Résumé : L’un des problèmes qui entrave le développement de la quasi-totalité des pays de l’Afrique de l’Ouest est l’autosuffisance alimentaire. Mis en place en 1971, dans l’optique de développer la riziculture et assurer l’autosuffisance en riz dans l’espace ouest-africain, l’Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO) a mis son expertise au service des pays membres. Cela, à travers le rôle croissant, de la pertinence des actions de formations, de projets en matière de développement rizicole et de création de nouvelles variétés de semences de riz. Toutefois, certains problèmes demeurent insatisfaits à savoir la persistance des importations de riz et la crise de la faim dans certains pays membres. Cet article dont le but est d’analyser les apports techniques, financiers et sociaux de l’ADRAO pour le développement de la riziculture et l’autosuffisance en riz dans l’espace ouest-africain, s’appuie sur la confrontation et le recoupement de sources orales, de sources d’archives et de travaux scientifiques.
Mots-clés : ADRAO, NERICA, AfricaRice, riziculture, Afrique de l’Ouest, développement.
Abstract: One of the problems hindering the development of almost all West African countries is food self-sufficiency. Set up in 1971, with a view to developing rice cultivation and ensuring self-sufficiency in rice in the West African space, the Association for the Development of Rice Cultivation in West Africa (WARDA) has put its expertise serving member countries. This, through the growing role of the relevance and actions of training, projects in rice development and the creation of new varieties of rice seeds. However, some problems remain unfulfilled, namely the persistence of rice imports and the hunger crisis in some member countries. This article, the aim of which is to analyze the technical, financial and social contributions of WARDA for the development of rice cultivation and self-sufficiency in rice in the West African space, is based on the comparison and cross-checking of sources. oral, archival and scientific sources.
Keywords: WARDA, NERICA, AfricaRice, Rice Cultivation, West Africa, Development.
Introduction
Les dirigeants des pays ouest-africains des années 60 à 70, ont accordé une attention particulière aux cultures vivrières, notamment la riziculture dans leurs programmes nationaux de développement. Mais, en dépit des nombreuses initiatives prises pour renforcer la capacité de chaque pays à satisfaire, à partir de sa production domestique, les besoins alimentaires de sa population, la famine frappa en 1967, dans l’espace ouest-africain, compromettant les chances de réalisation de l’autonomie alimentaire.
La réponse à cette situation de la part des Etats fut immédiate. Ils décident de mutualiser leurs efforts en créant à Monrovia au Libéria, une Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO) en 1971. Le but principal de cette action était de développer la riziculture en luttant contre l’insécurité alimentaire et les importations en Afrique de l’Ouest. Ce modèle fut inspiré des pays asiatiques, qui dans le cadre de la révolution verte avaient réussi à vulgariser la riziculture irriguée en obtenant des résultats probants (YEO 89).
Malgré ces initiatives des pays ouest-africains, une émeute contre la faim fut déclenchée en Mauritanie en 2008, se généralisant à presque tous les pays membres de l’institution. Tandis que les gouvernements successifs des Etats Ouest-Africains, soutenus par les bailleurs de fonds, ont continué pendant de nombreuses années à promouvoir l’autosuffisance en riz, d’autres éléments comme le contexte mondialisé, l’importation de riz d’Asie, l’organisation sociale locale, les itinéraires techniques et les stratégies socio-économiques des ménages demeurent une préoccupation majeure.
Plus d’un quart de siècle d’existence, quelle a été la contribution de l’ADRAO pour le développement de la riziculture et l’autosuffisance en riz en Afrique de l’Ouest ?
L’intérêt de cette étude réside dans le fait qu’elle veut cerner les apports techniques, financiers et sociaux de l’ADRAO pour le développement de la riziculture et l’autosuffisance en riz dans l’espace ouest-africain.
L’étude débute en 1971, date de l’adoption de l’acte constitutif de l’ADRAO par les Etats membres et matérialise la création de l’institution. Elle prend fin en 2009, année qui marque le changement d’acronyme de l’ADRAO, devenant AfricaRice ou Centre de Riz pour l’Afrique. L’institution sort du cadre sous-régional et s’étend à toute l’Afrique.
Pour bâtir l’analyse, on a eu recours aux sources orales, aux sources d’archives et aux ouvrages de vulgarisation et des travaux scientifiques. S’agissant des archives de l’ADRAO, les rapports annuels à la station de recherche de M’bé près de Bouaké et au siège de l’institution à Abidjan Cocody ont été compulsés. Ces différents documents offrent une variété d’informations sur l’ADRAO, mais surtout sur la politique rizicole.
Toutefois, les informations obtenues grâce aux archives et aux enquêtes orales ont été confrontées à celles fournies par les ouvrages de vulgarisation et les travaux scientifiques pour effectuer les recoupements nécessaires. La conduite de cette démarche méthodologique a permis de construire notre analyse autour de trois axes principaux, à savoir le contexte de création, but et fonction de l’ADRAO, les actions de l’ADRAO pour le développement rizicole et enfin les limites de ses actions.
1. Création et missions de l’ADRAO 1971-1973
L’Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO) a été mise en place pendant une période où les pays subsahariens venaient d’être frappés par un problème alimentaire. La mutualisation des efforts et le développement de la riziculture furent préconisés pour relever le défi de la sécurité alimentaire en 1971.
