Ousséni Dierma§
Résumé : La mondialisation se veut une forme de système économique planétaire qui ait pris des proportions inquiétantes avec l’avènement des progrès techniques et technologiques, occasionnant désormais de la concurrence acerbe entre les acteurs du marché mondial. Cela a engendré l’augmentation de la production industrielle parce que chaque firme voulant produire mieux et étouffer les autres en vue de les voir disparaitre sur le marché. Il faut dire que la montée de la production a aussi eu des conséquences sur l’environnement, qui se sont révélées par la dégradation de la biodiversité, par les dépôts de déchets souvent toxiques dans quelques endroits de la planète et par la pollution de l’air et des eaux, de même que par l’enlaidissement de la nature. Entre autres solutions à ces comportements inhumains à l’égard de notre environnement, des perspectives du genre, le respect de la biodiversité, l’instauration de taxe de pollution en vue de minimiser les actions de pollution de l’environnement et la mise en œuvre de la politique du développement durable, fondée sur une éducation personnaliste visant la formation de la personne à une existence responsable vis-à-vis de son environnement, ont été envisagées.
Mots-clés : Mondialisation, technique, technologique, l’environnement éducation
Abstract: Globalization is a form of planetary economic system that has taken on worrying proportions with the advent of technical and technological progress, resulting in acrimonious competition between the actors of the world market. This has led to an increase in industrial production as each firm wants to produce better and stifle the others in order to see them disappear from the market. It must be said that the increase in production has also had consequences on the environment, which are revealed by the degradation of biodiversity, by the often toxic waste deposits in some places of the planet and by the pollution of the air and water, as well as by the ugliness of nature. Among other solutions to these inhuman behaviors towards our environment, perspectives of gender, respect for biodiversity, the introduction of pollution tax to minimize the actions of environmental pollution and the implementation of the policy of sustainable development, based on a personalist education aimed at the training of the person to a responsible existence vis-à-vis its environment, have been considered.
Keywords : Globalization, Technical, Technological, Environment, Education
Introduction
Les mutations opérées dans le monde en vue de promouvoir le développement, ont eu un impact sur le système économique qui, à son tour, a pris une envergure importante au point de se muer en marché planétaire, en marché mondial, appelé mondialisation économique. Il regroupe désormais des acteurs internationaux qui se livrent sans merci une concurrence difficile conduisant chacun de ces acteurs à produire davantage et de façon effrénée, en vue de se dominer et de s’étouffer les uns les autres. L’on pourrait d’ores et déjà se demander : quels sont les facteurs favorisant la concurrence au sein du marché mondial ? Quelles conséquences la mondialisation pourrait-elle avoir sur l’environnement ? Quelles dispositions faut-il prendre pour minimiser les conséquences liées à l’accroissement de la production sur l’environnement ? N’est-il pas indiqué d’adopter des dispositions concrètes et responsables comme solutions de remédiation aux problèmes que posent la mondialisation à notre environnement ? Une éducation personnaliste ne serait-elle pas par ailleurs indiquée dans la formation du citoyen en vue de réussir à s’assumer dans la gestion de son environnement ? La réponse à cette problématique requiert de nous, de présenter le concept de mondialisation et de celui de personnalisme ; ensuite d’exposer les conséquences antipersonnalistes sur l’environnement ; pour enfin envisager des perspectives de sortir de ces crises environnementales occasionnées par les conséquences de la mondialisation.
- Présentation de la mondialisation
- Définition du concept de mondialisation
De nombreux problèmes se posent lorsque l’on aborde la question de la définition et du contenu du mot « mondialisation ». L’un d’entre eux est celui de la multiplicité des sens, la juxtaposition et l’imbrication des sens codés et des connotations du mot. Un autre est celui de l’utilisation de deux mots, « mondialisation » et « globalisation », là où l’anglais n’utilise que « globalisation » ou « globalization », les deux orthographes sont utilisées. En vue de mieux cerner cette question, il importe d’analyser la constitution progressive du sens de ces deux mots.
Il faut comprendre que le mot « mondialisation » continue de se construire, continue de changer et surtout, il fait l’objet d’investissements idéologiques forts. Les approches du mot, qu’elles soient économiques, politiques, sociologiques, ou géographiques, sont mouvantes.
Selon Le Petit Robert, le mondial est relatif à la terre entière ; qui intéresse toute la terre ; le global s’applique à un ensemble, qui est pris en bloc.
A la mondialisation il faudra faire correspondre la diffusion ou l’extension. Par exemple la diffusion d’un produit, d’une idée, d’un aspect, d’un mode de vie particulier, à l’ensemble de la planète. Par contre à la globalisation de désigner une organisation tout à fait nouvelle des entreprises, ou du moins de certaines entreprises, de certains modes de production, de la finance, en bref de l’ensemble des agents économiques. L’organisation du marché se fait conformément à ses acteurs (G7, OMC…) de la monnaie…C’est ainsi que l’on parlera de firme globale, de ville globale, de marché global, qui le sont tous, non par leur extension planétaire, mais par leur organisation tout à fait nouvelle. Si la mondialisation se définit comme l’expansion planétaire d’un produit ou d’un système de comportement ou d’activité visant l’exploitation ou la déshumanisation d’autres personnes, La philosophie personnaliste de Mounier pour sa part, substituera à cette forme de mondialisation, la mondialisation de l’humanité, de la fraternité qui fera de la communauté mondiale, une communauté de personnes entretenant entre elles des liens fondés sur l’amour du prochain et sur des principes universellement valables.
D’ailleurs la mondialisation du géographe n’est pas que diffusion. Elle est aussi et surtout, de l’organisation. Il s’agit par exemple d’un espace, ou plutôt d’un méta-espace. Alors selon l’esprit de globalisation, l’espace monde représente la planète Terre en tant qu’ensemble humanisé en relation ou en interaction. Un tel espace organisé se présente comme un phénomène tout à fait nouveau.
