Résumé (Histoire de la paroisse Saint Gabriel de Botro de 1969 à 2020)

N’guessan Bernard Kouamé§

Résumé : Botro est une localité de l’espace – nord du Baoulé. Cette localité a reçu  tardivement la visite des missionnaires. C’est en 1969 que la paroisse a été  implantée. Elle fut l’œuvre des missionnaires partis de Bouaké qui bénéficièrent de soutien extérieur.  L’implantation n’a pas été facile, car le site qui leur a été alloué était  difficile d’accès. Malgré les difficultés, les missionnaires ont réussi à atteindre leur objectif, celui d’implanter la paroisse. Ils ont usé donc d méthodes efficaces et de stratégies adéquates pour réussir  la conversion de la population ancrée dans le fétichisme. En conséquence, plusieurs transformations s’opérèrent au sein de la société avec pour corollaire l’intensification de la cohésion sociale.

Mots-clés : Botro, Évangélisation,  Implantation, Méthodes, Sensibilisation

Abstract: Botro is a locality in the northern part of the Baule region. This locality received the visit of missionaries late in life. It was in 1969 that the parish was established. It was the work of missionaries from Bouaké who benefited from external support.  The establishment was not easy because the site allocated to them was difficult to access. Despite the difficulties, the missionaries succeeded in achieving their objective of establishing the parish. They used effective methods and strategies to overcome the fetishistic population. As a result, several transformations took place in the society with the corollary of intensifying social cohesion.

Keywords: Social action, Botro, Evangelisation, History, Implantation, Influence, Methods, Awareness

Introduction

Botro est une ville de la Côte d’Ivoire située dans l’Espace-Nord du Baoulé, plus précisément dans la région de Gbêkê. Créé par le décret n°2008-96 du 05 mars 2008. Le département de Botro s’étend sur une superficie de 1220 km2. Il est limité au nord par les départements de Katiola et Mankono, au sud par celui de Sakassou à l’est par celui de Bouaké et à l’ouest par celui de Béoumi (Rezoivoire). C’est une zone où le climat de type subéquatorial donne lieu à une végétation de savane herbeuse au Nord et de savane arborée au Sud. La sous-préfecture de Botro a une population de 27 854 habitants selon les chiffres estimatifs de 2012 communiqués par l’Institut National de la Statistique (INS). Ce chef-lieu  de département fait partie du canton Satiklan dont il regorge le siège. Ce canton comporte une cinquantaine de villages avec une  population composée en grande partie  de sous-groupes ethniques baoulé appelés communément Satiklan et  de populations d’immigrés, composée pour la plupart de Malinké. Le sous-groupe baoulé s’installa dans cette partie de la région de Gbêkê depuis le XVIIIème  siècle. Longtemps ancré dans les religions traditionnelles, les Baoulé – Satiklan de cette localité enregistre l’avènement  de la religion chrétienne, dite religion moderne (Koffi 137). Malgré l’enracinement de l’animisme, le christianisme par le biais du catholicisme réussit à s’y implanter en 1969. Cela s’est concrétisé non seulement par  la mise en place et la consécration de la paroisse  Saint Gabriel de Botro mais aussi et surtout l’arrivée et l’œuvre d’un prêtre bâtisseur, le père Michel Conver[1].  L’année 2020 marque un événement essentiel dans la vie de la Paroisse. Elle correspond au cinquantenaire de la paroisse qui a permis aux responsables de faire un bilan des activités réalisées depuis l’implantation de la paroisse et d’envisager les perspectives d’avenir. L’étude présente un intérêt car elle fait le point des actions menées par la Paroisse Saint Gabriel de Botro après cinquante années d’existence. Partant de ce fait, comment expliquer la mise en place progressive de la Paroisse Saint Gabriel de Botro ? Dans cette étude, il est question de montrer les différentes étapes franchies dans la mise en place de la Paroisse Saint Gabriel de Botro, son organisation, son fonctionnement et son rayonnement.