1.1. Bref rappel historique de la situation rizicole de l’Afrique de l’Ouest avant 1971
Le riz est la céréale la plus consommée par les habitants de l’Afrique de l’Ouest tant au niveau rural qu’urbain (Bio 114). Entre 1960 et 1970, la situation rizicole n’était pas reluisante. En effet, plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest étaient confrontés à une chute généralisée de la croissance de la production de riz due aux conditions climatiques défavorables. Pendant cette période, on a observé une variation décroissante de la production globale dans les pays comme la Côte d’Ivoire avec 4%, le Libéria et en Sierra Léone entre 4 et 5 % et au Sénégal la tendance était négative sur toute la période, du fait de la sècheresse qui a eu des conséquences néfastes sur la croissance en désorganisant la production, malgré des progrès vigoureux (Phélinas 21).
De 1960 à 1965, les tendances furent particulièrement lourdes et marquèrent une dépendance structurelle des pays vis-à-vis de l’extérieur pour ses approvisionnements en riz. Le taux de croissance annuelle des importations sur la période 1965 à 1970 était évalué à environ 4,8%, soit le double de celui de la population ouest-africaine, sur la même période. A partir de 1970, la demande régionale de riz a augmenté au rythme de 8,4 pour cent par an tandis que la production n’a progressé que de 3,3 pour cent par an (Bio 87). L’écart entre l’offre et la demande régionales était comblé par des importations qui tiraient sur les maigres ressources en devises des pays de la sous-région. Ainsi, l’augmentation continue de ces importations constituait un frein aux efforts de développement des pays ouest-africains.
On assista à une recrudescence des importations de riz soutenues par les gouvernants dans le but d’approvisionner les populations. L’évolution des importations en riz a connu des formes diverses selon les périodes et les politiques économiques et sociales en vigueur.
Les facteurs climatiques, notamment la sécheresse causa des déficits alimentaires qui ont été comblés par un afflux d’importations, celles-ci représentaient 40 à 50% de la consommation totale (P. Phélinas, 1987, p. 102). Pour répondre à la crise alimentaire, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des programmes de développement rizicole inspiré pour une large part des stratégies de la « Révolution Verte » qui ont réussi dans les pays asiatiques. Ces programmes étaient axés sur les variétés à haut rendement, l’irrigation, l’utilisation des engrais et le développement des structures de recherche. Ces politiques de développement de la production rizicole devraient permettre à stabiliser la détérioration des balances rizicoles dont le déficit variait entre 30% et 50% de la consommation totale de riz (Yéo 103). Ce programme ambitieux devrait être exécuté par une structure régionale. Conscients de cette situation, les États ouest-africains ont décidé de créer en 1971 l’ADRAO avec l’assistance de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), du PNUD et de la FAO afin de les aider à assurer leur sécurité alimentaire en matière de riz dont l’importance ne cesse de croître.
L’ADRAO était financièrement soutenue par les pays membres, des organisations internationales et régionales, des fondations privées et des donateurs bilatéraux du système CGIAR. L’organe suprême de gouvernance de l’association était le Conseil des Ministres de l’Agriculture des Etats membres. Le Conseil d’Administration était composé du Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale (CGIAR) et d’un Comité des experts Nationaux. Ce comité était composé des Directeurs Généraux des Systèmes Nationaux de Recherche Agricole (SNRA).
1.2. Le développement de la riziculture, la mission essentielle de l’ADRAO
La volonté politique des gouvernants des Etats Ouest-Africains, de réduire les importations et d’atteindre l’autosuffisance en riz a été le motif principal pour la création de 1’ADRAO. Avant la mise en place de l’ADRAO, chaque Etat s’efforçait à améliorer la situation rizicole afin de bénéficier d’une assistance technique et économique bilatérale ou multilatérale provenant de sources diverses. Ainsi, des institutions de recherche et des stations expérimentales ont été créées dans plusieurs pays et quelques résultats importants ont été réalisés au moyen de projets pilotes, notamment au Nigéria avec le Projet d’Étude sur la mise en valeur du riz dans l’État de Rivers et en Guinée avec le projet d’appui institutionnel pour l’amélioration de la production rizicole. Néanmoins, les pays directement intéressés, aussi bien que les Etats et les organisations qui avaient fourni de l’assistance technique et économique se rendirent compte en 1970 qu’un progrès décisif ne serait possible que par une coordination de tous les efforts et par une utilisation rationnelle au niveau régional des ressources disponibles et de l’assistance au développement qui pourrait être fournie, à l’avenir.
C’est pourquoi dès les années 70, les pays ouest-africains ont bâti la stratégie de production semencière fondée sur une coopération étroite avec les instituts internationaux de recherche sur le riz. En effet, la recherche scientifique est le seul moyen d’atteindre l’autosuffisance en Afrique en général, et dans les pays ouest-africains, en particulier. Il fut décidé de la création d’un organisme de recherche de riz. Jean Pierre Dobbert affirme que le principal motif de la création de l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO) était le désir des Gouvernements de réduire les importations et d’atteindre l’autosuffisance dans l’approvisionnement du riz à l’intérieur de la région (Dobbert 6).
