Chantal Palé Koutouan§
Résumé : La recrudescence de la violence en Afrique subsaharienne fait de la question sécuritaire une préoccupation majeure. Dans un contexte irrévocablement mondialisé, comment le dirigeant s’y prend-t-il pour conceptualiser les conditions holistiques de l’émergence sécuritaire de son État ? Est-ce par un renforcement des réformes militaires et politiques ? La science militaire machiavélienne instructrice de la promotion des forces de défense et de sécurité, efficace et citoyenne, peut servir de paradigme pour la réforme des forces armées africaines subsahariennes. Il s’agira de démontrer, sous l’inspiration du nationalisme machiavélien, que la communication entre le politique et le militaire, favorise l’émergence de la véritable sécurité de l’État, du territoire, des personnes et des biens.
Mots-clés : État, Équilibre politique, Liberté, Réforme militaire, Sécurité, Souveraineté.
Abstract: The upsurge in violence in sub-Saharan Africa makes the security issue a major concern. In an irrevocably globalized context, how does the leader go about conceptualizing the holistic conditions for the security emergence of his state? Is it by strengthening military and political reforms? The Machiavellian military science instructing the promotion of defense and security forces, effective and citizen, can serve as a paradigm for the reform of sub-Saharan African armed forces. It will be a question of demonstrating, under the inspiration of Machiavellian nationalism, that the communication between the politician and the military, favors the emergence of the true security of the State, the territory, the people and the goods.
Keywords : State, Political balance, Freedom, military reform, Security, Sovereignty.
Introduction
La pensée de Nicolas Machiavel est connue sous l’angle de la politique. Cependant, l’efficacité de l’action politique qu’elle prône ne devient savoureuse que parce qu’elle garantit la sécurité des personnes, des biens et du territoire. Avec elle, le régime politique est dit efficace lorsqu’il rassemble les bonnes aptitudes gouvernementales et les bonnes dispositions sécuritaires. Ainsi, lorsqu’un pouvoir politique réussit à relever les défis à la fois de la sécurisation de l’État, de la communauté des citoyens et des biens, il est jugé efficace au sens machiavélien du terme. Ce qui veut dire que le pouvoir efficace est issu de la coïncidence de la bonne gestion politique et militaire. La coïncidence de la réussite militaire avec l’excellence politique traduit, aujourd’hui, l’idée de la bonne gouvernance dont l’un des signes patents est la garantie sécuritaire ; autrement, la présence dans l’État d’une assurance de protection à la fois par les armes et par les lois.
Face au regain d’insécurité dans le monde, et précisément devant les menaces des actions terroristes qui sévissent, il devient fondamental de penser une réforme des forces de défense et de sécurité avec des stratégies politiques adéquates. Il s’agit de décrire comment les défis sécuritaires des États actuels doivent être relevés dans l’esprit démocratique contemporain.
Penser la question de la réforme des armées africaines subsahariennes à partir de N. Machiavel, philosophe présenté comme le théoricien des mécanismes réalistes de restauration d’ordre, d’unité et des vertus citoyennes dans l’État, est révélateur. Dans sa biographie, cet auteur est présenté comme instructeur d’art militaire pour la réforme des armées italiennes corrompues. Ses propositions de réformes militaires sont jugées efficaces parce que savamment agencées proportionnellement à la réalité politique italienne. Aujourd’hui, les États africains subsahariens minés par l’insécurité visent la réforme de leurs armées. C’est dire que la réforme militaire est encore d’actualité. Quel type de réforme des armées africaines subsahariennes convient-il pour la sécurisation de l’État et la stabilité du pouvoir ? Ou encore, quelles sont les stratégies militaires adéquates pour garantir la sécurité de l’État africain subsaharien ?
Pour évaluer cette question principale, cette étude a pour objectif d’explorer les fondements politiques et militaires du machiavélisme en vue d’inspirer une dynamique favorable à la pérennité de l’ordre sécuritaire contemporain. Grâce aux méthodes analytique, comparative et sociocritique, il sera question de faire l’état des lieux de la situation sécuritaire africaine subsaharienne actuelle, qui justifie l’argument d’une incertitude sécuritaire. Nous proposerons d’abord la crise sécuritaire africaine subsaharienne comme crise du renversement de paradigme de la souveraineté. Ensuite, il s’agira de présenter l’équilibre politique comme condition d’une réforme adéquate des forces de défense et de sécurité en Afrique subsaharienne. Enfin, nous démontrerons que l’émergence sécuritaire africaine subsaharienne procède de la symbiose de l’efficacité politique et militaire.