Pour répondre à cette problématique, des investigations furent faites. D’abord les centres de documentation furent privilégiés. Ensuite, les sites internet furent consultés en vue de vérifier certaines informations. Aussi, des encyclopédies et des dictionnaires furent utilisés dans la définition de certains termes liés au sujet. Enfin, les enquêtes sur le terrain ou enquêtes orales furent réalisées afin de vérifier la véracité des informations recueillies. Toutes ces démarches méthodologiques permirent d’aboutir à un plan à trois parties. La première partie traite du processus d’implantation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro. La deuxième partie met l’accent sur l’organisation et le fonctionnement de la paroisse. Enfin, la troisième partie aborde le rayonnement de la Paroisse Saint Gabriel de Botro.

1. Les méthodes d’implantation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro

L’implantation de la Cathédrale Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Bouaké en 1962 a contribué énormément à la propagation du catholicisme dans l’Espace-Nord du baoulé. Elle a permis aux différents missionnaires de visiter tous les secteurs de cette zone (Kouamé 259).  C’est dans ce cadre  que les premiers missionnaires  sont partis de Bouaké pour  implanter la paroisse Saint Gabriel de Botro. Cette paroisse est une entité du diocèse de la Cathédrale Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Bouaké quand bien même qu’elle est  sous tutelle de la Paroisse Notre Dame de la Paix de Béoumi.

1.1. Les actions des missionnaires

En 1969, Botro enregistre l’arrivée des premiers missionnaires qui sont partis de Bouaké. La délégation est conduite par le Père Michel Conver. Il décide d’échanger directement avec les autorités villageoises. Son objectif majeur est d’obtenir un site pour la construction de la paroisse. Il est reçu par le chef canton d’alors, Toto Kra I qui lui a attribué un site de grande superficie dans une forêt dense et dangereuse abritant des animaux dangereux et de gros serpents[2]. Tout ceci pour décourager les missionnaires. La présence de ces animaux et reptiles dangereux n’a point ébranlé la foi des missionnaires. La paroisse fut donc bâtie dans la même période, c’est-à-dire en 1969 avec pour nom, la paroisse Saint Gabriel de Botro.

La paroisse construite, le besoin en fidèles s’impose, ce qui pousse les premiers missionnaires à mener des actions concrètes. Pour la communication en langue vernaculaire le Père Michel Conver se fait aider par certains fidèles de la Paroisse Notre Dame de la Paix de Béoumi. Ils ont opté pour la méthode d’approche. Selon Kouassi[3] ils ont procédé par des visites. Ils rendent  des visites à certaines familles, partagent les plats africains et européens avec les membres de ces différentes familles. C’était  une fierté pour ceux-ci d’être visités par l’homme blanc. Souvent à midi, les missionnaires rendent  visite à d’autres familles au champ en leur apportant de l’eau. Le faisant, ils en profitent pour parler du Seigneur Jésus Christ à ces familles. Aussi, ont-ils saisi cette occasion pour faire des prises de vue avec ces familles. Alors pour témoigner de leur bonne courtoisie, certains membres des familles visitées se sont convertis au christianisme. Ces différentes visites sont  suivies d’autres actions à caractère social. Il s’agit de la distribution des dons en nature tels que les sacs de riz, de l’huile, du sel, la viande,  des vêtements de tout genre, du savon et des chaussures à toute la communauté en général et les veuves de la cour royale en particulier. Concernant les dons en espèce, les missionnaires finançaient les travaux champêtres de certaines familles. D’autres personnes telles Assamoi Albert et Kouassi Blé Joseph ont reçu des bœufs qui leur ont permis de labourer leur champ et une maison chacun. Pendant les vacances missionnaires, ils passèrent des séjours en France avec les missionnaires. Pendant les premières messes, la quête rassemblée est redistribuée aux participants de la messe. Pour les premiers convertis, les mariages furent organisés gratuitement par les missionnaires. Des formations spirituelles et des cours d’alphabétisation furent organisés. Aussi, des formations en couture, ferronnerie, mécanique et en menuiserie furent-elles initiées[4]. Les actions des premiers missionnaires furent d’ordre social et basées sur la formation. Ce qui a permis  à bon nombre de personnes de se convertir au christianisme, d’où des ressources humaines pour l’évangélisation.