Déjà, lors de la Conférence sur le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest convoquée à Monrovia en septembre 1969 par le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique ( CEA), les Etats et organisations participants décidèrent de prendre les mesures nécessaires en vue de la création d’une Association pour le Développement de la Riziculture. Une année plus tard le 04 septembre 1970, la conférence plénipotentiaire fut convoquée à Dakar. A cette conférence, onze (11) Etats africains parmi lesquels la Côte d’Ivoire et cinq (5) Etats non africains, ainsi qu’un certain nombre d’organisations internationales et fondations privées étaient présents (Dolbert 7), pour porter sous les fonts baptismaux l’ADRAO. La présence de ces Etats non africains se justifiait par le soutien financier qu’ils devraient apporter à l’institution.
Par ailleurs, sur la façon d’organiser les activités de recherche, il existait deux tendances. Un groupe de pays, qui était en faveur d’une méthode centralisée préconisait la création d’un centre unique et autonome de recherches, opéré par l’ADRAO et devant coordonner les activités des institutions nationales, existantes (ADRAO, Rapport annuel 1982, 17). Le second groupe constitué de gouvernements qui préféraient un système décentralisé, estimait que le rôle de 1’ADRAO devait consister essentiellement à renforcer les activités et le développement des institutions nationales.
Vu ces deux tendances, l’ADRAO devient fonctionnelle en 1971 avec la une méthode centralisée, c’est à dire un centre unique et autonome. Son objectif premier était la sélection et l’amélioration des variétés, la protection phytosanitaire et les techniques agronomiques. Elle s’intéressait également à la recherche de systèmes d’exploitation viables capables de favoriser la création d’emplois ruraux et de contribuer à un accroissement de la sécurité alimentaire dans les pays membres. La riziculture en Afrique de l’Ouest n’est pas une culture inconnue[1]. Cependant, pour mener à bien ses actions, l’ADRAO devrait développer la recherche et vulgariser les nouvelles variétés qui sont jugées productives et résistantes aux maladies.
1. 3. La recherche et la vulgarisation des nouvelles variétés de riz
Les recherches rizicoles entreprises devraient soutenir la politique d’autosuffisance alimentaire, dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, par l’amélioration de la productivité et l’accroissement de la production locale de riz. Des progrès importants ont été réalisés d’une part, dans l’amélioration de la fertilité des sols, avec des études axées sur la fertilisation, l’amélioration des pratiques culturales, l’élimination des parasites et d’autre part, dans l’amélioration génétique des plantes.
L’amélioration variétale visait l’adaptation du cycle végétatif aux exigences du milieu, l’augmentation de la productivité, la résistance aux maladies, à l’égrenage et à la salure, le cas échéant. Par ailleurs, les travaux ont été également orientés vers les aspects technologiques (grain blanc de format long ou demi long, translucide, riz brisant peu à l’usinage). Des techniques de maintien des obtentions variétales, et des méthodes de production et de diffusion de semences de prébase et de base des variétés améliorées ont également été développées.
A cet égard, l’ADRAO a dirigé et favorisé la recherche sur l’amélioration de la productivité à partir des options techniques et économiques offertes aux petits exploitants, principaux producteurs de riz de la sous- région. Par ailleurs, la contribution de l’ADRAO s’est faite à travers l’amélioration variétale notamment les variétés à haut rendement, le Nouveau Riz pour l’Afrique (NERICA) et la série des WAB, les variétés Sahel (appelées 108, 201 et 202) et la série des ROK, variétés de riz tolérantes à la salinité de Rokupr en Sierra Leone (ADRAO, CEN 9).
Grâce aux différentes recherches scientifiques de nouvelles variétés de riz à cycle végétatif court variant entre deux et trois mois ont été mis à la disposition des paysans. Cela a permis de créer, aux côtés de nombreuses variétés traditionnelles, des variétés sélectionnées performantes, pour la plupart bien acceptées par les producteurs. La multiplication des semences, se faisait aussi bien par les sociétés de développement et les instituts de recherche que par les paysans multiplicateurs de semences avec qui, les sociétés avaient des contrats de multiplication. Plusieurs fermes semencières furent créées en Afrique de l’Ouest par les différents gouvernements pour soutenir les actions de l’ADRAO qui ont eu un impact considérable sur la riziculture dans les pays membres.
2. Les actions de l’ADRAO pour le développement de la riziculture dans l’espace ouest-africain 1973-2009
Créée pour développer la riziculture et réduire les importations de riz, l’ADRAO dès sa mise en place, a posé des actions dans le but de développer la riziculture. Et cela à travers la formation des paysans ouest- africains aux bonnes pratiques rizicoles, par l’exécution de projets rizicoles en Afrique de l’Ouest et la mise en place de nouvelles variétés de riz plus productives et plus résistantes et tolérantes.
2.1. Création et vulgarisation de nouvelles variétés de riz à partir de 1973
Depuis sa mise en place, l’ADRAO a activement collaboré avec les Systèmes Nationaux de Recherche Agricole et de Vulgarisation (SNRAV) à la génération et au transfert de technologies à base de riz. En matière d’essais en milieu paysan, plus de 5000 variétés ont été testées dans les pays membres de l’ADRAO, en collaboration avec les services nationaux de recherche agronomique[2]. Le travail réalisé par l’ADRAO pour la collection de variétés de semences a permis de disposer d’un patrimoine génétique. A travers ce patrimoine, l’ADRAO a collecté toutes les variétés existantes en milieu paysan et au niveau de la recherche afin de créer un catalogue. Ce catalogue créer en 1973, avait pour objectif de référencer les variétés et de les connaitre[3].