1. La crise sécuritaire africaine subsaharienne comme crise du renversement de paradigme de la souveraineté
Les communautés actuelles reflètent généralement l’image de sociétés bouleversées par les renversements paradigmatiques intervenus à la faveur de la mondialisation. Dans les contrées africaines subsahariennes, ce bouleversement se vit particulièrement dans des crises récurrentes, surtout aux niveaux sécuritaire et politique. La recrudescence de la violence multiforme est symptomatique d’une crise sécuritaire qui, elle-même, semble s’enraciner dans les changements issus des mutations à l’œuvre dans la sphère politique à l’heure de la mondialisation. En effet, chez N. Machiavel comme chez J.-J. Rousseau entre autres fondateurs de la politique moderne, la sécurité de l’État rimait avec sa souveraineté qui s’inscrivait dans une perspective essentiellement politique. Lorsque N. Machiavel considère le souverain efficace comme celui sachant user des « bonnes armes et les [des] bonnes lois » (Machiavel 324), il pense la souveraineté dans un sens politique. J.-J. Rousseau en fait autant, considérant que la souveraineté est le fruit du pouvoir de la volonté générale. Elle traduit l’autorité politique qui garantit la liberté pour tous. « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sur la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie invisible du tout » (Rousseau 57). Chez J.-J. Rousseau, la souveraineté légitimée par le contrat social essentiellement axé sur le pouvoir de la volonté générale est rattachée au droit, et partant à la politique (Rousseau 58 ; 65). Force est donc de constater que ces auteurs modernes, fondateurs du concept de souveraineté l’appréhendent fondamentalement dans une acception politique. La souveraineté garantit la stabilité de l’État qui démontre que le territoire, les personnes et les biens sont gardés en sûreté. Or, la sûreté parce qu’elle est éloignement de tout péril, peut renvoyer à la sécurité ; l’un des droits fondamentaux nécessaires à l’exercice des libertés individuelles et collectives. Penser la souveraineté politique en rapport avec la sécurité suppose que l’on rapporte la sécurité à la politique. Et, cette dernière s’enracine dans l’exclusivité de ses compétences législatives, exécutives et judiciaires qui doivent être séparées pour éviter des abus. La hiérarchie des pouvoirs (Locke 22 ; 161) au cœur de l’engagement social lockéen en vue de la bonne organisation favorise la conceptualisation de la séparation des pouvoirs que C. Montesquieu considère comme la source de l’équilibre de la société.
La souveraineté de l’État moderne s’est fondée dans le besoin de la sécurisation du territoire que N. Machiavel suscita à partir de son anthropologie réaliste. Par la sécularisation du pouvoir politique, la société moderne s’exempte des normes transcendantes ; elle s’autorise donc à scruter l’homme et son pouvoir. Et, tel que J. Giono le mentionne dans l’introduction aux Œuvres complètes, N. Machiavel en est l’initiateur[1]. Il découvre la méchanceté naturelle de l’homme qui le conforte dans ses directives pour la sécurisation du territoire et la conservation efficace du pouvoir. En supposant « d’avance les hommes méchants, et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront l’occasion » (Machiavel 388-389), le prince doit pouvoir s’adapter aux humeurs de son peuple et « comprendre qu’un prince, et surtout un nouveau prince, ne peut observer toutes les choses pour lesquelles les hommes sont jugés bons, étant souvent contraint, pour maintenir son pouvoir, d’agir contre sa parole, contre la charité, contre l’humanité, contre la religion » (Machiavel 18). En réalité, « il y a plus de sécurité à être craint qu’à être aimé, si l’on doit renoncer à l’un des deux » (Machiavel 80). Ainsi, « si on lit Le prince avec attention, on verra que N. Machiavel, en se fondant sur des considérations d’intérêt, de sécurité et surtout de puissance militaire, incite le prince à créer les conditions de la république » (Machiavel 11). L’incivisme au fondement des périls de l’État moderne incite l’auteur du Prince à recourir à l’exemplarité des vertus civiques romaines pour une réforme républicaine. L’égoïsme naturel de l’homme, pense-t-il, suscite l’insécurité ; mais le leadership réaliste du gouvernant permet d’instaurer un État à même de fournir la sécurité pour le bien de toute la communauté.
En se faisant le conseiller politique de ses contemporains, N. Machiavel inaugure une nouvelle sagesse de la protection et de la conservation du pouvoir, au fondement des théories modernes du droit naturel et du contrat social. C’est à sa suite que T. Hobbes, J. Locke et J.-J. Rousseau, notamment, reconnaissent la pertinence de l’institution civile ou sociale pour la sécurité, reposant fondamentalement sur la souveraineté du politique. Et chaque contractant est responsable de tous ses actes qui « concernent la paix commune et la sécurité. » (Hobbes 287) Contrairement à la société naturelle, la société civile est régie par le contrat, déterminant pour l’équilibre social. Les lois sociales protègent chacun en réglementant la vie communautaire, mais elles n’occultent pas le caractère artificiel du contrat, révélé caduque dans le contexte démocratique actuel, promoteur des libertés individuelles et de l’éthique sociale.
L’exaltation actuelle de la liberté comme principe fondamental de l’action sociale est significative du renversement des paradigmes de la politique moderne. En effet, la liberté se saisit désormais au-delà du simple principe normatif admis à l’aube des temps modernes. Elle devient, alors, plus significative que le fait pour l’individu d’agir selon un simple pacte d’association contracté entre les citoyens d’un même État. Elle ne repose donc plus uniquement sur le simple principe de l’absence de contrainte en mémoire des thèses modernes, lockéenne et rousseauiste. Chez J. Locke comme chez J.-J. Rousseau (Locke 146 ; Rousseau 46), la liberté répond au même souci de préservation des droits naturels fondamentaux individuels et collectifs. En effet, dans l’exercice de ses droits politiques, chaque individu retrouve son droit à la liberté et à la propriété. Il démontre ainsi qu’il s’appartient à soi-même ; par ailleurs, qu’il est capable de se défaire de l’emprise asservissante du souverain pour devenir « son propre maître » (Rousseau 46). De ce point de vue, le contrat social revêt toute sa valeur puisqu’il permet de garantir une liberté individuelle divinement offerte dans l’état de nature (comme c’est le cas chez J. Locke) ou encore le pouvoir d’agir dans le souci de la préservation de l’harmonie parmi les associés tel que Rousseau l’admet. Cette liberté sous le contrat confortée dans un principe d’éthique sociale promeut les réflexions et les gouvernements liés aux lois, décrets, applications, jugements et autres principes réglementaires de souveraineté. Ces principes juridictionnels réputés garantir la sécurisation des communautés et des biens dans la sphère civile méritent d’être suivis et réformés sous les nouveaux rapports de la politique actuelle. Dans ce monde promoteur des valeurs individuelles, certains de ces principes juridictionnels peuvent paraitre contradictoires, voire négateurs de quelques choix libres des individus.