1.2. L’évangélisation 

L’évangélisation en vue du rayonnement de la nouvelle Paroisse Saint Gabriel de Botro a été  l’œuvre des premiers missionnaires avec la participation effective des premiers convertis. Deux méthodes d’évangélisation ont été adoptées : l’évangélisation plein air et l’évangélisation porte à porte.

L’évangélisation plein air est une sorte d’évangélisation qui se déroule sur la place publique en présence des nouveaux convertis, des non convertis et quelque fois des autorités coutumières. Au menu, il y avait des projections de films chrétiens appelées communément en langue vernaculaire “ talê oun koffi “. Cette séance a  lieu tous les vendredis soirs[5].  Tous les films mettent à nu l’impuissance des dieux locaux ou des fétiches. Les autres films projetés relatent l’histoire de Jésus Christ en mettant l’accent  sur la puissance de Dieu à travers celui – ci. L’objectif visé en projetant ces films est une manière de conscientiser et de faire changer les mentalités des animistes ou féticheurs que les missionnaires considèrent comme rétrogrades.  Ce programme a connu l’adhésion de bon nombre de personnes puisque des conversions se sont opérées en grand nombre[6].  Cependant, aucun chef traditionnel ou  aucune autorité coutumière n’a accepté la conversion. Selon Kouassi, la conversion d’un chef ou d’un membre de sa famille est  passible de sanctions très graves. Ce dernier subit soit, la peine de mort, soit le bannissement  du village, il est  maudit à jamais. Ainsi donc, certaines personnes préfèrent rester à la maison afin de ne pas être tentée par l’effet de conversion. D’autres se sont livrés à des actes de vandalisme pour empêcher la propagation de l’évangile. En effet, lors des rassemblements du dimanche, des villageois en accord avec certaines autorités coutumières, font sortir des masques sacrés interdits aux femmes pour perturber les messes (Kouamé 271). Il s’agit du masque Gbosso, très réputé dans cette localité, car non seulement il est interdit aux non-initiés hommes mais aussi et surtout aux les femmes à cause de ses pouvoirs mystiques. Toutes sortes de persécutions ont été employées pour décourager les missionnaires, mais malgré tout, les missionnaires ont persévéré dans l’œuvre. Ce qui les poussa à organiser un autre type d’évangélisation porte à porte.

L’évangélisation porte à porte n’avait pas grande différence avec les actions des premiers missionnaires. Cependant, pour cette autre méthode, une équipe dynamique a été constituée. Elle est composée de premiers missionnaires et de premiers paroissiens. Avant d’aller sur le terrain, les missionnaires ont initié des séances de formation relatives à la connaissance de la bible et aux techniques d’évangélisation sans oublier les cours d’alphabétisation. Cette méthode a obligé les missionnaires à apprendre la langue vernaculaire, le Baoulé-satiklan. A cet effet, le Père Michel Conver a traduit en 1980 une partie de la bible ainsi que des recueils de chants en baoulé. Il en a fait plusieurs exemplaires  qu’il a distribué à la population. Cette traduction d’une partie de la bible en baoulé est suivie de l’enseignement du syllabaire baoulé aux premiers paroissiens chargés de l’évangélisation. Aussi, des dons en nature ont-ils été réunis pour ces séances de porte à porte. Ces dons leur ont permis d’avoir accès aux différents membres des différentes familles. Ce corps à corps, avec la même langue baoulé-satiklan  parlée par l’homme blanc, et les dons offerts aux différentes familles ont connu du succès dans la mesure où bon nombre de personnes se sont convertis au christianisme. Aussi, le succès de ces séances d’évangélisation a-t-il été rendu possible grâce à l’administration catholique et à la Paroisse Notre Dame de la Paix de Béoumi.

