire Songhai. At the end of the 19th century, French Men came on the territory of Mali of today. They made from Mali a French colony, which was independent in 1960. The objective of this study is to know what kind of political decisions Mali took towards West Germany, when that country became independent. From its independence on, Mali declared itself as socialist state, but this country entered nevertheless in diplomatic relations with West Germany, which, from 1960 on, helped that country in agriculture economy and decentralization.

Keywords: Mali, France, colony, West Germany, empire.   

Einführung

Der Name Mali hat etwas mit einem west-afrikanischen Reich des Mittelalters zu tun. Die Recherchen im Rahmen dieser Untersuchung werden vielleicht beweisen, ob dieses Land – aktuelles Mali – eine historische Vergangenheit mit dem oben genannten Reich hat. Die Amtssprache von Mali ist Französisch. Die Bedeutung dafür ist, dass Frankreich eine wichtige Rolle in der Geschichte von Mali gespielt hat. Wir müssen deshalb forschen,  inwiefern Frankreich eine Rolle in Mali spielte. Wir müssen auch untersuchen welche Rolle Frankreich vor Ort eigentlich spielte. Heute ist Mali ein unabhängiges Land: Es ist auch notwendig zu untersuchen, wie die malische Unabhängigkeit geschah. In keinem afrikanischen Land ist heute die deutsche Sprache die Amtssprache. Deutschland ist trotzdem in Beziehungen mit vielen bzw. allen afrikanischen Staaten. Es ist der Fall von Mali. Dieses afrikanische Land ist in Beziehungen mit Deutschland. Da Frankreich so präsent in Mali ist, bleibt es notwendig zu untersuchen, wie West-Deutschland in Kontakt bzw. in Beziehungen mit Mali trat. Zu allem, was oben geschrieben wurde, bleibt es wichtig, sich einige Fragen zu stellen, und zwar :

  • Was ist wichtig zu wissen über die Geschichte Malis vor dem 20. Jahrhundert?
  • Was ist zwischen Mali und Frankreich von 1900 bis 1960 passiert?
  • Was geschah zwischen Mali und West-Deutschland ab 1960?

Die Untersuchung wird sich deshalb um drei Schwerpunkte drehen ; es sind :

  1. Geschichte über Mali vor 1883
  2. Die Zeit der Franzosen von 1883 bis 1960
  3. Mali und West-Deutschland ab 1960

Viele Quellen dieser Studie sind aus den politischen, diplomatischen, historischen Archiven des Deutschen Auswärtigen Amts, Deutschland, Berlin. Die Informationen in den Fußnoten sind deshalb so gegeben, dass man die Dokumente findet, falls man Beweise wünschen würde. Wenn ein Zitat auf Französisch ist, steht seine Übersetzung in der Fußnote.

  1. Geschichte   Malis   vor  1883

Die kolonialen Grenzziehungen haben den Staat Mali von heute in seiner heutigen Gestaltung bestimmt. Wie viele afrikanische Staaten hat Mali auch die Konsequenzen der kolonialen Grenzziehung erlebt.  Seine heutige Hauptstadt – Bamako – wurde 1883 von französischen Truppen besetzt. Diese Stadt wurde aber von der französischen Kolonialmacht zum Mittelpunkt von Mali gemacht. Vieles ist aber und zwar während langer Zeit auf diesem Territorium geschehen. Auf diesem Territorium gab es allerdings folgende große Reiche, und zwar : das Reich Ghana (vom 4. Jahrhundert bis zum Jahr 1200), das Reich Mali (von 1230 bis 1550), das Reich Songhai (von 1335 bis 1591), die Reiche der Bambara (nach 1660) und dann die Zeit der Franzosen (die Kolonialzeit von 1883 bis 1960).

  1. Das  Reich  Ghana

Es ist wohl möglich, dass das Reich Ghana schon im 4. Jahrhundert in der Region vom Fluss Senegal und in der oberen Region vom Fluss Niger aus den Gruppen Soninke entstanden war. Lokal war dieses Reich als Wagadu bekannt. Aber die Araber nannten es  Aoukar. Man weiß aber nicht viel über die ersten Jahrhunderte dieses Reiches. Das Reich wurde aber doch zum ersten Mal um das Jahr 773/774 von einem Mann, der in Bagdad lebte, erwähnt. Dieser Mann war Astronom und Mathematiker und hieß Muhammad Al-Fazari. Dieser Astronom und Mathematiker Muhammad Al-Fazari bezeichnete dieses Reich als  „Land des Goldes“. Es gab einen anderen Mann, namens Ibn Hauqal. Dieser Ibn Hauqal sagte im Jahre 977, dass der König von Ghana der reichste König der Welt war. Dieses Reich Ghana erreichte vielleicht seinen Glanz im 11.Jahrhundert. 

977 als das Reich von Ghana auf dem Höhepunkt seiner Macht stand, erklärte der arabische Geschichtsschreiber Ibn Haukal, „Der König von Ghana ist der reichste Mann der Erde“. Sein Einflussgebiet erstreckte sich vom Atlantik bis nahe Timbuktu am Niger : angeblich gebot er über 200.000 Mann starkes Heer. [1]

Das Reich funktionierte nur mit der Herrschaftsausübung des Königs. Dabei intervenierten aber auch seine Gefolge. . Als Residenz des Herrschers  des Ghana-Reiches galt eine Stadt namens Ghana beim heutigen Koumbi Saleh, 200 km nördlich von Bamako. Der Reichtum des Reiches Ghana kam von dem Handel von Gold, Elfenbein. Das Reich verkaufte Gold und Elfenbein von Westafrika bis zum Mittelmeer und bis zum Nahen Osten. Das Ghana-Reich verkaufte aber auch Kupfer, Baumwolle, Werkzeuge und Schwerter. Die Schwerter kamen aus Deutschland und Arabien ; die Werkzeuge auch. Im Handel des Ghana-Reiches fand man auch Pferde aus Marokko und Ägypten. Ghana verkaufte auch Kola-Nüsse und Sklaven, die vom südlichen Westafrika kamen. In seinem Handel bat  Ghana auch Salz auf den Märkten an. Es gibt keine Erklärung zum Untergang des Reiches Ghana. Man stellt aber fest, dass die Expansion der Almoraviden vom Jahre 1054 bis zum Jahre 1096 und der Untergang des Ghana-Reiches zusammen stattfanden.  Die Almoraviden kontrollierten dann den Transsaharahandel. Jene wollten nunmehr eine fundamentalistische Islamisierung auf diesem Territorium.

1.2. Das  Reich  Mali 

Am oberen Fluss Niger, östlich von Fouta Djallon in Guinea, gab es ein Reich, namens Kangaba. Das Reich Mali kam von diesem Kangaba-Reich. Die Völker, die in dieser Region lebten, hatten den Namen Mandinka. Man nennt sie auch Malinke. Diese Malinke (Mandika) hatten den  Handel von Gold durch die Sahara als Handelsaktivität. Um das Jahr 1230 traten die Malinke gegen den Susu-Häuptling in Rebellion ein. Dieser Häuptling der Susu hieß Sumanguru. Die Rebellion der Malinke war von Sundiata Keїta geführt. Der Herrscher vom Reich Kangaba war vertrieben worden. Sundiata Keїta war aber der Bruder von diesem vertriebenen Herrscher vom Reich Kangaba. Und Sundiata Keїta wurde Mansa (König). Sundiata Keita trat zum Islam über, er war Mohammedaner geworden, der Islam war seine Religion geworden. Der Übertritt zum Islam war eine  Freundschaftsgeste gegenüber den Handelspartnern. Ein Bündnis mit dieser Religion gab aber auch dem neuen Gläubigen (Sundiata) Vorteile von Effizienz und Organisation.

Der Name  „Kangaba“  vom Reich wurde dann weggelassen. Man gab dem Reich Kangaba einen neuen Namen : das Reich hieß nunmehr Mali. Die Tatsache, dass der Mansa (der König) Sundiata Keїta um Islam bekehrte, hatte als positive Konsequenz eine Freundschaft gegenüber den Handelspartnern im Norden. Der Islam war aber auch gut organisiert und hatte eine große Wirkungskraft. Die gute Organisation und die große Wirkungskraft dieser Religion konnten Sundiata Keїta auch sehr nützlich sein. Mit seiner Bekehrung zum Islam gewann Sundiata Keїta also Freundschaft, große Wirkungskraft und gute Organisation für sein Reich, Mali.

Die Nachfolge Ghanas trat das Reich der Malinke, kurz Mali genannt, an. Die Stammesfürsten von Mali hatten bereits früh den Islam angenommen. Unter ihrem legendären Herrscher Soundjata (1230-1255), der den Beinamen Mari Djata (Löwe von Mali) trug, vergrößerten die Malinke ihren Einflussbereich. [2]   

Im 14. Jahrhundert war der Herrscher des Mali-Reiches nicht mehr Sundiata Keїta, sondern Mansa Musa. Die Hauptstadt des Reiches hieß Niani. Unter Mansa Musa dehnte sich das Mali-Reich vom atlantischen Ozean bis zur Grenze des Territoriums vom heutigen Nigeria. Mansa Musa beherrschte Tombuktu und Gao. Seine Macht ging bis zum Süd-Ost von Mauretanien und auch bis 800 Km nördlich von Tombuktu. Mansa Musa kontrollierte so den Salz-Handel aber auch den Handel mit Marokko. Die Hausa, östlich des Reiches, unterwarfen sich Mansa Musa, dem Herrscher des Mali-Reiches. Im Westen des Reiches gerieten Mansa Musas Truppen mit Takrur, den Fulben und den Tukulor in Kriege. Der Handel durch die Sahara erreichte zu jener Zeit seinen Höhepunkt. Man nannte die Händler aus dem Reich Mali entweder Dioula oder Wangara. Unter Mansa Musa war Mali ein wohlhabendes Reich. Der Herrscher sandte Gesandte nach Marokko und Ägypten. Er selber reiste per Pilgerfahrt nach Mekka durch Ägypten.

Unter Mansa Musa war das Reich Mali sehr stabil und wohlständig. Unter ihm begannen Tombuktu und Djenné Zentren von Bildung und kultureller Blüte zu werden. Architekten aus Arabien sollten in diesen Städten neue Moscheen bauen. Diese Architekten waren von Arabien von Mansa Musa geholt worden. Der Herrscher verbesserte auch die  Verwaltung des Reiches.

Mansa Musa hatte einen Bruder, namens Sulayman. Dieser Sulayman wurde Mansa Musas Nachfolger. Nach dem Tod von Sulayman geriet Mali in Auseinandersetzungen. All dies hatte den Zerfall des Mali-Reiches als Konsequenz. Die Auseinandersetzungen nach Sulaymans Tod und der Zerfall des Reiches führten zum Zusammenbruch des Gold-Handels durch die Sahara.

Die mittelalterlichen Territorien vom heutigen Mali, einem Teil von Senegal und auch einem Teil von Niger waren sehr wichtige Handelszentren in der gesamten islamischen Welt. Mittelalterliche Städte wie Djenné, Tombuktu und Gao waren im Mali-Reich Zentren von Reichtum und kulturellem Glanz.

Aber das Reich Mali begann nach der Mitte des 14. Jahrhunderts niederzugehen. Dieser Niedergang wurde noch stärker in der ersten Hälfte des 15. Jahrhunderts. Das Mali-Reich spielte um 1550 keine politische Rolle mehr.

1.3. Das  Reich  Songhai 

Die Songhai gründeten im 7. Jahrhundert (um das Jahr 670) ein Herrschaftsgebiet, das ihnen gehörte. Die Songhai profitierten vom Salzhandel, denn sie hielten Handelskontakte zu den Berbern von Tadmekka in den Iforas-Bergen. Die Songhai waren aber Vasallen von Mansa Musa, dem Herrscher des Mali-Reiches. Im 14. Jahrhundert – genau im Jahre 1375 – besaßen die Songhai aber doch einen mächtigen Stadtstaat in Gao. Der Mittelpunkt dieses Stadtstaates war auch Gao. Es war ihnen demzufolge wohl möglich, die Macht des Reiches Mali abzuschütteln. Sie waren also im Stande, die Macht des Reiches fortzusetzen. Aber erst in der Mitte des 15. Jahrhunderts waren die Songhai stark genug. Sie drangen deshalb bis in das Seengebiet des Flusses Niger und bis Djenné vor. Unter der Leitung von Sunni Ali Ber eroberten die Songhai im Jahre 1464 das Sahelgebiet. Das Reich Mali war schon lange geschwächt. Die Songhai vervollständigten also die Nachfolge dieses Reiches. Im Jahre 1468 prosperierte Tombuktu wirtschaftlich und kulturell, aber die Songhai eroberten diese Stadt.

Die Dynastie der Askia dominierte das letzte Jahrhundert des Reiches Songhai. Askia Daoud (1549 – 1583) war der wichtigste Herrscher der Songhai. Die Herrscher vom Reich Songhai bekehrten sich wie die Herrscher vom Reich Mali auch zum Islam. Aber die Herrscher des Songhai-Reiches hielten ein Gleichgewicht zwischen der einheimischen Staatstradition und dem Islam. Das Zentrum des Songhai-Reiches lag im Nord-Osten am mittleren Lauf des Flusses Niger. Das war das Kerngebiet des Songhai-Reiches. Von da aus war das Reich im Stande, über weite Teile der Sahara zu expandieren. Das Reich Songhai wurde deshalb größer als das Mali-Reich.

1.4. Reiche  der  Bambara

Ein Staat wurde im 17. Jahrhundert, genau nach 1660, von den Bambara im Gebiet von Ségou errichtet. Dieser Staat erreichte seine Glanzzeit unter Biton Kulibali. Die muslimischen Gelehrten haben den Sohn – Bakary – von Biton Kulibali erogen. Aber Biton Kulibali selber war kein Muslim. Bakary folgte seinem Vater nach. Und der Einfluss des Sohns wurde noch stärker.

Amadu Hammadi Bubu gründete am Anfang des 19. Jahrhundert, genau im Jahre 1818 ein Reich um Mopti. Er eroberte dann 1819 Tombuktu und Djenné. Bei der Eroberung zerstörte er die große Moschee von Djenné, die im 13. Jahrhundert aufgebaut worden war.

  • Zeit  der  Franzosen :  Kolonialzeit  (1883-1960)

Im Jahre 1883 war Bamako von der französischen Armee besetzt. Später – in den Jahren 1890 und 1891 – wurden auch die Städte Ségou und Nioro vom französischen Kommandanten Louis Archinard besetzt. Im Jahre 1894 wurde Tombuktu von General Joseph Joffre unterworfen. Aber der Malinke Samory Touré leistete im Süden der französischen Besatzung einen heftigen Widerstand. Die Franzosen setzten aber doch im Jahre 1898 diesem südlichen Widerstand Samorys ein Ende.

Der Franzose Louis Léon César Faidherbe trug erheblich zur Herstellung des französischen Kolonialreiches West-Afrikas bei. Er war sein größter Architekt. Faidherbe lebte von 1854 bis 1861 und dann von 1863 bis 1865 in Senegal, genau in Saint-Louis. Faidherbe hatte vor, eine riesige französische Kolonie vom atlantischen Ozean bis zum Roten Meer herzustellen. Zu diesem Ziel unterstützten ihn Kaufleute aus Bordeaux. Diese Kaufleute wollten dadurch vom französischen Staat politische und militärische Unterstützung bekommen. Zu jener Zeit war der Sklavenhandel schon seit langem verboten. Die Kaufleute konzentrierten deshalb nunmehr ihre kommerziellen Aktivitäten auf den Verkauf von Gummi arabicum. Faidherbe bat im Jahre 1863 um die Zulassung von Kanonenbooten auf dem Fluss Niger. Dazu wollte er Forts bis nach Bamako bauen. Faidherbe hatte dann einen Handelsvertrag bekommen, aber er musste dagegen Waffenlieferungen leisten. Joseph Simon Gallieni blieb von Juni 1880 bis März 1881 in Nango am Rande von Ségou.

Der Nachfolger von Louis Léon César Faidherbe war Louis-Alexandre Brière de l’Isle. Zwischen 1876 und 1881 konzentrierte sich dieser Brière de l’Isle wirklich tief auf die Verbindung zwischen Senegal und Algerien. Zu diesem Ziel wollte er zwischen den Flüssen Niger und Senegal Eisenbahnlinien bauen. Louis-Alexandre Brière de l’Isle baute einen Militärbezirk am Fluss Senegal. Der Leiter dieses Bezirkes war der Kommandant Gustave Borgnis-Debordes. Dieser Kommandant zog von seiner Residenz in Médine nach dem Osten. Im Februar 1883 besetzte Louis-Alexandre Brière de l’Isle Bamako.

Joseph Simon Gallieni und Louis Archinard besetzten das heutige Mali.

Das Kolonialregiment war zentralistisch organisiert. Der höchste französische Vertreter auf dem Territorium Mali residierte aber in Senegal, genau in Dakar. Das war ein Lieutenant-Gouverneur. Wenn Leute Straftaten begingen, sollten die Kommandanten Haftstrafen und Lagerhaften verhängen. Die Ursachen dieser Haftstrafen und Lagerstrafen waren  Steuerzahlungen, die rückständig waren, Zwangsarbeiten, die Leute zu erledigen verweigerten und Respektsmangel gegenüber Behörden.