L’inquiétude face à la préservation de leurs intérêts conduit les hommes à s’accorder sur des principes ou règles qui émanent de la volonté générale qu’ils se promettent de respecter. Tant que chaque citoyen se reconnaît dans ces principes dont les limites sont fixées par le contrat ou le pacte social, il se sent en sécurité et le lien social est préservé. De la sorte, on peut dire que la sécurité moderne rime avec la souveraineté sur les plans juridique, militaire et politique.
Dans le nouveau contexte mondial marqué par l’ordre économico-social, les communautés politiques africaines subsahariennes perdent la saveur de la souveraineté nationale du fait du dépérissement de l’État. Cette absence de souveraineté nationale est source de déséquilibres globaux dont les preuves manifestes sont les injustices sociales, « la mondialisation autocratique » (Palé 763-780). Mais, avec la recrudescence de l’insécurité marquée par les actions terroristes répétitives, surtout dans la sous-région ouest de l’Afrique subsaharienne, l’aspect sécuritaire de cette crise est des plus préoccupants. L’adoption du consensus sécuritaire des États paraît être une réforme extraordinaire qui mériterait de s’appliquer dans un ordre politique équilibré.
2. L’équilibre politique comme condition d’une réforme adéquate des forces de défense et de sécurité africaines subsahariennes
L’assurance d’un ordre politique et sécuritaire dans l’État est garantie par l’équilibre politique qui consiste dans l’application effective des bons principes dans ces domaines. L’équilibre au niveau de la politique s’intéresse plus à la vocation de l’État à sécuriser et à défendre des personnes et des biens qu’aux questions relatives à la nature d’un mode de gouvernement. Il s’agit de mettre le dirigeant dans les conditions de gouvernance favorables à l’épanouissement économique de son État. Cela passe par la culture d’un équilibre pragmatique dans les rapports entre les deux couches sociales constamment en conflit dans l’État-nation que sont, – les ‘‘nobles’’ ou ‘‘grands,’’ avides de dominer et le peuple opposé à la domination. Il s’agit de canaliser la conflictualité entre ces deux entités sans que cela ne leur soit fatal. En vérité, l’antagonisme entre ces deux factions sociales est souvent porteur d’avancées importantes.
Désormais, sous la mondialisation, la proximité entre liberté individuelle et liberté collective, entre individualisme et solidarité est réelle. La crise liée au triomphe de l’individualisme dans l’économie mondiale a sa source dans l’injustice sociale ou la mauvaise distribution des biens. Elle est autant actuelle que la crise de la liberté révélée par le délitement de la souveraineté nationale. Les réalités contradictoires de l’individualisme et de la solidarité autant que celles des libertés individuelles et collectives cheminent toutes sur la voie unique de la réalisation des objectifs de la mondialisation. Soutenir l’équilibre politique en ce sens, consiste à instaurer un cadre politique harmonieux et profitable à tous les acteurs de cette politique mondiale. L’antagonisme patent entre les libertés individuelles et les libertés collectives rend la souveraineté nationale inconsistante. De fait, la théorie rousseauiste liée à la souveraineté politique, à la liberté garantie par le respect des lois émanant de la volonté générale s’avère insuffisante, à moins qu’on l’y adjoigne la lutte contre la corruption du corps politique. Car, désormais, sur la scène politique et sociale, la liberté collective relative aux droits communs à l’ensemble des membres du corps social s’oppose à la liberté individuelle, en rapport avec les droits liés à la nature de l’être humain. Ce faisant, un principe conciliateur devient essentiel. Le principe de la vraie liberté devient donc le respect du principe de non corruption. Il consiste dans le respect des principes démocratiques en vigueur, dont principalement ceux de l’État de droit, de l’égalité et la justice sans lesquels l’idée de démocratie présage d’un simple mirage. L’appropriation des vertus citoyennes par les États africains subsahariens est essentielle pour juguler le phénomène de la corruption qui a atteint des proportions inimaginables dans cette contrée africaine. Assurément, elle est un véritable obstacle au développement. L’on peut l’inscrire même au fondement de la crise du développement des États africains subsahariens. Car, le 24 Septembre 2012, à l’occasion de la première Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’État de droit au niveau national et international, une importante Déclaration politique adoptée par consensus par les Chefs d’États et de gouvernement ainsi que les chefs de délégation a été faite. Dans Chronique ONU, M. Sajdik, le Représentant permanent de l’Autriche auprès des Nations Unies la rapporte en ces termes :
Nous sommes convaincus que la corruption est nuisible, car elle fait obstacle à la croissance et au développement économiques, entame la confiance du citoyen dans la légitimité et la transparence des institutions et entrave l’adoption des lois justes et efficaces ainsi que l’administration et l’exécution des lois et l’action des tribunaux, et insistons, en conséquence, sur l’importance de l’État de droit en tant que condition essentielle de prévention et de répression de la corruption, dans le cadre, notamment, d’une coopération plus étroite des États en matière pénale. (Sajdik)