1.3. Les actions posées par l’administration catholique

Les actions de l’administration catholique se résument au financement des activités des premiers missionnaires et en la diplomatie. La preuve, en 1970, les premiers candidats au baptême de la Paroisse Saint Gabriel de Botro sont  baptisés dans la Paroisse de Béoumi. Ce sont  donc ces deux entités administratives  qui ont joué un rôle déterminant  dans le financement des œuvres missionnaires à Botro. Ces financements ont permis l’achat des sacs de riz, de sels, du savon qui ont servi de dons pour accompagner les œuvres missionnaires. A ces dons se sont ajoutés d’autres droits versés aux autorités villageoises (Carteron 3). Ce sont des sommes d’argent versées aux autorités villageoises dans le but de les convaincre afin d’avoir accès à certaines localités dites stratégiques.

En outre, l’administration catholique a mis à la disposition des missionnaires des vêtements, des chaussures, etc. pour les familles démunies (Dhumeau 18).  Concernant la diplomatie, l’administration catholique de Bouaké et de Béoumi ont joué un rôle de médiation. Ce rôle a consisté à acheminer les besoins relatifs aux champs missionnaires jusqu’au Vatican par le biais de la base se trouvant à Abidjan. Ces besoins se résument en des ressources humaines et ecclésiastiques.

 En effet, l’affectation des prêtres se fait selon les spécificités liées aux champs missionnaires ainsi que les vocations qui caractérisèrent chaque prêtre. C’est-à-dire qu’il y a des prêtres missionnaires, des prêtres évangélistes, et des prêtres qui exercent non seulement dans l’enseignement de la parole de Dieu, mais aussi et surtout dans l’éducation (Trichet 198). Aussi, des prêtres ont- ils une maitrise parfaite des métiers tels que la maçonnerie, la menuiserie, etc. (Cartéron 41). Cette maitrise des métiers a permis aux missionnaires de construire eux – mêmes la paroisse de Botro. Ils ont bénéficié de la part de l’administration catholique, du matériel de construction[7]. Sur le plan ecclésiastique, l’administration catholique s’est investie dans la formation des prêtres selon les réalités que vivent les champs missionnaires [8]

2. L’organisation et le fonctionnement de la Paroisse Saint Gabriel de Botro

Pour être efficace dans l’œuvre, la paroisse a mis en place une organisation adéquate qui lui a permis de fonctionner normalement afin d’atteindre les objectifs qu’elle s’est assignée. Cela lui a permis de mettre en place des structures qui ont fait de la paroisse l’une des paroisses les plus influentes de la région.

2.1. L’organisation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro

2.1.1. Le bureau ecclésiastique

C’est  un bureau dont les postes de responsabilité sont  occupés par les anciens de la Paroisse. Il comprenait plusieurs entités. C’est  un bureau hiérarchisé à la tête duquel  se trouvait le Curé.  Il est assisté d’un vicaire. Vient, ensuite,  le bureau du Conseil paroissial. Il se compose de 12 membres. Il se réunit de façon hebdomadaire, c’est-à-dire tous les vendredis soirs de 18 heures à 20 heures. Tous les membres du bureau paroissial sont  des leaders des différents groupes d’activités de la Paroisse. Le Bureau paroissial est présidé par le Curé secondé par un laïc. Depuis 2012, le Curé de la Paroisse de Botro est secondé par Ouattara Simone. Aussi faut-il ajouter à cette organisation, la commission des affaires économiques. Selon Messou[9], cette commission est chargée des affaires d’ordre économique. Elle est présidée par le Curé et se réunit une fois par semaine ou en session extraordinaire. Enfin, il y a la communauté ecclésiastique de base. Il s’agit des regroupements de fidèles catholiques en cellule de prière dans des villages ou des quartiers. Chaque cellule est  dirigée par un ancien, désigné comme responsable de communauté ecclésiastique de base en abrégé C.E.B[10]. Il faut retenir que depuis 1969 jusqu’en 2020, huit prêtres se sont succédés à la tête de la paroisse. Le tableau ci-dessous montre la liste des prêtres depuis la création de la Paroisse Saint Gabriel de Botro.