Comme variétés de riz introduites, on avait pour la riziculture irriguée les variétés suivantes : Jaya, Gambiaka, Idsa, Bouaké 189, WITA 7, WITA 9 et Bg 90-2. En système pluvial les variétés les plus développées étaient WAB 56-50, IDSA6, IDSA10, IDSA76 (ADRAO, 2007, 72). Ces différentes variétés avaient en moyenne une production deux fois plus élevée que les témoins. On pouvait récolter 4 à 5 tonnes de riz par hectare et par cycle. En outre, l’ADRAO, par la biotechnologie, a fait progresser les rendements. En effet, la biotechnologie permettait d’obtenir des variétés, non seulement plus productives, mais également plus résistantes aux maladies et aux insectes nuisibles. Les variétés obtenues à cycle végétatif plus court étaient plus adaptables et permettaient même deux à trois récoltes par an.
En 1983, l’institution rizicole a procédé à une série de sélection de semence et d’hybridation. Cette technologie consistait à manipuler par des procédés génétiques jusqu’à obtenir des semences productives[4]. Ces croisements permettaient de créer des variétés adaptées aux conditions climatiques des pays de la sous-région.
L’ADRAO demeurait la seule institution remplissant les missions de recherche agricole. Les centres de recherches nationaux qui travaillaient pareillement à cette institution ne bénéficiaient pas de moyens financiers conséquent pour mener à bien les différentes recherches. Les résultats probants furent observés dans les pays tels que la Côte d’Ivoire[5], le Liberia et le Nigeria, parce que bien évidement, ces pays avaient déjà des politiques nationales de riz. Cette action a remporté un vif succès et a hissé la production de riz des pays subsahariens à 45%, entre 1973 et 1990 (ADRAO, 1997, 15). La vulgarisation de la culture irriguée a permis l’augmentation de la production du riz paddy par le biais de nouveaux matériels végétaux.
Le NERICA ou encore nouveau riz pour l’Afrique se réfère au matériel génétique issu des croisements interspécifiques de Oryza sativa (riz asiatique) et de Oryza glaberrima (riz africain cultivé). Cette nouvelle variété a été l’œuvre de Docteur Monty Jones, chercheur à l’ADRAO (ADRAO, 1997, 26). En 1991, des essais ont été effectués avec pour objectif de croiser le riz traditionnel africain avec les espèces asiatiques introduites afin d’accéder à de nouvelles combinaisons génétiques, qui rassembleraient les meilleures caractéristiques de chaque parent (tolérance/résistance aux stress, compétitivité face aux adventices, cycle court et qualité organoleptique recherchés du parent africain ; le potentiel de rendement du parent asiatique). Après plusieurs tentatives, l’équipe réussit à produire les premiers descendants interspécifiques fertiles (lignées pures) de riz à partir de l’hybridation du riz africain (Oryza. Glaberrima) et du riz asiatique (Oryza. Sativa). La contribution de l’ADRAO dans cette percée scientifique a été l’utilisation des techniques de la culture d’anthères et du sauvetage des embryons pour surmonter les problèmes de stérilité, ouvrant ainsi une nouvelle source de variation génétique. En décembre 1996, le projet d’hybridation interspécifique a été l’aboutissement majeur d’un atelier international organisé par l’ADRAO et qui a réuni les institutions déjà impliquées dans la recherche ainsi que les donateurs, constitués du Japon et du PNUD, en vue des activités de recherche et développement en amont.
En 2005, quatre variétés de NERICA de bas-fond ont été homologuées au Burkina Faso et deux au Mali. Environ 60 des nouvelles variétés de bas-fonds ont reçu l’approbation des paysans dans plusieurs pays africains à travers le processus de sélection variétale participative (PVS), une approche qui a été utilisée avec succès pour accélérer la dissémination des NERICA de plateau au Liberia, en Guinée et au Ghana.
La dissémination des NERICA bénéficie d’un soutien important dans sept pays pilotes à savoir le Bénin, le Togo, le Mali, la Gambie, le Ghana, le Nigeria et la Sierra Leone, à travers le projet NERICA multi-pays financé par la Banque Africaine de Développement. Cette institution financière à travers une combinaison de prêts de faveur et de subventions de plus de 30 millions de dollars US a appuyé le projet NERICA (ADRAO, 2007, p 15). L’appui apporté par le Gouvernement Japonais a été le détachement de deux spécialistes en dissémination des technologies et en qualité grain auprès de l’ADRAO et de l’Initiative Africaine sur le Riz (ARI). À travers les efforts conjugués de part et d’autre, la superficie cultivée couverte par les variétés NERICA continue de s’agrandir à pas de géant. La Guinée, la Côte d’Ivoire et l’Ouganda sont les pays qui ont plus de 10 000 ha de terres sous culture NERICA (ADRAO, 2006, p 12). La Guinée est déjà passée de la phase expérimentale de la production des NERICA à la dissémination et à la commercialisation avec 100 000 ha de NERICA.