A titre d’illustration, Mc Luhan, professeur de l’université de Toronto au Canada, précise que « l’interdépendance nouvelle qu’impose l’électronique, crée le monde à l’image d’un village global. » (34.) Quelques années plus tard, Zbigniew Brzezinski, professeur à l’université de Colombia continue lui aussi de reconnaître aux Etats- Unis la « première société globale de l’histoire » (Zbigniew Brzezinski), car il met en évidence la puissance des Etats-Unis dans la communication, dans la haute technologie. Mais il insiste surtout sur le fait que le mode de vie des Américains est en passe de devenir le mode de vie mondial : il est un modèle global de modernité. En d’autres termes, le monde entier est conduit désormais à copier le mode de vie américain, cela paraîtra une autre forme d’organisation qui impose le mode de vie d’une communauté à toutes les autres communautés du monde. Un principe de comportement qui se révèle contraire à la vision personnaliste, qui voudrait que toute option se face par consensus. En référence au personnalisme, ce ne serait que par esprit de système voilé que les Américains seront arrivés à imposer leur mode de vie à tout le monde entier et ceci en vue de dominer et d’exploiter inhumainement l’humanité. L’idée de collaboration entre les nations, combien chère à Mounier, se trouve ici écartée par cette puissance mondiale vis-à-vis des autres peuples du monde. A la lumière de cette définition de la mondialisation, il y a lieu de remarquer que le concept revêt trois formes.
- Les formes de la mondialisation
- La forme internationale
La forme internationale ; elle a pour dimension dominante les échanges des biens et services entre les pays. La logique de cette configuration est fondée sur le principe de la spécialisation internationale qui repose sur les différences de productivité sectorielle entre différents territoires nationaux. C’est dire que selon ces principes, chaque nation doit se battre pour mieux produire et surtout d’une manière spécifique afin d’être compétitive avec les autres nations. Ici les autres dimensions ne sont pas importantes, du reste elles se rapportent à cette seule dimension internationale. C’est plutôt la figure du marchand vendeur à l’extérieur qui importe plus.
- La forme multinationale
La forme multinationale ; elle se rapporte à la mobilité de la production des biens et services. L’accent est ici mis sur les investissements directs à l’étranger des firmes qui débouchent sans doute sur la compétitivité entre entreprises multinationales. L’important ici n’est plus d’effectuer les échanges import-export, mais il demeure désormais impérieux pour les grandes entreprises de faire des filiales qui vont s’installer dans d’autres localités afin de dominer le marché au détriment d’autres entreprises de ce type. Alors pour Charles-Albert Michalet (27) « Les firmes multinationales (ou transnationales) deviennent les acteurs principaux de la mondialisation. Les Etats-nations subsistent, mais ils ont perdu leur position prépondérante. » C’est pour signifier que conformément à ce système l’accent n’est plus mis sur le commerce entre nations mais sur la concurrence entre multinationales. Les Etats-nations y perdent leur importance. C’est désormais les grandes entreprises qui multiplient leurs filiales pour s’installer de mieux en mieux dans plusieurs Etats-nations afin de s’imposer aux autres, sinon que de les anéantir sur le marché au plan mondial. Les transactions se font enfin entre multinationales. Il faut constater à la lumière de la philosophie de Mounier que ce sont ici les individualités qui sont mises en exergue et valorisées au détriment de la dimension personnelle et humaine de l’homme. C’est dans ce contexte de concurrence au sein de la mondialisation dite multinationale qu’Alain Coefé, dans son ouvrage : La Mondialisation trente ans après, définit la mondialisation comme
un système extrêmement compétitif où ceux qui sont invités au festin raflent tout, où de nouveaux convives par la force des choses s’invitent au repas, ne laissent que des miettes aux perdants et rien à ceux qui sont absents. Elle creuse les inégalités entre le Nord et le Sud, les pays du Nord entre eux, les pays du Sud entre eux, ainsi qu’entre les riches et les pauvres de chaque Etat-nation. Alain Roger Coefé (2012, p.73.)
Alors, la mondialisation peut se comprendre comme étant un marché international où les grandes entreprises dominent et nuisent aux plus petites.
- La forme globale
La forme globale de la mondialisation se caractérise par la prédominance de la dimension financière. C’est la rentabilité des capitaux qui est ici une préoccupation. Il faut dire qu’avec cette nouvelle configuration, les mouvements des capitaux deviennent autonomes, ils échappent en partie aux déterminations de l’économie réelle pour prendre en compte les taux des marchés financiers internationaux et des marchés des changes. Pour ce faire, les entreprises développées se voient obligées d’être en accord avec les partenaires financiers tels les fonds de pension, les fonds d’investissements, les compagnies d’assurances, les banques d’investissements. Il faut reconnaître qu’en référence à la philosophie personnaliste, cette forme globale de la mondialisation ne vise que ce que Mounier a appelé dans le système capitaliste « le profit capitaliste » (Emmanuel Mounier 140.), fondé sur la fécondité de l’argent. Dans l’esprit de Mounier ce profit ne tient compte d’aucune réalité de la personne, même pas de ses besoins. C’est du reste ce qui le conduit à affirmer que « L’économie capitaliste tend à s’organiser tout entière en dehors de la personne, sur une fin quantitative, impersonnelle et exclusive : le profit. » (Emmanuel Mounier 140.)
Les progrès dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont décuplé la vitesse des mouvements de capitaux par rapport à celle des mouvements des biens et des investissements industriels. Les frontières nationales sont alors minimisées. En effet les différentes places financières bénéficient d’un statut d’extraterritorialité et les opérateurs n’ont pas à se soucier outre mesure des règlementations et des contrôles du secteur financier émanant des Etats d’accueil, des banques centrales et des organisations internationales. C’est le stade de la forte poussée capitaliste, auquel Mounier évoque la rationalisation du capitalisme. Ayant désormais mis en jeu les nouvelles technologies de l’information, l’économie à ce niveau précis de la montée capitaliste, cesse d’être humaine. C’est l’avis que Mounier a porté sur le capitalisme à un niveau donné de sa modernisation en ces termes : « l’appareil financier rationalisé, en s’emparant de la maîtrise d’une économie primitivement organique, devait accélérer sa dépersonnalisation. » (Emmanuel Mounier 145) Dans ce contexte de globalisation financière, la désintermédiation est un succès car elle permet aux prêteurs et aux emprunteurs de traiter librement sans passer par l’intermédiaire des banques qui intervenaient initialement sur les taux des crédits et qui imposaient aux emprunteurs de ces crédits des contraintes de l’encadrement.