2.1 Die  Kolonie  Mali  ab  1900

Im Jahre 1904 machte Frankreich aus dem Territorium vom Mali von heute einen Teil von der Kolonie Französisch-Sudan. Bis zu ihrer Unabhängigkeit blieb die Kolonie Mali ein Teil von Französisch-Westafrika. Mali war wirklich ein riesiges Kolonialgebiet. Ein Jahr vor 1900 – genau im Jahre 1899 – bekamen die Nachbarkolonien um dieses Gebiet herum, jede einen Teil davon. Seine umliegenden Nachbarkolonien waren allerdings Senegal, Guinea, Dahomé, Elfenbeinküste. Die  „Afrique Occidentale Française“  (Französisch-West-Afrika) wurde dann gegründet. Das war genau am 18. Oktober 1904. Und jenes Französisch-West-Afrika war eben eine Zusammensetzung von vielen Kolonien Frankreichs in West-Afrika. Im Jahre 1881 war die Hauptstadt Kayes, aber im Jahre 1908 war die Hauptstadt nunmehr Bamako. Der höchste Stellvertreter von Frankreich in Französisch-West-Afrika von 1899 bis 1908 war William Ponty ; das war aber Jean Henri Terrasson de Fougères von 1924 bis 1931, und dann Edmond Jean Louveau von 1946 bis 1952. Der Generalgouverneur  von Französisch-Westafrika von 1908 bis 1915 war William Ponty (Amédée William Merlyaud-Ponty). Am 04. Dezember 1920 stellte man Französisch-Sudan wieder her.

Französisch-Westafrika (französisch Afrique-Occidentale française, AOF) war von 1895 bis 1958 die Bezeichnung für die Föderation der französischen Kolonien in Westafrika. Bis zu neun Territorien gehörten zu diesem Gebiet: Obersenegal und Niger, Senegal, Mauretanien, Französisch-Sudan (heute Mali), Guinea, Dahomey (heute Benin) sowie die Elfenbeinküste. Auf dem Gebiet von Obersenegal/Niger wurde 1911 ein eigener Militärdistrikt Niger, 1919 eine eigene Kolonie Obervolta (heute Burkina Faso) gegründet. Das übrige Territorium kam 1920 zu Französisch-Sudan. Bis 1902 war Saint-Louis Hauptstadt Französisch-Westafrikas, wurde dann aber von Dakar abgelöst. Oberster Verwalter war ein Generalgouverneur.[3]

Frankreich zwang die Bevölkerung der Kolonie dazu, Erdnüsse, Baumwolle und Gummi arabicum anzubauen. Das waren allerdings Produkte, die Frankreich leicht exportieren konnte. Es zwang sie auch zur Zwangsarbeit. Frankreich erhob auch die Steuern in der Kolonie.

Aber im Oktober 1946 gab es in Frankreich die vierte Republik. Dazu gab sich dieses Land eine neue Verfassung. Jene Verfassung gab den  Kolonien andere Rechte, und zwar die Möglichkeit, dass die Kolonien Delegierte wählen konnten, die Beratungsrechte hatten, und auch Repräsentanten, die als Senatoren bekannt waren. Die Mittel der Kolonie sollten auch ihrer Bevölkerungen noch mehr zur Verfügung gestellt werden. Vor 1946 gab es in den Kolonien eine bestimmte Kategorie ; das war die Kategorie  „SUJET“. Ein  „SUJET“  hatte keine  bürgerlichen Rechte. Ein  „SUJET“  war dem  „INDIGÉNAT“ (dem Recht der Einheimischen)  unterworfen. Aber jene Kategorie – „SUJET“ – wurde von Frankreich ab 1946 verboten. Die Konsequenz dazu war, dass die Bewohner der Kolonien zu Bürgern von Frankreich wurden. Die Anzahl der  „afrikanischen Franzosen“ stieg deshalb an.

2.2. Der  Malische  Weg  zur  Unabhängigkeit  ab  dem  Jahre  1956

Die Bürger in den Kolonien verfügten nunmehr über fundamentale Rechte. Das war die Basis der politischen Lehre von Frankreich. Die Afrikaner waren in Schulen ausgebildet. Sie wurden in Schule und dann meistens an der  ÉCOLE NORMALE WILLIAM PONTY  in Dakar ausgebildet. Jene ausgebildeten Afrikaner gelangten dann in Führungspositionen in den Kolonien. Sie arbeiteten jedoch zuerst als Angestellte, Lehrer oder Techniker. Die ausgebildete Bildungsschichte arbeitete in  Sozial-, Kultur- und Sportsbereichen. Vereinigungen entstanden dann. In jenen Gruppierungen debattierte man bald über die Frage der Unabhängigkeit.

Fily Dabo Sissoko – der Lehrer und Kantonsleiter – beteiligte sich im August 1945 an Wahlen zum Nationalparlament. Fily Dabo Sissoko war ein bedeutender Vertreter der traditionellen Eliten im Westen Malis. Die Kolonialregierung sah in Fily Dabo Sissiko einen konservativen Repräsentanten. Aus diesem Grund unterstützte sie ihn. Die  „Groupes d’Études Communistes (GEC)“  und die französischen Kommunisten unterstützten ihrerseits Modibo Keita. Bei der ersten Wahl gab es hauptsächlich Einzelkanditen. Aber bei dieser Wahl gab es kein klares Resultat. Konsequenz : die ersten politischen Parteien entstanden. Fily Dabo Sissoko wurde dann gewählt. Dies führte zur Entstehung vom  „Bloc Soudanais“. Der  „Bloc Soudanais“  wurde von Modibo Keita und Mamadou Konaté gegründet. Die Kommunistische Partei Frankreichs unterstützte dann den  „Bloc Soudanais“ , nunmehr unter dem Namen   „Union Soudanaise“ bekannt.

Modibo Keita wurde im Jahre 1956 zur Malischen Territorialversammlung gewählt. Mamadou wurde seinerseits zur französischen Nationalversammlung gewählt. Modibo Keita und seine Partei  „Union Soudanaise“ (US) wollten die Unabhängigkeit.

Am 25. September 1956 fand ein Referendum statt. In jenem Referendum sollten die französischen Kolonien einen unter drei Fällen auswählen :  erstens, völlige Integration in Frankreich, zweitens, politische Autonomie innerhalb der Französischen Gemeinschaft (Communauté Française), drittens, sofortige Unabhängigkeit. Die französischen Kolonien entschieden sich aber für die Autonomie innerhalb der Französischen Gemeinschaft. Nur Guinea entschied sich für die sofortige Unabhängigkeit. Modibo Keita wurde im Jahre 1956 Regierungschef der  „République Soudanaise“.  Sudan wurde am 24. November 1958 Autonome Republik innerhalb der  „Communauté Française“ (innerhalb der Französischen Gemeinschaft). Am 25. März 1959 bildeten aber nur Mali und Senegal die Mali-Föderation. Aber am 20. August 1960 trat Senegal aus der Föderation-Mali. Und zwei Tage später – genau am 22. August 1960 – wurden Modibo Keїta und seine Gefolgsleute in einem versiegelten Zug aus Senegal entfernt. Sie wurden gewaltig nach Bamako transportiert.  Der alleinverbliebene Teil der Föderation wurde dann Republik Mali, die aber dann am 22. September 1960 unabhängig wurde. Darüber schrieb PERSPECTIVE MONDE :

Après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (A-OF) jusqu’en 1958 et fait partie de l’éphémère Fédération du Mali depuis quelques mois, le Mali, jadis connu sous le nom de Soudan français, proclame son indépendance le 22 septembre 1960. [4]

Am 22. September 1960 wurde also diese Republik Mali formell unabhängig. Aber es war noch manchen Ländern schwierig, Mali  „Republik Mali“  zu nennen ;  hier hat man das Beispiel von West-Deutschland, und zwar :

Betr. : Unabhängigkeit der Republik Mali

Im Auftrag von D 3 rief ich heute die Botschaft Paris (Frau Dr. Lammerz) an und bat sie, im französischen Aussenministerium festzustellen, ob von Seiten der Republik Senegal Schwierigkeiten zu erwarten seien, wenn wie die Republik Mali unter diesem Namen anerkennen würden. Es bestände bei uns die Besorgnis, ob die von der früheren autonomen Republik Sudan gewählte neue Staatsbezeichnung Republik Mali wegen der früheren gemeinsamen Bezeichnung der Staaten Sudan und Senegal als Föderation Mali von letzterem als verletzend empfunden werden könnte. Botschaft Paris teilte mir telefonisch mit, dass das französische Aussenministerium keine formellen Bedenken habe, die Republik Mali in dieser Bezeichnung anzuerkennen und sich die Republik Senegal damit abfinden würde gez. Steltzer  [5]

Was geschah dann zwischen West-Deutschland und Mali?

  • Mali  und  West-Deutschland  ab  1960

West-Deutschland war der erste Staat der Welt, der Mali als unabhängigen Staat anerkannte. Und dies wird klar in folgenden Worten ausgedrückt :

Die deutsch-malischen Beziehungen sind eng und vielfältig. Malier erinnern immer wieder daran, dass bei Auflösung der kurzlebigen Föderation mit Senegal im September 1960 die Bundesrepublik Deutschland als erster Staat die unabhängige Republik Mali anerkannte. [6]

Und da West-Deutschland Mali als souveränen Staat anerkannt hatte, schrieb Modibo Keїta – der allererste Präsident der Republik Mali – am 28. September 1960 dem damaligen Bundeskanzler von West-Deutschland, um ihm zu danken. Am Ende des Briefes wünschte Modibo Keїta sehr gute diplomatische Beziehungen zwischen der neuen Republik Mali und West-Deutschland. Hier unten findet man Modibo Keїtas Brief an den westdeutschen Bundeskanzler vom 28. September 1960 :

FÉDÉRATION DU MALI

RÉPUBLIQUE SOUDANAISE

PRÉSIDENCE DU CONSEIL

EINSCHREIBEN    BUNDESKANZLERAMT   EING.- 3. OKT. 1960

Bamako, le 28 Septembre 1960

A son Excellence Monsieur le Chancelier Fédéral de la République Fédérale Allemande

Bonn

Excellence,

J’ai l’honneur d’accuser réception du message par lequel votre Chancellerie a bien voulu reconnaître la République du Mali en tant qu’État indépendant et souverain.

Le peuple du Mali, son Gouvernement et moi-même nous réjouissons de cette marque de grande sympathie que le peuple et le Gouvernement de la République Fédérale Allemande ainsi que vous-même nous avez ainsi exprimée.

Aux noms du peuple et du Gouvernement de la République du Mali et en mon nom personnel, je vous adresse mes remerciements les plus chaleureux pour les voeux que vous avez formulés et je vous prie d’accepter et de transmettre les nôtres de prospérité et de paix à toute la République Fédérale Allemande.

En souhaitant que nos relations diplomatiques s’entretiendront dans de meilleures conditions, veuillez croire, Excellence, à l’assurance de ma très haute considération.

Signé : Modibo KEITA  [7]

Im Jahre 1960 eröffnete West-Deutschland diplomatische Beziehungen zur Republik Mali. Es wurde allerdings am 28. September in Bonn geschrieben, dass eine west-deutsche Botschaft in Bamako – der Hauptstadt Malis – geöffnet werden musste. Die Föderation Mali (Senegal und Mali zusammen) war auseinandergefallen. Am 24. September 1960 hatte West-Deutschland sowohl die Republik Senegal als auch die Republik Mali anerkannt. Der west-deutsche Beobachter in Bamako (Mali) musste vor Ort als west-deutscher Geschäftsträger arbeiten. Die Errichtung einer west-deutschen Botschaft war jedenfalls unumgänglich. Dieser Kommentar über die Eröffnung diplomatischer Beziehungen zwischen West-Deutschland und der Republik Mali befindet sich in folgenden Schriften des Politischen Archivs des Deutschen Auswärtigen Amts :

Betr.: Errichtung einer Botschaft in Bamako

Das Auseinanderfallen der Föderation Mali stellte die Bundesregierung zunächst vor die Notwendigkeit, in der Anerkennungsfrage der beiden Einzelstaaten Zurückhaltung  zu üben.

Nachdem am 22. September 1960 die Nationalversammlung in Bamako die Republik Mali ausgerufen, und die Föderation Mali damit auch de jure zu bestehen aufgehört hatte,  war der Weg für die Anerkennung beider Republiken frei. Am 24. 9. wurden daher sowohl die Republik Senegal als auch die Republik Mali von der Bundesrepublik anerkannt.

Botschafter Reichhold wird am 4. Oktober in Dakar/Senegal sein Beglaubigungsschreiben überreichen.

Der vorsorglich am 16. 9. (…) als Beobachter nach Bamako/Mali entsandte LR Munz ist bei der dortigen Regierung inzwischen als Geschäftsträger eingeführt worden, da nach Lage der Dinge Bamako nicht anders als Dakar behandelt werden kann und die Errichtung einer Botschaft in Bamako unumgänglich ist. Daraus ergeben sich die folgenden Weiterungen:

1.        Für die Botschaft Bamako sind die notwendigen Stellen zu beantragen

2.        Für LR Munz, der hier dringend für Referat 302 benötigt wird, ist alsbald (spätestens in 14 Tagen) Ersatz zu entsenden, der bis zum Eintreffen des zu ernennenden Botschafters als Geschäftsträger a.i. fungieren kann

3.        LR Munz ist anzuweisen, geeignete Amtsräume für die Botschaft ausfindig zu machen und anzumieten.

gez. Schirmer  [8]

Unter Modibo Keїta – dem ersten Präsidenten der Republik Mali – wurde Mali aber ein sozialistischer Staat. Der Staat zwang die Franzosen, die französischen Militärbasen im Lande zu räumen. Mali machte zu seiner Verwaltung eine echte afrikanische Verwaltung. Das heißt, in allen Verwaltungsbüros fand man nunmehr echte Leute aus Mali bzw. aus dem afrikanischen Kontinent. Im Jahre 1962 hat Mali den Franc-Verbund verlassen. Mali setzte dann seine eigene Währung ein. Der Staat gründete Gesellschaften, die ihm gehörten. Er förderte auch die Industrialisierung Malis. Aber wegen schlechter Wirtschaft und übertriebener Bürokratie wurde der Staat vier Jahre später dazu gezwungen, strenge Maßnahmen zu treffen. Die malischen Bevölkerungen konnten diese Maßnahmen schwer annehmen. Diese schwierige Situation dauerte bis ganz am Anfang 1968. Am 19. Januar 1968 stürzte eine Gruppe von Offizieren in einem unblutigen Putsch den Präsidenten Modibo Keїta. Der Chef dieser Offiziersgruppe war Oberst Moussa Traoré. Präsident Modibo Keїta wurde verhaftet. Diese Offiziersgruppe leitete jetzt Mali. Moussa Traoré verdrängte aber von der Macht Leute, die sich stark an Frankreich und den Westen orientierten. Trotzdem arbeitete West-Deutschland ab 1960 stark in Mali. Die Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) wurde ab 1960 sehr tätig in Mali. Seit jenem Jahr hilft West-Deutschland Mali in den Bereichen der Dezentralisierung, des Finanzmanagements, der Wirtschaft, der Landwirtschaft. Und dies versteht man durch folgende Worte :

Die GIZ vor Ort

[…]

Die Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH arbeitet seit 1960 in Mali. Das GIZ-Büro befindet sich in der Hauptstadt Bamako. […]

Um die staatlichen Funktionen nachhaltig zu stabilisieren, haben die Dezentralisierungsreformen hohe Priorität. Die GIZ fördert beispielsweise sie die Verbesserung des Finanzmanagements auf Provinz- und Gemeindeebene, die wirtschaftliche Leistungsfähigkeit der Regionen sowie staatliche Kontrolle und Bürgerbeteiligung. In der Landwirtschaft unterstützt die GIZ die stärkere Nutzung der Kleinbewässerung, die gute Ernten auch in schlechten Regenjahren ermöglicht. Außerdem werden Frauen dabei gefördert, ihre Ernte sachgerecht weiterzuverarbeiten und zu vermarkten. Dieser Beitrag zu einer stabilen Lebensgrundlage, besonders auch im an die Nordregion anschließenden Niger-Binnendelta, wirkt sich positiv auf die gesellschaftliche Stabilität aus.  […]  [9]

Was soll man von dieser Untersuchung behalten ?

Schlussbemerkungen

Der heutige Staat Mali stammt also vom west-afrikanischen Reich Mali. Aber auf dem Territorium vom heutigen Mali sind sich viele Reiche nacheinander gefolgt. Jedenfalls hat es drei große sehr berühmte Reiche auf diesem gegeben. Es waren : das Reich Ghana als erstes großes bedeutendes Reich, dann das Reich Mali als zweites großes wichtiges Reich, und das Reich Songhai als drittes großes Reich. Nach dem Reich Songhai gab es weitere Reiche, nämlich die Bambara-Reiche, aber wir würden sagen, jene waren eher Königreiche als Reiche. Erst dann kamen die Franzosen. Sie machten aus Mali eine französische Kolonie. Der koloniale Zustand Malis dauerte vom 19. Jahrhundert bis in die zweite Hälfte des 20. Jahrhunderts – genau von 1883 bis 1960. Mali wurde 1960 unabhängig und entschied dann in Beziehungen mit West-Deutschland zu geraten. West-Deutschland war der erste Staat der Welt, Mali als unabhängiges Land anzuerkennen.  Ganz kurz nach der Unabhängigkeit Malis eröffnete West-Deutschland sofort im Jahre 1960 diplomatische Beziehungen zu Mali. West-Deutschland entschied, dass es eine west-deutsche Botschaft In Mali öffnen würde. Unter dem ersten Präsidenten von Mali – Modibo Keїta – war aber Mali ein sozialistischer Staat. West-Deutschland arbeitete trotzdem sehr stark ab 1960 in Mali. Die GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit) zum Beispiel ist seit 1960 sehr tätig in Mali.  