Tableau : Les prêtres de la Paroisse Saint Gabriel de Botro de 1969 à 2020[11]

OrdreNom et PrénomsAnnée d’exerciceVocationNationalité
1erPère Michel Conver    1969 – 1987MissionnaireFrançaise
2èmePère Louis Roland1987 – 1998CharismatiqueFrançaise
3èmePère Bruno Kouassi1998 – 2001EvangélisteIvoirienne
4ème Père Germain N’guessan2001 – 2003CharismatiqueIvoirienne
5èmePère Emmanuel N’guessan2003 – 2006BâtisseurIvoirienne
6èmePère Léonard Tanoh2006 – 2008MissionnaireIvoirienne
7èmePère Modeste Éric Kouakou2008 – 2016BâtisseurIvoirienne
8èmePère Djê Salomon Kouadio2016 – 2020EvangélisteIvoirienne

2.1.2. Les associations et commissions au sein de la paroisse

Les associations  et les commissions sont  établies sous le contrôle du bureau ecclésiastique. D’abord il y a une Association des femmes catholiques (AFEC) au sein de la Paroisse Saint Gabriel de Botro. Selon, Ouattara[12], cette association a pour objectif de rassembler toutes les femmes de la paroisse afin de les former pour l’évangélisation. Depuis 2015, cette association est présidée par Bla Amoin Thrèse. Il y a  ensuite, l’association dénommée Jeunesse Estudiantine Catholique de Botro (JECB). Elle a pour mission de rassembler les jeunes paroissiens pour les actions concrètes relatives à la propagation de l’évangile. Elle est présidée par Kokoun Ghislain, un élève de terminale au lycée moderne de Botro pendant l’année scolaire 2019-2020. Enfin, il y a  la Commission Saints Enfants, (CSE). Cette Commission présente deux entités. Les enfants de chœur et les enfants de chœur vaillant âme vaillante, (CVAV). Les enfants de chœur aident le père pendant la célébration de la messe et ils portent souvent les sacrements et le sac de celui-ci. Les enfants de chœur vaillant âme vaillante sont un noyau d’enfants soumis à une formation biblique. Ceux –ci sont parfois sélectionnés pour donner des cours bibliques aux catéchistes.

2.2. Le fonctionnent de la Paroisse Saint Gabriel de Botro

2.2.1. La formation sur les doctrines catholiques

Après son implantation, la paroisse met d’abord l’accent sur la formation des fidèles. Cette formation  concernait deux institutions : la catéchèse et l’école primaire catholique. La catéchèse est créée  en 1971. Le premier formateur fut le père Michel Conver. Cette formation vise à faire connaitre la doctrine catholique aux paroissiens, à les initier aux doctrines catholiques et à accroitre leur foi. Initialement prévu pour les enfants, cette formation touche toutes les catégories, à savoir les personnes âgées, les adultes et les enfants[13]. La formation a lieu tous les vendredis à partir de dix-huit heures.

 A ces doctrines, s’ajoute l’importance du sacrement qui est enseignée au sein de la catéchèse. Quant à l’école primaire, elle permet d’élargir le champ du projet catholique. Toutes les communautés de différents bords religieux sont regroupées au sein de l’école. Celles-ci  se plient aux exigences de l’école, qu’est la prière du matin avant le démarrage des cours, à midi et le soir. A tour de rôle, chaque élève est  obligé de conduire la prière selon l’enseignement qu’il reçoit. A cet effet, il est impératif pour chaque élève de connaitre les doctrines, la prière et les enseignements catholiques. Aussi, tous les enseignants dudit établissement sont-ils des membres de la mission catholique[14].