1.3. Les facteurs accélérateurs et la concurrence dans la mondialisation
Avec la chute du mur de Berlin, le risque de la guerre mondiale s’efface. D’un jour à l’autre, les règles de fonctionnement de l’économie se mondialisent, car les ex-pays communistes embrassent l’économie de marché avec le zèle des convertis. En réalité, ce sont les règles de l’Amérique qui s’étendent à la quasi-totalité de la planète. La pax americana réduit considérablement les difficultés de l’échange entre deux pays du monde, éloignés géographiquement, elle abaisse les barrières et ce qu’on appelle les coûts de transaction. Quand bien même j’achète en Patagonie, je suis à peu près sûr que mes interlocuteurs se comportent de la même manière que moi quant au respect du contrat. Toutes les phases de la mondialisation naissent à l’ombre protectrice d’un empire. Car l’empire investit dans la production de biens essentiels (la sécurité, le respect de l’ordre, les infrastructures, les règles de comportement social) qui sécurisent les transactions.
La vitesse constitue un impératif majeur dans la configuration globale. Les opérateurs financiers doivent faire circuler leurs capitaux à la vitesse de la lumière. Les firmes industrielles multinationales sont elles aussi pressées. Elles n’ont plus le temps de négocier interminablement l’autorisation d’investir avec les administrations des pays hôtes. En effet quand les décisions tardent trop, quand les conditions demandées sont trop élevées, elles préfèrent aller ailleurs, dans un autre pays, où les avantages de localisation sont comparables. Comme autres stratégies pour s’en sortir dans cette forme globale, les firmes sont contraintes de combiner d’un côté, l’accès à des marchés nationaux ou régionaux et, de l’autre, la minimisation des coûts par l’implantation de filiales de production spécialisées. La levée des différentes barrières susceptibles d’empêcher la circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes demeure une nécessité impérieuse.
La stratégie des firmes a alors changé car la concurrence s’est exacerbée et il leur faut désormais créer de la valeur, afficher une rentabilité financière suffisante pour que les investisseurs institutionnels conservent leurs actions dans leurs portefeuilles ; sinon qu’elles seront à la merci de la faillite ou de l’absorption par un concurrent. Afin de répondre donc à cette nouvelle donne du marché un nombre croissant de firmes se voit obligé d’adopter une stratégie globale. Il est à reconnaître que les principes de l’économie capitaliste se sont désormais imposés au monde. Inhumains au départ, ils sont devenus les normes auxquels doit désormais se plier l’humanité. Mounier avait d’ailleurs déjà attiré l’attention sur ce revirement social qu’a pu occasionner le système économique moderne, quand il dit que :
l’organisme économique a brusquement proliféré à la fin du XVIIIe siècle, et comme un cancer il a bouleversé ou étouffé le reste de l’organisme humain. Faute de recul ou de philosophie, la plupart des critiques et des hommes d’action ont pris l’accident pour un état normal. Ils ont proclamé la souveraineté de l’économique sur l’histoire, et réglé leur action sur le primat, à la manière d’un cancérologue qui déciderait que l’homme pense avec ses tumeurs. (Emmanuel Mounier 131.)
Mais Mounier préconise que l’économique soit réglé sur la base de décisions objectivement élaborées, conformes aux réalités du moment et orientées vers l’humain. Toute action économique devrait selon un sens personnaliste dépendre des orientations politiques qui ne sont que les produits de la manifestation de la responsabilité des peuples. C’est bien le contraire que Mounier entend condamner, c’est-à-dire que les décisions politiques soient subordonnées à l’économie.
D’abord la mondialisation met en concurrence les nations développées, chacune voulant dominer l’autre. C’est ainsi que la Chine et les Etats-Unis sont en rivalité. Les Etats-Unis constituent le marché pour les produits fabriqués en Chine, tandis que Pékin est le banquier Washington achetant des centaines de milliards de dollars de bons du trésor nord-américain… Je te tiens, tu me tiens par la barbichette. La mondialisation peut déboucher également sur la baisse des salaires et sur la perte d’emploi avec l’intervention de la technologie. Car les nouvelles technologies qui abaissent les bonnes vieilles frontières entre les différents marchés du travail, exercent une pression sur les salaires. Paul Samuelson, conseiller du Président Kennedy en est convaincu qu’il déclare ceci en guise de témoignage : « Si vous ne croyez pas que tout cela puisse modifier les salaires moyens en Amérique, alors vous croyez aux contes de fées. » (Paul Samuelson 81) A une étape donnée de l’évolution du nouvel ordre économique, la personne est pratiquement considérée comme du matériel, elle est sans valeur, sans dignité. Le pouvoir économique domine et gouverne désormais tout, il soumet et banalise la personne du travailleur. En vue de mettre à nue l’exploitation sauvage de l’ouvrier dans le système capitaliste, Mounier (143) précise dans Manifeste au service du personnalisme que « le prolétariat n’est pour le pouvoir économique qu’une matière première à acheter au meilleur prix, la source d’un gaspillage qu’il faut réduire au minimum. »
L’une des conséquences du libre-échange est le krach où l’effondrement de certaines grandes entreprises financières, lié à la dévaluation d’une monnaie. Par ailleurs la dévaluation d’une monnaie donnée a toujours eu un « effet papillon » sur toutes les localités. A titre d’exemple, la dévaluation du yen, une décision prise à Tokyo, déclenche une onde qui se propage jusqu’en Amérique du Sud et en Afrique.
La modernisation des industries a comme conséquence immédiate la dégradation de l’environnement. A titre d’exemple, la fabrication de beaucoup de voitures entraine sans nul doute l’occupation et l’enlaidissement de l’espace.