La mise au point des nouvelles variétés de riz, hautement productives et sa distribution aux agriculteurs en vue de leur vulgarisation a apporté un espoir aux millions de pauvres et surtout aux rizicultrices en Afrique. Cela se justifie en ce sens que les femmes sont les principales productrices de riz dans tous les pays membres de l’ADRAO où la culture se fait avec une forte intensité de main-d’œuvre. Elles représentent également une large proportion de la main-d’œuvre dans la transformation et la commercialisation du riz. A ce titre, les femmes ont été les premières bénéficiaires des technologies développées et des nouvelles variétés de riz, ce qui a permis de renforcer leur rendement et d’atténuer leurs peines. La vulgarisation du NERICA a contribué à élucider l’importance des femmes dans la riziculture de la sous-région. Il importe également de signaler que certaines femmes ont multiplié leur production, ce qui leur a permis d’améliorer substantiellement leurs conditions de vie. Le succès du NERICA a aidé à définir les futures orientations du Centre, élargissant son horizon au-delà de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, vers l’Afrique orientale tout en encourageant la formation.
2.2. Programme de formation pour les riziculteurs en 1983
L’ADRAO a procédé à la formation de mise à niveau des riziculteurs sur la maîtrise des outils. Cette formation a permis d’apporter un conseil effectif aux exploitants rizicoles de l’espace ouest-africain et d’atteindre un taux d’encadrement de plus de 21% avec une prise en compte des préoccupations des jeunes et femmes dans les programmes de vulgarisation. Au cours de la phase d’implantation en 1983, un partenariat dynamique a été développé avec la recherche agricole pour mieux répondre aux besoins des exploitants à travers une approche participative mettant l’exploitant au centre de toutes les actions[6].
Cette approche a également permis d’amorcer la structuration du milieu rural et favoriser l’émergence d’entreprises économiquement viables susceptibles de rendre des services effectifs à leurs adhérents et de réduire la pauvreté. Plusieurs riziculteurs ont été formés sur les nouvelles techniques culturales du riz irrigué dans les bas-fonds et des nouvelles variétés. Dans le cadre de la vulgarisation et de la formation, l’ADRAO a initié un projet avec la FAO, pour développer l’approche des « champs-écoles-paysans » sur la méthode de la bonne utilisation des pesticides et les pratiques culturales. Ainsi, après une première formation des formateurs, le programme a réalisé huit (8) champs-écoles-paysans dans les périmètres rizicoles en Côte d’Ivoire, au Libéria et au Mali.
En 1988, on observe un élargissement des Etats membres de l’ADRAO. Ils passent de 11 à 17 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre et une augmentation du nombre des donateurs. L’institution rizicole ouest- africaine a, en 1989, initié plusieurs sessions de formation sur le système de production de semences communautaires de riz. Ainsi, le Community Based Seed System (CBSS) est devenu un puissant mécanisme d’intégration des connaissances traditionnelles et des technologies modernes, de partenariat avec les paysans et les services de vulgarisation nationaux, en vue de combler un fossé majeur dans le secteur semencier. Il visait à développer et à adapter des méthodologies en vue d’assurer l’adaptation et la diffusion participatives de technologies appropriées aux systèmes pluviaux dans les pays cibles tels que le Sénégal, le Mali, la Guinée Bissau et le Burkina Faso. Le projet a renforcé aussi la capacité des partenaires nationaux en recherche participative, à travers la formation sur le tas et des bourses postuniversitaires. L’objectif du CBSS était d’améliorer le feedback sur les contraintes au niveau paysan, l’acceptabilité et l’adoption potentielles des technologies par les paysans, les agents de vulgarisation et les chercheurs.
Par ailleurs, en novembre 1990, l’ADRAO et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) ont organisé un cours de formation sur la production rizicole auquel ont pris part 03 Cadres du PAM et 32 superviseurs de l’Agence National d’Appui au Développement Rural (ANADER), travaillant dans 10 des sites en Côte d’Ivoire (ADRAO, 1995, p. 7). Les cours portaient sur une introduction aux actions de l’ADRAO, la biologie du riz, les pratiques culturales et post-récolte recommandées par L’ADRAO aux paysans, et les contraintes à la production du riz dans la région subsaharienne. D’autres formations avaient trait aux mécanismes CBSS, la production et la distribution de semences et à une nouvelle méthode de transfert de technologies. Près de 33 participants, venant du Bénin, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, du Nigeria, du Libéria et de la Guinée ont pris part à ces différentes séances de formation du cycle du riz, des pratiques culturales et des contraintes à la production du riz et ont eu une journée entière de travail pratique sur le terrain. Les deux formations ont été bien appréciées par les participants.
A partir de 1996, des cours sur la gestion intégrée des ennemis du riz ont été organisés en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Le premier de ces cours a eu lieu dans le périmètre irrigué de Sakassou, à 42 kilomètres au sud-ouest de Bouaké dans le centre de la Côte d’Ivoire (ADRAO, 1997, 15). Il a bénéficié de l’assistance technique et financière de la FAO et de la collaboration du ministère de l’Agriculture et des Ressources animales. La formation s’est déroulée dans les rizières et dans des écoles paysannes installées en plein air à proximité de celles-ci. Le cours, qui s’est étendu sur toute la saison culturale, a permis de former 23 agents de vulgarisation (17 de la Côte d’Ivoire, 02 du Mali et 04 du Burkina Faso) et 70 petits producteurs. Ces derniers ont appris à observer les populations de ravageurs dans leurs propres champs et à décider des mesures à appliquer. Ils ont adopté les méthodes de gestion intégrée car celles-ci leur permettaient d’obtenir des revenus supérieurs de 35% à ceux des paysans qui continuaient à employer des pesticides[7]. Ces résultats ont suscité un intérêt considérable chez les chercheurs, les bailleurs de fonds, les décideurs et la communauté paysanne locale.
