Résumé (Perception de la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou)

Perception de la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou

Noémie Lucrèce Hountondji§

&

Guy Sourou Nouatin

Résumé : Cette étude analyse la perception des usagers et des prestataires sur la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou. Il en découle que, 5% des usagers enquêtés sont très satisfaits du service d’eau, 76% sont satisfaits et 19% sont non satisfaits. Cependant, les usagers déplorent la fréquence et la durée de réparation des pannes au niveau de certains forages. Par ailleurs, la perception des usagers est influencée par la qualité, l’accessibilité à l’eau potable, la fréquence et la durée de réparation des pannes.

Mots-clés : Eau potable, Qualité de service, Perception, Usagers, Prestataires de services, Parakou.

Abstract: This study analyzes the perception of users and service providers on the quality of drinking water services in the outlying localities of the commune of Parakou. It shows that, 5% of users surveyed are very satisfied with the water service, 76% are satisfied and 19% are not satisfied. However, users deplore the frequency and duration of breakdowns in some boreholes. Furthermore, users’ perception is influenced by the quality, accessibility to drinking water, frequency and duration of breakdowns.

Keywords: Drinking water, Quality of service, Perception, Users, Service providers, Parakou.

Introduction

L’accès aux services d’eau potable constitue un défi majeur pour les pays en développement. En effet, la mise à disposition de l’eau potable au robinet nécessite son captage, son traitement et sa distribution. Toutes ces opérations exigent des moyens techniques et financiers très couteux, ce qui rend son acquisition difficile pour les pays en développement en général et le Bénin en particulier.

Au Bénin, la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB) est la seule société nationale de production et de distribution d’eau potable. Elle ne couvre pas l’ensemble du pays et son mandat ne s’arrête qu’aux milieux urbain et péri-urbain. La satisfaction des besoins en eau de boisson dans les zones rurales est donc à la charge des communes.

Le secteur de l’eau potable en zones rurales a été marqué dans un premier temps par :

Le retrait de l’état à la suite des programmes d’ajustement structurel au début des années 1990 mais aussi du bilan de la décennie internationale de l’eau potable et l’assainissement lancé en 1981 à l’initiative de l’ONU qui a dénoncé la trop grande centralisation des décisions en matière de gestion de l’eau et le manque d’implication des populations dans cette gestion. (Hounmenou 11)

Dans un second temps, à la suite de la décentralisation, les communes sont devenues propriétaires des points d’eau mais la délégation de leur gestion à des opérateurs privés était fortement encouragée par les décideurs.

Ces réformes du secteur de l’eau potable en milieu rural et semi-urbain au Bénin, comme l’ont montré Baron Catherine et Maillefert Muriele, ont globalement suivi les recommandations des agences d’aide internationale, en conformité avec le « référentiel marchand » de l’eau (Valette et al. 113). Celui-ci est caractérisé par les principes de la décentralisation, la délégation, la tarification de l’eau et la participation des acteurs dans la gestion.

« Actuellement le secteur d’approvisionnement en eau potable constitue une des priorités nationales » (Jérôme 373). A cet effet, de nombreux efforts sont consentis aussi bien par le gouvernement et les partenaires au développement pour fournir de l’eau potable aux communautés aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain. C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’actualisation du document de la stratégie nationale d’approvisionnement en eau potable en milieu rural et la création de l’Agence Nationale pour l’Approvisionnement en Eau Potable en Milieu Rural (ANAEPMR).

Les communes sont donc responsables de la connaissance du patrimoine, de la planification communale, de la réalisation des investissements et de la gestion des infrastructures d’approvisionnement en eau potable en milieu rural, comprenant la délégation du service public de l’eau potable à des structures professionnelles :

Elles assurent le suivi décentralisé du service public de l’eau potable. L’ANAEPMR, quant à elle, assure la maitrise d’œuvre nationale des réalisations             d’infrastructures d’Approvisionnement en Eau Potable (APE) en milieu rural. En tant que structure unique chargée de la mise en œuvre de la politique, des stratégies de l’Etat et des projets d’infrastructures en matière d’approvisionnement en eau potable en milieu rural, sa mission est d’initier, de programmer, de faire réaliser et de suivre les travaux d’infrastructures. (MEEM 8)

Au regard de toutes ces réformes, il convient d’analyser la perception des acteurs sur les différentes actions qui sont entreprises pour assurer l’accès à l’eau potable. Ce document analyse la perception des usagers et des prestataires sur la qualité des services d’eau potable fournis dans quatre villages périphériques de la commune de Parakou.