La mondialisation telle que caractérisée, se situe aux antipodes du personnalisme qui vise comme centre d’intérêt, la défense de la personne humaine face aux systèmes et toute action de l’homme visant à la contrarier. Le personnalisme est d’ailleurs né dans les années 30 pour s’opposer aux désordres engendrés par la modernité en Europe. Il vise à préserver l’humanité à l’égard de toute forme d’organisation de l’homme et de toute sorte de matériel de nature à dévaloriser la dignité humaine. Mounier (1961, p. 483.), pour ce faire, le définit comme « toute doctrine, toute civilisation affirmant le primat de la personne humaine sur les nécessités matérielles et sur les appareils collectifs qui soutiennent son développement. » Le personnalisme pourrait alors être vu comme une méthode selon laquelle la mondialisation s’humanisera. Il ne s’aurait en aucun cas se présenter en système, mais en méthode qui humanisera en tout temps, notre existence.
- Les manifestations de la mondialisation sur l’environnement
- Le cas des transports
La libéralisation des échanges entraîne une augmentation du trafic des hommes et des marchandises. Ainsi la suppression des frontières surtout au sein de l’Union Européenne et la baisse des prix des automobiles ont fait croître considérablement le trafic routier depuis le début des années 97. Cette augmentation du trafic a en conséquence participé à la dégradation de l’environnement en témoigne le coût comparé des différents modes de transports en France en 2016 et la part des émissions dues aux transports dans les émissions totales à la même période.
Figure N°1 : La part des émissions de CO2 par type de transport en France en 2016
Les camions et voitures individuelles pèsent trois quarts des émissions de CO2 dues au transport (Céline Deluzarche, d’après chiffres AIE pour l’année 2016).
Figure N°2 : Le mode d’émission de CO2 dans le monde dans la période 1970-2018
Autres pays |
Chine |
Etats Unis |
Union Européenne 28 |
Inde |
Russie |
Japon |
Transport maritime international et aviation |
Tableau N°1 : Densité des réseaux routiers en Europe Réseaux routiers de quelques pays Européens (Données 2016)
Ensemble du réseau | Réseaux structurant | |||||
Pays | Longueur (milieu de km) | Densité (km/million hbts) | Longueur (milliers de km) | Densité (km/million hbts) | ||
Allemagne | Nd | Nd | 51 | 621 | ||
Espagne | 165 | 3 553 | 30 | 654 | ||
France | 1 102 | 16 507 | 21 | 318 | ||
Italie[1] | 259 | 4 260 | 29 | 471 | ||
Pays-Bas | 132 | 7 774 | 3 | 202 | ||
Royaume-Uni | 422 | 6 505 | Nd | Nd | ||
Sources : Eurostat : SDES, Mémento des transports 2018
La France dispose d’un réseau routier particulièrement long et sa densité (en kilomètre par million d’habitants) est forte, en comparaison de celles des pays limitrophes (notamment 2,5 fois plus dense que celle du Royaume Uni). Cette particularité s’explique par la configuration géographique du pays, l’histoire de son urbanisation territoriale. Toutefois, son réseau structurant (autoroutes nationales) est relativement moins long et moins dense qu’en Allemagne, en Espagne et en Italie, mais plus long qu’aux Pays-Bas.
Il est en effet constaté que de nombreux pays ont pratiqué une politique des transports tendant à privilégier l’automobile. Ce secteur a pris son essor pendant les « trente glorieuses » (Sepot 105) qui correspond à l’époque où la production automobile se concentre fortement. Nous identifions entre autres sociétés automobiles, Peugeot, Renault, General Motors, Toyota, Fiat.
On retient tout de même qu’avec la mise en œuvre du fordisme dans le secteur de l’automobile et dans celui des travaux publics, d’importants gains de productivité et la création de nombreux emplois ont été rendus possibles. La ville de Los Angeles à elle seule possède 1800 km d’autoroutes pour 11 millions d’habitants et 7 millions d’automobiles. (Sepot 105.)
- Le cas des déchets
La croissance industrielle est véritablement inquiétante au point que les sociétés industrielles rejettent de plus en plus de déchets. A titre d’illustration, la France produit 1kg par jour et par habitant d’ordures ménagères. On en compte 500kg par an et par habitant en Allemagne, 650 kg par an aux Etats-Unis et 1000 par an au Japon. (J.Y. Sepot, 1997, p. 109.)
Mais il est remarqué que les pays ont longtemps manqué de politique de traitement des déchets considérée comme inutile. Alors que les déchets de l’industrie sont de plus en plus dangereux car leur taux de toxicité augmente. Leur abandon dans les lieux non prévus pour les recevoir augmente les risques de dégradation de l’environnement.
Face au coût élevé d’aménagement d’endroits spéciaux certaines entreprises n’hésitent pas à payer les pays du tiers-monde pour garder leurs déchets au prix de la vie des occupants de ces localités. Ce sont à la limite des comportements inhumains qui méritent d’être dénoncés et même sanctionnés par la communauté internationale au nom des droits humains. Des produits toxiques provenant d’Italie ont ainsi été découverts dans la campagne de Koko au Nigéria. On estime que 100 000 tonnes de déchets chimiques sont chaque année, jetées dans la mer du Nord. (Sepot 109.)
L’énergie nucléaire entretient avec l’environnement des relations ambiguës. La croissance économique connue comme effet de la mondialisation nécessite aujourd’hui l’utilisation du nucléaire, source d’énergie. C’est une énergie propre qui ne rejette en réalité aucun gaz acide et très peu de gaz à effet de serre. La pollution est uniquement due à l’extraction de l’uranium mais elle reste négligeable comparée à celle qui est induite par la production d’énergie à l’aide de charbon.
Les risques sont cependant importants. Le nucléaire génère une forte radioactivité aux effets catastrophiques. La sécurité est draconienne. Même si les décès parmi la population qui lui sont imputables sont rares, certains problèmes subsistent cependant :
- L’effondrement du bloc de l’Est a révélé l’existence d’installations nucléaires défectueuses dans l’ex-URSS et les difficultés à les réformer ;
- Les conséquences sur l’environnement d’une fuite ou d’un accident plus grave ne sont pas connues car elles sont durables et nécessitent une observation à long terme ;
- Le stockage des déchets n’a toujours pas trouvé de solution satisfaisante.