L’on peut en déduire que la corruption est la sève nourricière de la plupart des problèmes d’insécurité en Afrique subsaharienne. Ces problèmes qui émanent d’une crise dans la gouvernance due, majoritairement à une organisation inadéquate de l’autorité politique. Avec N. Machiavel, les contradictions politiques traitées dans une atmosphère de liberté, permettent de relever le défi de la corruption. Car, écrit-il, « il n’est rien qui rende une république plus stable et assurée que de l’organiser de façon telle que l’altération des ferments qui l’agitent ait une voie où s’épancher, prévue par la loi » (Machiavel 204). L’attitude républicaine qui permet de reconnaître les pouvoirs, dissuasif et coercitif de l’État, pourrait faciliter la lutte contre la corruption qui gangrène la souveraineté nationale des États africains subsahariens actuels. Elle favoriserait l’épanouissement législatif et militaire de l’État. En valorisant les vertus républicaines promues sous la mondialisation, l’Afrique subsaharienne pourrait s’émanciper des pratiques politiques autocratiques, rappelant la souveraineté d’allure despotique de J. Bodin :
Puisqu’il n’y a rien de plus grand en terre, après Dieu, que les Princes souverains, et qu’ils sont établis de lui comme ses lieutenants, pour commander aux autres hommes, il est besoin de prendre garde à leur qualité, afin de respecter et révérer leur majesté en toute obéissance, sentir et parler d’eux en tout honneur, car qui méprise son prince souverain, il méprise Dieu du quel il est l’image en terre. (Bodin 151)
Pour assurer l’équilibre politique de l’État contemporain, les leaders politiques de l’Afrique subsaharienne méritent d’être des diplomates, de sorte à faire respecter les lois dignes de l’être et chercher à équilibrer celles qui sont défaillantes. Ainsi, se fonde l’actualité de N. Machiavel : « Il faut donc savoir qu’il y a deux manières de combattre, l’une par les lois, l’autre par la force […] Il faut qu’un Prince sache user de l’une ou de l’autre, et que l’une sans l’autre n’est pas durable » (Machiavel 341). N. Machiavel pense qu’il existe un lien indissociable entre le fait d’exercer le pouvoir politique et celui d’œuvrer à sa préservation. Réussir l’activité de gestion politique suppose une maîtrise de la stratégie. D’ailleurs, avec lui cet équilibre politique permet de juger de l’efficacité du pouvoir. C’est pourquoi dans sa stratégie de gouvernance, il considère qu’il est nécessaire à un prince de fonder son pouvoir sur de bonnes bases sans lesquelles il ne peut manquer de s’écrouler. Celles-ci reposent fondamentalement sur ‘’les bonnes lois’’ et ‘’les bonnes armes’’, en tant qu’elles sont les facteurs d’un pouvoir équilibré et stable. « Les fondements principaux des États, aujourd’hui comme hier, sont de deux sortes : les bonnes lois et les bonnes armes » (Machiavel 141). En d’autres termes, le bon leadership politique, empreint des valeurs de la citoyenneté facilite la gestion des forces de défense et de sécurité pour l’émergence de l’État stable.
Mais, en réalité, la présence des ‘‘bonnes lois’’ et des ‘’bonnes armes’’ dans l’État peut aider à garantir l’ordre et la sécurité, pourvu que ces lois soient effectivement appliquées pour garantir les droits et libertés des citoyens. Selon le Florentin, tel semble être le but de l’engagement à la vie civile et partant, le but même de la création des villes. La finalité de la socialisation est la défense des droits fondamentaux et la sécurisation des personnes et des biens, favorable au développement. « Toutes les villes sont fondées ou par des naturels du pays ou par des étrangers. Le peu de sûreté que les naturels trouvent à vivre dispersés, l’impossibilité pour chacun de résister isolement, […] tels sont les motifs qui portent les premiers habitants d’un pays à bâtir des villes » (Machiavel 379). Déjà avec J.-J. Rousseau (Rousseau 46), la liberté qui s’inscrit dans la nature de l’homme est constamment hypothéquée dans l’espace social. Il ne se repent pas pour autant de ce choix de la socialisation puisque cela s’avère indispensable pour le salut individuel et collectif. La vie civile permet la préservation de ses droits fondamentaux qui ne peuvent s’exprimer convenablement que dans un environnement où règnent la paix, la sécurité, la stabilité, etc. Lorsque l’homme accepte d’assumer sa citoyenneté en toute responsabilité afin de préserver ces valeurs, il va sans dire qu’il reste regardant sur le respect de ses droits.
Rappelons que N. Machiavel soulignait chaque fois que le Prince doit se garder d’être haï et méprisé. Il « doit penser […] de fuir les choses qui le font tomber en haine et mépris. […] et s’efforcer qu’en ses actions on reconnaisse une certaine grandeur, magnanimité, gravité, force, et, […] qu’il fasse régner de lui l’opinion telle, que personne ne songe à le tromper ni circonvenir » (Machiavel 343). En clair, le Prince doit avoir de bonnes armes et de bons amis pour assurer sa propre sécurité. En ce sens, le régime politique libéral reste fondamental. Car, dans ce type de régime, les lois accordent au peuple certains privilèges et lui permettent d’exercer ses prérogatives sans contraintes. N. Machiavel, en son temps, faisait appel sans contexte au régime républicain, favorable à la liberté. Aujourd’hui, pour les États africains subsahariens, ce républicanisme machiavélien peut renvoyer aux nouveaux standards de la démocratie qui promeuvent l’État de droits et des libertés individuelles et collectives.