Au Burkina Faso, les cours ont été organisés dans un périmètre irrigué de la vallée du Kou, près de Bobo-Dioulasso, à l’intention de 21 agents de vulgarisation et de 75 petits producteurs. Ces derniers ont adopté les méthodes recommandées de gestion intégrée, permettant ainsi une augmentation des revenus de 34% (ADRAO, 2002, 15). Ces formations ont permis de familiariser les programmes nationaux des pays membres de l’ADRAO avec les aspects théoriques et pratiques de la gestion intégrée des ennemis du riz, dont les avantages sur les plans du respect de l’environnement et de la rentabilité économique ont été reconnus. D’autres programmes ont été mis en place par l’ADRAO, notamment dans le domaine des mass- media.
2.3. Mise en place de programmes radiophoniques
L’ADRAO a produit une série de vidéos éducatives sur le riz. Le contenu de ces vidéos concernait de façon générale des informations sur la gestion des semences, la préparation du lit de semis, la gestion des terres et de l’eau, le repiquage, la fertilité des sols, la lutte contre les adventices, les traitements post-récoltes et la transformation du riz. Toutes ces techniques et méthodes de cultures étaient enseignées aux paysans dans des champs écoles. Ces cours étaient dispensés par des spécialistes de l’institution.
Les vidéos étaient disponibles en anglais pour les pays anglophones et en français pour ceux qui parlent français. Par ailleurs, pour une meilleure compréhension, les vidéos étaient faites en une vingtaine de langues africaines notamment, Fon, Mandingue, Twi, Ewe, Dagaari,Buli, Susu, Guerze, Luganda, Runyakitara, Luo, Ateso, Samia, Bambara, Yoruba, Igbo, Hausa et Wolof (ADRAO, 2002, 18).
En plus de ces vidéos, l’ADRAO encouragea les émissions radiophoniques sur la riziculture dans les pays membres. Ce fut le cas en Côte d’Ivoire. Ainsi, plusieurs émissions furent organisées à la radio nationale. Les émissions étaient réalisées et diffusées en langues nationales et en français. Au cours de ces émissions, des spécialistes du riz sont invités à donner des conseils aux paysans sur les techniques de culture du riz irrigué et du riz pluvial. Aussi la radio organise-t-elle des reportages auprès des meilleurs et grands producteurs de riz. La radio avait un rôle de sensibilisation et d’éveilleur de conscience des paysans. Comme émission, on avait, par exemple, « la terre au soleil », « la coupe nationale », « brave paysan,
en route pour le champ, etc.. » (L.S Yéo 277).
Ces programmes radiophoniques ont permis une meilleure compréhension des actions de l’ADRAO, notamment l’exécution des nombreux projets rizicoles. Ils ont favorisé une collaboration étroite entre l’ADRAO et chercheurs d’une part, entre chercheurs et producteurs d’autre part et se sont révélés très positifs au développement des technologies adaptées aux diverses zones agroécologiques de l’Afrique de l’Ouest.
2.4. Développement des projets rizicoles en 1988
La production du paddy est passée de 3 000 000 tonnes dans les années 70 à 6 000 000 à tonnes en 1988 en Afrique de l’Ouest avec des rendements pratiquement doublés, pouvant atteindre 3 tonnes en riziculture pluviale, avec des intrants faibles, cinq tonnes en riziculture inondée et 8 tonnes en riziculture irriguée avec un niveau d’intrants élevé (ADRAO, 2007, 21). Malgré cette forte potentialité, les pays ouest-africains restaient exposés à l’insécurité alimentaire du fait de la forte concurrence du riz importé.
Nommé directeur général de l’ADRAO en 1987, Docteur Eugene Terry avait été investi de la mission d’instaurer un changement dans l’histoire de l’Association. Ainsi, une stratégie et un plan à moyen terme fut élaboré, alignant le mandat et le programme de l’ADRAO sur ceux des autres centres du GCRAI[8]. Ce programme scientifique a stimulé les chercheurs et à insuffler l’esprit d’équipe au sein de l’institution. Ce qui a d’ailleurs largement contribué à la réputation scientifique dont l’ADRAO jouissait. L’institution rizicole sous régionale, dans le but de développer la riziculture, a procédé à l’exécution de plusieurs projets. En 1990, ce fut le programme riz pluvial. Il consistait à une intensification durable des systèmes de riziculture de bas-fond, une stabilisation des systèmes de riziculture pluviale à jachère raccourcie et des méthodes de gestion des bassins versants pour optimiser l’utilisation des ressources dans les bas-fonds. Ce nouveau projet permettait la création de nouveaux types de plants compatibles avec un faible niveau d’intrants et une élaboration de stratégies d’amélioration variétale spécifiques à chaque environnement pour l’obtention d’une résistance à la sécheresse et une meilleure production de riz dans les pays de l’Afrique de l’Ouest. A partir de 1992, l’ADRAO a mis en place un projet spécifiquement pour le riz irrigué (ADRAO 32).