1. Approche théorique de la perception

La perception fait l’objet d’une longue tradition de recherche en psychologie, plus précisément dans le champ de la psychologie sociale.

Selon Bonnet Claude, « ces recherches s’attachent à la question de la perception d’autrui et mettent en évidence des concepts fondateurs comme la dissonance cognitive ou la catégorisation » (Poutier and Billaudeau 833).

Le courant cognitivisme développé par Bruner Jerome est l’un des fondements de la psychologie cognitive. Bruner revendique « l’importance dans la perception de facteurs top-down (aussi appelés descendants) liés au sujet tels que l’expérience antérieure, l’éducation, la personnalité, les émotions, les valeurs, et les mobiles » (Poutier and Billaudeau 833).

Ces facteurs top-down s’opposent aux facteurs bottom-up (ou ascendants) liés aux stimuli et à l’environnement, qui selon Bruner  ne suffisent pas à déterminer la perception. Il est d’usage de distinguer les approches dites cognitivistes qui s’intéressent aux processus bottom-up d’extraction d’information de l’environnement, utilisées dans une perspective de traitement de l’information et ainsi centrée sur le stimulus, et les approches dites cognitives qui étudient aussi les processus top-down liés aux connaissances antérieures du sujet : effets de mémoire, de contexte et de sens et ainsi centrées sur le sujet. Les facteurs top-down jouent un rôle décisif dans les situations où le stimulus est ambigu ou à peine perceptible. Bruner oriente la perception dans une perspective cognitive, il considère qu’elle dépend aussi de la tâche que réalise le sujet ainsi que de l’orientation cognitive du sujet (intérêt porté à la réalisation, motivation, etc.).

L’individu est toujours dans un état de préparation, appelé état central directif, qui oriente la construction de la perception en fonction de ses expériences antérieures. Ainsi toute expérience perceptive est catégorielle, inférentielle et prédictive.

Percevoir revient à catégoriser et l’inférence sur la catégorie d’appartenance se fait à partir d’indices ou propriétés présentes dans la stimulation. La perception va donc au-delà de l’information présente puisqu’elle permet d’effectuer des prévisions quant aux autres propriétés de l’objet que celles qui ont permis l’inférence. Nous retenons des travaux de Bruner la nécessité de prendre en compte les processus top-down tels que les effets de mémoire et de contexte :

La perception dépend d’un système de catégories en fonction desquelles on classe les stimuli, leur donne une entité et une signification. Au-delà des différences terminologiques sur le concept de représentation, il semble y avoir un consensus implicite (sensation, pensée, jugement) sur le rôle que revêt ce concept dans le processus de décision individuelle. Processus qui mène au comportement selon les étapes suivantes : lorsque l’individu rencontre des stimuli pouvant satisfaire ses besoins (perception), il les interprète en fonction de ses représentations (schéma de référence), puis les évalue favorablement ou défavorablement (attitudes) et adopte donc une prédisposition pour y répondre (intentions) qui le conduira à s’engager ou non en réponse à ses besoins initiaux. (Poutier and Billaudeau 835)

Par ailleurs, (Bloom) dans sa taxonomie, a défini six niveaux d’apprentissage correspondant chacun à un ensemble de verbe d’action :

  • La connaissance : ce premier niveau d’apprentissage consiste à manipuler l’information de façon basique. Lors de cette étape nous allons chercher à voir si les usagers connaissent les services d’eau potable et les prestataires de service.
  • La compréhension : ce niveaucorrespond à un traitement de l’information. Pour l’auteur, un individu qui a compris est capable de restituer l’information en la reformulant ou en donnant un exemple. Nous allons utiliser cette étape pour voir le niveau de compréhension des usagers par rapport aux services d’eau potable. Ainsi, nous allons voir comment les usagers arrivent à interpréter et expliquer les services d’eau potable. Il permettra également d’apprécier la compréhension des prestataires sur l’accès de tous à l’eau potable en permanence.
  • L’application: ce niveau consiste pour l’apprenant à mettre en pratique une règle, une méthode, ou à mobiliser des connaissances dans une situation ordinaire. Au cours de cette étape, nous allons voir comment les usagers utilisent les services d’eau potable et comment les prestataires assurent le service.
  • L’analyse : avec ce niveau, on travaille à présent au niveau de l’outil : la règle, la méthode. On cherche à comprendre quelles sont ses composantes et comment elle fonctionne. Cette étape nous aidera donc à catégoriser les services d’eau potable fournis aux usagers.
  • La synthétise ou la création : pour l’auteur, lorsque dans une situation spécifique les règles et les méthodes habituelles ne fonctionnent plus, il faut rectifier les outils existants ou en proposer des nouveaux. La conception d’outils et de nouvelles théories relève du niveau CREER.
  • L’évaluation : ce niveau relève du jugement. L’usager ou le prestataire s’exerce ici à faire des hypothèses et à estimer les qualités d’un produit à partir de critère. A ce niveau, nous allons voir comment les acteurs apprécient les services fournis et aussi les critères qui les poussent à les utiliser.