Précisons ainsi que le 26 avril 1986, une erreur de manipulation a fait augmenter la puissance thermique du réacteur n°4 de la centrale de Tchernoby, provoquant deux explosions, un incendie et la destruction partielle du cœur de réacteur. Cinq tonnes de combustible (4% de l’ensemble) furent projetées dans l’atmosphère. Un million et demi de personnes ont été irradiées. (Sepot 119)
La mondialisation financière propage partout dans le monde des modes de consommation incompatibles avec l’environnement. Mounier a très tôt décrié les effets néfastes du capitalisme aidé par la technologie et la technique sur l’environnement. A propos de la technique, il avouait qu’elle « volatilise les richesses naturelles. Les matières premières, en effet, perdent de la valeur en se transformant : le charbon a plus de valeur que ses cendres, la cascade ne livre qu’une part de son énergie à la turbine, et le papier blanc vaut plus, comme papier, que le papier imprimé. » (Mounier 376.)
C’est alors que l’industrie rencontre le maximum d’opposition surtout quand elle va défigurer la forêt qui, avant l’agriculture fut le premier milieu de l’homme primitif, et elle est restée dans la mémoire des hommes le lieu sacré par excellence. De plus il était inconcevable de voir la mine, premier aliment de la première machine, aller directement décimer les belles forêts de chênes anglaises. Au sujet de ce fléau, Mounier précisait dès le XVIe siècle, la position de la reine Elisabeth. Siècle au cours duquel « elle avait interdit l’industrie du fer en Angleterre parce qu’elle absorbait trop de bois ; et celle de la laine, parce que les moutons envahissaient les terres et chassaient le blé. » (Mounier 376.)
Aujourd’hui, tous les modes de consommation sont basés sur une conception économique qui ne voit dans la nature qu’une matière première à consommer. Les terres agricoles disparaissent pour faire face aux développements urbains, réduisant du même coup la production alimentaire ; la surpêche épuise les ressources piscicoles ; le gaz à effet de serre pollue l’atmosphère et influe sur le climat, causant sécheresses, inondations et ouragans ; les industries chimiques et nucléaires continuent d’enterrer leurs déchets toxiques ; les marchandises circulent partout dans le monde emballées dans des millions de kilomètres carrés de papier et de carton produits par la déforestation.
La mondialisation des modes de consommation s’accompagne aussi d’une mondialisation des déchets. Des montagnes de déchets nucléaires et chimiques, de produits toxiques, de seringues, de pansements, de gaz d’hôpital, de peinture, de plastique, de réfrigérateurs, de vieux pneus, de vêtements, d’objet en métal, de vaisselle, de tout ce que les pays industrialisés occidentaux jettent, sont systématiquement transportés vers de nouveaux dépotoirs mondiaux dans les régions sous-développées dont l’Afrique. Si la mondialisation était couronnée de succès, parviendrait-on à recycler les déchets additionnels de quatre milliards de nouveaux consommateurs ou faudrait-il changer nos habitudes de consommation. Il s’agit là des comportements antipersonnalistes occasionnés par les Occidentaux et qui pèsent énormément sur les populations des localités très pauvres et surtout innocentes. Aux yeux du personnalisme, ces genres de comportements s’assimilent à la limite à un crime fait contre l’humanité entière. Puisque chaque personne sur terre, à travers ce mal, sent son humanité touchée, elle souffre moralement de constater d’autres personnes comme elle, supporter une injustice causée par les autres.
Il est évident que si les modèles de consommation actuels des sociétés industrialisées sont mondialisés, la biosphère ne résistera pas. Il n’y a nul doute aujourd’hui que les problèmes environnementaux ont commencé après l’avènement de la révolution industrielle et se sont aggravés exceptionnellement avec l’apparition à la fin du XXe siècle des sociétés de consommation contemporaines. Cependant, ce que l’on tente de faire dans la grande jungle mondiale n’est que d’étendre le mode de consommation non durable d’environ un milliard d’habitants aux presque cinq milliards d’habitants du tiers monde. Il faut dire que dans ce contexte inhumain et antipersonnaliste de la mondialisation, les pauvres ne se présentent guère comme acteurs des fautes ou des mauvais comportements orchestrés par les autres (les plus aisés), mais vont toutefois injustement subir et supporter les conséquences. Avec le modèle actuel de mondialisation transnationale, cette planète, loin de devenir un village global intégrant toutes les nations à la prospérité tout en respectant l’environnement, se transforme en un archipel de ghettos planétaires de gens prospères qui partagent le même mode de vie et de destruction environnementale.
3. Des perspectives aux conséquences environnementales : la sauvegarde de l’environnement
3.1. Soutenir la biodiversité
Le monde vivant est un système extrêmement complexe d’espèces végétales et animales qui subsistent et se développent grâce aux relations croisées qu’elles entretiennent entre elles. La disparition d’une espèce modifiant les conditions d’existence de toutes les autres, fait la fragilité des écosystèmes. Et parmi les espèces qui participent à ces combinaisons, certaines ont un rôle déterminant dans le sens qu’elles ont une influence plus forte que les autres dans le maintien et l’évolution des écosystèmes. Les spécialistes nomment espèces essentielles celles qui sont indispensables à la vie d’autres espèces. Mais il n’est pas toujours facile d’identifier exactement ces espèces essentielles et c’est parfois lorsqu’elles disparaissent qu’on comprend le rôle qu’elles jouaient, au vu des conséquences négatives subies par les autres espèces. Ainsi, selon les experts de la Banque Mondiale (61) « l’extinction d’un très petit nombre d’espèces de première importance pourrait suffire à déséquilibrer le réseau complexe d’interactions dont dépend la subsistance des écosystèmes ». La diversité du vivant, autrement dit la biodiversité, est donc une condition de la vie. C’est pour dire que le principe de précaution devrait s’imposer dans la gestion de la planète pour qu’il ne soit pas commis, dans l’ignorance, des dommages irréversibles dont l’espèce humaine aurait un jour à souffrir.