L’équilibre politique de ces États doit se garantir par l’instauration d’institutions profitables à l’ensemble du peuple. Ces institutions, reposant sur un principe de liberté englobante, favorisent la cohésion sociale. De la sorte, les antagonismes entre groupes sociaux ne risquent pas d’entraver la paix sociale, et partant, la sécurité. Vu le fait que les menaces sécuritaires peuvent provenir de l’extérieur, mais aussi et encore de l’intérieur de l’État, la sécurisation militaire devrait s’inscrire dans cette même logique, c’est-à-dire, être garantie autant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
3. L’émergence sécuritaire : vers une symbiose de l’efficacité politique et militaire
Le concept machiavélien de sécurité implique la communication entre la bonne gouvernance politique et la promotion de la réforme des forces de défense et de sécurité. Les ‘‘bonnes lois’’ sont, en effet, inimaginables là où les moyens sécuritaires sont défaillants. À ce propos, les deux cas pratiques de la gouvernance italienne par le prédicateur Jérôme Savonarole (Machiavel 305 ; 1424) et Pier Soderini (Machiavel 401) paraissent édifiants. Ces deux hommes d’État influencés par les pesanteurs, religieuses et éthiques, furent porteurs de réformes peu prospères en Italie, eu égard à la défaillance de leurs systèmes de sécurité. Leurs gouvernances révèlent les risques d’une absence de mesures sécuritaires dans l’État qui amène N. Machiavel à faire la recommandation suivante : « il faut qu’un prince soit solidement assis : autrement il croulera. Les principaux fondements qu’aient tous les États, aussi bien les nouveaux que les anciens et les mixtes, sont les bonnes lois et les bonnes armes » (Machiavel 324). Selon lui, « comme il n’est pas possible d’avoir de bonnes lois là où les forces ne valent rien, et que si les armes sont bonnes, il est aussi bien raisonnable que les lois y soient bonnes », (Machiavel 324).
La faiblesse militaire doublée de la corruption du corps politique italien du temps de N. Machiavel le convainquent de l’importance et de la qualité de ces deux entités dans l’État. En Afrique subsaharienne, il est impérieux de faire correspondre la politique et l’armée. Lorsqu’il est question de résoudre des problèmes militaires, il s’avère essentiel d’aborder aussi les aspects politiques de ces problèmes. Pour relever le défi sécuritaire dans les États d’Afrique subsaharienne, il est indispensable que les problèmes liés à la crise soient abordés de façon globale. C’est-à-dire que l’on veuille en analyser les différents aspects pour garantir une bonne sécurisation de l’État. Car, en dehors de la sécurité, il n’y a pas d’État véritable. L’on peut, dès lors comprendre pourquoi la réforme militaire occupe une place de choix dans sa réforme gouvernementale. N’est-ce pas le moyen adéquat pour l’épuration des systèmes sécuritaires ? N. Machiavel pense que l’armée nationale est la solution de l’équation de la faiblesse militaire. En réalité, si les armées africaines subsahariennes se constituent par des soldats nationaux des États de cette contrée (subsaharienne), l’on peut espérer qu’ils s’investissent pour la cause nationale. De sorte que les risques d’infiltration terroristes à partir des armées soient limités. La constitution de l’armée nationale nécessite le sacrifice de subordination des cœurs et des esprits des nationaux. Autant par l’humilité et l’amour inconditionnel de la vertu, les Anciens romains parvinrent à des exploits, autant les armées africaines subsahariennes nationalistes pourraient aider à juguler les attaques terroristes devenant régulières, particulièrement dans la sous-région occidentale du continent.
S’il est vrai que l’efficacité du corps politique repose sur le leadership du dirigeant. Il est tout aussi vrai que les forces de défense et de sécurité efficaces sont au fondement de la protection de l’État à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Elles permettent de garantir le respect de la loi suprême et des autres lois relatives aux normes, obligations, … En effet, la valeur du dirigeant se mesure à son leadership. Le bon leader peut, certes, user de tous les moyens pour faire régner l’ordre. Seulement, il ne faut pas oublier que cet ordre n’advient, réellement, que parce que les forces armées se déploient comme un ensemble de moyens à sa disposition. Autrement dit, les forces armées sont le canal par lequel le souverain veille à l’application et au respect des lois internes et à la garde frontalière. Puisque les forces de défense et de sécurité constituent les armes du souverain, elles méritent d’être qualitatives. En vérité, les armes qualitatives ne se résument pas aux meilleurs outils techniques, (les armes du combat) uniquement, mais encore et surtout à la qualité des hommes qui mènent le combat militaire. N. Machiavel pense que ces détails, tant surestimés par les Anciens, ont dû manquer à ses contemporains dirigeants politiques. C’est pourquoi il leur propose une voie de recours qui procède d’emblée à la disqualification des modèles sécuritaires fondés sur le mercenariat et la défense des personnes, des biens et du territoire par les armées auxiliaires. Son aversion pour ces deux derniers modèles d’armées, mercenaires et auxiliaires se justifie par le fait qu’elles influencent la détermination du souverain. Ce dernier, devenant incapable de décider perd son autorité, et partant provoque la ruine de l’État.