Cette approche théorique a contribué à comprendre la perception des usagers et des prestataires des services d’approvisionnement en eau potable, d’évaluer le niveau de satisfaction des usagers. Il a permis également d’identifier les facteurs qui influencent la perception des usagers.

2. Méthodologie

2.1. Zone d’étude

Cette étude a été menée dans les villages périphériques de la commune de Parakou plus précisément dans les villages de Tourou, Bakpérou, Korobororou et à Komiguéa (Commune de N’Dali), distant de 12 Km du centre-ville de Parakou.

La commune de Parakou bénéficie d’un climat tropical humide de type soudanien caractérisé par l’alternance d’une saison des pluies de mai à octobre et d’une saison sèche de novembre à avril (Djohy 60). Les hauteurs annuelles de pluie varient entre 1000 et 1200 mm. Les plus basses températures à Parakou sont enregistrées entre décembre et janvier, alors que le maximum des précipitations survient entre juillet, août et septembre. Le régime des vents est assez différencié suivant la latitude. Pendant la saison sèche, l’harmattan souffle du Nord-est. Il est responsable de la baisse brutale de l’humidité relative à compter du mois de décembre.

Les cours d’eau de la ville de Parakou sont tributaires de l’alternance des saisons climatiques. Ces cours d’eau restent quasiment secs de février à mai. Outre ces cours d’eau temporaires, la ville de Parakou est drainée à l’Est par la rivière de l’Okpara (affluent du l’Ouémé) qui est un cours d’eau permanent. La rivière de l’Okpara est le cours d’eau le plus important et la principale source d’approvisionnement en eau potable de la ville de Parakou.

Dans la perspective de la décentralisation et pour assumer sa fonction de capitale régionale, la commune de Parakou est aussi appelée à être le modèle en matière de politiques cohérentes qui placent le continuum rural-urbain au cœur du développement local. A cet effet, l’accès au service d’eau potable dans les zones périphériques constitue un enjeu majeur pour les autorités communales. C’est dans ce cadre que nous avons porté notre choix sur cette commune afin d’analyser la perception des usagers et des prestataires sur la qualité des services d’eau potable fournis.

Figure 1: Localisation géographique des villages ciblés par l’étude

2.2. Groupes cibles

Les unités d’observation sont constituées des usagers et des prestataires des services d’eau potable.

Quatre villages périphériques de Parakou ont été sélectionnés par tirage au sort, à raison d’un village par point cardinal (nord, sud, est et ouest). Ces derniers sont : Tourou, Bakpérou, Korobororou et Komiguéa. Après le choix des villages, un recensement des points d’eau potable publics a été effectué au niveau de chaque village. Au total, cinquante-un points d’eau ont été recensés. Ensuite, une sélection de façon aléatoire de dix points d’eau a été effectuée. Le choix s’est basé sur la fonctionnalité du point d’eau pendant la période d’enquête. De ce fait, le prestataire de service de l’ouvrage d’approvisionnement en eau choisi est systématiquement sélectionné. La méthode d’échantillonnage par boule de neige a été utilisée pour rencontrer les usagers des ouvrages d’approvisionnement en eau. Au total cent (100) usagers et dix (10) prestataires de services d’approvisionnement en eau potable ont été enquêtés dans les quatre villages. Le tableau 1 présente le point des unités d’observation par village.