Bibliographie  und  Diplomatische  Quellen

Beier, Brigitte.  Neue Chronik der Weltgeschich, Das Reich Ghana, https://books.google.ci/books?id=NGuJdXA_UZwC&pg=PA282&lpg=PA282&dq=DAS+REICH+GHANA&source=bl&ots=K3Xsui7yo5&sig=ACfU3U3t0cyccumOgauv3meeBhsLkZm2Xw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjmpanqhszxAhV0QkEA [05. 07. 2021];

———- Neue Chronik der Weltgeschichte, Glanzvolle Reiche In Schwarzafrika, https://books.google.ci/books?id=NGuJdXA_UZwC&pg=PA282&lpg=PA282&dq=GR%C3%9CNDUNG+DES+REICHES+MALI&source=bl&ots=K3Xsv95zp6&sig=ACfU3U2gNZNW-PlBMaI7LdQ_WVvSR4k33w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjgkYyGp, [05. 07. 2021] ;

Deutsches Auswärtiges Amt.  Mali : Beziehungen zu Deutschland,  Politische Beziehungen, https://www.auswaertiges-amt.de/de/aussenpolitik/laender/mali-node/bilateral/208244   , [20/05/2020] ;

Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). Mali, Die GIZ vor Ort, https://www.giz.de/de/weltweit/334.html ,  [20/05/2020] ;

Müller, Ingo Abdullatif , Geschichte    Französisch-Westafrika, Westafrikaportal, http://westafrikaportal.de/franzoesischwestafrika.html , [05. 07. 2021] ;

Perspective Monde, Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, École de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada, 22 septembre 1960, Proclamation de l’indépendance du Mali, Texte rédigé par l’équipe de Perspective monde, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=322  , [20/05/2020] ;   

Quellen aus den Politischen  Archiven des Deutschen Auswärtigen Amts in Berlin

Beständeübersicht

B 34   , 307/IB3: 884 Bd.   328 Karton        Laufzeit: 1954-1972

307: 1958-1963: Bilaterale Politische Beziehungen zu:

Französische Hoheitsgebiete, Ghana, Belgisches Treuhandgebiet Ruanda-Burundi, Kongo (Leopoldville), Liberia, Portugiesische Hoheitsgebiete (Angola, Mosambik), Südafrika und Südwestafrika, Äthiopien, Somalia, Guinea, Kamerun, Sierra Leone, Nigeria, Tanganjika, Togo, Elfenbeinküste (Côte d’Ivoire), Madagaskar, Senegal, Mali, Dahome, Gabun, Mauretanien, Kongo (Brazzaville), Tschad, Zentralafrikanische Republik, Obervolta, Niger, Malawi.

Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, Ref.  LRI  Steltzer, Bonn, den 23. September 1960, 307-82.00-90-48, Vermerk, Betr. : Unabhängigkeit der Republik Mali, Im Auftrag von D 3 rief ich heute die Botschaft Paris (Frau Dr. Lammerz) an und bat sie, im … ;

Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, Fédération du Mali du Mali, République Soudanaise, Présidence du Conseil, EINSCHREIBEN BUNDESKANZLERAMT, EING.- 3. OKT. 1960, Bamako, le 28. Septembre 1960, A son Excellence Monsieur le Chancelier Fédéral de la République Allemande, Bonn, Excellence, J’ai l’honneur d’accuser réception du message par lequel votre Chancelerie a bien voulu… ;

Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, DURCHSCHLAG ALS KONZEPT, Bonn, den 28. September 1960, 307-82.01/0-90.48/2742/60, An den Herrn D 1, Betr.: Errichtung einer Botschaft in Bamako, Das Auseinanderfallen der Föderation Mali stellte die Bundesregierung zunächst vor die …

            Comment citer cet article :

MLA : Gbota, Daba. « West-Deutschland  und  Mali  um  1960 : Die Politischen Beziehungen dieser Beiden Länder Besonders Kurz nach der Unabhängigkeit Malis. » Uirtus 1.1 (août 2021): 325-343.


§ Université Alassane Ouattara, BOUAKÉ, [email protected]

[1]  Brigitte Beier, NEUE CHRONIK DER WELTGESCHICH, DAS REICH GHANA, https://books.google.ci/books?id=NGuJdXA_UZwC&pg=PA282&lpg=PA282&dq=DAS+REICH+GHANA&source=bl&ots=K3Xsui7yo5&sig=ACfU3U3t0cyccumOgauv3meeBhsLkZm2Xw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjmpanqhszxAhV0QkEA , [05. 07. 2021].

[2] Brigitte Beier, Neue Chronik der Weltgeschichte, Glanzvolle Reiche in Schwarzafrika, https://books.google.ci/books?id=NGuJdXA_UZwC&pg=PA282&lpg=PA282&dq=GR%C3%9CNDUNG+DES+REICHES+MALI&source=bl&ots=K3Xsv95zp6&sig=ACfU3U2gNZNW-PlBMaI7LdQ_WVvSR4k33w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjgkYyGp

[3] Ingo Abdullatif Müller, Geschichte    Französisch-Westafrika, WESTAFRIKAPORTAL, http://westafrikaportal.de/franzoesischwestafrika.html , [05. 07. 2021], Seite 1/6, im ersten Abschnitt der Seite.

[4] PERSPECTIVE MONDE, Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, École de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke, Québec, Canada, 22 septembre 1960, Proclamation de l’indépendance du Mali, Texte rédigé par l’équipe de Perspective monde, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=322 , [20/05/2020].

[Nachdem es Mitglied der Französischen West-Afrikanischen Föderation (A-OF) bis 1958 gewesen war und sich seit einigen Monaten an der kurzeitigen Mali-Föderation beteiligt hatte, Mali, einstmals unter dem Namen Französischer Sudan bekannt, proklamierte seine Unabhängigkeit am 22. September 1960.]     

[5] Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, Ref.  LRI  Steltzer, Bonn, den 23. September 1960, 307-82.00-90-48, Vermerk, Betr. : Unabhängigkeit der Republik Mali, Im Auftrag von D 3 rief ich heute die Botschaft Paris (Frau Dr. Lammerz) an und bat sie, im …

[6] Deutsches Auswärtiges Amt,  Mali : Beziehungen zu DeutschlandPolitische Beziehungen, https://www.auswaertiges-amt.de/de/aussenpolitik/laender/mali-node/bilateral/208244  , [20/05/2020].

[7] Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, Fédération du Mali du Mali, République Soudanaise, Présidence du Conseil, EINSCHREIBEN BUNDESKANZLERAMT, EING.- 3. OKT. 1960, Bamako, le 28. Septembre 1960, A son Excellence Monsieur le Chancelier Fédéral de la République Allemande, Bonn, Excellence, J’ai l’honneur d’accuser réception du message par lequel votre Chancelerie a bien voulu…

[Mali-Föderation, Sudanische Republik, Präsidium des Rates, EINSCHREIBEN BUNDESKANZLERAMT EING.- 3. OKT. 1960, Bamako, den 28. September 1960, An Seine Exzellenz Herrn Bundeskanzler der Bundesrepublik Deutschland, Bonn, Exzellenz, Ich habe die Ehre, die Nachricht zu empfangen, durch die Ihr Kanzleramt die Republik Mali als souveränen und unabhängigen Staat hat gern anerkennen wollen. Das Volk Malis, seine Regierung und ich selbst freuen uns über dieses Zeichen großer Sympathie, das uns das Volk und die Regierung der Bundesrepublik Deutschland und Sie selbst ausgedrückt haben. In den Namen des Volks und der Regierung der Republik Mali und in meinem eigenen Namen sende ich Ihnen meine herzlichsten Dankesworte für die Wünsche, die Sie ausgedrückt haben, und ich bitte Sie darum, anzunehmen, der ganzen Bundesrepublik Deutschland,  die Unseren von Gedeihen und Frieden zu übermitteln. Indem ich wünsche, dass unsere diplomatischen Beziehungen in besten Bedingungen stattfinden, nehmen Sie an, Exzellenz, in meiner höchsten Hochhaltung zu glauben. Unterzeichnet : Modibo Keїta]

[8] Deutschland, Berlin, Deutsches Auswärtiges Amt, Politisches Archiv des Deutschen Auswärtigen Amts, Bestand : B 34, Band : 202, Betreff : Politische Beziehungen der BRD zu Mali 1960, 307, 82.00 bis 82.50, Mali, Politische Beziehungen der BRD und Mali,   Referat 307, DURCHSCHLAG ALS KONZEPT, Bonn, den 28. September 1960, 307-82.01/0-90.48/2742/60, An den Herrn D 1, Betr.: Errichtung einer Botschaft in Bamako,

Das Auseinanderfallen der Föderation Mali stellte die Bundesregierung zunächst vor die …

[9] Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), Mali, Die GIZ vor Ort, https://www.giz.de/de/weltweit/334.html  ,  [20/05/2020].  

Abstract : Place du soutien social dans l’autosoin des personnes vivant avec l’hypertension arterielle

The effective management of hypertension (hypertension) requires involvement of the sick person. This ability to take care of oneself is self-care. Several factors influence self-care, one of which is social support. The authors disagree on the contribution of social support to the self-care process. The objective of this research is to determine the place of social support in identifying the social factors that influence the self-care of people living with hypertension. Correlational research was conducted with 603 sick people. The collection took place in the health regions of Togo from December 2019 to March 2020. Social support varies according to age, gender and level of education. It has a relatively small negative factor contribution (31%) in the self-care process. Even if the ill person needs their support network to overcome their difficulties, the intervention of loved ones must be controlled to avoid overwhelming and intrusive support capable of interfering with self-care

Keywords: HTA, person living with hypertension, social support and self-care

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Abstract: Le malaise social dans Un enfant du pays et Condamné avec souci

The restriction of individual freedom and ambitions has been a major concern for men and women over time. Securing one’s rights is an unalienable value that we achieve very often through strenuous efforts. Marginalization of individuals as regards their rights is a source of strength for the victims who perpetrate crimes epitomizing their dignity they are denied by the strongest men in society. Richard Wright’s Native Son and Cal Avono’s Condamné avec souci portray respectively a society, which produces reactionary people. Taking inspiration from the Psychoanalytic criticism, this article highlights the causes of demeanors in their text. In other words, the article sought to pinpoint the perception of the marginalized people in the American and African contexts so as to analyze their place and the unavoidable behaviors they adopt challenging arbitrary norms for a sustainable development.

Keywords: Malaise, restriction, marginalization, victimhood, behaviors  

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Résumé : Le malaise social dans Un enfant du pays et Condamné avec souci

Djignéfa A. Agouze§

Résumé : De tout temps, le problème de restriction des libertés individuelles et ambitions a été une préoccupation majeure pour les hommes et les femmes. La sauvegarde des droits est une valeur inestimable qui s’acquiert parfois aux prix d’énormes sacrifices. La marginalisation des individus en matière de jouissance de leurs droits est source de force pour les victimes qui posent des actes irréparables reflétant la dignité longtemps niée par les plus forts de la société. Un enfant du pays de Richard Wright et Condamné avec souci de Cal Avono dépeignent respectivement une société qui produit des bombes à retardement que sont les malaises sociaux. Sous les auspices de l’approche psychanalytique, cet article met en exergue les causes profondes des déviances observées chez les victimes telles que les représentent Richard Wright et Cal Avono dans leurs romans respectifs. En d’autres termes, il s’agira d’étudier la perception des personnes marginalisées dans les contextes américain et africain puis d’analyser leur place dans la société. Par ailleurs, l’article a insisté sur les comportements rationnels des victimaires, qui défient les normes arbitraires, pour un développement soutenable.

Mots-clés : Malaise, restriction, marginalisation, victimaires, comportements

Abstract: The restriction of individual freedom and ambitions has been a major concern for men and women over time. Securing one’s rights is an unalienable value that we achieve very often through strenuous efforts. Marginalization of individuals as regards their rights is a source of strength for the victims who perpetrate crimes epitomizing their dignity they are denied by the strongest men in society. Richard Wright’s Native Son and Cal Avono’s Condamné avec souci portray respectively a society, which produces reactionary people. Taking inspiration from the Psychoanalytic criticism, this article highlights the causes of demeanors in their text. In other words, the article sought to pinpoint the perception of the marginalized people in the American and African contexts so as to analyze their place and the unavoidable behaviors they adopt challenging arbitrary norms for a sustainable development.

Keywords: Malaise, restriction, marginalization, victimhood, behaviors  

Introduction

L’homme, le genre humain considéré dans son unité, cet être doué de raison, qui est la mesure de toutes choses pour ainsi dire qu’il est au centre de toutes relations socio-économique, politique et de tout développement, ne doit pas être pris à la légère. La prise de la notion de l’homme à la légère cause la marginalisation des maillons faibles de la société par les soi-disant forts. Ce comportement qu’adoptent les plus forts de la société envers les plus faibles met en branle le tissu social qui est exposé à la dégénérescence, la détérioration des relations humaines, la régression et le recul comme le souligne Georges Canguilhem « in the long run, a malaise arises from not being sick in a world where there are sick men » (Canguilhem 286). Un malaise social s’éclate sous forme d’une sensation de trouble physique, une inquiétude ou un mécontentement latent. En d’autres termes, un malaise social est une victime qui venge sa liberté et son honneur. Un enfant du pays de Richard Wright (1988) et Condamné avec souci de Cal Avono (2016) en sont une belle illustration. Cet article problématise la marginalisation inhérente à la question de restriction des libertés individuelles et ses conséquences rationnelles sur le développement de la société.

A travers l’approche psychanalytique de Freud, nous avons procédé à une analyse textuelle de Un enfant du pays et Condamné avec souci. Sigmund Freud articule la notion de psychanalyse sur trois niveaux, tous étroitement liés :

La psychanalyse est un procédé d’investigation des processus psychiques inconscients qui autrement seraient difficilement inaccessibles. Elle est aussi une méthode de traitement des troubles névrotiques, méthode qui se fonde sur les résultats de cette investigation. Elle constitue finalement un ensemble de conceptions psychologiques acquises par ces moyens et qui, réunies, forment une discipline scientifique nouvelle.

(Sigmund Freud, Encyclopedia Britannica on https://www.britannica.com retrieved on July 24, 2018)

Cette clarification que nous donne Freud met en évidence l’ensemble du champ d’action de la psychanalyse. La conviction que les processus psychiques inconscients, sont au centre du fonctionnement humain, et à la source de multiples problèmes psychologiques, distingue la psychanalyse des autres approches. Bien que l’approche psychanalytique traite principalement des troubles mentaux et psychiques, elle a une relation intrinsèque avec la littérature notamment les auteurs et leurs productions. Elle prend en compte leur personnalité, leur conscience et leur inconscient.  Elle étudie les différentes sources d’inspiration des écrivains et leur capacité de créer les choses.  La position des critiques freudiens par rapport à la production littéraire s’offre de la façon suivante :

Freudian critics saw literature as a kind of ‘dream’ and thus a source of insight into the authors themselves. Using works of literature as symbolic representations of an author’s subconscious, Freudian critics created psychological portraits of authors […] Freudian critics also used psychoanalytic principles to analyze characters in works of literature. They looked upon characters as having motivations, conflicts, desires, and inclinations similar to those of real people. They sought psychological clues to makeup of literary characters, especially the unconscious symbolic expressions found in dreams and repeated patterns of behavior. (Griffith 141)

A travers l’approche psychanalytique, notre attention se focalise sur les concepts psychanalytiques tels que le complexe d’infériorité, la rivalité, le mécanisme de répression, la défense, et l’inconscient qu’inspire le texte pour assurer une interprétation cohérente et significative. Par ailleurs, Marie Blaise stipule que :

La littérature générale et comparée, l’histoire de la littérature et la théorie psychanalytique sont des disciplines qui ont pour méthode la liaison et pour principe l’incomplétude : mise en relation de textes et plus largement d’œuvres d’art et de cultures pour la première, de moments d’écriture des textes pour la seconde, de significations et de symptômes pour la dernière, dans le but de relever la spécificité d’une œuvre, d’un événement, d’un sujet par rapport non pas tant à une norme, inexistante dans les trois cas, qu’à l’expression d’un rapport au monde. À cela il faut ajouter que leurs naissances sont conjointes et déterminées les unes par les autres. (149)

De la position Blaisienne, il est à noter que la théorie psychanalytique, jouit d’une relation entre la littérature générale et comparée et de l’histoire de la littérature. Du coup, il est une complémentarité entre ces trois éléments pour créer une sorte de symbiose dans l’interprétation des textes littéraires. Etant donné que les auteurs, les narrateurs et les personnages ont des réalités psychologiques, nous avons donné mûre réflexion à la représentation des comportements destructifs, la peur, les besoins, les désirs malsains et les conflits intériorisés dont ils sont conscients ou pas pour en ressortir les conséquences néfastes ou positives en rapport avec « La principale différence entre la critique psychanalytique et d’autres types de théories littéraires réside dans le fait que la critique psychanalytique se concentre sur la psyché de l’auteur et des personnages et analyse les aspects psychologiques de l’œuvre » (fr.sawakinome.com/articles/language/which-type-of-theory-is-psychoanalytic-criticism-and-why.) Cet article s’articule sur la perception qu’a la personne marginalisée du monde américain comme africain et les réactions rationnelles qu’elles adoptent pour réclamer leur liberté manipulée par leurs dominateurs.