Pour ce faire, une convention internationale sur la biodiversité a été signée à Rio de Janeiro en 1992. La position de l’Afrique en cette matière est singulière. En effet elle contient dans les forêts tropicales humides la majeure partie des réserves biologiques connues et à découvrir, et le continent africain suscite pour cette raison la convoitise des pays développés où se trouvent les grandes firmes détentrices de moyens techniques susceptibles de valoriser économiquement ces ressources, ce qui fait que les réserves biologiques engagent un débat nord-sud. En effet on se trouve ici devant un potentiel énorme que l’on sait en danger : plusieurs dizaines de milliers d’espèces végétales et animales sont aujourd’hui menacées mais qui restent encore largement inconnues en Afrique. Les naturalistes n’ont pas, en effet, achevé l’inventaire des espèces existant sur la planète[2]. En particulier, on estime [3] que sont connues deux espèces végétales sur trois, et quelques pour cent seulement des variétés d’insectes (il ne faut pas oublier que les insectes jouent un rôle important pour la pollinisation des végétaux). De plus, les défrichements opérés dans les forêts des tropiques humides telles au Congo-Zaïre, font peser une menace sérieuse sur leurs réserves végétales et animales et donc sur la biodiversité[4]. Malgré le contrôle que les Etats exercent, des espèces nombreuses sont à jamais perdues sans qu’on les ait même identifiées ni repérées leur possible usage alimentaire, industriel ou médicamenteux.
3.2. Comment responsabiliser et humaniser les acteurs socio-économiques ?
Le problème écologique ne peut être résolu tant que les pollueurs ne sont pas responsabilisés des atteintes qu’ils portent à l’environnement. Or, tel n’est pas le cas aujourd’hui. Alors, pour ce qui concerne la pollution de l’air, puisque cette ressource est d’accès facile et ne donne pas matière à commerce, les entreprises peuvent presque partout dégrader impunément sa qualité sans être sanctionnées financièrement. Il en est de même pour d’autres ressources, telle que la mer, l’eau douce ou les forêts : chacun se sert à titre gratuit et n’est pas comptable de la qualité du produit qu’il rejette ou de l’état dans lequel il laisse le milieu après usage. Ces genres de comportements contre la nature ignorée par les calculs, ne font pas l’objet d’un marché. Une telle nuisance est considérée comme extérieure à la sphère économique. Pour cette raison, « les économistes parlent d’effet externe ou d’externalité : la pollution peut donc être définie comme une externalité négative, ou encore comme un coût que le pollueur fait supporter par d’autres, c’est-à-dire une déséconomie externe. » (Bernard Bret 198.) Cela se révèle une aliénation de la personne dans une conception personnaliste.
ꞌꞌ Responsabiliser les pollueurs, consiste donc à internaliser les effets externes, autrement dit à faire en sorte qu’ils prennent à leur charge le coût de la pollution. C’est le principe pollueur-payeur adopté par les pays de l’O.C.D.E dès 1972″ (Bret. 198.), ce qui n’est pas contraire au concept de responsabilité dans l’esprit d’Emmanuel Mounier qui voudrait que tout comportement qui se veut humain tienne compte de la personne et que chaque personne assume les responsabilités des actes qu’elle pose. Il est vrai que l’application du principe pollueur-payeur se heurte à des problèmes techniques et géopolitiques dans les cas nombreux où les flux naturels déplacent les pollutions au-delà des frontières, comme pour le cas de la pollution atmosphérique et celle des cours d’eau. Ce principe qui vise à faire assumer à chaque personne sa responsabilité aura pour conséquence l’augmentation des coûts de production des frais entraînés par la réparation des dommages que cette production de la pollution fait à l’environnement. Il devrait aussi inciter à mettre au point des technologies propres dont le surcoût par rapport aux technologies classiques serait rapidement rentabilisé.
Toujours dans la logique des solutions de remédiation aux conséquences de la pollution de l’environnement, les grandes puissances à la grande conférence internationale de Rio de Janeiro qui s’est tenue en 1992,[5] ont adopté une convention fixant comme objectif d’éviter toute perturbation anthropique du système climatique. Puis, en 1997, a été signé le protocole de Kyoto visant à réduire l’effet de serre, protocole confirmé à Bonn en 2001 pour entrer en vigueur en 2002 contre l’avis des Etats-Unis. Pour une question d’équité et d’humanisme, tous les pays du monde ne peuvent pas être traités à l’identique puisque leur responsabilité dans cette affaire est très inégale. Il faut retenir que les pays du tiers-monde ont obtenu que la lutte contre l’effet de serre soit supportée principalement par les pays industrialisés qui en sont responsables et n’entrave pas leur propre effort d’industrialisation. Ils ont soutenu l’union européenne qui prônait une réduction drastique des émissions de gaz et s’opposait aux Etats-Unis favorables, eux, a une simple stabilisation des rejets. Il faut désormais rendre coûteux le fait de polluer au-delà de certaines limites et d’encourager ainsi la mise au point de technologies moins polluantes.
Cet acte en vaut la peine d’être posé puisqu’il donnera un intérêt particulier à la couverture forestière car le gaz carbonique est absorbé par les végétaux : les forêts fonctionnent ainsi comme des pièges à carbone qui peuvent combattre l’effet de serre et réduire d’une manière significative le réchauffement de la planète.
Dans un contexte de mondialisation technologique toutes ces mesures communément adoptées et visant la sauvegarde de notre environnement, se défendent selon l’esprit du philosophe personnaliste Mounier, pour qui la nature demeure un bien sacré pour l’homme. Celui-ci par sagesse, a le devoir de l’aimer, de l’honorer et de lui obéir, afin de continuer à bénéficier de ses biens-faits. Autrement gérée, elle devient invivable et l’homme sera condamné à y vivre l’enfer. Par conséquent Mounier interpelle toute l’humanité à vouer un respect à la Terre afin de bénéficier de ses grâces. Il dit :
la terre est notre Mère à tous…Le message de la nature veut être obéi. ꞌꞌ La première vertu de l’homme, selon Ruskin ꞌꞌconsiste dans la connaissance de notre nature inférieure, et dans la soumission aux lois de la nature supérieureꞌꞌ. Il y a ainsi, au haut comme au bas de notre activité, un ꞌꞌordre naturelꞌꞌ dont l’arrangement est immuable. Toute l’activité de l’homme ne doit avoir d’autre ambition que de le connaître et de le suivre. Chaque génération est supposée le trouver égal à lui-même et le connaître de la même façon que les précédentes. Entre l’homme et cet ordre, un lien sacré subsiste. Comme toute réalité sacrée, il est intangible. Il ne peut faire l’objet que d’une extase, où l’homme se fond à l’unité divine partout répandue, en abandonnant la raison qui divise, et la pseudo-objectivité du monde qui n’est qu’une convention pauvre. (Mounier 374.)