Tableau 1 : Répartition des enquêtés en fonction des villages et localités

VillagesLocalités des points d’eauEffectifs
UsagersPrestataires de service
TourouGuinlérou101
Kaborou Gah101
Monnon101
KorobororouKorobororou Ecole101
Korobororou  Arabe101
Korobororou Palais royal101
Bakpérou  Kpètékpétérou Mosqué101
Gbiri N’Kparou101
KomiguéaKomiguéa Marché101
Komiguéa Magasin101
Total10010

Source : Donnée de terrain, août 2021

2.3. Données collectées, méthodes de collecte et d’analyse des données

Les données sur les caractéristiques sociodémographiques des usagers, leurs attentes, les expériences passées dans le service d’eau, la qualité de l’eau, l’appréciation du service d’eau, les difficultés rencontrées, les avantages et inconvénients des services d’eau potable qui sont fournis, le niveau de satisfaction des usagers à l’égard du service d’eau fourni, la fréquence et la durée de réparation des pannes, ont été collectées. En ce qui concerne les prestataires de service, les données sur leurs caractéristiques sociodémographiques, leurs perceptions sur la qualité de leurs services par rapport aux attentes des usagers : pensent-ils que ces services sont conformes aux attentes des usagers ou vont au-delà des attentes des usagers ou sont en deçà des attentes des usagers ?, ont été collectées.

La collecte des données a consisté à des entretiens semi structurés, entretiens structurés, des entretiens individuels, des focus group et l’observation participante. Les données ont été collectées à l’aide d’un guide d’entretien et des questionnaires.

Les informations recueillies ont été analysées à l’aide du tableur Excel pour la réalisation des statistiques descriptives et le test de Khi 2 à l’aide du logiciel SPSS.

3. Résultats

3.1. Caractéristiques sociodémographiques des acteurs (usagers et prestataires)

  • Usagers

Les caractéristiques socio-économiques des usagers enquêtés sont présentées dans le tableau 2.

Tableau 2 : Caractéristiques socio-économiques des usagers

CaractéristiquesModalités%
SexeFéminin99
Masculin1
Niveau d’instructionAucun79
Alphabétisé1
Primaire9
Secondaire11
Groupes socio-culturelsNagot2
Bariba80
Dendi1
Peuhl13
Autres4
AgeMinimum15
Maximum55
Moyenne31.96
Ecart type7.32

De l’analyse de ce tableau, il ressort que les usagers sont d’ethnie Bariba (80%), suivi des peuhls (13%). Les nagots (2%) et dendi (1%) sont en faible proportion. Ce constat va dans le sens des proportions et de la représentation des groupes ethniques à Parakou. Les femmes sont majoritairement les usagers des services d’eau. En effet, 99% des usagers enquêtés sont des femmes. Cette remarque se justifie par le fait que l’activité de corvée d’eau est généralement l’apanage des femmes. Aussi, dans les coutumes Bariba et Peulh (groupes ethniques majoritaires des enquêtés), l’activité de corvée d’eau est-elle exclusivement réservée aux femmes. De plus, les usagers des sources d’approvisionnement en eau potable des localités d’enquête sont très peu instruits. Sur cent (100) usagers, soixante-dix-neuf (79) soit 79% n’ont pas mis pied à l’école, 1 % est alphabétisé en langue bariba, 9 (9%) ont fait l’enseignement primaire, 11 (11%) ont fait l’enseignement secondaire. L’âge moyen des usagers enquêtés est de 32 ans et l’écart entre les âges est proche de 8 ans. Il ressort aussi du tableau que l’âge maximum est de 55 ans et l’âge minimum est 15 ans. On déduit que les usagers de notre échantillon sont jeunes pour la plupart.

  • Prestataires de service d’eau

La gestion du service d’eau dans les localités est confiée à des prestataires de service qui assurent la fourniture de l’eau aux populations. Le tableau 3 présente les caractéristiques des prestataires de service d’eau au niveau de chaque localité.

Tableau 3: Caractéristiques sociodémographiques des prestataires de service d’eau

Au niveau des différentes localités d’enquête, les prestataires du service d’eau sont tous des hommes. Ils sont pour la plupart d’ethnie bariba. C’est seulement au niveau de la localité de Kaborou Gah que le prestataire est peulh. Par ailleurs, parmi les prestataires de service d’eau enquêtés, la majorité (5 sur 10) n’a aucun niveau d’instruction. Pour le reste, trois (03) ont le niveau primaire et deux (02) ont le niveau secondaire.