2.2.2. Des campagnes de sensibilisation et des séances de vaccination

Après son implantation, la paroisse s’est engagée dans plusieurs actions à caractère social. La première action menée fut la lutte contre les feux de brousse. À partir de l’an 2000, le père Bruno Kouassi a mené  avec la participation des paroissiens, une campagne de sensibilisation contre les feux de brousse. Ce phénomène récurrent à Botro, créait parfois des dégâts énormes. On peut citer, entre autres, des dégâts matériels importants, des pertes en vies humaines et la destruction des cultures vivrières et industrielles telles que les champs d’igname et d’anacardiers[15]. En 1999, le village nommé Tionankro, village situé à dix kilomètres de Botro sur l’axe Botro-Dabakala a été quasiment détruit par les feux de brousse. À cela s’ajoute la disparition des espèces végétales et animales. Cette campagne a eu le soutien des autorités coutumières, du cantonnement des eaux et forêts, de la gendarmerie, de la mairie et de   la sous-préfecture.

La deuxième action menée dans le domaine de la sensibilisation, est la lutte contre l’excision. En  2006, le père Léonard Tanoh a mené une campagne de lutte contre l’excision dans le département de Botro. Cette initiative  a eu également le soutien des autorités coutumières et administratives.

La troisième action concerne des campagnes de vaccination initiées par la paroisse. Chaque année, la paroisse lance une campagne de vaccination des enfants qu’ils soient paroissiens ou non. Toutes ces actions menées ont été salutaires dans l’évolution de la paroisse. Ce qui a occasionné un rayonnement de la paroisse dans la région de Gbêkê et plus précisément dans l’Espace -Nord du Baoulé[16].

3. Le rayonnement de la Paroisse Saint Gabriel de Botro

L’organisation mise en place a favorisé le fonctionnement efficace de la paroisse. Les actions menées ont contribué au rayonnement social et culturel de cette paroisse.

3.1. L’Influence sociale de la Paroisse    

L’influence sociale est  l’un des points forts de la Paroisse Saint Gabriel de Botro. En effet, pour joindre l’acte à la parole, la paroisse met l’accent sur les œuvres à caractère social. Ces œuvres s’inscrivent dans le domaine de l’éducation, de la construction de vingt – quatre magasins mis en location. L’école primaire catholique est construite dans l’enceinte de la paroisse depuis 2002. C’est une école de six classes qui contribue non seulement à l’éducation des apprenants mais aussi et surtout à financer les activités de la paroisse. Les magasins sont  mis à la disposition de la population moyennant un montant en guise de frais de location.  Les frais de location permettent à la paroisse de disposer de fonds nécessaires pour pallier aux difficultés financières[17]. Ces œuvres à caractère social ont poussé  les autorités villageoises et administratives à renouer avec la paroisse. Ainsi, en 2017, le Père Djê Salomon Kouadio, huitième Curé en exercice à la tête de la Paroisse a reçu un titre honorifique faisant de lui un acteur de développement dans le département de Botro[18]. Aussi, l’implantation de la paroisse a t-elle consolidé les liens. Désormais, les paroissiens vivent en parfaite harmonie. Ils expérimentent la communion fraternelle qui leur permet de partager les peines et les joies  ensemble. Quand il y a le décès d’un paroissien ou d’un membre de sa famille, des funérailles dignes accompagnées de prière sont organisées par la paroisse.  La paroisse fait également partie des organes de prise décision. En effet, Elle est parfois consultée par le chef canton Toto Kra III  avant de rendre les verdicts qui relèvent de son autorité [19].  Il faut noter que c’est sous le règne de Toto Kra III que les responsables de la paroisse sont sollicités dans les prises de décision. C’est d’ailleurs cette collaboration  qui a permis à la paroisse de pouvoir mener des campagnes de lutte contre certaines pratiques telles que l’excision et les feux de brousse[20].