  1. La perception du monde américain par une personne marginalisée dans Un enfant du pays

L’homme, nous dit Platon, est la mesure de toutes choses. A priori, cette thèse a évidemment un sens et une pertinence. Le savoir de l’homme ne peut se constituer que là où il y a quelque chose à percevoir. Nous comprenons que chacun voit le monde à sa façon. Ainsi chaque homme est enfermé dans sa perception particulière des choses. La prétention de concevoir le monde à la place de quelqu’un d’autre et de prendre des décisions, à sa place, pose un problème.

L’homme vit temporairement ou permanemment en marge de la société à laquelle il appartient. Joseph L. White se rend compte de cette réalité que connaissent les Noirs Américains “we are culturally and psychologically deprived because our experiential black ground provides us with inferior preparation to move effectively within the dominant white culture.” (White 5-6) Pour White, les Africains Américains sont préparés dans un cadre psychoculturel qui les met mal à l’aise par rapport à la culture dominante. Le fondement alors qui leur est posé, ne peut que définir leur mode de pensée et de comportement dans le contexte américain.

Cette vie en marge de la société dont Joseph L. White a fait mention, n’est souvent pas provoquée par la victime mais par les personnes qui supposent qu’elles sont les plus fortes de la société, les détenteurs du pouvoir. Se vantant de détenir le pouvoir, qui, dans leur pensée et égoïsme, ne peut leurs être arraché, ils exploitent les plus faibles comme ils veulent. Ils ne donnent aucune chance aux faibles d’émerger. Dans Un enfant du pays, le style de Richard Wright, a consisté, dès la première page, à imprégner le lecteur de l’exiguïté de la pièce de Mme Thomas. “Tournez la tête, que j’m’habille’’, fit-elle. Les deux adolescents se tournèrent et fixèrent leurs regards sur le coin opposé. La femme dépouilla précipitamment sa chemise de nuit et enfila une combinaison-culotte.” (Wright 9). A travers l’exécution de l’ordre de la mère par les adolescents et l’habillement de cette dernière dans la même pièce, le lecteur comprend qu’ils habitent une seule pièce. Si tel n’est pas le cas, elle allait s’habiller tranquillement sans avoir dit un seul mot à qui que ce soit. Le comportement de la femme et ses deux fils montre que la particularité de cette pièce, qui est exiguë, infectée par les rats et située à la lisière de Chicago tandis que les Blancs vivent dans des maisons aérées que voit Bigger Thomas avant de se rendre chez Mr. Dalton. Bigger Thomas, un jeune homme noir de 19 ans, qui incarne la race noire, ne comprend pas pourquoi il partage la même pièce avec sa mère, sœur et son frère :

Mais tandis qu’il traversait le quartier silencieux et aéré des blancs, les choses n’évoquaient pas en lui cette impression attirante et mystérieuse qu’il avait éprouvée au cinéma. Il passait devant les gigantesques maisons hérissée de pieux en fer; des lumières éclairaient doucement les fenêtres. Les rues étaient désertes ; à part quelques rares voitures qui filaient sur leurs pneus tournoyants. C’était un monde froid et distant ; un monde de secrets blancs soigneusement gardés. Il sentait dans ces rues et dans ces maisons, de fierté, de l’assurance, de la sécurité.

Il atteignit Drexel Boulevard et se mit à chercher le numéro 4605. Quand il l’eut trouvé, il resta debout devant une haute clôture noire hérissée de pieux en fer ; il se sentait les entrailles nouées. (Wright 60)

Le rapprochement ou mieux encore la comparaison que fait Bigger Thomas de leur pièce et celle de Dalton montre déjà la difficulté à laquelle sa famille est confrontée. En logeant quatre personnes dans une même pièce bien étroite, et la famille Dalton dans des chambres larges et aérées, Richard Wright révèle les conditions qui forgent la perception qu’a Bigger Thomas du monde dans lequel il se retrouve. Eu égard à ce rapprochement, le lecteur peut se poser un certain nombre de questions suivantes : comment se fait-il que les Blancs vivent dans des maisons aérées alors que Bigger Thomas vit avec sa mère et son frère dans une pièce exigüe ? Pourquoi ne peut-il pas faire des études normalement tout comme les autres le font et est condamné à vivre dans la rue avec les autres Noirs pour perdre son temps ? Le lecteur se demande quel crime Bigger Thomas a perpétré pour ne pas vivre dans l’aisance tout comme les Blancs bien qu’il soit un citoyen à part entière de Chicago. Il n’arrive pas à cerner la raison pour laquelle les Blancs lui ont formellement interdit d’approcher une fille blanche quoique les Noirs et les Blancs vivent dans une même société. Dans la perspective psychanalytique, le lecteur de Richard Wright qui, dissèque le personnage de Bigger Thomas, se rend vite compte du mécanisme de pensée d’une personne marginalisée. Cette pensée profonde de Bigger Thomas, le personnage marginalisé, nous parvient en ces termes :

Si un agent le voyait errer dans un pareil quartier il croirait certainement qu’il avait l’intention de de voler ou de violer quelqu’un. Il commençait à s’énerver. Qu’est-ce qui lui avait pris de venir prendre cette foutue place ? Il aurait mieux fait de de rester parmi les gens de son espèce que d’être là à ressentir cette impression de peur et de haine. Ce monde-ci n’était pas le sien ; il avait été idiot de s’imaginer qu’il pourrait l’aimer. (Wright 60)

 Il insinue par cette réflexion que la personne qui est condamnée à mener sa vie en marge de la société de surcroît dans une pièce exiguë alors que d’autres vivent dans des pièces aérées, et jouissent pleinement de leurs droits, ne peut pas s’empêcher de poser un acte qui révèlerait sa visibilité.

Nul ne dira que cette série de questions que s’est posée le lecteur plus haut, ne taraude pas l’esprit de Bigger Thomas, le personnage construit par Richard Wright, dans le but d’aider le lecteur en proie aux disparités sociales à déceler la cause de son malheur. Quant à Bigger Thomas, il est parvenu à connaître la cause de son malheur. Cette cause n’est que le racisme qu’ont construit les impérialistes blancs puisqu’il n’est signifié nulle part dans le passage de notre réflexion que sa famille a commis un crime quelconque. Le racisme est une construction sociale qui se veut la séparation des races dont l’objectif est de traiter injustement la race noire. Il n’admet pas la cohabitation des deux races. Dans le contexte de Un enfant du pays, la race noire et la race blanche ne peuvent pas vivre ensemble comme l’on peut le noter par rapport à la famille de Thomas et de Dalton. La preuve en est la situation géographique de la pièce de la famille de Bigger Thomas, située à la périphérie de Chicago et la maison bien bâtie et meublée de la famille Dalton au centre-ville. Les impérialistes, qui, veulent dominer et imposer leur pouvoir aux autres faibles maillons de la société et le reste du monde en voie de développement, soutiennent toutes les tendances qui militent en leur faveur pour les garder dans une précarité criarde.

Au nom de la précarité « Dans ses emplois en mention, le mot précarité est présenté comme d’usage courant, et c’est donc son inscription dans la norme sociale qui est signifiée, de manière plus ou moins polémique, pour l’opposer à un point de vue minoritaire seul à même de rendre compte de l’extension de la notion, en référence aux expériences vécues ou groupes concernés » (Devriendt 2) qu’impose la discrimination raciale, une vie peut être totalement vouée à l’échec et détruite complètement. Un monde ainsi nivelé par la discrimination raciale cause beaucoup de torts aux maillons faibles de la société. Il ressort qu’il prive les opprimés de leurs droits de vivre, faire des études et travailler à bon escient tout comme les dominateurs et leurs enfants. Bigger Thomas, le chauffeur de la famille Dalton, au regard de la vie d’aisance que mène Mary Dalton à Chicago en ayant sa propre voiture et faisant le travail qu’elle veut, ne peut que se morfondre et avaler des couleuvres. De ce fait, quand les autres qu’on côtoie sont libres de manifester leurs choix des choses qu’ils estiment salutaires à l’instar de Marie alors que Bigger Thomas se voit empêché par les principes racistes qui le briment, il cherchera à manifester sa liberté tout comme les autres humains que sont les Blancs. Le désir inassouvi de vivre décemment tout comme les autres, va alors créer, tout à fait, des tensions dans la société en ce que Bigger cherchera à afficher son identité.

Le développement des stratégies de survie émanera de la personne marginalisée qu’est Bigger Thomas. Il va devoir se trouver dans les rues qui lui serviront de cadre approprié pour former son club en vue d’avoir sa dignité. Forgé par la société dans laquelle il vit, il doit sa vie de tous les jours aux endroits de tensions et aux rues de Chicago. Rebelle à sa mère et sa sœur Vera, Bigger Thomas ne les considère pas dans le passage suivant :

Bigger chassa leurs voix de sa pensée. Il en voulait aux siens parce qu’il savait qu’ils souffraient et qu’il était incapable de les soulager. Il savait que dès l’instant où il consentirait à réaliser pleinement toute la honte et l’abjection de leurs existences, la terreur et le désespoir le rendraient enragé. Alors il adoptait à leur égard une attitude de réserve glaciale ; il vivait avec eux, mais derrière un mur, un rideau. Et il était encore plus exigeant pour lui-même. Il savait qu’à la minute où il ouvrait volontairement les yeux sur ce que signifiait son existence, il se tuerait ou bien il tuerait quelqu’un d’autre. (Wright 17)

Une bonne compréhension du psychisme de Bigger Thomas nous presse de faire recours à Joël Bernat, qui, dans « Freud, entre littérature et psychanalyse » note :

Voici donc la littérature qui prend une place égale à celle de l’expérience clinique avec les patients dans l’exploration du fonctionnement psychique humain. Et c’est important de le souligner : les études de Freud ne sont pas tant des essais d’application de la psychanalyse à la littérature que des explorations d’une œuvre littéraire, ou de son écoute, dans le but de se saisir de ce que l’auteur a pu entendre ou pressentir du fonctionnement psychique. (www.dundivanlautre.fr/sur-freud/joel-bernat-freud-entre-litterature-et-psychanalyse/2)

Du point de vue psychique, la haine émane du psychisme de Bigger pour sa famille qui git dans une souffrance atroce et misère insoutenable. Il nourrit le désir de se suicider ou de tuer quelqu’un. Epris de souffrance et de misère qui atteignent leur paroxysme dans la vie d’une personne marginalisée, il prendra sa vie à la légère et la condamnera aux désastres et crime contre l’humanité. Au demeurant, la haine et le crime qu’éprouvent certains membres pour leur famille et société résultent en partie de la souffrance et la perte de dignité dans un monde où certains en ont et d’autres n’en ont pas.  

De surcroit, le sentiment d’injustice et de marginalisation laisse croire à certaines couches sociales qu’elles sont les laissés pour compte des impérialistes et des politiques. Ces dernières vont se constituer en collectifs d’autodéfense pour réclamer plus de justice sociale. En substance, Richard Wright nous présente Bigger Thomas qui noue une amitié temporaire avec d’autres garçons notamment Gus, G.H. et Jack de la société ou la communauté noire pour se rendre au cinéma où ils définissent des stratégies de vol comme suit :

Bigger respira profondement et les regarda l’un après l’autre. Il lui semblait que les explications étaient superflues.

“Ecoutez. Ce sera simple comme bonjour. Et il n’y a pas de quoi avoir peur. Entre trois et quatre, le vieux est tout seul dans la boutique. Le flic de service est tout à l’aut’ bout du pâté de maisons. L’un de nous restera dehors à faire le guet. Les trois autres entreront, vous comprenez ? Y en aura un qui pointera son revolver sur le vieux Blum ; un autre sautera sur le tiroir-caisse qu’est sous le comptoir ; l’autre ira directement dans le fond ouvrir la porte, de façon qu’on puisse se tirer en vitesse par la ruelle, derrière… C’est tout. Ça ne prendra pas trois minutes. (35)

    La pénétration du texte conduisant à son interprétation soutenue se fait par plusieurs entrées à savoir historique, biographique, thématique, linguistique ou sémiotique. Ces différentes entrées circonscrivant l’environnement contextuel, peuvent prendre en compte des orientations culturelle, sociale, politique, religieuse voire philosophique. Pour une étude centrée sur l’histoire de la lecture, le praticien augmente ses chances de saisir la pensée des Noirs américains à l’instar de Gus, G.H., Jack surtout Bigger Thomas.  La discrimination raciale est un problème majeur depuis les époques coloniale et esclavagiste. Elle accorde aux Américains blancs des droits et privilèges refusés aux Noirs américains, amérindiens, Asio-Américains et aux Latino-Américains.  De facto, Richard Wright, issu de la race noire, crée des personnages qui porteront la flétrissure de cette idéologie. Les quatre Noirs réfléchissent sur la méthode appropriée à adopter pour voler le vieux Blum, un Blanc. Par cette réflexion que mènent les quatre Noirs dans le passage susmentionné, le lecteur réalise que le vol planifié est souvent l’objet du mode de pensée des personnes marginalisées, brimées et abandonnées par la société. Ce problème de marginalisation se pose avec acuité sous un autre angle dans Condamné avec souci

  • La perception du monde africain par une personne marginalisée dans Condamné avec souci

Le fondement de la perception de Bill Rawgers se pose dans la première partie de Condamné avec souci intitulée « Ça va commencer ». Cal Avono, de son vrai nom Komla M. Avono, enseignant-chercheur et écrivain togolais, donne l’opportunité à Bill Rawgers d’engager une discussion, à la veille de son départ pour l’étranger, avec Bertille dans son salon. À la question de Bertille à Bill Rawgers de savoir ce que sa mère lui a fait de spécial pour son départ, il répond :

Ma mère, pour les rares fois que je discutais avec elle, me parlait souvent de la justice. Elle aimait me raconter comment son père l’avait empêchée d’étudier le droit des médias qui l’intéressait beaucoup. Je ne sais pas pourquoi elle aimait me parler de la justice. Chaque fois qu’elle le faisait, elle devenait différente et sérieuse. Elle avait une histoire particulière qu’elle adorait me raconter à propos de la justice. Pour son père, la justice se trompait beaucoup et faisait beaucoup plus de victimes que l’on ne pouvait penser. Elle me l’avait encore racontée la veille. C’était ce que ma mère m’avait fait. (Avono 11)

 De ce dialogue entre Bill Rawgers et Bertille, Cal Avono introduit le lecteur au système éducatif très manifeste de la mère de Bill Rawgers. Il met en exergue le soubassement de la justice dont la mère veut que son fils soit investi. Elle lui montre que dans la vie, il doit être juste dans toutes ses relations avec les autres. Inculquant une éducation de justice à son fils, elle évoque le dégout qu’a le grand-père de Bill Rawgers pour ceux qui sont censés faire justice aux autres.  Pour lui, les autorités de Stresstown s’investissent de la dictature pour brimer les plus faibles. De ce récit répétitif de sa mère, Bill Rawgers va s’imprégner de la justice pour dénoncer et défier toutes injustices commises sur l’humanité.   

S’indignant de la personnalité de monsieur dieu, Bill Rawgers exprime son soulagement imminent lorsque vient le moment de quitter la ville de Stresstown pour un pays étranger « Ce qui commandait en réalité ma joie le jour du départ était le fait qu’enfin je pourrais aller rester quelque part où l’on ne parlerait plus de monsieur dieu et surtout que je ne le verrais plus, je ne sentirais plus ni lui ni sa compagnie. » (Avono 11-2) L’esthétique et la technique de l’auteur sont séduisantes et impressionnantes dans cette déclaration de Bill Rawgers. De cette déclaration, il ressort que Bill Rawgers, parle en circonlocution. Certes il dénonce les injustices que commet monsieur dieu quand bien même les médias le présentent comme un homme juste et bienveillant mais il met l’emphase sur le lieu de destination de son voyage. L’utilisation de la circonlocution par Avono à travers Bill Rawgers nous permet ainsi de voir comment la dénonciation de l’injustice sous toutes ses formes peut se faire par l’association du vice à une situation.