L’expérience dans le service d’eau varie d’une localité à une autre. Les prestataires de service au niveau des localités de Korobororou Ecole et Kpètékpétérou mosquée sont plus anciens dans le service d’eau. Les prestataires de service de Komiguéa Magasin et Komiguéa Marché, sont aussi anciens dans la fourniture du service d’eau. Par contre les prestataires au niveau des localités de Gbiri N’Kparou, Kaborou Gah, Korobororou palais royal, Korobororou Arabe et Guinlérou sont jeunes dans la fourniture du service. Quant à la localité de Monnon, la fourniture du service d’eau est récente pour le prestataire.

L’âge minimum d’expérience dans la fourniture du service d’eau est de quatre (04) mois et l’âge maximum est de quinze (15) ans.

3.2. Attentes des usagers par rapport au service d’eau

Les usagers des différentes localités de cette étude ont exprimé comme principale attente par rapport au service d’eau, l’accès à l’eau en permanence. Cela se justifie par l’importance de l’eau dans la vie quotidienne de tout être humain. Une des usagers de la localité de Guinlérou a déclaré : « Sans l’eau pratiquement aucun être vivant ne pourra survivre sur la terre. Nous savons que pour l’entretien des pompes, il faut de l’argent et nous sommes prêts à acheter l’eau mais nous exigeons qu’il soit disponible en permanence ».

Cela montre l’importance de l’eau dans la vie quotidienne de l’être humain et aussi l’adhésion des populations au principe de tarification de l’eau et son paiement systématique au volume.

Mais sur les cent (100) usagers enquêtés, seulement 36% ont déclaré que le prestataire de service a collecté les attentes avant la fourniture du service d’eau. On en déduit que les services d’eau fournis prennent peut-être en compte les attentes de 36% des usagers et que 64% des usagers s’accommodent aux services qui leurs sont fournis.

3.3. Appréciation du service d’eau

La figure 2 présente l’appréciation des usagers par rapport au service qui leur est fourni.

Figure 2 : Appréciation du service d’eau par les usagers

Il ressort de cette figure que, 50% des usagers enquêtés au niveau de Gbiri N’Kparou sont très satisfaits du service d’eau qui leur est fourni, les 50% restants sont satisfaits du service. Tous les usagers enquêtés au niveau des localités de Kaborou Gah, Korobororou Ecole, Korobororou Palais royal et Monnon sont satisfaits du service d’eau. Au niveau de la localité de Kpètékpétérou, 90% des usagers enquêtés sont satisfaits du service d’eau et 10% sont non satisfaits. En ce qui concerne la localité de Komiguéa Magasin, 80% des usagers sont satisfaits et 20% sont non satisfaits. Quant à Komiguéa Marché, 70% des usagers sont satisfaits du service contre 30% non satisfaits. Par contre, tous les usagers enquêtés au niveau de Korobororou Arabe sont non satisfaits du service d’eau qui leur est fourni.

En général, 5% des utilisateurs des services d’eau sont très satisfaits du service, 76% sont satisfaits et 19% non satisfaits du service d’eau fourni.

La satisfaction des usagers est liée à la conformité du service d’eau à leurs attentes. On déduit donc que les services d’eau fournis sont au-delà des attentes de 5% d’usagers, conforment aux attentes de 76% d’usagers et en dessous des attentes de 19% d’usagers. Les services d’eau fournis sont alors pour la plupart en conformité avec les attentes des usagers. 

Les prestataires de service estiment également, dans leur ensemble, que le service qu’ils fournissent est satisfaisant. Au niveau de Korobororou Arabe, malgré la non-satisfaction des usagers, le prestataire estime aussi qu’il fournit un service satisfaisant. A cet effet, il a déclaré :

Je fais de mon mieux pour satisfaire les usagers mais c’est la mairie qui ne respecte pas ses engagements selon lesquels les grandes réparations en cas de pannes sont à sa charge. Car au niveau de la pompe, l’artisan réparateur avait diagnostiqué une cassure au niveau des tuyaux ce qui rend l’eau boueuse et le débit faible. Mais depuis que nous avons informé la mairie, rien de concret n’est fait et les recettes à mon niveau sont insuffisantes pour couvrir les charges de réparation. Aussi certains usagers ne maitrisent pas les techniques de puisage or une mauvaise manipulation de la pompe est susceptible d’occasionner fréquemment des pannes.

Au regard de ces déclarations, on note un certain manque de responsabilité du prestataire de service et aussi de la mairie dans l’assurance de la continuité du service d’eau.