Si un homme veut fonder l’assurance de son État sur les forces mercenaires, il ne sera jamais soutenu ferme, […] La cause de cela est qu’ils n’ont autre amour ni autre occasion qui les tienne au camp qu’un peu de gages, ce qui n’est pas suffisant à faire qu’ils veuillent mourir pour toi. (Machiavel 325)
En outre, « les armées auxiliaires, […] lesquelles viennent aider et défendre, […] Cette sorte d’armes peut bien être bonne et profitable pour elle-même, mais à ceux qui y font appel, elle est presque toujours dommageable. » (Machiavel 329)
La concordance entre les arts, politique et militaire, favorise une existence harmonieuse dans l’État, ce qui permet de soutenir l’idée de leur complémentarité. Sans doute, N. Machiavel en avait-il, déjà, une nette idée, qui lui fit poser l’hypothèse de la conquête et de la conservation du pouvoir. Inviter le souverain à conquérir le pouvoir et le conserver revient à lui suggérer d’user de la maestria et de l’habilité dans la pratique de la politique. Il s’agit de bien savoir agencer les intelligences, militaire et diplomatique. D’ailleurs, n’a-t-il pas admis que la pratique de la guerre soit l’une des activités recommandées au gouvernant. « Un prince donc ne doit avoir autre objet ni autre pensée, ni prendre autre matière à cœur que le fait de la guerre et l’organisation et discipline militaires ; car, c’est le seul art qui appartienne à ceux qui commandent » (Machiavel 332). N. Machiavel conçoit la pratique de la guerre comme l’un des principes fondamentaux de la gouvernance. De sorte que le souverain qui s’y soustrait devient vulnérable et ne peut manquer d’échouer. « […] on voit que quand les Princes se sont plus adonnés aux voluptés qu’aux armes, ils ont perdu leurs États. Or, la principale chose qui te les peut faire perdre, c’est de ne tenir compte de cet art, et la cause qui t’en fera gagner d’autres, c’est d’en faire métier. » (Machiavel 332)
N. Machiavel détermine les fondements de l’ordre politique par l’expertise militaire. En effet, la sécurité du territoire, des individus et des biens qui justifie l’ordre et la stabilité est une prérogative du gouvernant, pourtant, elle relève plus concrètement du talent militaire. C’est dire que dans l’art de la gouvernance machiavélienne, la politique et l’armée s’interpellent. En ce sens, (Zancarini 1475) écrit que « dans les textes de N. Machiavel, la question de la guerre est souvent l’horizon même de la question de la politique. La politique et la guerre y sont en permanence mêlées, souvent indissociables ». La guerre, ou tout simplement les combats, par le moyen de la force militaire permettent de posséder le pouvoir et d’assurer de façon stratégique la défense du territoire. Mais, tout ceci s’enracine dans une tactique politique bien élaborée.
La situation sécuritaire actuelle critique commande la réforme. La projection de la réforme machiavélienne de l’armée italienne de la Renaissance dans le contexte africain subsaharien se justifie par la relative similarité entre les deux contextes de crises, italien et africain subsaharien, et surtout, l’invariabilité de la nature humaine que cet auteur conçoit. L’insécurité italienne de la Renaissance, due à la corruption politique et à la faiblesse des forces armées semble se renouveler dans la crise africaine actuelle, liée aux dérives de la mondialisation. Cette crise, particulièrement grave en Afrique subsaharienne, se dévoile également dans des distorsions à l’instar de celle de l’Italie de la Renaissance où la prospérité économique contrastait avec le climat sociopolitique. Le croisement antithétique actuel s’effectue entre des forces nécessaires dans le même contexte, il y a comme une sorte d’affrontement des contraires, notamment, le sommet contre la base, le centre contre la périphérie, le local contre le global ou même l’individuel contre l’universel. Ces oppositions font naître le dilemme entre la tradition et la modernité, la guerre et la paix, la richesse et la pauvreté, la justice et l’injustice, …. Alors même que les autres continents de la planète semblent retrouver la stabilité et l’équilibre de leurs politiques, les Africains subsahariens sombrent dans le désespoir de l’insécurité et de l’instabilité sociopolitique. Des pouvoirs politiques se révèlent corrompus et l’incivisme prospère parmi les politiques, les populations civiles et les forces de la défense et de la sécurité. En vérité, la partie subsaharienne du continent africain est en proie à des violences multiformes, à la barbarie, à des soulèvements, à des coups d’États et à des conflits armés déstabilisateurs des États africains et leurs économies, leurs identités culturelles,… Les évènements se renouvellent indéfiniment dans l’histoire. Aussi, la situation de crise italienne de la Renaissance semble-t-elle se relire dans les instabilités politiques et autres évènements troubles de l’Afrique subsaharienne contemporaine. (Duvernoy 190) soutient que « les réponses machiavéliennes sont actuelles, ou directement fondatrices de notre actualité ». Pour (Giono XVI), en lisant les écrits de N. Machiavel, l’on a comme l’impression de lire un texte propre aux évènements de notre temps. « Le souffle du lecteur suffit à chasser de ces textes la poussière du passé. L’encre luit comme si la phrase était écrite de tout à l’heure ». En effet, « le tumulte de notre époque fait un bruit exactement semblable au bruit du tumulte qui emplissait à certains jours la place de la Seigneurie et constamment la Toscane, la Romagne, l’Ombrie, Venise, Milan, Rome, Naples, Gênes » (Giono XVII). De fait que le clin d’œil à N. Machiavel s’inscrit dans une perspective de réappropriation des identités, politique et militaire, actuelles dans le miroir de la Renaissance en vue de s’en inspirer. Les passions humaines sont donc identiques, indépendamment des réalités spatio-temporelles. Ce qui fait que les stratégies sécuritaires de sa théorie peuvent contribuer à la renaissance mondiale, et plus pertinemment, à la régénération des contrées africaines subsahariennes asservies.