Dans la perspective psychanalytique, son état d’âme se révèle au lecteur. Cal Avono le place à l’antipode de monsieur dieu. C’est comme il oppose un homme à un dieu. L’auteur, cependant, reconnait que l’on ne peut pas se passer de la culture que le monde présent nous donne. C’est pourquoi il crée un personnage-culte, voire allégorique du nom de « monsieur dieu » pour que Bill Rawgers puisse en donner mûre réflexion. Cette technique que déploie l’auteur nous permet de formuler des questionnements qu’un homme pourrait adresser à un dieu. Comme « Les mots possèdent une charge sociale, affective, politique ou culturelle certaine » (Simard 31) de par son patronyme, il est clair que monsieur dieu est une figure redoutable semant ainsi la terreur dans Stresstown. C’est un monsieur qui se prend pour Dieu. Il se croit intouchable et imbattable. Ses décisions restent irrévocables par rapport aux habitants de Stresstown surtout les plus faibles qui n’ont personne sur qui ils peuvent compter. Il rend ainsi la ville stressée par son autorité. Face à cette tyrannie qui se note dans l’identité même de monsieur dieu, Bill Rawgers, un jeune instruit dans la petite ville de Stresstwon, s’interroge sur les raisons pour lesquelles certains dictateurs comme lui ont cette influence notoire dans la société. Il peut aussi se demander comment il a fait pour acquérir une telle notoriété dans la ville de Stresstwon. Il se demande également pourquoi personne ne s’oppose à lui. Selon Bill, il est un être humain tout comme les autres. Par ricochet, le départ de Bill pour l’étranger est un soulagement pour lui. Le départ planifié de Bill Rawgers par Cal Avono nous laisse le choix de découvrir comment l’intimidation, l’étouffement, la suffocation et la torsion affectent les personnes marginalisées par monsieur dieu, à Stresstown.

Les dictateurs et les méchants ont toujours des rejetons. Un rejeton de monsieur dieu ne peut pas prétendre vivre autrement. N’est-il pas dit que tel père, tel fils ? Karina qui est la fille de monsieur dieu porte ses germes :

Karina est la fille unique suraimée de monsieur dieu, qui se tenait debout près d’un berceau, produit qui, à l’instar de centaines d’autres, sortait de l’Ecole Supérieure des artisans non-voyants de Stresstown. […] Ce matin-là, le bébé du berceau à côté duquel se trouvait Karina répondait candidement à son sourire humecté d’un panaché de méchanceté, vantardise et fierté génétiques. Sans décourager son sourire, elle avança les mains vers le bébé et son toucher accentua cette entreprise de lèvres […] De la main gauche elle pressa le nez du bébé et en boucha aisément les deux petits orifices, et de l’autre, elle ferma son petit trou de bouche. Je ne pouvais pas me rendre tout de suite compte de la dramatique tragédie. Le sourire plus nourri de Karina l’emportait sur toute autre réalité, tant le jeu l’amusait […] La porte de la salle du meurtre s’ouvrit sur sourire, mains, nez, bouche, puis sur petit pas lunaire. Le paternel entra et cette entrée commanda beaucoup plus l’interminable sourire qui finalement défait tout sens. Il sursauta néanmoins face à ce spectacle et ses yeux prirent visiblement du volume. Je m’attendais à un sentiment de répulsion de la part de cet homme mais il accueillit plutôt sans reproche la nouvelle fille de main qu’il venait d’avoir dans sa prestigieuse famille. (Avono 13-5)

Comme le dirait cet adage « Tel père tel fils », l’inverse du fils de l’adage s’applique à une fille dans Condamné avec souci. Tel père, telle fille.   Karina tient génétiquement de son père la vantardise et la méchanceté qui sont les résultantes de l’abus de pouvoir répandu par son père à Stressetown. Ses chromosomes porteraient la méchanceté et le meurtre auxquels elle ne peut pas se soustraire dès son enfance. Sous le prisme de la dictature, elle malmène un bébé très tôt le matin et en finit avec lui dans la clinique de sa mère.  A ce niveau, il faut dire que Karina est plus terrible et méchante que son père. Elle ne supporte pas de les voir grandir avant de leur priver du droit à la vie. Orgueilleuse qu’elle soit, elle donne une empreinte qu’est le sourire à son exploit. Elle commence à éliminer les personnes marginalisées à leurs bas-âges que représente ce bébé, car, après sa mort, le comportement de sa mère en dit tant : « La mère du bébé, les femmes et tout le monde ont pu se calmer peu après que le bébé a été découvert mort. Ils ont pu rapidement trouver refuge dans les divers sermons du philanthrope et de son ami le prêtre qui les convièrent à accepter de tels événements comme des clés à un bonheur futur » (Avono 16).  Le silence absolu de la mère de l’enfant mort qui se réfugie dans la philanthropie de monsieur dieu, amène le lecteur à comprendre que l’enfant est issu d’une famille marginalisée sinon sa mère porterait plainte. Comme la mère de l’enfant mort n’a porté aucune plainte contre Karina, il revient de dire qu’elle attend une consolation de la part de monsieur dieu. Ce qui est étonnant est que son père ne lui reproche rien et l’accueille chaleureusement dans ses bras. Il est dit que Karina est unique et suraimée de monsieur dieu. Le qualificatif suraimée dévoile une exagération, une figure de style, qui montre le côté négatif d’une chose. L’utilisation de cette figure de style dans l’extrait ci-dessus, donne au lecteur, de croire que Karina est choyée au point qu’elle peut poser n’importe quel acte mais elle ne sera jamais réprimandée et punie par son père. Par conséquent, le meurtre que Karina a perpétré sur le bébé est une évidence que la clinique de la femme de monsieur dieu est stratégiquement construite pour permettre à leur fille Karina d’en finir avec certains bébés. De plus, l’accueil chaleureux que son père lui réserve montre en clair que la maltraitance des personnes marginalisées dans Condamné avec souci a atteint son paroxysme.

Dans cette effroyable situation, la population de la ville de Stresstown est prise en étaux entre les abus de Karina et de monsieur dieu. Pendant que Karina étouffe les enfants le matin, son père se charge des personnes adultes pour les torturer à dessein. De toute évidence, l’enfant à qui Karina a ôté la vie vient d’une famille qui ne peut en aucun cas soutenir la comparaison avec la sienne. Si la petite Karina a pu éliminer cet enfant sans remords, nous pouvons dire qu’elle fera plus de victime que son père en grandissant. Le traitement cruel que subissent les personnes marginalisées dans les contextes américain et africain va les inciter à défier toute autorité explicitement ou implicitement pour réclamer leur dignité dont ils sont privés pour un certain temps.

  • La réaction des personnes marginalisées envers les bourreaux dans Un enfant du pays et Condamné avec souci

L’existence des personnages brimés dans Un enfant du pays et Condamné avec souci s’offre d’une manière atroce. Ces personnages vont définir des réactions systématiques qu’ils vont projeter dans le monde pour attirer l’attention des tyrans sur la dignité qu’on leur méconnaisse. Pour cerner l’existence collective et individuelle de l’homme, Philippe Sabot, propose en reprenant la pensée de Michel Foucault une analyse du sujet qu’est l’homme dans le monde avant une quelconque interprétation de ses actions et réactions :

[Le] dépassement de la psychologie se fait vers une anthropologie qui tend à une analyse de l’existence humaine dans ses structures fondamentales. Ressaisir l’homme comme existence dans le monde et caractériser chaque homme par le style propre à cette existence, c’est, pour L. Binswanger, pour H. Kunz, atteindre, au-delà de la psychologie, le fondement qui lui donne sa possibilité et rend compte de ses ambiguïtés : la psychologie apparaît comme une analyse empirique de la manière dont l’existence s’offre dans le monde ; mais elle doit reposer sur l’analyse existentielle de la manière dont cette réalité humaine se temporalise, se spatialise, et finalement projette un monde. (293)

Abondant dans le même sens que Sabot, Jean-Paul Sartre dans son L’existentialisme est un humanisme (1946), nous dit que l’homme est un projet et il n’existe que dans la mesure où il devient un homme accompli. Sartre donne une chance au lecteur de Un enfant du pays et Condamné avec souci d’assister à la réalisation des projets que sont Bigger Thomas et Bill Rawgers. Ne pouvant plus supporter le poids de la domination impériale, Bigger Thomas, dans Un enfant du pays, commet le crime contre Mary Dalton après l’avoir violée.

 Bigger Thomas, engagé comme un chauffeur par Mr. Dalton, l’incarnation et l’influence de la race blanche, décide de mettre fin à la vie de Mary Dalton pour voir transparaitre le malaise dont il est pour la société sur d’autres. Le meurtre que commettra Bigger Thomas sur Mary, se nourrit de la pression, la rage, et la haine constantes sous lesquelles il vit, et que révèle le dialogue entre Max et lui :

‘‘Comment t’imaginais-tu le bonheur ?’’

‘‘Je ne sais pas. En tout cas, pas comme ça.’’

‘‘Tu devrais tout de même avoir une idée de ce que tu voulais, Bigger.’’

‘‘Eh ben, monsieur Max, si j’avais été heureux, j’aurais pas tout le temps eu envie de faire des choses que j’savais bien n’avoir pas le droit de faire.’’

‘‘Et pourquoi avais-tu tout le temps envie de les faire ?’’

‘‘C’était plus fort que moi. Ça doit êt’ pareil pour tout le monde, je suppose. Alors j’étais pareil aux autres. C’aurait peut-êt tout arrangé si j’avais pu faire ce que j’voulais. Je n’aurais plus eu peur. Et je n’aurais peut’êt’ plus été tout le temps en rage, tout le temps en train de maudire les gens ; et peut-êt que je me serais senti dans mon assiette, comme qui dirait. (Wright 440)

Dans le passage ci-dessus, le lecteur se rend à l’évidence que Bigger Thomas ne connais pas le bonheur pendant sa vie. Il en est privé par la race blanche. Il a constamment peur de ses oppresseurs. Dans la suite du dialogue, il s’avère que Max dévoile l’intention de Mr Dalton en l’negageant comme chauffeur. Il veut maintenir Bigger Thomas sous son autorité comme le signifie les discussions suivantes :

‘‘Bigger, j’ai quelque chose à te demander au sujet de ta race. As-tu de l’affection pour les tiens ?’’

‘‘Je ne sais pas, monsieur Max. on est tous des noirs et les blancs nous traitent tous pareil.’’[…]Je n’ai pas besoin de te dire ce qu’ils éprouvent pour toi, Bigger. Tu es un noir, ne l’oublie pas. N’espère pas trop. C’est un vrai raz de marée de haine que tu as déchainé et je vais essayer de le repousser en partie. Ils demandent ta vie ; ils crient vengeance. Ils croyaient t’avoir bien encagé pour t’empêcher de faire ce que tu as fait. (Wright 442 ; 444)

Bigger Thomas est sous contrôle comme le contient l’expression ‘‘bien encagé’’. Il subit tout à fait l’abus d’autorité de la part de Mr. Dalton. Il n’est pas libre de mouvements.  Mr. Dalton tient ainsi, selon les termes de Max, l’avocat blanc de Bigger, l’épée de Damoclès sur lui. De plus, dans le contexte américain, aucun homme noir n’a le droit d’approcher une fille blanche sans risquer d’être blamé. Quand on le voit à côté d’une fille blanche, on le traite d’un violeur quand bien même il ne lui a rien fait. Or Bigger Thomas vient de ramener Mary Dalton, soûlée et déséquilibrée dans sa chambre à coucher. Pris de peur, la pression qu’a Bigger Thomas le conduira à étouffer Mary Dalton pour que personne ne sache qu’il est avec elle dans la chambre. Il procède de la façon suivante :

Il sentit que Mary essayait de se lever et repoussa sa tête sur l’oreiller.

“Elle doit dormir”, murmura Mme Dalton.

Il aurait voulu s’éloigner du lit, mais il avait peur de trébucher sur un obstacle et que Mme Dalton l’entende, qu’elle sache que Mary n’était pas seule dans la pièce. Complètement affolé, il mit sa main sur la bouche de Mary et pencha la tête de façon à pouvoir porter son regard ou sur Mary ou sur Mme Dalton, en roulant simplement des pupilles. Mary bredouilla quelque chose et chercha encore à se lever. Comme un fou, il attrapa un coin de l’oreiller et l’appliqua sur sa bouche. Il fallait la réduire au silence, sinon il était pincé. Mme Dalton s’avança lentement vers lui et il eut l’impression qu’il allait éclater, tant il était tendu et gonflé. Mary lui fonçait sauvagement ses ongles dans les mains, alors il saisit l’oreiller et lui recouvrit fermement tout le visage. Le corps de Mary se raidit dans un effort pour se relever et il appuya de tout son poids sur l’oreiller, déterminé à l’empêcher de bouger ou d’émettre le moindre son susceptible de le trahir. (Wright 111-112)

Le rapprochement de Bigger et de Mary par Richard Wright n’est pas aléatoire. L’analyse de ce rapprochement met à la lumière le degré de peur que ressent Bigger Thomas dans la chambre de Mary Dalton. Mais il faut dire que la peur qu’éprouve Bigger Thomas près du lit de Mary Dalton n’a rien d’incomparable. Cette peur le tourmente à cause de la présence de la femme de Mr. Dalton dans la chambre. La découverte de ce jeune homme dans la chambre causerait sa mort. Sa situation peut être décrite comme une agonie à laquelle il ne peut ne pas se soustraire. Il se résout à étouffer la fille avec un oreiller qui lui donnera un soulagement, car il est coincé. Il achève sa victime avec une forte pression sur l’oreiller qui l’étouffe. Ne voulant laisser quelque trace de la mort de Mary Dalton pour que la famille de Mr. Dalton ne l’inculpe de quoi que ce soit, il juge bon de  morceler son corps qu’il incinère. Après avoir mis en feu sa victime, il tire ses grègues vers Bessie.

 Il résulte ce meurtre que Bigger Thomas vient de commettre sur Mary Dalton,  qu’il est forgé par la société qui s’acharnait à tuer les  Indiens et Noirs américains par feu et lynchages aux dix-neuvième et vingtième  siècles. Ce comportement violent et affreux qu’incarne Bigger Thomas symbolise les tensions, violences et exécutions qui se commettaient dans ces siècles susmentionnés. Sous ce rapport, le lecteur a de quoi donner raison à Blaise Pascal qui nous fait comprendre que l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature mais un roseau pensant que personne ne doit écraser ou brimer. Ce roseau pensant que les détenteurs du pouvoir pensent terrasser, se vengera d’eux comme nous le voyons dans le cas de Bigger Thomas envers Mr. Dalton. Il lui rend la monnaie de sa pièce. Il fait goûter à Mr. Dalton le malaise qu’il provoque par ses actes et décisions envers les Noirs de Chicago au vingtième siècle. Il reçoit certainement un grand choc au fond de tout son être par la disparition de sa fille. Tout bien pesé, les oppresseurs risquent de récolter le crime et le meurtre qu’ils projettent contre les sans voix de la société.  

En ce qui concerne Bessie, Bigger Thomas la tue pour garder à lui seul le secret de son assassinat de Mary Dalton puisqu’il a peur. Il voit de même en elle le potentiel dominateur qui lui mettrait encore la pression qu’il ne veut en aucun cas recevoir dans sa vie :

Bigger était brisé, désemparé. Ses lèvres s’entrouvrirent. Il se sentait glacé, engourdi. Il avait complètement oublié Bessie durant l’enquête concernant Mary. Il comprit ce qui se passait. En se servant du corps de Bessie comme témoignage et preuve du meurtre de Mary, on le présentait comme un monster ; la haine du public ne ferait que s’accroître. La mort de Bessie n’avait pas été évoquée durant l’enquête et tous les visages blancs dans la salle exprimaient une surprise totale. Ce n’était pas parce qu’il estimait moins Bessie qu’il l’avait oubliée, mais c’était la mort de Mary qui lui avait fait le plus peur ; pas sa mort en soi, mais ce qu’elle signifiait pour lui, qui était noir. (Wright  410)

Dans la perspective psychanalytique, Bigger Thomas en tant que « …personnage est une projection de la psyché de l’auteur.» (fr.sawakinome.com/articles/language/which-type-of-theory-is-psychoanalytic-criticism-and-why.) Prenant appui sur cet instrument d’analyse que nous donnent les psychanalystes, le passage susmentionné mérite toute notre attention. Il outille le lecteur à scruter l’état psychologique de Bigger Thomas dans un sens plus précis que celui qu’on lui attribue d’ordinaire.  Son crime contre Bessie nous a permis de saisir les motivations derrière le comportement de certains criminels qui tuent souvent les gens dans la société.  Pris de peur d’être découvert et mis en prison comme Bigger, elles le font pour se protéger et se libérer momentanément du poids de la détresse et de la souffrance atroce qui les hante. Aussi cherchent-ils un remède contre leur dénigrement et brimade. Cependant, aucune raison ne peut justifier la tuerie d’une personne puisque personne n’a le droit de vie et de mort sur son prochain. La rétribution du mal par le mal ne participerait pas à un développement soutenable dans le contexte américain au vingtième siècle.

Cette pression démesurée qui a poussé Bigger Thomas aux crimes ne sera acceptée guère par l’oppresseur que représente M. Dalton. Cet élan de la part de Bigger Thomas lui complique davantage la vie. À ce titre, Philippe Sabot constatant ce moment amer de l’existence de l’homme confirme que « Cet aspect de contrainte de l’épistémè est encore aggravé par la description de mutations, de transformations soudaines de l’ordre des choses et du discours.» (Sabot 289) Accusé de viol et meurtre, toute la société américaine se mettra en ébullition grâce aux stratégies que mobilise Mr. Dalton. Il se confie aux publicistes qui font un travail méticuleux et Bigger Thomas se retrouve arrêté et jeté en prison. Par l’extrait ci-dessous, Richard Wright, nous présente, les conditions de son arrestation en ses termes :

Le policier sortit et revint bientôt avec une brassée de journaux.