3.4. La fréquence des pannes et leur durée

L’approvisionnement en eau au niveau des forages est parfois interrompu pour cause de panne. Le tableau 4 présente la fréquence des pannes et leur durée au niveau des forages. Il faut noter que ces fréquences des pannes enregistrées se sont focalisées sur le prestataire de service actuel des forages au niveau de chaque localité.

Tableau 4: Fréquence et durée des pannes

LocalitésFréquence des pannesDurée de réparation
Kaborou GahPas de pannePas de panne
Korobororou Palais royalPas de pannePas de panne
korobororou Arabe2 fois dans un trimestrePlus d’une semaine
Guinlérou1 fois dans un trimestreUne demi-journée
Gbiri N’kparou1 fois dans un trimestreUne demi-journée
Kpètékpétérou Mosquée1 fois dans un trimestreUne journée
Korobororou Ecole1 fois dans un trimestreUne journée
Komiguéa Magasin1 fois dans un trimestreTrois jours
Monnon2 fois dans un trimestreUne journée
Komiguéa Marché2 fois dans un trimestreUne semaine

On remarque de ce tableau que l’eau des forages n’est pas tout le temps disponible pour les besoins des usagers. Aussi les pannes sont récurrentes surtout au niveau des localités de Korobororou Arabe, Komiguéa Marché et de Monnon. Cependant la plupart des prestataires de service d’approvisionnement en eau potable font des efforts pour assurer la continuité du service. Cela est retracé à travers la durée de réparation en cas de pannes. Mais la durée de réparation au niveau des localités de Komiguéa Marché, Komiguéa Magasin et Korobororou Arabe, dénote l’interruption du service d’eau sur une longue période.

La réparation des pannes est assurée par le prestataire de service ou la mairie. En cas de panne, l’artisan réparateur de la localité est invité par le prestataire de service pour identifier les causes de la panne et fait un devis pour la réparation. Si le coût estimatif de la réparation est inférieur à cinquante mille (50000) francs CFA, il revient au prestataire de service d’eau d’assurer la réparation mais quand le coût de la réparation est supérieur à cinquante mille (50000) francs CFA, l’information est remontée au niveau de la mairie qui est chargée d’assurer la réparation dans de tels cas. Cette intervention de la mairie concerne seulement les forages qui sont dans un contrat d’affermage.

Notons que dans la zone d’étude, deux principaux modes de gestion des forages ont été identifiés de nos enquêtes. Il s’agit de la gestion communautaire et de l’affermage. Au niveau de la localité de Monnon, le mode de gestion est la gestion communautaire. Par contre au niveau des localités de Korobororou Ecole, Korobororou Palais royal, Korobororou Arabe, Komiguéa Magasin, Komiguéa Marché et Guinlérou, le mode de gestion est l’affermage. Et au niveau des localités de Kaborou Gah, Gbiri N’kparou et Kpètékpétérou le mode de gestion est aussi l’affermage mais sous-entendu « délégation communautaire ». La gestion communautaire est caractérisée par la gestion du forage par un comité mis en place au sein de la communauté. Les membres du comité de gestion sont généralement élus en assemblée générale villageoise. Les comités de gestion sont souvent constitués d’un président, d’un secrétaire, d’un trésorier et d’un responsable à l’hygiène. Ils assurent la gestion du service d’eau, le fonctionnement, l’entretien et les réparations en cas de panne. Quant à l’affermage, il consiste à la signature d’un contrat de délégation de la gestion du forage entre la mairie et un prestataire de service sélectionné à la suite d’un appel à concurrence. La commune est propriétaire et responsable des ouvrages d’approvisionnement en eau. Quant au prestataire de service, il exploite le forage et vend l’eau aux consommateurs à un tarif fixé par le contrat. Il assure le fonctionnement, l’entretien courant et la maintenance du forage. Il a pour obligation de verser une redevance mensuelle à la mairie. Dans les clauses du contrat, il est aussi prévu en ce qui concerne les réparations en cas de pannes, que les petites réparations sont à la charge du prestataire et s’agissant des grandes réparations (d’un montant supérieur ou égal à cinquante mille (50.000) francs CFA), elles sont à la charge de la mairie. Mais en ce qui concerne l’affermage / délégation communautaire, il consiste à l’existence d’un comité de gestion au sein de la communauté et un membre du comité signe le contrat d’affermage avec la mairie suivant les mêmes clauses ci-dessus.