La théorie sécuritaire machiavélienne est une source louable d’inspiration pour instaurer une politique sécuritaire et de gouvernance adéquate en Afrique. Cependant, l’incertitude commande que l’on sache discerner les réalités historiques afin de déterminer des conditions adéquates d’une émancipation sécuritaire, car, l’Afrique subsaharienne a ses spécificités. Son héritage colonial en fit une contrée de développement du régime de parti unique qui semblait concorder, au départ, avec le régime princier machiavélien. Mais, sous l’influence de la corruption, ce régime d’autorité personnelle vire à la dictature. Les despotes africains subsahariens, croyaient avoir « absorbé la puissance de la société, comme si, Ego absolu, ils pouvaient indéfiniment se dilater sans rencontrer de résistance dans les choses. » (Pisier 366) Le désir de se maintenir au pouvoir fait qu’ils recourent aux forces armées étrangères (occidentales) pour assurer leur protection. Or, tel que N. Machiavel le signifie, les hommes, en général, aspirent à la quiétude et au bonheur qui les poussent à se soulever, même contre leur dirigeant, sitôt qu’ils se sentent menacés dans l’État.
L’Afrique subsaharienne apparaît comme « la région du monde la plus affectée par les luttes armées ou les crises politiques porteuses de germes de guerre » (Ayissi 18) à cause de l’inconséquence de ses dirigeants.
Au cœur de l’insécurité en Afrique se trouve une rupture de systèmes de gouvernance causée en grande partie par le règne du patronage et la mauvaise utilisation d’instruments gouvernementaux de coercition pour imposer l’exclusion politique et sociale […]. Seul un changement fondamental de la manière dont la sécurité est conçue et la poursuite d’un agenda qui met les citoyens au centre de la planification et de la fourniture du service sécuritaire peut modeler ces États dans des environnements stables et sécurisés où le développement peut émerger. (Mamosi 4)
L’émergence sécuritaire africaine dépend de la mise en relief des stratégies politiques. Celles-ci doivent êtres concrètes. D’où, l’intérêt de la pensée machiavélienne reconnaissant l’insatiabilité naturelle de l’homme qui le pousse au changement. Il propose d’y répondre par une relecture contextuelle du modèle de philosopher machiavélien, favorable à la reconstitution de la dignité et du droit des États africains subsahariens aux yeux des États des autres continents. Résorber les tragédies africaines à la manière machiavélienne suppose que les dirigeants politiques aiment leur patrie et œuvrent à neutraliser tous les germes de l’instabilité sur le continent. Ainsi, l’influence qu’exercent les grandes puissances sur les petits États, sur les élites africaines ne doit pas les amener à ignorer l’application des normes sociales. Car, c’est la seule condition qui tient la route pour pouvoir lutter et faire revivre leurs peuples dans les meilleures conditions. Ainsi, animé de l’amour pour sa patrie, le dirigeant africain subsaharien devrait être poussé à la bonne gestion des biens publics. Il devrait pouvoir se départir de la mauvaise habitude qui consiste à faire un usage personnel de la caisse publique. En tant que prince, il devrait pouvoir garantir la paix sociale en évitant de toucher aux biens et aux femmes de ses sujets car « ce qui le fait le plus haïr, […], c’est piller les biens et prendre à force les femmes de ses sujets » (Machiavel 343-344). Pour N. Machiavel, les princes pourraient éviter la corruption au sein de la classe politique, qui servira de modèle à l’armée et à la population civile. De toute évidence, le peuple corrompu représente un danger pour la tranquillité de l’État qui se veut souverain. Pour y remédier, (N’dri 176) pense que « les leaders politiques africains sont tenus de ne plus songer au salut de leurs âmes, ni à leurs jouissances ou à leurs grandeurs propres. […]. Ils doivent comprendre que le bien public n’est pas le bien de la seule sphère dirigeant, mais de la collectivité ».
L’heure n’est plus à la recherche des satisfactions des États isolés, qui imposent aux politiques africains des relations de coopérations biaisées avec les puissances occidentales. En plus de s’attirer la bienveillance de leurs administrés, les gouvernants devront opter pour le consensus ou l’union des forces armées et politiques africaines en vue de stabiliser les États perturbés par des troubles persistants autant que pour remédier aux menaces terroristes et à la criminalité qui contrarient le développement de leurs États. Le machiavélisme coïncide, selon (Horkheimer 13) avec la nouvelle perception scientifique de la nature qui permet de distinguer de façon discursive, le sujet connaissant de l’objet de la connaissance. Dans cette optique, il devient essentiel de repréciser la place de l’Afrique subsaharienne dans le concert des nations. Une place nouvellement définie sur le fond de réalisme, dans un rapport de pertinence vis-à-vis de ses aptitudes à l’intégration régionale et internationale. Il s’agit d’inscrire le continent africain dans une logique d’auto-responsabilité stimulante du processus de développement global dont les fondements essentiels seraient, à la fois, économiques, politiques, institutionnels, socioculturels, mais encore et surtout sur la base des diplomaties transversales de discussions. Pour tout dire, le modèle sécuritaire africain subsaharien du millénaire doit s’inscrire dans une perspective englobante, à la fois liée aux spécificités nationales sans toutefois exclure les standards internationaux de territoires, de nationalité, de citoyenneté et de gouvernement.