“tiens, mon garçon. On parle de toi dans tous.”

Il ne prit les journaux que lorsque l’homme eut quitté la pièce. Puis il étala la Tribune et vit : LE NÊGRE SADIQUE S’ẺVANOUIT DURANT L’ENQUÊTE. Alors, il comprit ; on l’avait mené à l’enquête. Il s’était évanoui et ils l’avaient conduit ici. Il lut :  “Accablé à la vue des accusateurs, Bigger Thomas, “ le criminel sadique noir, s’est dramatiquement évanoui “ce matin au cours de l’enquête judiciaire du meurtre de “Mary Dalton, la fille du milliardaire de Chicago.

“Sortant pour la première fois de sa stupeur depuis sa “capture dans la nuit de lundi, le tueur noir se recroquevillait sur sa chaise, l’air terrifié, cependant que des “centaines de personnes essayaient de l’apercevoir. (346-7)  

A l’analyse de cet extrait, les journaux accusent Bigger Thomas du viol comme il le lit.  Il est pris lorsqu’il est tombé évanoui et incarcéré pour les délits qu’il a commis contre Mary Dalton notamment le viol et le meurtre. Dans cette situation, les journaux qui l’incriminent, ne parlent jamais de Bessie, la fille noire américaine aussi tuée. Certes, il purge sa peine pour les crimes perpétrés mais les dominateurs alors doivent cesser de piéger les plus faibles de la société par le sexe comme l’a fait M. Dalton. En clair, de nombreux hommes qu’on cherche à inculper et évincer à tout prix sont souvent piégés par le sexe empoisonné. Les commanditaires n’apprennent jamais de leçon dérivant des situations adverses auxquelles ils font face. Optant pour la destruction systématique des personnes brimées, Mr. Dalton exige que le victimaire soit jugé et condamné par la justice américaine. Devant la cour, pendant que M. Coroner défend Mary, décédée, ne serait-ce que pour obliger le grand jury à condamner Bigger Thomas. Max, l‘avocat de Bigger Thomas, pour sa part, démontre :

‘‘Monsieur coroner, je sais qu’il ne s’agit ici que d’un interrogatoire préliminaire. Mais les questions posées n’ont pas le moindre rapport avec la cause ou les circonstances de la mort de la victime.”

Monsieur Max, la plus large tolérance est de mise au cours de la présente audience. C’est au jury de décider si les témoignages soumis à la barre ont ou non des rapports avec l’affaire en cours.”

“Mais des questions de ce genre ne font qu’enflammer l’esprit du public.”

“Permettez, monsieur Max. Aucune des questions posées ici n’enflammera l’esprit du public autant que la mort de Mary Dalton, vous le savez très bien. (Wright 396-97)

     Dans la perspective juridique, les deux avocats en exercice dans la cour, nous invitent à démasquer le mécanisme de fonctionnement de la société américaine qui prône le développement durable. Les démonstrations de Mr. Coroner, pour soutenir sa thèse fumeuse, portent en elles-mêmes, ses propres fossoyeurs tandis que celles de Max sont salutaires pour la société. Mr. Coroner opte pour la loi du Talion consistant en la réciprocité du crime et de la peine qui doit régner dans la société américaine pour dissuader les criminels.  Quant à Max, il dénonce l’injustice dans cette même société pour que les jeunes, femmes, hommes et enfants, puissent jouir pleinement de leurs droits d’où l’instauration d’une société harmonieuse pouvant permettre aux siens et siennes d’amorcer un développement consistent. Cette même réalité n’est pas confinée au 20ème siècle. Elle annexe ses frontières donnant ainsi matière à réflexion aux penseurs, critiques, romanciers, dramaturges, et politologues qui se penchent sur les mécanismes des sociétés.  

Dans Condamné avec souci, Cal Avono place Bill Rawgers dans un cadre politique où il réagira pour manifester son désaccord par rapport au climat de terreur qui règne à Stresstwon.  En substance, Maîtres Vossaillères, connu sous le nom de monsieur dieu, invite son ami politicien à haranguer la population par un discours flatteur et démagogique. Sans doute il se comporte comme tous les politiciens. Il ouvre son discours avec une éloge de monsieur dieu en tant qu’une personne importante de son milieu : 

Le politicien fit un éloge de Maître Vossaillères pour son « grand sens de l’humanisme » qui s’est infiltré dans tous les aspects de la vie des habitants de Stresstown. Ses réalisations qui étaient innombrables continuaient d’élever l’homme bien au-delà de « l’humble position » qu’il aimait occuper sur le plan social. Le discours s’interrompit soudain et une trompette retentissante suivie de fanfare prolongea l’éloge pendant une dizaine de minutes environ. C’était la fanfare spéciale du corps des « Pyrophages », unité de sapeurs-pompiers créée et financée par la Fondation Vossaillères et qui avait fait ses œuvres partout dans la région. (Avono 97)

   L’éloge que fait le politicien de Maîtres Vossaillères dans son discours n’est pas à prendre à la légère. Cet éloge révèle la nature même des autorités qui vivent dans nos sociétés. Elles posent des actes philanthropiques pour embobiner la population peu avertie quoiqu’elles posent les actes ignobles et abominables. Pour construire cette fausse identité, elles ont recours aux médias, aux journaux et aux fanfares qui les louent pour un service qu’elles prétendent rendre souvent à la population.

Tout d’un coup, monsieur dieu interrompt le discours du politicien pour placer quelques mots. Prenant la parole, il présente Bill Rawgers au public et lui impose une mission qu’il accepte malgré lui.

Nous avons parmi nous ici un grand fils du pays. Il n’est revenu qu’hier. Je le délègue tout de suite pour qu’il donne désormais le ton de tout applaudissement avant que le reste de nous ne suive. Un ordre à respecter scrupuleusement. Alors, monsieur Bill Rawgers, à vos mains. Il sourit facilement comme s’il venait de faire quelque chose d’admirable, se retourna, murmura quelque chose à l’oreille du politicien qui revint aussitôt au micro dans un sourire presque inouï. (Avono 99)   

Le lecteur, élucidé par la théorie psychanalytique se voit outillé pour conduire une « analyse sur l’état psychologique de l’auteur ainsi que des personnages.» (fr.sawakinome.com/articles/language/which-type-of-theory-is-psychoanalytic-criticism-and-why.) Il ne s’intéressera donc qu’à l’état psychique de Bill Rawgers pendant qu’il est désigné sans aucun entretien au préalable. Il n’est pas averti pour assumer de tel rôle lors du rassemblement. C’est une surprise désagréable pour lui. Sous les auspices de l’approche psychanalytique, le lecteur se rend compte de l’état d’âme du personnage de Bill Rawgers. Il vient d’être blessé dans son amour.  Pour monsieur dieu, Bill Rawgers n’a aucune personnalité et ne mérite donc aucun respect. Comme les politiciens ne font rien au hasard, il décide de punir ainsi Bill Rawgers qui n’acclame jamais quand les autres le font pendant l’intervention des grandes personnalités. Il veut lui montrer qu’il est la seule personne qui décide dans la ville de Stresstown. Par conséquent, toute défiance de son autorité se voit punie explicitement ou implicitement en raison de ses études juridiques. Bill Rawgers qui a déjà de l’aversion pour monsieur dieu qui se croit le plus important dans sa région va chercher une occasion d’un scandale.   

Dans la même optique, le politicien, reprenant la parole après que monsieur dieu est intervenu, ne ménage aucun effort pour signifier à la population qu’elle a la chance d’avoir un gouvernement qui prend en compte les droits et libertés des individus. Donnant les raisons qui l’ont poussé à lutter pour la liberté individuelle, il fait part à la population de la disparition de ses parents lorsqu’il était petit :

__J’aimerais vous faire savoir par-dessus tout que j’ai connu de grands moments d’angoisse dans ma vie personnelle, ce qui me permit très tôt de choisir la lutte pour les libertés individuelles.

Il soupira comme un portefaix, promena un lourd regard sur l’assistance. Je devais lui échapper. Puis il continua en baissant brusquement les yeux et la voix. Les mots suivirent avec une peine réglée. 

__J’avais seulement quatre ans lorsque ma mère mourut tragiquement dans un accident et onze ans lorsque mon père la suivit presque de la même manière.

La pause suivit, je la remarquai puis j’applaudis. Je pensai étancher ainsi beaucoup de soifs. Les mains qui attendaient depuis ce moment n’ont pas hésité à me suivre, à suivre l’ordre donné par monsieur dieu. Mais je m’étonnai du fait que l’acclamation cette fois fut d’assez courte durée, fut saccadée comme si elle était mal commandée. (Avono 102)   

Il applaudit au moment où il ne devrait pas le faire. Ceci est un cas de figure des diverses ripostes que Bill Rawgers fomente contre son oppresseur, monsieur dieu. Cette acclamation que répond la foule au moment où le politicien mentionne la mort de ses parents très tôt revêt d’une grande importance pour le lecteur. Il applaudit sciemment pour montrer à monsieur dieu et au politicien que les personnes marginalisées ont le droit de manifester leur mécontentement. Il semble se réjouir de la disparition des parents du politicien et amène la foule à faire de même par acclamation. Cette acclamation est tragique pour le politicien, car il ne s’imaginait pas qu’il y aurait quelqu’un qui va célébrer cette situation qui a prévalu dans sa vie. Par ce comportement, le discoureur reçoit un choc dur « Le politicien, lui, rougit, fonça les sourcils, réajusta ses lunettes rondes, essaya de se réajuster dans sa sérénité. Il se hâta de clôturer son discours, fit une sorte de conclusion […] (Avono 103) qui le déboussole et le contraint à terminer son discours le plus tôt que prévu. Par ailleurs, toute la ville de Stresstown est humiliée de même que monsieur dieu sur qui repose l’entière responsabilité. Tout porte ainsi à croire qu’il est un criminel.

Face à cette situation embarrassante, monsieur dieu va en découdre avec Bill Rawgers qui l’a défié publiquement. Il lui a fait avaler des couleuvres pour la toute première fois dans sa vie depuis qu’il s’est installé à Stressetown. Pour se venger, il piège Bill Rawgers par le biais d’une jeune fille. La manœuvre consiste à décrier Bill Rawgers avec l’alibi d’un viol commis sur elle. Bien avant d’assister au discours du politicien, il a déjà invité Bill Rawgers à venir le voir le jour suivant. Une fois arrivé chez monsieur dieu, il lui brûle la politesse et quitte sa maison en hâte « « Tu vas me le payer cher » vinrent se cogner contre les vitres de la voiture qui finissait de faire son demi-tour et reprenait la voie vers Espero Hotel.» (Avono 121) Monsieur dieu, menteur professionnel, concocte l’histoire du viol de toute pièce pour avilir Bill Rawgers. Cette histoire se lit à travers les journaux :

Elle étala cinq différents journaux sur la moquette. À la une de chacune presque, il était écrit en gros caractères et en couleurs tantôt sombres tantôt agressives le mot « SCANDALE ».  Il y avait mon nom, une photo et le nom de Karina. J’avais tenté de la violer la veille ! (Avono 125)

  Tout comme Bigger Thomas dans Un enfant du pays, Bill Rawgers est accusé de viol sur Karina, la fille de monsieur dieu. Quand on le lui a demandé, il ne l’a pas nié, car il dit que « Cet homme, sa fille se croient trop au-dessus de tout. Cette fois-ci, c’est la fin. Ça se termine… » (Avono 127) En acceptant volontiers d’avoir commis le viol sur Karina, il choisit la descendre de son piédestal pour lui dire qu’elle n’est pas à l’abri des affronts que son père et elle font subir aux personnes marginalisées. Il préfère aller en prison tout comme Bigger Thomas. Le processus de son emprisonnement commence par la privation de sortir de sa ville pour un autre pays :

On frappa de deux coups la porte. Bertille partit ouvrir, puis m’appela. Un employé de l’hôtel m’amena deux hommes en uniforme. L’un d’entre eux me tendit un document, m’avertit que je devais normalement être en état d’arrestation, mais pour une grâce de Maître Vossaillères, j’étais seulement en garde à vue, mais je ne serais pas amené au commissariat. Je n’étais pas autorisé à quitter la ville sans l’accord de la police. (Avono 128-9)

Bill Rawgers est privé de sortir de sa ville pour une autre. Les restrictions lui sont imposées par la manie de monsieur dieu. Cette condamnation de Bill Rawgers sur place nous amène à vivre la réalité des décisions arbitraires que prennent les autorités étatiques et juridiques contre les plus faibles de la société en raison de leur défi de l’autorité.  En durcissant le ton vis-à-vis de Bill Rawgers, monsieur dieu oublie qu’il donne l’occasion aux gens de connaitre réellement son identité. La manipulation des policiers pour intimider Bill Rawgers informe la population sur la vraie nature de Maître Vossaillères :

Je pus retenir que les amis s’annonçaient avoir connu beaucoup plus les dessous de monsieur dieu, comment il était hypocrite mais ayant une forme de piété […] presque toute la ville connaissait finalement vraiment celui qui se faisait passer pour un dieu.

Je pensais plutôt qu’ils devaient être tous hypocrites ou cette hypocrisie leur était passée pendant tout ce temps où ils chérissaient l’homme, l’adoraient, appréciaient à l’exagération ses manières et ses dires. Ils menaient alors une vie dualiste et cela était misérable. (Avono 131)

Très souvent la population adore les hommes ou les femmes qui les trompent par certaines réalisations comme nous le notons dans la vie du personnage de monsieur dieu. Ils ou elles mènent une vie dualiste qui ne se montre jamais si quelqu’un ne décide tout comme Bill Rawgers de les dévoiler au public. Les dessous sombres de monsieur dieu que connait la population instruit le lecteur de Condamné avec souci sur les malversations, la corruption et les atrocités que commettent certains dignitaires politiques et religieux qui se font passer pour des agneaux mais qui sont en réalité des mesquins dans la société.

Ces genres de personnes n’ont pas pitié des personnes qui souffrent dans la société. La preuve est que monsieur dieu porte plainte contre Bill Rawgers en justice parce qu’il estime que ce dernier lui manque du respect :

Je finis par comprendre suite à une lecture que ce n’était pas Karina elle-même qui déposa la plainte mais son père. J’appris aussi que je gardais pendant longtemps une dent contre le plaignant et sa famille, cherchai à plusieurs reprises à les déshonorer, jusqu’à finalement tenter de violer leur fille unique, qui était même étonnamment en voie de mariage avec mon grand-frère. On n’oublia pas de me rappeler que j’avais déshonoré le plaignant, et lui seul, en ayant applaudi aux décès des parents du politicien, et que je lui avais brûlé la politesse le soir de ce jour-même, et m’étais moqué du prêtre qu’il voulait inviter pour une discussion en ma présence. (Avono 140-1)

Au nom de l’égoïsme et de la folie des grandeurs de certains dignitaires de la société à l’instar de monsieur dieu, qui comprennent de travers la notion de diffamation des caractères, les maillons faibles de la société, sont toujours victimes de répression et de rudoiement, quand ils ont affaire à eux. Ils comptent sur leurs relations et pouvoirs pour les enfoncer oubliant que leur égoïsme peut se retourner contre eux.  Bill comparait en justice et est condamné à la prison pour avoir reconnu le viol sur Karina, l’unique fille de monsieur dieu :

Celui-ci rappela à la fin de son discours de juge mon nom et me condamne à la prison, mais je ne pus pas retenir le temps que j’aurais à y passer. Cela d’ailleurs ne m’intéressait pas. Il déclarait le faire ainsi en attendant qu’un jour plus de lumière se fit plus sur mon cas. Il expliquait peut-être à l’assistance que beaucoup d’esprits s’étaient échauffés à cause de mon comportement destructeur et immoral et qu’il espérait vivement qu’ils se calment pendant que j’étais en prison. (Avono 144-5)

 Tout porte à croire que l’incarcération de Bill Rawgers constitue le dénouement de la crise humanitaire qui prévaut dans la vie de Stresstown. Force est de constater que cette prison que subit Bill Rawgers n’est que la suite des problèmes auxquels, le procureur, monsieur dieu et sa fille seront confrontés « Tout compte fait, monsieur Rawgers, vos accusateurs ont eu du souci après votre condamnation. Et ce problème de secret est très important. » (Avono 155) Inévitablement, la brouille entre monsieur dieu et sa fille serait l’œuvre réussie de Rawgers puisque son comportement empêche Pierre, le grand-frère de Rawgers de sceller sa promesse de mariage avec elle :

Cela a causé à la suite de cela des problèmes entre Karina et son père. Personne dans cette ville n’ignore l’amour qui les lie. Le grand amour entre parents et enfants…Mais la fille accusait fortement le père d’être responsable de cette rupture pour laquelle elle ne s’était jamais préparée […] Karina pour la première fois développait ses accès de colère et menaçait son père de quelque chose que tout le monde ne pouvait pas savoir. C’était une situation inévitable […] Le père aussi commençait à menacer la fille de quelque chose. Les deux se haïssaient mutuellement et on ne pouvait pas comprendre. (Avono 150)

De toute évidence, il y a brouille au sein de la famille. La complicité entre Karina et son père pour nuire une tierce semble se retourner contre eux-mêmes. Karina, qui, ne s’engueule jamais avec son père, a fait rougir son père en éprouvant la haine pour lui. De plus, elle ne comprend pas pourquoi son père peut forger de telle conspiration contre le petit frère de son fiancé. Ensuite la fille hait son père et ce dernier en fait de même. En clair, le tissu familial qui est la base de toute société et le premier tremplin d’un développement durable se noue, se dénoue, s’entrechoque et finalement s’effrite avec le père et la fille d’une part et entre la famille Vossaillères et la famille de Bill Rawgers d’autre part. La conspiration planifiée et exécutée pose des problèmes au tissu familial en général et la société en particulier. La preuve en est la mort de monsieur dieu que sa fille tue « J’entendis un coup de feu. On coupa ensuite le fil du téléphone. Il me narra ensuite qu’il appela la police qui vint constater le parricide. La fille ne voulait faire aucune déclaration et on entend la juger. [ …] Maintenant, me dit-il doucement, Maître Vossaillères est mort. » (Avono 151) Monsieur dieu, par sa manipulation des hommes et des femmes, détruit la joie, paix, prospérité et sérénité de sa fille, se détruit et porte atteinte au corps juridique en ce sens que le procureur général présente sa démission après avoir démenti toutes les accusations portées contre Bill Rawgers et prononce sa libération :

Je profite pour annoncer que pour des raisons personnelles, je présenterai ma démission à la cour aujourd’hui […] Après délibération, le juge conta qu’il n’avait jamais eu une affaire comme celle-là, qu’il condamnait Karina pour fausse accusation et pour meurtre. Quant à moi, il déclarait mon affaire un non-lieu, je retrouvais la liberté mais il reconnaissait des situations très embarrassantes à mon affaire. (Avono 155)

Suite à la délibération, nous pouvons aisément noter que la dictature, les coups bas et la vengeance détruisent la société africaine en général et la société togolaise en particulier que Condamné avec souci éclate aux lecteurs pour qu’ils comprennent que les acteurs politiques et civils qui clament le développement durable doivent au préalable régler le contentieux sinon, toute tentative en ce sens aboutira à une perte de temps, d’énergie et ressources financières. 