. Ce projet a permis une gestion intégrée de la toxicité ferreuse dans les bas-fonds et une optimisation de la gestion des ressources dans les systèmes de riziculture irriguée et une évolution de la production du paddy dans les pays membres de l’ADRAO.
Graphique 1 : Histogramme de la Production et des surfaces rizicole en Afrique de l’Ouest (1979-2006)
Source : Bio Goura, 2008, les potentialités agricoles de l’Afrique de l’Ouest, p 112
Entre 1979 et 2006, la superficie rizicole a augmenté en même temps que la production. De 1979 à 1981, la production est estimée à 3,10 millions de tonnes de riz avec une superficie rizicole de 2, 05 millions d’hectares. La production et la superficie évolue pour atteindre respectivement 8,2 millions de tonnes de riz et 5 millions hectares entre 2004 et 2006. Cette évolution s’explique par les efforts conjugués par l’ADRAO pour le développement de la riziculture.
Le Programme riz irrigué a permis la mise au point de systèmes rentables de gestion des sols et de l’eau permettant de prévenir la dégradation des sols dans les systèmes de riziculture irriguée des pays comme le Mali, et le Burkina Faso. Ces projets ont eu un impact considérable sur le rendement rizicole. En effet, on a observé une très grande variabilité des rendements, avec les productivités les plus élevées en système irrigué au Sénégal et au Mali, ainsi que des rendements intermédiaires hauts dans les zones rizicoles aménagées du Ghana et du Nigeria. Enfin, le Bénin et le Libéria ont eu les rendements les plus bas du fait de la prédominance du riz pluvial de montagne et de bas-fonds faiblement aménagés (Bio 49).
Par ailleurs, un projet de réduction des risques de maladie dans les écosystèmes de riziculture de bas-fond fut mis en place dans plusieurs pays dont la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, le Tchad et la Guinée. Le projet était accompagné d’un programme d’information et de transfert de technologie. Hormis l’étude sur les sous-produits du riz, toutes les autres composantes du projet ont été exécutées dans le délai imparti et selon les prévisions à l’évaluation sans problèmes majeurs. L’exécution globale du projet a été satisfaisante. Le projet a fait une très grande avancée dans le développement des technologies adaptées aux diverses conditions agroécologiques de l’Afrique de l’Ouest basées sur des modes de gestion traditionnelle des petits exploitants.
Ces différents projets pilotés par l’ADRAO ont permis le développement de l’activité rizicole dans l’espace ouest-africain nonobstant quelques difficultés rencontrées.
3. Les limites des actions de l’institution sous-régionale
Plusieurs facteurs ont freiné l’ADRAO dans son projet de développement de la riziculture. Il s’agit, entre autres, de l’instabilité politique des pays ouest-africains membres, une recrudescence des importations de riz dans l’espace géographique et la persistance de la question de l’autosuffisance en riz qui demeure une priorité pour les gouvernants.
3.1. L’instabilité politique en Afrique de l’Ouest
La région ouest-africaine a été affectée par les instabilités politiques qui ont eu un impact négatif sur la vie des populations et même des institutions. A la création de l’ADRAO en 1971, un accord de siège a été signé. L’institution avait son siège à Monrovia au Libéria. Les nombreux coups d’états[9] survenus dans le pays ont entravé le bon fonctionnement de l’ADRAO. En 1987, à cause de l’instabilité et la guerre civile au Libéria, l’ADRAO décide du transfèrement de son siège de Monrovia à M’Bé en Côte d’Ivoire. Le Président Félix Houphouët-Boigny a dû mener une offensive diplomatique pour que son pays reçoive cette institution sous régionale. Ainsi une nouvelle ère venait de commencer pour l’ADRAO avec une nouvelle structure d’organisation et un plan stratégique. La guerre du Libéria a été préjudiciable pour l’institution. Du matériel végétal au matériel roulant, en passant par les projets d’investissement ont été perdus et l’ADRAO a été obligée de reprendre entièrement et de relancer le domaine de la recherche en Côte d’Ivoire[10].
Cette situation n’a pas favorisé une bonne coordination des actions rizicoles dans l’espace ouest-africain. Les projets en cours d’exécution ont été arrêtés. Ces effets se ressentaient sur les pays voisins. Par exemple, en Guinée Conakry, les villages frontaliers subissaient régulièrement les assauts des combattants qui n’hésitaient pas à y établir leurs bases. Dix ans après le transfert de son siège en Côte d’Ivoire, l’ADRAO fut confrontée à des difficultés dans le pays. Il s’agit du coup d’état de décembre 1999, la mutinerie de juillet 2000, les émeutes qui ont suivi les élections d’octobre 2000 et l’insécurité croissante sous la forme de vols à main armée. De 1999 à 2000, l’ADRAO a perdu sept véhicules dans le pays et plusieurs de ses agents ont été agressés dans des vols à main armée dans les domiciles, les braquages de voitures[11].