Conclusion
Au terme de notre analyse, il ressort que la notion de sécurité revêt une valeur cardinale pour l’humain. L’on peut l’inscrire, avec l’éducation et la santé, au nombre des défis majeurs de la politique publique. Pour preuve, depuis l’ère moderne, surtout à partir de N. Machiavel, cette problématique est abordée avec beaucoup d’engouement. Outre la philosophie politique édifiante des anciens romains, les stratégies politiques et sécuritaires de N. Machiavel à la Renaissance ont constitué la source nourricière de nos propositions de réformes des forces sécuritaires contemporaines. Notre problématique portant sur la réforme militaire en Afrique subsaharienne, visant à déterminer les moyens de relever de façon pérenne, les défis sécuritaires de ce temps marqué par des bouleversements de tous ordres a tenté d’épouser la thèse nationaliste machiavélienne pour la sécurisation de l’État, des personnes et des biens. Celle-ci propose une approche réaliste de la situation, permettant de distinguer rigoureusement le sujet et l’objet de la connaissance. De la sorte, la sécurisation des États s’effectue dans la mesure où les stratégies politiques ou de la gouvernance épousent les dispositions de régulation des forces armées, afin qu’elles convergent toutes vers la dynamique de l’unité et du développement. Significativement, pour que les États africains subsahariens connaissent le renouveau sécuritaire, il faut, d’abord, que les stratégies politiques ou de la gouvernance des États de cette contrée cadrent nécessairement avec les standards internationaux de l’État de droit ; ensuite, il faut que les services de protection et de sécurisation offerts soient inclusifs, au sens de privilégier le bien-être du citoyen ; enfin, il faut que les transformations qui résultent de ce nouvel environnement soient propices au développement. En clair, la réforme sécuritaire africaine subsaharienne adéquate doit être l’initiative de l’État national, associant la société civile active et la communauté internationale dans l’optique d’atteindre l’objectif commun : le développement durable.
Travaux cités
Ayissi, Anatole. « Le défi de la sécurité régionale en Afrique après la guerre froide, vers la diplomatie préventive et la sécurité collective », travaux de recherche de l’UNIDIR, New York et Genève, N˚027, 1994.
Bodin, Jean. Les six livres de la république, Paris : Garnier-Flammarion, 1999.
Duvernoy, Jean-François. Pour connaître la pensée de Machiavel, Paris : Bordas, 1974.
Pisier, Evelyne. Histoire des Idées politiques, Paris : PUF, 1982.
Giono, Jean. « Introduction » aux Œuvres complètes, Paris : Gallimard, 1952.
Hobbes, Thomas. Léviathan ou matière, forme et puissance de l’État chrétien et civil, traduit de l’Anglais par Gérard Mairet, Paris : Gallimard, 2000.
Horkheimer, Max. Les débuts de la philosophie bourgeoise de l’histoire, traduction française de Denis Authier, Paris : Payot, 1980.
La Sainte Bible, trad. Louis Second, Dallas, Texas 75116, USA, World Wide Printing/Franchrix Publishers, 2013.
Locke, John. Deuxième traité du gouvernement civil, Traduction par Bernard Gilson, Paris : J. Vrin, 1977.
Machiavel, Nicolas. Le Prince, traduit par Christian Bec, Paris : Pocket (Poche), 2019.
Machiavel, Nicolas. Ceux qui désirent acquérir la grâce d’un prince…, traduction de Gérard Luciani, Paris, Éd. Gallimard, 2017.
……….. Œuvres complètes, traduction française de Edmond Barincou, Coll. La Pléiade, Paris : Gallimard, 1952.
N’Dri, Dibi Cyrille. La face cachée de Machiavel, Abidjan, Balafons, 2013.
Palé Koutouan, Chantal., « La souveraineté de l’État face aux défis de la mondialisation » in Longbowu, Revue des Lettres, Langues et Sciences de l’Homme et de la Société, N° 009, Vol. 2, 2020, p.763-780.
Rousseau, Jean-Jacques. Du contrat social, Paris, G.F. Flammarion, 2001.
Webographie
Mamosi, Lelo Simon, Menaces actuelles à la sécurité nationale et au développement de l’Afrique : défis, opportunités et stratégies, http://www.cafard.org/Workshops/Tanger09-11-04-12/4DG-fr.pdf, consulté le 05/10/2021.
Sajdik, Martin, Les Défis de la Lutte Contre la Corruption aux Niveaux National et International, https://www.un.org article les-defis-de-la-lutte-contre-la-corruption-un.org, consulté le 5/10/2021.
Zancarini, Jean-Claude, article intitulé « se pourvoir d’armes propres » : Machiavel, les « péchés des princes » et comment les racheter, revue Astérion, Paris, 6-2009, http://asterion.revues.org/1475, consulté le 05/10/2021.
Comment citer cet article :
MLA : Palé Koutouan, Chantal. « Réformes militaires face aux défis sécuritaires en Afrique subsaharienne à la lumière du projet politique de Nicolas Machiavel. » Uirtus 1.2. (décembre 2021) : 457-474.
§ Université Alassane Ouattara – Bouaké / [email protected]
[1] « C’est le premier examen de l’homme, peut-être le seul purement objectif ; l’étude des passions faites sans passion, comme l’étude d’un problème mathématiques ; un souci essentiel de précision et de vérité ; le rejet absolu de tout ce qu’il faudrait accepter sans preuve » (Giono XIII).