Conclusion

Au demeurant, sous le prisme de l’approche psychanalytique, notre analyse de Un enfant du pays et Condamné avec souci qui se veut être comparée, décrypte les vicissitudes et les contingences des mondes américain et africain minant leur développement durable. Les personnes opprimées tout comme Bigger Thomas et Bill Rawgers nourrissent toujours la peur, la haine, et la rage en rapport avec les dignitaires que sont les despotes qui s’enlisent dans une vie dualiste, d’hypocrisie, de méchanceté à l’instar de M. Dalton et Maitre Vossaillères, en formant des complots assaisonnés par le sexe ou n’importe quels autres pièges. La dépendance constante des personnes marginalisées de la peur, la frustration, la haine, la violence les amène tôt ou tard à remettre en cause les normes arbitraires de la société pour réclamer leurs droits et dignité en tant qu’êtres humains comme nous le voyons avec Bigger Thomas et Bill Rawgers dans leurs mondes respectifs. Les oppresseurs dans la société se rendent comptent que les opprimés qui sont les produits de leurs comportements envers eux sont capables de poser des actes gênants et horribles en rapport avec leur dignité. La perte de vies humaines par des comportements absurdes ne saurait contribuer à la réalisation de l’homme et au développement. Sans le triomphe de la justice sur toutes les formes d’injustice sociale, tout développement qui se veut être durable, crée en fait ses propres destructeurs qui sont les victimes.

Travaux cités

Avono, Cal.  Condamné avec souci. Editions Awoudy, 2016.

Blaise, Marie. “Littérature et Psychanalyse.” La recherche en Littérature générale et comparée,  2007, pp. 147-156.

Canguilhem, Georges. The Normal and the pathological. Cambridge, 1989.

Devriendt, Emile “Leur précarité n’est pas la nôtre: critiques de la norme salariale et luttes sociales minoritaires (2003-2010).” Langage et Société, Vol1, no.159, 2017, pp. 63-81.

Griffith, Kelly. Writing Essays about Literature: A Guide and Style Sheet, Sixth Edition., Thomson Wadsworth,  2002.

Sabot, Philippe. ‘‘L’expérience, le savoir et l’histoire dans les premiers écrits de Michel Foucault.’’ Archives de Philosophie, Vol 2, Tome 69, 2006, pp. 285-303.      

Sartre, Jean-Paul. L’existentialisme est un humanisme. Editions Nagel, 1946.

Simard, Jean-Paul. Guide du savoir-écrire. Les éditions de l’Homme, 1984.

Wright, Richard. Un enfant du pays. Editions Gallimard, 1988. traduit de l’anglais (des Etats-Unis) vers le français par Hélène Bokanowski et Marcel Duhamel.

Comment citer cet article :

MLA : Agouze, Djignéfa A.  » Le malaise social dans Un enfant du pays et Condamné avec souci. » Uirtus 1.1 (août 2021): 277-304.


§ Université de Lomé, [email protected]

Résumé: Représentations sociales de l’enseignant et implication aux études : l’exemple des étudiant-e-s de l’UFHB d’Abidjan

Mathias Kei§

Résumé : Cet article analyse l’impact de la représentation de l’enseignant sur l’implication aux études chez les étudiant-e-s du premier cycle inscrit-e-s dans les filières de Criminologie et d’Economie générale de l’Université Félix Houphouët-Boigny. L’analyse de données recueillies par questionnaire auprès de 256 sujets révèle que les dimensions « identification personnelle aux études » et « valorisation des études » entretiennent des liens significatifs avec la représentation de l’enseignant. En d’autres termes, la représentation qu’entretient l’étudiant de son enseignant joue un rôle fondamental dans son implication sur les dimensions indiquées. En ce qui concerne la dimension « capacité perçue d’action sur les études », les résultats infirment notre hypothèse. Il n’existe donc aucun lien entre cette dimension et la représentation de l’enseignant. Toutefois, les résultats obtenus permettent de formuler des recommandations au niveau des pratiques d’enseignement et d’encadrement des étudiants afin de favoriser leur implication aux études.

Mots-clés : Social représentations, enseignant, étudiant, implication personnelle

Abstract: This article analyzes the impact of teacher representation on study engagement among ndergraduate students enrolled in of Criminology and General Economics at Félix Houphouët-Boigny University. Analysis of data collected by questionnaire from 256 subjects reveals that the dimensions « personal identification with studies » and « valuation of studies » have significant links with the representation of the teacher. In other words, the student’s representation of his teacher plays a fundamental role in his involvement in the dimensions indicated. Regarding the dimension « perceived ability to act on studies », the results invalidate our hypothesis. There is therefore no link between this dimension and the representation of the teacher. However, the results obtained allow recommendations to be made in terms of teaching and supervision practices for students in order to promote their involvement in studies.

Keywords: Representation, Teacher, Student, Personal Involvement

Introduction

Dans la hiérarchie des grandes problématiques sociales que se pose le monde actuellement, l’éducation vient immédiatement après la croissance économique (Lis-Zonabend). En effet, ces dernières années, les universités en général et celles en Afrique en particulier, font face aux questions d’échecs scolaires. 

En Côte d’Ivoire, notamment à l’Université Félix Houphouët Boigny, les statistiques indiquent 62.84% de redoublants en licence 1 ; 69.19% en licence 2 et 55.03% en licence 3 pour la faculté de Criminologie (année académique 2012-2013). En Economie Générale, ce sont 100% en licence 1 ; 69.41% en licence 2 et 68.63% en licence 3, pour ne citer que ces facultés (Direction de la Planification et de l’Evaluation, Annuaire Statistique de l’Enseignement Supérieur, Décembre 2014). Face à cette situation, le taux d’échec, traduit par le la non validation de l’année d’études, atteint en première année universitaire, en Côte d’Ivoire, conduit à s’interroger sur le degré d’implication des étudiants dans les études universitaires.

Considérée comme une attitude comportementale qui permet de fournit un contexte favorable à l’amélioration de la qualité de l’enseignement (Shagholi et al.), l’implication a fait l’objet de nombreuses études dans le contexte universitaire. Pour la cerner au mieux, plusieurs facteurs ont été mis en avant. A ce sujet, V. Tinto propose un modèle explicatif basé sur l’intégration de l’étudiant.  Cet auteur, pour sa part, propose un modèle interactionniste qui prend en compte les concepts d’intégration et d’appartenance à la communauté universitaire (Schmitz et al.). Il utilise le concept d’implication pour expliquer l’abandon des études à l’Université, et conclut que l’intégration sociale et intellectuelle de l’étudiant dans l’établissement (désignée également par l’implication) constitue un facteur important de persévérance pour lui. Ses conclusions montrent que l’étudiant adopte davantage une attitude de persévérance lorsqu’il est en interaction avec l’ensemble des parties prenantes de son établissement.

Dans la suite de son analyse, il dissocie l’intégration sociale de l’intégration académique. Il montre que la première est liée aux facteurs stimulés par l’interaction entre l’étudiant et les enseignants ou entre l’étudiant et l’administrationainsi que la participation aux activités socio-culturelles. Quant à la seconde, il mentionne qu’elle s’applique aux facteurs de réussite scolaire et est déterminée grâce à la performance scolaire de l’étudiant, à son développement intellectuel, et à son identification par rapports aux principes et règles du système Universitaire. Cette dernière forme d’intégration (académique) peut être mesurée par le degré de congruence entre les valeurs et objectifs de l’étudiant et ceux de l’institution (J. Schmitz et al.).

Pour conclure ses propos, Tinto pense que la difficulté d’intégrer le milieu Universitaire peut mener à l’abandon scolaire. Pour cela, il soutient l’idée selon laquelle, la qualité des expériences vécues par l’étudiant au sein du milieu académique et social (l’intégration académique et sociale) peut modifier l’implication initiale de ce dernier.

Quant à T. Pascarella et P.T. Terenzini, ils assimilent l’implication de l’étudiant à sa participation aux activités pédagogiques et aux interactions qu’il a avec ses enseignants. Ils montrent que les activités qui permettent un meilleur développement scolaire et cognitif sont celles qui favorisent chez lui l’implication.

Dans son analyse sur les facteurs de l’implication des étudiants et la gouvernance des Universités sénégalaises, C.O. Baldé montre que la satisfaction des aspects annexes et de la qualité de l’enseignement influencent significativement l’implication affective des étudiants. Pour ce qui est de l’implication calculée, elle est partiellement influencée par la satisfaction, la participation, la sélection et les caractéristiques individuelles. En revanche, les droits d’étude n’influencent en aucun cas le degré d’implication des étudiants (Baldé, cité par Côme et Abdelilah).

De son côté, A.W. Astin pense que l’implication est un terme « actif » qui renvoie essentiellement à une attitude comportementale à l’opposé de la motivation, qui serait davantage liée à un état psychologique. Pour lui, la notion d’implication se rapporte tout simplement à la quantité d’énergie physique et psychologique que l’étudiant consacre à l’expérience universitaire. Ainsi, un étudiant fortement impliqué est un étudiant qui, par exemple, consacre une énergie considérable à l’étude, passe beaucoup de temps sur le campus, participe activement aux associations des étudiants, et interagit souvent aussi bien avec les membres du corps professoral qu’avec les autres étudiants. Inversement, un étudiant « non impliqué » néglige ses études, passe peu de temps sur le campus, s’abstient de participer aux activités extra-universitaires, et n’entre qu’occasionnellement en contact avec les enseignants et ses camarades (Astin, cité par Côme et Abdelilah).

De l’analyse des facteurs ci-dessus, nous pouvons soutenir que l’implication des étudiants est déterminée par une pluralité de facteurs. Les résultats de ces recherches montrent que, les facteurs les plus évoqués sont d’ordre social. Ces travaux, bien qu’enrichissants, abordent peu l’approche qui consiste à étudier l’implication chez les étudiants sous l’égide des représentations sociales notamment l’approche structurale d’Abric et de Flament qui s’intéressent àla structure et à la dynamique des représentations sociales c’est à dire la théorie du noyau central. La caractéristique principale de cette théorie, se situe dans l’organisation de la représentation en un double système : le noyau central et le système périphérique. Le noyau centralremplit deux fonctions essentielles dans la structure et la dynamique représentationnelle. Sa fonction organisatrice permet de déterminer la nature des relations qui unissent entre eux les éléments de la représentation. Ce système (ou noyau) central est l’élément unificateur et stabilisateur de la représentation. Sa fonction génératrice précise la signification de chaque élément du champ représentationnel. Le système périphérique quant à luiest composé d’un ensemble d’éléments qui permettent l’ancrage de la représentation dans la réalité des sujets sociaux. Ces éléments périphériques présentent une plus grande souplesse que les éléments centraux et sont le lieu de l’individualisation de la représentation, ils interviennent dans les processus de défense et de transformation des représentations (Flament).

Le choix des représentations sociales comme variables explicatives de l’implication chez les étudiants n’est pas un hasard. Ce choix remonte aux travaux de P. Rateau et M.L. Rouquette, qui définissent l’implication comme le lien entre un sujet et un objet. Or toute relation entre un sujet et un objet est médiatisée par les représentations dans la mesure où elles sont des systèmes d’interprétation qui régissent notre relation aux autres et, orientent les conduites et les communications sociales (Jodelet). En prenant sur cette affirmation, nous posons la question suivante : existe-t-il un lien entre la représentation de l’enseignant et l’implication personnelle des étudiants ? Telle se formule la question à laquelle souhaite répondre cette étude. Notre objectif, pour cette tâche, consiste à déterminer le lien entre la représentation de l’enseignant et l’implication personnelle des étudiants. A partir de cet objectif nous formulons l’hypothèse générale suivante : la représentation qu’entretient l’étudiant à l’égard de son enseignant influence son implication personnelle.

Vu que la variable « implication personnelle » sera analysée sous trois dimensions (voir p.5), l’hypothèse générale formulée ci-dessus autorise la formulation des hypothèses opérationnelles suivantes :

  • H1 : Les étudiant-e-s ayant une représentation positive de l’enseignant font preuve d’une forte identification personnelle aux études.
  • H2 : Les étudiant-e-s ayant une représentation positive de l’enseignant accordent plus d’importance à leurs études que leurs pairs n’ayant pas une représentation positive.
  • H3 : Les étudiant-e-s ayant une représentation positive de l’enseignant assument davantage la responsabilité de leurs études que leurs pairs.

Dans la rubrique qui suit, ces hypothèses seront mises à l’épreuve.

1. Méthodologique

Dans cette section nous présentons les moyens retenus pour atteindre nos objectifs. Nous y abordons les points suivants : le terrain et les caractéristiques des participants, la méthode d’échantillonnage, les instruments de collecte et d’analyse de données.

  1. Terrain d’étude et caractéristiques des participants 

Les étudiants des années de licence 1, 2 et 3 du département de Criminologie et d’Economie générale de l’Université Félix Houphouët Boigny sont les sujets concernés par cette étude. Justification du choix des sujets. En appliquant la méthode d’échantillonnage du « tout venant », nous avons interrogé 256 individus répartis comme suit :

Tableau n°1 : Caractéristiques de l’échantillon

         Niveaux   Départe- mentsGenresLicence 1Licence 2Licence 3Total
CriminologieEtudiants21212163
Etudiantes22222165
EconomieEtudiants21212163
Etudiantes22222165
 Total868684256

Source : Source : Enquête de terrain 2020

1.2. Présentation des variables

Deux variables sont mises en relation dans cette étude : la représentation de l’enseignant et l’implication personnelle.

La représentation de l’enseignant est notre variable indépendante. Elle renvoie aux croyances, à l’image et au jugement que chaque étudiant-e porte sur son enseignant. Cette variable est appréciée suivant deux modalités :

  • Représentations sociales  valorisantes de l’enseignant ;
  • Représentations sociales   dépréciatives de l’enseignant.

La représentation de l’enseignant est dite positive lorsque l’étudiant-e entretient à son égard une bonne image et des croyances positives. Dans la situation contraire, elle est dite négative.

Limplication personnelle représente notre variable dépendante. En nous appuyant sur la définition de A. Gruev-Vintila (op. cit), nous la présentons comme étant l’expression individuelle et socialement déterminée du lien entre l’étudiant et l’objet sur lequel il porte son attention (ses études).

  1.  Instruments d’enquête

Deux échelles de mesure composent notre questionnaire d’enquête : la première porte sur la représentation de l’enseignant et la deuxième sur l’implication personnelle.

  1. Echelle relative à la représentation de l’enseignant-e

Cette échelle est constituée de douze (12) items formulés à partir des éléments issus des entretiens dirigés effectués en amont. Les items positifs sont ceux qui valorisent l’enseignant-e : (exemple « les enseignant-e-s de ma filière sont sympathiques »). A l’opposé, les items négatifs donnent lieu à des propositions qui dévalorisent l’enseignant-e (exemple : « les enseignant-e-s de de ma filière ne sont pas assidus »).