L’affermage implique un lien entre le prestataire de service et la mairie et dans le cadre de la gestion communautaire, il n’y a pas de lien entre le prestataire de service et la mairie.

3.5. Facteurs influençant la perception des usagers sur la qualité des services d’eau

Pour apprécier la relation entre la perception des usagers et les raisons d’utilisation des forages, la qualité de l’eau, la fréquence des pannes et la durée avant réparation en cas de panne, nous avons réalisé des tests de Khi 2. Le tableau 5 fait la synthèse des tests.

Tableau 5: Facteurs influençant la perception des usagers sur la qualité des services d’eau

3.6. La perception des usagers et la raison motivant l’utilisation des forages

Le tableau de contingence réalisé entre la perception des usagers et les raisons motivant l’utilisation des forages révèle qu’il existe une interaction relationnelle entre les deux variables. Celle-ci est hautement significative au seuil de 1% avec la probabilité p=0,000 et un degré de liberté égale à 6. De plus, 75% des usagers s’approvisionnement en eau au niveau des forages à cause de la meilleure qualité de l’eau. Par contre 9% utilisent les forages pour l’approvisionnement parce que dans leur milieu, c’est la source d’eau qui est utilisée. Mais 16% les utilisent à cause de la facilité qu’ils permettent pour l’approvisionnement en eau. On remarque que la qualité de l’eau des forages est la principale raison qui motive les usagers à s’approvisionner au niveau des forages. Cela pourrait se justifier par la garantie de l’eau sûre qu’offrent les forages. Aussi, les propos de certains usagers : « l’eau du forage contribue à la préservation de notre santé car depuis que nous avons laissé la consommation de l’eau de puits et du marigot, certaines maladies telles que les diarrhées sont moins fréquentes. Nous pensons que l’eau du forage y a contribué », attestent la potabilité de l’eau des forages.

3.7. La perception des usagers et la qualité de l’eau

Le tableau ci-dessus nous montre qu’il y a une forte relation entre la perception des usagers et la qualité de l’eau car la probabilité p=0.000 est inférieur au seuil de 1% avec un degré de liberté égale à 6. Aussi, pour 31% des usagers, l’eau desservie par les forages est de très bonne qualité, pour 59%, la qualité est bonne et 10% apprécient l’eau desservie de mauvaise qualité. On retient que la qualité de l’eau influence la perception des usagers.

3.8. La perception des usagers et la fréquence des pannes

D’après l’analyse du tableau, il existe une relation positive entre la perception des usagers et la fréquence des pannes au niveau des forages. La probabilité P=0,000 est hautement significative au seuil de 1% avec un degré de liberté égale à 6. De plus, 20% des usagers n’ont pas constaté de pannes au niveau des forages. Selon 44% des enquêtés, il y a une panne dans un trimestre au niveau des forages. Pour 32%, il y a deux fois de panne au niveau des forages dans un trimestre et pour 4%, il y a au moins trois fois de panne dans un trimestre. On conclut que la fréquence des pannes influence la perception des usagers sur la qualité des services d’eau.

3.9. La perception des usagers et la durée avant la réparation des pannes

Le tableau montre qu’il existe une relation positive entre la perception des usagers et la durée avant la réparation des pannes. La probabilité P=0,000 est hautement significative au seuil de 1% avec un degré de liberté égale à 12. On conclut donc que la durée avant la réparation des pannes influence la perception des usagers sur la qualité des services d’eau.

4. Discussion

La présente étude a porté sur l’analyse de la perception des usagers et des prestataires sur la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou. Cette étude a trouvé que la perception (satisfaction) des usagers est influencée par la capacité des services d’eau à satisfaire leurs besoins et leurs avantages qui sont entre autres la qualité de l’eau, les raisons motivant l’utilisation des forages pour l’approvisionnement en eau, la fréquence et la durée de réparation des pannes. Ces résultats vont dans le même sens que le modèle de dis-confirmation proposé par Oliver Richard qui stipule que « la satisfaction est le résultat de la comparaison entre les attentes préalables et la performance perçue du produit ou du service » (Ladhari 176). Ce modèle met en exergue trois principaux construits que sont : les attentes préalables du consommateur en rapport avec le produit ou le service ; le jugement porté sur la performance du produit ou du service au cours de l’expérience de consommation ; et la dis-confirmation qui résulte de la comparaison entre la performance et les attentes. L’attente préalable des usagers est la satisfaction de leurs besoins quantitatifs et qualitatifs en eau par le service d’approvisionnement en eau potable. Le jugement porté sur la performance du service prend en compte les raisons motivant l’utilisation des forages pour l’approvisionnement en eau et les facteurs tels que la qualité de l’eau, le coût, la distance entre la pompe et le domicile, la disponibilité en permanence du service (la fréquence des pannes et la durée de réparation). Cela est aussi confirmé par les travaux de (Porcher et Goumiri 2) qui ont trouvé à travers leur étude sur «la satisfaction des usagers des services public locaux : une étude sur les dix plus grandes villes françaises » que les niveaux de satisfaction semblent être expliqués par le niveau de qualité de service offert pour chaque service public.