Gérer l’environnement dans la perspective du développement c’est penser à l’humain, c’est améliorer le cadre de vie de tous, et en priorité des plus pauvres. Alors comme un seul homme, tous les peuples du monde qui vivent impunément les conséquences de cette mondialisation, sont amenés dans une synergie d’action, à combattre ce fléau qu’est la dégradation de la nature, combien dommageable à l’homme.
Il revient tout de même à l’Etat d’imposer les choix nécessaires, pour autant qu’il représente l’intérêt collectif et d’abord celui des plus pauvres (démunis). Mais, dans une économie mondialisée, il faut parler aussi d’une responsabilisation internationale car les problèmes majeurs concernent la planète entière. Manifestement l’avenir de la nature y est compris comme condition sine qua non. Au-delà, Hans Jonas[6] trouve qu’il s’agit d’une responsabilité métaphysique pour l’homme de respecter la nature depuis que celui-ci est devenu dangereux non seulement pour lui-même, mais pour la biosphère entière. En dehors de toute autre considération, l’homme a du reste un devoir de protection envers la nature grâce à la plénitude de vie produite pendant le long travail créateur de la nature. La destruction de la nature, peut encore signifier un rétrécissement, et même une déshumanisation de l’homme lui-même, le rapetissement de son essence, même dans le cas favorable de sa conservation biologique. Elle contredit la dignité de son essence. Dans une optique véritablement humaine ajoute-t-il, la nature conserve sa dignité propre qui s’oppose à l’arbitraire de notre pouvoir. Pour autant qu’elle nous a produits, nous devons à la totalité apparentée de ses productions une fidélité, dont celle que nous devons à notre propre être est seulement le sommet le plus élevé.[7]
En la matière, les pays d’Afrique ont pourtant une position difficile : principales victimes des dégradations environnementales, ils n’ont qu’un faible poids dans les négociations internationales destinées à régler ce problème mondial.
3.3. Le développement durable, un avenir commun et humain
Le constat est qu’au jour d’aujourd’hui, les atteintes écologiques ont de plus en plus des effets internationaux et sévères. Nous relevons entre autres, la pollution des airs, la radioactivité, la toxicité des eaux. Ces attaques écologiques sont loin d’être l’affaire d’un seul Etat, elles sont l’affaire de tous, par-delà les frontières et les clivages politiques. Cet état de fait engage la responsabilité de tous, il s’agit d’une responsabilité communautaire. La communauté personnaliste en tant que » personne de personnes » selon les termes de Mounier, a la lourde responsabilité de s’assumer face à ce fléau planétaire. Dans ce contexte de lutte commune, la distinction entre pays développés et pays en développement est à abolir. En effet les pays en développement sont les pays dont la croissance, rapide et intensive pour certains d’entre eux, pèse le plus sur l’environnement. La plupart n’ont pas les moyens financiers nécessaires à la préservation de la nature et à la prévention. Seule une action commune et responsable pourra être efficace.
Il est vrai que l’exploitation des ressources naturelles est nécessaire, toutefois, le respect des équilibres biologiques s’impose. La croissance induite par l’exploitation des ressources pour mériter un visage humain, doit profiter à tous grâce à une redistribution plus équitable des richesses. A propos de la gestion de notre environnement, la conférence des Nations-Unies sur l’environnement et le développement a été organisée à « Rio de Janeiro (Brésil) du 3 au 14 juin 1992 », (Sepot 107. ) à laquelle 170 pays ont pris part.
Un plan d’action, appelé Agenda 21, a été adopté au cours de cette conférence. Il sert à la fois de cadre international pour les actions à entreprendre et de base d’évaluation des progrès accomplis. Un second sommet de la Terre tenu en juin 1995 à New-York, baptisé « Rio plus 5 », a permis de constater que l’environnement n’a cessé de se dégrader depuis cinq ans. C’est un bilan qui a du reste accrédité la thèse de ceux qui pensent que les préoccupations écologiques sont d’un intérêt secondaire. Le principe pollueur-payeur[8] se présente comme un exemple indiqué dans la lutte contre la dégradation de l’environnement. Car pour agir concrètement vis-à-vis de la dégradation aggravée de notre planète, phénomène qui a une répercussion néfaste sur la vie des hommes, les pays de l’OCDE ont adopté le principe pollueur-payeur visant à limiter la pollution en faisant supporter à l’utilisateur des ressources naturelles le coût lié à la dégradation de l’environnement. La fixation du prix permet de limiter le gaspillage des biens naturels et de dégager des moyens financiers pour la politique de dépollution. (Sepot 128.) C’est alors que l’écotaxe, définie par le programme d’action de l’Union Européenne en octobre 1991, est une taxe sur le (CO2) Elle a pour but de taxer les utilisateurs d’énergies primaires polluantes afin de réduire la production de gaz à effet de serre. Une telle entreprise qui se veut une œuvre communautaire et hautement humaine, est le fruit d’un engagement libre comme pourrait le réclamer Mounier, des citoyens du monde, libres et responsables.
Conclusion
En conclusion, il faut dire que la mondialisation a occasionné une concurrence sans précédente entre acteurs du marché, débouchant sur des conséquences faucheuses sur notre environnement. Nous avons pour ce faire, enregistré entre autres conséquences, la destruction de la biodiversité, l’enlaidissement de la nature, le dépôt de déchets souvent toxiques dans la nature… Au regard de cette dégradation sans cesse grandissante de l’environnement, des réflexions ont permis d’engager des mesures afin de limiter le fléau. Il s’agit alors, de travailler au respect de la coexistence des êtres vivants sur la planète au regard de l’impact favorable de la biodiversité sur la vie. La défense de l’environnement passe également par des mesures de taxation des pollueurs. A cet effet, l’OCDE a opté d’imposer des taxes aux acteurs pollueurs en fonction de leur part d’action dans la pollution de l’environnement. Le développement durable est aussi un concept qu’il faut désormais adopter et réaliser. En somme, une réflexion sur le déséquilibre environnemental à l’ère de la mondialisation a permis de prendre conscience de la nécessité de tenir sain notre environnement, de l’humaniser et de prendre de mesures fortes avant qu’il ne contrarie définitivement notre existence.