  1. Procédure d’exploitation de l’échelle

De type nominale, cette échelle évalue l’objet des représentations sociales sous deux angles : valorisant et dépréciatif, à partir de deux niveaux de réponses : d’accord et pas d’accord. Vu que les items ne sont pas tous de même valence (négative ou positive), cela n’autorise pas la conservation du même principe de codification pour tous. En pratique, le code(1) est attribué à la modalité de réponse « pas d’accord » et le code (2) à la modalité de réponse « d’accord », quand les items sont positifs. A l’inverse, le code (1) est attribué à la modalité de réponse « d’accord » et le code (2) à la modalité de réponse « pas d’accord », quand les items sont négatifs. Pour chaque étudiant-e interrogé-e, nous définissons la fréquence globale des codes. Sur cette base, la fréquence modale, c’est-à-dire le code qui se répète le plus, est considérée comme plus caractéristique du type de représentation en jeu. Ainsi, une fréquence plus élevée de « d’accord » par rapport à « pas d’accord » traduit le caractère valorisant des représentations sociales de l’enseignant. A l’opposé, une fréquence plus élevée de « pas d’accord » par rapport à « d’accord » correspond à une représentation dépréciative de l’enseignant.

  1.  Echelle relative à l’implication personnelle

La deuxième échelle évalue l’implication personnelle des étudiant-e-s. Construite sous la forme d’une échelle de type likert, elle est composée de trois (03) dimensions. De manière opérationnelle, elle se présente comme suit :

  1. L’identification personnelle à l’objet (études)

Cette dimension correspond à la relation de proximité qu’entretient l’étudiant avec ses études. En d’autres termes, le degré par lequel celui-ci est concerné par ces études. On peut la mesurer sur une échelle allant de « je suis personnellement concerné » à « tout le monde est concerné ».

  1. La valorisation de l’objet (études)

La valorisation de l’objet, ou importance de l’enjeu, renvoie à l’importance de l’enjeu associé aux études. Elle peut être conçue comme une échelle allant de « c’est une question extrêmement importante » à « c’est une question sans importance ».

  1. La capacité perçue d’action sur l’objet (études)

La capacité perçue d’action, ou possibilité perçue d’action, fait référence au contrôle que l’étudiant peut exercer sur son travail/ses études, sur une échelle allant de « tout dépend de moi » à « je n’y peux rien ».

  1.  Procédure d’exploitation de l’échelle

En effet, chacune des dimensions se comporte comme une sous échelle de type likert avec plusieurs possibilités de réponses.

  1. Identification personnelle au travail

Quatre possibilités de réponses sont proposées pour cette sous-échelle :

  • Très concerné
  • Moyennement concerné
  • Peu concerné
  • Très peu concerné

Les réponses « très concerné et moyennement concerné » traduisent la bonne relation de proximité qu’entretient l’étudiant avec ses études. Par compte, les réponses « peu concerné et très peu concerné » indiquent le contraire.

  1. Valorisation de l’objet études
  2. Extrêmement importantes
  3. Importantes
  4. Peu importantes
  5. Pas du tout importantes

Les réponses « extrêmement importantes et importantes » renvoient à l’importance que l’étudiante accorde à ses études. A l’opposé, les réponses « peu importantes et pas du tout importantes » indiquent le contraire.

  1. Capacité perçue d’action sur l’objet
  2. Vous-mêmes
  3. Vos enseignants
  4. Vos parents

La réponse « vous-mêmes » indique le contrôle que l’étudiant peut exercer sur le déroulement de ses études. Par compte, les réponses « vos enseignants et vos parents » montrent le contraire.

2. Résultats

Deux types d’analyses sont effectués : une analyse descriptive qui permet de comprendre les tendances pour chaque item et une analyse croisée destinée à vérifier le lien entre nos deux variables.

2.1. Analyse descriptive des données

2.1.1. Représentation de l’enseignant

Tableau 2 : Représentation : statistiques par item

 Les enseignants …D’accordPas d’accord
1Sont sympathiques196 (76.6%)60 (23.4%)
2Ne motivent pas les élèves101 (39.5%)155 (60.5%)
3Sont des pédagogues (font bien leur cour)179 (69.9%)77 (30.1%)
4Ne sont pas assidus au cours102 (39.8%)154 (60.2%)
5Maîtrisent le contenu de leur cours210 (82%)46 (18%)
6Sont impartiaux (traitent tous les élèves de la même manière)106 (41.4%)150 (58.6%)
7Harcèlent les filles102 (39.8%)154 (60.2%)
8Sont patients avec les élèves144 (56.3%)112 (43.8%)
9Sont sévères avec les élèves177 (69.1%)79 (30.9%)
10Humilient souvent les élèves94 (36.7%)162 (63.3%)
11Sont agressifs104 (40.6%)152 (59.4%)
12Sont injustes89 (34.8%)167 (65.2%)

Source : Enquête de terrain 2020

De l’analyse du tableau n° 2 il ressort que, plusieurs items négatifs détiennent un taux de réponse « d’accord » très élevé. Cela sous-entend que nous sommes en présence d’une représentation de l’enseignant en général négative.

3.1.2. Implication personnelle

Tableau n°3 : Identification personnelle aux études

 EffectifsPourcentage
Très concerné Moyennement concerné Peu concerné Très peu concerné Total15660.94
4116.0
3614.0
228.6
256100.0

Source : Enquête de terrain 2020

L’observation du tableau montre que plus de la moitié des sujets interrogés se sentent très concernés par leurs études (156 sujets, soit 60.94%).

Tableau n°4:Valorisation de l’objet études

 EffectifsPourcentage
Extrêmement importantes Importantes Peu importantes Pas du tout importantes Total7930.7
11645.31
4718.3
135.1
256100.0

Source : Enquête de terrain 2020

Les statistiques du tableau indiquent que 116, soit 45.31% de l’échantillon d’étudiant-e-s interrogé-e-s considèrent les études importantes.

Tableau n°5 : Capacité perçue d’action sur les études

 EffectifsPourcentage
Vous-mêmes Vos enseignants Vos parents Total9838.28
8934.76
6926.95
256100,0

Source : Enquête de terrain 2020

De l’observation du tableau, on constate que 98 étudiant-e-s, soit 38.28% de l’échantillon interrogé estiment que leurs études dépendent d’eux-mêmes.

3.1. Analyse croisée des variables

Tableau n° 6 : Relation entre représentation et identification personnelle aux études

Identification personnelle aux étudesReprésentations de l’enseignant  Total
PositiveNégative
Forte  identification personnelle7396169
Faible  identification personnelle335487
Total106150256
Chi2 = 30.76    ddl =1    p = .05    Chi2 théorique = 3.84

Source : Enquête de terrain 2020

A 1 degré de liberté (ddl) et au seuil de probabilité .05, la valeur du Chi2 (30.76) calculé est supérieure à la valeur théorique (3.84). Il y a donc un lien statistiquement significatif entre la représentation que l’étudiant-e a de l’enseignant et son identification personnelle aux études. Notre hypothèse opérationnelle (H1) est donc confirmée.

Tableau n°7 : Relation entre représentation et valorisation de l’objet études

  Valorisation de l’objet étudesReprésentations de l’enseignant  Total
PositiveNégative
Forte  valorisation41102143
Faible  valorisation5360113
Total94162256
Chi2 = 15.49      ddl =1    p = .05    Chi2 théorique = 3.84

Source : Enquête de terrain 2020

A 1 degré de liberté (ddl) et au seuil de probabilité .05, la valeur du Chi2 (15.49) calculé est également supérieure à la valeur théorique (3.84). Il y a donc un lien significatif entre l’importance accordée aux études et la représentation qu’entretient l’étudiant-e de son enseignant. Notre deuxième hypothèse opérationnelle est également confirmée.

Tableau n°8 : Relation entre représentation et capacité perçue d’action sur les études

Capacité perçue d’action sur les étudesReprésentation de l’enseignant  Total
PositiveNégative
Forte  capacité perçue d’action5898156
Faible  capacité perçue d’action7624100
Total134122256
Chi2 = 2.78     ddl =1    p = .05    Chi2 théorique = 3.84

A 1 degré de liberté (ddl) et au seuil de probabilité .05, la valeur du Chi2 (2.78) calculé est inférieure à la valeur théorique (3.84). Il n’y a donc aucun lien entre la représentation qu’entretient l’étudiant-e de son enseignant et sa capacité d’action sur ses études. Notre troisième hypothèse opérationnelle n’est donc pas confirmée.

3. Discussion

L’analyse des données révèle que la dimension « identification personnelle aux études » de l’implication entretient un lien avec la représentation de l’enseignant (Voir tableau n°6). En nous appuyant sur le sens de notre première hypothèse opérationnelle, cela suppose que la motivation de l’étudiant à s’impliquer davantage dans ses études dépend, selon les résultats de cette étude, de sa représentation de l’enseignant.

Au niveau du tableau VII, les résultats montrent que l’importance de l’enjeu associé aux études (valorisation des études) dépend également de la représentation que l’étudiant entretient à l’égard de son enseignant, ce qui confirme notre deuxième hypothèse opérationnelle de recherche. De l’hypothèse 1 à 2, les analyses montrent que les cognitions sociales à propos de l’enseignant sont des vecteurs d’orientation du comportement d’implication des étudiants. Ces résultats montrent également que les représentations sociales sont prédictives de l’implication. Plusieurs autres études peuvent permettent de confirmer davantage ces résultats.

Selon P. Cres, l’activation d’un élément central d’une représentation peut être déterminée par un ensemble de facteurs : la finalité de la situation, le contexte d’énonciation, la réversibilité perçue de la situation et la distance à l’objet. L’implication s’intègre dans cette dernière (Dany).

Pour S. Baggio (16), l’implication personnelle joue un « rôle fondamental dans l’expression et la dynamique des représentations sociales » et, c’est cela qui en fait un facteur dont la prise en compte apparaît désormais primordiale dans l’analyse des processus intervenant dans l’organisation des formes de la pensée sociale et, en particulier, des représentations sociales. En effet, cette variable interviendrait sur la formation et la structuration des représentations (Flament et Rouquette) et pourrait aussi, à son tour, être affectée par la nature de ces dernières (Baggio; A. Gruev-Vintila). C’est dire que les représentations sociales sont également des agents modulateurs de l’implication.

Les résultats du tableau VIII indiquent qu’il n’existe aucun lien significatif entre la « capacité perçue d’action sur les études », troisième dimension de l’implication personnelle, et la représentation que l’étudiant entretient de l’enseignant. Notre troisième hypothèse opérationnelle est donc infirmée. Les résultats obtenus à ce niveau vont dans le sens opposé de notre hypothèse. Toutefois, nous ne pouvons affirmer avec certitude que cette dimension n’entretient aucune relation avec la représentation. Nous pouvons simplement noter que les étudiant-e-s interrogés dans notre contexte n’établissent aucun rapport entre responsabilité face aux études et représentations de l’enseignant. En effet, plusieurs autres hypothèses pourraient être émises. On pourrait, par exemple, dire que les étudiant-e-s ayant une représentation positive de leur enseignant estiment davantage que leurs études dépendent de lui, et celle-ci pourrait être confirmée.

Au-delà de tous ces aspects, il faut tout de même savoir que les résultats de cette étude n’obtiennent pas un écho favorable chez tous les chercheurs. En effet, pour V. Tinto, l’implication est une variable centrée sur l’intégration de l’étudiant. Pour l’auteur, la qualité des expériences vécues par l’étudiant au sein du milieu académique et social (l’intégration académique et sociale) peut modifier l’implication initiale de ce dernier. Il est donc essentiel de veiller à une bonne intégration de l’étudiant dès son arrivée à l’université. De même, Pascarella et Terenzini assimilent l’implication de l’étudiant à sa participation aux activités pédagogiques et aux relations qu’il entretient avec ses enseignants. Ces auteurs estiment que les activités qui permettent un meilleur développement scolaire et cognitif sont celles qui favorisent l’implication chez l’étudiant. Chez C.O. Baldé, la satisfaction des aspects annexes et de la qualité de l’enseignement sont les paramètres qui influencent significativement l’implication affective des étudiants. Aussi, bien qu’ils ne soient pas mis en avant dans cette étude, les résultats obtenus dans cette étude sont aussi essentiels dans l’analyse de l’implication des étudiants.

Conclusion   

L’objectif de notre analyse est de montrer que la représentation que l’étudiant a de l’enseignant influence son implication envers ses études. Sur les trois dimensions de l’implication mises en relation avec la représentation, les deux premières hypothèses se sont avérées confirmées. Cela suppose que l’importance accordée aux études et la volonté de s’y impliquer dépendent des opinions et croyances que chaque étudiant-e a de son enseignant. La troisième dimension (capacité perçue d’action) n’entretient aucun lien avec la représentation. Les résultats obtenus à ce niveau ne confirment pas notre hypothèse. Avant de songer à une extrapolation des résultats obtenus, il serait convenable de conforter ces derniers de manières suivantes : 

  • En étendant l’expérimentation à toutes les universités du pays.
  • En utilisant une technique d’échantillonnage plus élaborée
  • En prenant le soin de neutraliser un plus grand nombre de variables parasites

Toutefois, il faut retenir que les résultats de cette étude peuvent avant tout servir de base à la formulation de recommandations au niveau des pratiques d’enseignement et d’encadrement des étudiants.

Travaux cités

Abric, Jean Claude. Méthodes d’études des représentations sociales, Saint-agne, Erès, 2003.

Astin, Alexander W. Student Involvement: A Developmental Theory for Higher Education: An Empirical Typology of College Students, Journal of College Student Personnel, 25.4, (1984) : 297-308.

Baggio, Stéphanie. Pensée sociale et risques collectifs: Effets de l’implication personnelle sur la construction sociale des catastrophes naturelles. Unpublished thesis, Ecole doctorale 261, Cognitions, Comportements, Conduits Humaines, Université Paris Descartes, Paris, 2006.

Balde, Cheikh Oumar. Facteurs d’implication des étudiants et la gouvernance des universités : l’exemple du Sénégal. Thèse de doctorat. Université de Reims Champagne-Ardenne, 2011.

Côme, Thierry et Abdelilah Yassine. Accès régulé à l’Université et implication et motivation des étudiants : l’exemple du Maroc, Revue Gestion et Management Public, 3.4 (2015) : 5-26

Cres, Philippe. Représentation sociale des études et recherche exploratoire sur l’implication vis-à-vis des études, Diplôme d’Etat de Conseiller d’Orientation-Psychologue, Université de Provence, 2007.

Dany, Lionel. La drogue et le cannabis : approche psychosociale. Thèse de doctorat, Université de Provence, 2006.

Flament, Clade. Le questionnement lorsque l’on étudie les représentations sociales. Séminaire de laboratoire de recherche,  juin 2003. L.P.S. de Grenoble-Chambéry, 2003.

 Flament, Claude et  Michel-Louis Rouquette. Anatomie des idées ordinaires, Comment étudier les représentations sociales, Paris : Armand Colin, 2003.

Gruev-Vintila, Andreea. Dynamique de la représentation sociale d’un risque collectif et engagement dans les conduites de réduction du risque: Le rôle des pratiques, de l’implication et de la sociabilité. Unpublished thesis, Ecole doctorale 261, Cognitions, Université Paris Descartes, Paris, 2005.

Jodelet, Denise. Les représentations sociales. Paris: Les Presses universitaires de France, 1989.

Lis-Zonabend, Françoise. Lycéens de Dakar, essai de sociologie de l’éducation. Paris : Maspero, 1968.

Pascarella, Ernest T. et Patrick T. Terenzini. Comment le collège affecte les étudiants; v. 2: Une troisième décennie de recherche. San Francisco: Jossey-Bass, 2005.

Rateau, Patrick. Psychosociological anchoring and structural dynamics in social representations of the heterosexual/homosexual couple.Revue Suisse de Psychologie, 63. 1 (2004) : 43-51

Rouquette, Michel-Louis. La chasse à l’immigré : Violence, mémoire et représentations. Liège : Mardaga, 1997.

Schmitz, Julia, et al. Étude de trois facteurs clés pour comprendre la persévérance à l’université, Revue Française de Pédagogie, (3), 172 (2010) : 43-61.

Shagholi, Reihaneh, et al. The consequences of organizational commitment in education, Procedia Social and Behavioral Sciences, (15), (2011) : 246-250

Tinto, Vincent. Leaving College: Rethinking the Causes and Cures of Student Attrition, 2nd ed., Chicago: University of Chicago Press, 1993.

Comment citer cet article :

MLA : Kei, Mathias.  » Représentations sociales de l’enseignant et implication aux études : l’exemple des étudiant-e-s de l’UFHB d’Abidjan. » Uirtus 1.1 (août 2021): 261-276.


§ Université Felix Houphouët-Boigny, [email protected]

Abstract : Représentations sociales de l’enseignant et implication aux études : l’exemple des étudiant-e-s de l’UFHB d’Abidjan

This article analyzes the impact of teacher representation on study engagement among ndergraduate students enrolled in of Criminology and General Economics at Félix Houphouët-Boigny University. Analysis of data collected by questionnaire from 256 subjects reveals that the dimensions « personal identification with studies » and « valuation of studies » have significant links with the representation of the teacher. In other words, the student’s representation of his teacher plays a fundamental role in his involvement in the dimensions indicated. Regarding the dimension « perceived ability to act on studies », the results invalidate our hypothesis. There is therefore no link between this dimension and the representation of the teacher. However, the results obtained allow recommendations to be made in terms of teaching and supervision practices for students in order to promote their involvement in studies.

Keywords: Representation, Teacher, Student, Personal Involvement

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