En ce qui concerne les prestataires de services, tous ont une perception positive par rapport à la qualité du service fourni. Cela pourrait s’expliquer par leur rôle de fournisseur de service. En effet, Bruner Jerome considère que « la perception dépend aussi de la tâche que réalise le sujet ainsi que de l’orientation cognitive du sujet (intérêt porté à la réalisation, motivation, etc.) » (Poutier and Billaudeau 832).

Conclusion

L’amélioration de l’accès à l’eau potable nécessite la mise en place d’un service d’eau potable performant et durable. Cette étude portant sur la perception de la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou, a révélé que la perception des usagers est influencée par la qualité de l’eau, la facilite d’accès à l’eau, la fréquence et la durée de réparation des pannes.

Une attention importante doit être donc accordée à l’organisation des activités de service d’eau potable. Aussi, pour améliorer la qualité des services d’eau, faudra-t-il travailler à réduire les pannes et les durées de réparation des ouvrages d’approvisionnement et veiller sur la qualité de l’eau. Pour ce faire, les recherches futures pourraient appréhender la cohérence entre les politiques publiques et les logiques sociales ainsi que les modes de gestion des ouvrages d’eau potable en milieu rural et péri-urbain.

Travaux cités

Bloom, Benjamin., 1956. Taxonomie des objectifs pédagogiques–livre I : domaine cognitif. Presse L’université Qué.

Djohy, Gildas Louis., 2017. « Stratégie d’adaptation des maraîchers face à la déplétion des ressources en eau dans un contexte de changements climatiques dans la Commune de Parakou (Nord-Bénin) ». Ann. UP, Série Sci. Nat. Agron 8.

Hounmenou, Bernard., 2006. « Gouvernance de l’eau potable et dynamiques locales en zone rurale au Bénin ». Dév. Durable Territ. Économie Géographie Polit. Droit Sociol.

Jérôme, Orounla Kotchikpa., 2018. « Transfert De Compétences Et De Ressources Dans Le Secteur De L’eau Potable Dans La Commune De Ouinhi Au Sud-Est Du Bénin ». 372–390. https://doi.org/10.19044/esj.2018.v14n21p372.

Ladhari, Riadh., 2005. « La satisfaction du consommateur, ses déterminants et ses conséquences ». Rev. Univ. Monct. 36, 171–201. https://doi.org/10.7202/014503ar

Ministère de l’Energie de l’Eau et des Mines (MEEM), 2017. Stratégie nationale d’approvisionnement en eau potable en milieu rural 2017-2030. Cotonou.

Porcher, Simon., Goumiri, Aziz., 2019. « La satisfaction des usagers des services publics locaux : une étude sur les 10 plus grandes villes françaises ». Halshs-02408525.

Poutier, Elisabeth., Billaudeau, Valérie., 2015. « Perception des bénéficiaires de Microcrédit Personnel Garanti (Mpg) au sein d’un territoire : l’exemple du Crédit Municipal de Nantes ». Rev. DEconomie Reg. Urbaine Décembre, 829–852.

Valette, Héloïse., Gangneron, Fabrice., Bonnassieux, Alain., 2017. « L’intégration et la mise en œuvre des principes marchands dans le secteur de l’eau en milieu rural et semi-urbain béninois. Une analyse des réformes et des pratiques ». Anthropol. Dév. 113–142.

Comment citer cet article :

MLA : Hountondji, Noémie Lucrèce et  Nouatin, Guy Sourou. « Perception de la qualité des services d’eau potable dans les localités périphériques de la commune de Parakou ». Uirtus 2.1.(avril 2022): 133-152.


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