Travaux cités
Banque Mondiale : Rapport 1992.
Bret, Bernard. Le Tiers Monde : Croissance, développement, inégalités, Paris, Editions Ellipses, 2002.
Brzezinski, Zbigniew. Between two Ages. America’s Role in a Technetronic, Era, New York, Viking Press,1969, (trad.fr.: La revolution technétronique, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1971.
Coefé, Alain Roger. La mondialisation, trente ans après, Ouagadougou, Editions Agora print, Décembre 2012.
Hans, Jonas. Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Traduit de l’allemand par Jean Greich, op.cit., p. 262.
McLuhan, Marshall. La galaxie Gutenberg. La genèse de l’homme typographique (2tomes), Paris, Editions Gallimard, Coll. Idées, Tome I, 1967.
Michalet, Charles-Albert. Qu’est-ce que la mondialisation ? Paris, Editions La Découverte, 2004.
Microsoft Corporation, 2008.
Microsoft Encarta 2009 [DVD].
Mounier, Emmanuel. « L’éveil de l’Afrique noire », 1947, dans Œuvres, tome III, Paris, Editions du seuil, 1962.
……….. « La petite peur du XXe siècle », 1949, dans Œuvres, tome III, Paris, Editions du seuil, 1962.
………. « Manifeste au service du personnalisme » 1936, dans Œuvres, tome I, 1931- 1939, Paris, Editions du seuil 1961
………. Ecrits sur le personnalisme, Paris, Editions du Seuil, 1961, 1962, 1992 et février 2000.
Samuelson, Paul. La fin de la mondialisation, Espagne, Editions Villeneuve-d’Ascq, 2014.
Sepot, Jean-Yves. L’Economie du monde, Paris, Editions Nathan, 1997.
Comment citer cet article :
MLA : Dierma, Ousséni. « L’équilibre environnemental à l’ère de la mondialisation dans un contexte personnaliste ». Uirtus 1.2. (décembre 2021): 361-382.
§ Université Joseph Ki-Zerbo / [email protected]
[1] Donnés 2015
nd : données non disponibles
note : l’ensemble du réseaux comprend les autoroutes, les routes nationales, les routes départementales ainsi que les voies communales. La France indique à Eurostat l’ensemble de son réseau routier. Certains pays peuvent ne pas mentionner l’intégralité de leurs routes communales. La typologie de routes peut varier d’un pays à l’autre.
Données françaises y compris DOM.
[2] Il est impossible de connaître le nombre total d’espèces présentes sur Terre. Au milieu des années 2000, plus de 1,3 millions d’espèces animales ont été dénombrées et décrites, ainsi qu’environ 300000 espèces végétales. En se fondant notamment sur le nombre d’espèces nouvelles découvertes chaque année, en particulier dans les forêts tropicales, de nombreuses estimations ont été réalisées : selon les auteurs, le nombre total d’espèces peuplant la Terre serait compris entre 5 et 100 millions. Le chiffre moyen de 12 à 15 millions d’espèces est communément admis. Ainsi la majorité des espèces qui vivent sur notre planète nous sont inconnues, et de nouvelles espèces sont découvertes en permanence.
[3] Il ne peut s’agir que d’une estimation fondée sur des calculs de probabilités à partir des découvertes faites et des surfaces non encore inventoriées.
[4] L’homme a contribué et contribue toujours, à une importante réduction de la biodiversité. La diminution des populations animales et végétales, l’extinction ou la raréfaction de certaines espèces et la simplification des écosystèmes en sont des preuves évidentes. Ainsi, les spécialistes estiment que les activités humaines ont porté le taux d’extinction des espèces à un niveau supérieur de 1000 à 10000 fois au taux naturel. Microsoft Encarta 2009 [DVD].
Microsoft Corporation, 2008.
[5] Une première grande conférence mondiale sur le climat s’était tenue à Genève en 1979
[6] Hans Jonas cherche à déterminer comment l’homme peut affirmer son humanité de façon identique dans des contextes historiques très divers. Dans son questionnement sur l’évolution de nos modes d’action au sein de la civilisation technologique, Jonas s’attache alors à démontrer que l’homme moderne doit lui aussi aspirer à une existence propre, mais en tendant néanmoins vers un élargissement de ses connaissances dans le domaine des sciences naturelles ; et en étant associé au progrès scientifique et technique. Cette idée passe par une remise en question de l’éthique : Jonas défend l’idée d’un « droit de la nature », selon lequel la liberté d’action dévolue à l’homme doit être conciliable avec l’épanouissement de la nature (Organismus und Freiheit, « Organisme et liberté », 1973).
[7] Hans Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Traduit de l’allemand par Jean Greich (262).
[8] Alertés par la communauté scientifique, les décideurs politiques s’engagent, lors du premier Sommet de la Terre tenu à Rio (Brésil) en 1992, à stabiliser les émissions des gaz à effet de serre entre 1990 et 2000. En 1997, la signature du protocole de Kyoto (Japon) marque une étape importante dans la prévention du changement climatique, puisque la plupart des pays industrialisés s’engagent à réduire de 5,2 P. 100 le rejet des six principaux gaz à effet de serre d’ici à 2008-2012, et ceci par rapport au niveau de 1990.
En juillet 2001, la conférence de Bonn (Allemagne) met en place la partie juridique de la convention et la conférence de Marrakech (Maroc), en novembre 2001, instaure des sanctions pour les pays ne respectant pas les engagements. Afin de respecter les quotas fixés, un système d’échange des droits d’émission doit d’ailleurs être fonctionnel au niveau de l’Union Européenne à partir de 2005, instaurant des permis de polluer dans le but de faire payer les pollueurs suivant la formule « pollueurs-payeurs.