3.2. L’influence culturelle de la paroisse Saint Gabriel de Botro

 Grâce à l’implantation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro, des mutations sur le plan culturel se sont opérées. En effet, l’excision qui constituait une étape obligatoire à franchir  pour la jeune fille, devient taboue. Toutes les familles y compris les non chrétiennes ont accepté d’abandonner cette pratique dévastatrice. Désormais  les jeunes filles peuvent  se marier sans contrainte. Aussi des noms chrétien sont – ils  attribués aux enfants en plus des noms africains qui existent. Les actes de banditisme et de délinquance ont diminué au profit des comportements dignes et responsables. La plupart des interdits et totems ont été abandonnés. Avant l’avènement du christianisme, certaines cultures telles que la culture de l’arachide n’étaient pas cultivées dans la région. Mais avec l’avènement de la religion, l’ordre fut donné par le chef canton Toto Kra III de cultiver ces cultures à cause de la collaboration qui existe désormais entre les chrétiens et lui[21]. Désormais les personnes converties consomment sans crainte les aliments ou viande.

Selon Kouassi Blé, les premiers paroissiens étaient caractérisés par une foi inébranlable, ce qui a permis à la paroisse de vaincre toutes sortes de persécutions[22]. Le calendrier traditionnel n’est plus respecté. Dans les villages baoulé, il y a des jours qui sont décrétés comme jours fériés. Dans la semaine deux ou trois jours peuvent être décrétés. Le plus souvent, ces jours sont le lundi, le mercredi et le vendredi. Aucune activité champêtre n’est exécutée. Tout contrevenant doit obligatoirement faire des sacrifices pour apaiser la colère des dieux. Aussi les danses traditionnelles telles que le Do, le Adjanou et le Allangba, ne font plus l’unanimité de tous, car beaucoup d’adeptes en majorité les femmes devenus chrétiennes ont démissionné de leur poste de responsabilité au profit du christianisme. Le christianisme valorise enfin le mariage monogamique au détriment de la polygamie[23].

Conclusion

Au terme de cette étude, il convient de retenir que l’implantation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro est l’œuvre des premiers missionnaires. Après le succès des missions catholiques à Bouaké, les missionnaires décident  d’étendre leurs actions dans tout l’Espace – Nord du Baoulé. L’implantation de la Paroisse Saint Gabriel de Botro s’inscrit dans ce contexte. Plusieurs méthodes ont été utilisées dans l’implantation de cette paroisse. Ces méthodes se sont avérées  payantes puisque des conversions ont eu lieu. Dans l’exercice de leur ministère, les missionnaires ont bénéficié du soutien de l’administration catholique ; ce qui leur a permis d’intervenir dans tous les domaines qui touchent la sensibilité de la population ciblée. Malgré ces conversions et l’implantation de la paroisse, la tâche n’a pas été facile. Des persécutions ont été enregistrées. Mais pour réussir cette mission, les missionnaires ont usé de stratégies pour se fondre dans la société ; ces stratégies se sont avérées payantes puisqu’elles ont abouti à la collaboration avec les responsables coutumiers. La paroisse ainsi implantée, plusieurs mutations se sont opérées dans la société, et plus précisément dans la vie des nouveaux convertis. Ces changements ont eu  de l’influence sur la population de Botro en général et sur la vie des nouveaux convertis en particulier.

Sources et travaux cités

Sources orales

Nom et prénomsAgesIdentitéDate de l’enquêteThème de l’enquête
Kouassi Blé Joseph65 ansPremier fidèle de la paroisse saint Gabriel de Botro depuis 196914/11/2020L’implantation de la paroisse Saint Gabriel de Botro
Messou Koffi Jules César33 ansSecrétaire de la paroisse depuis 201014/11/2020Evolution et organisation de la paroisse Saint Gabriel de Botro
Messou Olivier33 ansPremier responsable du patrimoine de la paroisse Saint Gabriel de Botro15/11/2020Relations entre la communauté et les premiers missionnaires
Ouattara Simone45 ansVice – présidente du bureau paroissial.15/11/2020Organisation de la paroisse Saint Gabriel de Botro
Père Gnamien Julien47 ansActuel Prêtre de la paroisse Saint Gabriel de Botro14/11/2020Fonctionnement de la paroisse
Souaga Patricia42 ansAncienne secrétaire de la paroisse Saint Gabriel de Botro14/11/2020Rôle de l’administration catholique dans les actions des premiers missionnaires
Toto Kra II73 ansChef canton de Botro15/11/2020Définition de Botro et apport de l’église dans la résolution des crises.

Source électronique

https://rezoivoire.net/ivoire/villes-villages/1897/botro.html#.YW3t7yjMfIU consulté le lundi 18 octobre 2021 à 22 h 10 minutes à Bouaké

Travaux cités

Carteron, Mihel. Eglise de Bouaké : Commencement, Bouaké, 1995.

Dhumeau, Jean. L’Eglise catholique à Bouaké 1925 – 1975, Bouaké, 1975

Kouame, N’guessan Bernard. Les mutations socioéconomiques dans le baoulé – nord de 1850 à 1973, thèse de doctorat unique d’histoire contemporaine, Université Alassane Ouattara (Bouaké – côte d’Ivoire), 2015.

Trichet, Pierre. Côte d’Ivoire : Les premiers pas d’une église, tome 3 : 1940 – 1960, Abidjan, La Nouvelle, 1994.

Koffi, Kouamé Mélesse. la chefferie de Satiklan à l’épreuve des changements socio-politiques en côte d’ivoire, de 1850 à 1982, thèse de doctorat unique d’histoire contemporaine, Université Alassane Ouattara (Bouaké – côte d’Ivoire), 2020.

Comment citer cet article :

MLA : Kouamé, N’guessan Bernard. « Histoire de la paroisse Saint Gabriel de Botro de 1969 à 2020. » Uirtus 1.2. (décembre 2021): 528-542.


§ Université Alassane Ouattara / [email protected]

[1] Il fut le premier missionnaire de la Paroisse Saint Gabriel de Botro. Il résidait à Bouaké à la Cathédrale Saint Thérèse de l’Enfant Jésus en 1964. Il faisait partie de la Société des Missions Africaines (SMA).

[2] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969, entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[3] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969, entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[4] Messou Koffi Jules César, secrétaire de la paroisse depuis 2010, entretien réalisé le 14 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse. Il est le secrétaire de cette paroisse depuis 2010.

[5] Souaga Patricia, ancienne secrétaire de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[6] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969, entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[7] Messou Koffi Jules César, secrétaire de la paroisse depuis 2010, entretien réalisé le 14 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse. Il est le secrétaire de cette paroisse depuis 2010.

[8] Gnamien Julien, actuel prêtre en exercice de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[9] Messou Koffi Jules César, secrétaire de la paroisse depuis 2010, entretien réalisé le 14 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse. Il est le secrétaire de cette paroisse depuis 2010.

[10]Gnamien Julien, actuel prêtre en exercice de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro.

[11] Gnamien julien, actuel prêtre en exercice de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020  à Botro.

[12] Ouattara Simone,  vice – présidente du bureau paroissial et secrétaire du maire de Botro, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[13] Gnamien Julien, actuel prêtre en exercice de Botro, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro.

[14] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969,  entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[15] Messou Koffi Jules César, secrétaire de la paroisse depuis 2010, entretien réalisé le 14 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[16] Messou Koffi Jules César, secrétaire de la paroisse depuis 2010, entretien réalisé le 14 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[17] Messou Olivier, premier responsable du patrimoine de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro.

[18] Gnamien Julien, actuel prêtre en exercice de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro au sein de la paroisse.

[19] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969, entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[20] Toto Kra III, actuel chef canton de Botro, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro.

[21] Toto Kra III, actuel chef canton de Botro, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro dans la cour royale

[22] Kouassi Blé Joseph, fidèle de la paroisse depuis 1969, entretien réalisé le 14  novembre 2020  chez lui à domicile à Botro.

[23] Messou Olivier, premier responsable du patrimoine de la paroisse, entretien réalisé le 15 novembre 2020 à Botro.