En septembre 2002, l’ADRAO a été confrontée à un autre défi, avec la tentative coup d’état militaire muée en rébellion survenue en Côte d’Ivoire. L’ADRAO a été délogée de son siège et s’est temporairement délocalisée à Abidjan, après avoir redéployée la plupart de son personnel scientifique à Bamako au Mali (ADRAO, 2002 -2003, p 10). En réaction à la crise, la direction de l’ADRAO a dû prendre des décisions à la fois stratégiques et pratiques pour répondre aux préoccupations immédiates et à long terme. Le Conseil d’Administration a décidé, lors d’une réunion extraordinaire en décembre 2004, de délocaliser le siège du Centre à Cotonou, Bénin, dans les locaux mis à sa disposition par l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) et l’Institut National de Recherches Agronomiques du Bénin (INRAB).
Cela montre comment l’instabilité politique et la mauvaise gouvernance menacent une recherche scientifique qui a le potentiel d’améliorer massivement la vie et les moyens de subsistance en Afrique. Selon Kanayo Nwanze :
il ne sert à rien d’avoir une science de classe mondiale si on a pas d’état au travail ou l’infrastructure pour l’utiliser. L’ADRAO qui a récemment produit les NERICA les nouvelles variétés du riz miracle africain a été chassé de son siège en Côte d’Ivoire par un conflit armé pour se réfugier au Bénin. Et cela sous-tend la nécessité d’investir dans des processus généraux de gouvernance et de réformes » (ADRAO, 2006, 25).
Si les pays africains ne peuvent pas réaliser la stabilité politique et sociale des politiques agricoles favorables, un engagement politique au niveau le plus élevé pour l’agriculture et la recherche agricole, alors la sécurité alimentaire, la paix et la prospérité continueront à leur échapper.Les violents conflits continueront à surgir et les tragédies engouffreront non seulement les nations mais aussi les Centres comme l’ADRAO.
3.2. Augmentation des importations de riz dans l’espace Ouest- africain
Le prix du riz sur le marché mondial a flambé pour atteindre des niveaux
record, depuis la crise alimentaire de 1970. En 1973, la part du riz dans la consommation céréalière en Afrique de l’Ouest s’élevait à 15 % (ADRAO, 2007, 4).
A cause de la grande dépendance de l’Afrique de l’Ouest du riz importé, la flambée des prix a frappé les consommateurs de riz de plein fouet. Cette situation a provoqué des émeutes alimentaires en 2008, dans la plupart des principaux pays importateurs de riz tels que le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Mali. Nonobstant les efforts de l’ADRAO pour le développement de la riziculture, les pays de l’Afrique de l’Ouest restent de grands importateurs de riz. Le Nigeria, le Sénégal et la Côte d’Ivoire figurent parmi les 10 premiers pays importateurs de riz dans le monde. Compte tenu de son poids démographique, le Nigéria constitue le premier pôle d’importation de la région, important à lui seul près de 2 millions de tonnes de riz par an. Le dynamisme du marché du riz au Nigéria entraîne des flux de riz local et importé vers les pays voisins.
Graphique 2 : Courbe évolutive des importations de riz en Afrique de l’Ouest (1969-2009)
Source : USAID, 2011, Crise rizicole évolution des marchés et sécurité alimentaire en Afrique de l’ouest, République Française (43).
A travers la courbe évolutive des importations de riz, on observe une légère augmentation de 1969 à 1985. Cela s’explique par la recrudescence de l’aide alimentaire sur en faveur des pays ouest-africains. Entre 1985 et 1993, les importations ont baissé jusqu’à atteindre 1100 000 tonnes. Ce qui montre les effets de développement de l’ADRAO sur la production rizicole en Afrique de l’Ouest. On constate une augmentation vertigineuse des importations entre 1993 et 2009, atteignant un pic avoisinant 5 000 0000 à 5 500 000 tonnes. Les Etats ont favorisé les importations qui renflouaient les caisses publiques à travers la fiscalité du riz. Cette situation s’explique aussi, par les premières difficultés techniques rencontrées par l’institution avec le changement de siège, sans oublier les problèmes financiers. Plusieurs pays membres ne versaient plus à temps leurs cotisations.
En dépit des efforts déployés par l’ADRAO en collaboration avec les pays ouest-africains, la production ne suffit pas à satisfaire la demande qui progresse encore plus rapidement du fait de la croissance de la population, de l’urbanisation qui représente respectivement 2,8% et 40% de la population. La consommation évolue chaque année de 5 à 6 % (FAO, 2008, 103). La demande progresse par conséquent plus rapidement que l’offre, de sorte que pour remplir ses besoins en riz, l’Afrique de l’Ouest est devenue fortement dépendante des importations.
En effet, la production régionale ne couvre que 60 % des besoins de la région. Le riz est la céréale la plus largement importée en Afrique de l’Ouest. Entre 1972 et 2009, les importations de riz ont été multipliées par treize et ont atteint les 6 à 10 millions de tonnes. À l’échelle régionale, l’Afrique de l’Ouest doit importer 40 % de sa consommation de riz, bien que l’on constate des différences de taille entre les pays (USAID, 2011, 23). Toutes ces importations pèsent de façon générale sur la croissance économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. La facture des importations de riz en Afrique de l’Ouest a connu une forte inflation, particulièrement dans les années 2000. Elle a doublé au cours des vingt dernières années, passant de 700 millions de dollars à 1400 millions de dollars dans les années 2000 avec un pic de 2500 millions de dollars en 2009, correspondant à l’envolée des prix mondiaux (Mendez, Bauer 9). La question de l’autosuffisance en riz dans les pays ouest-africains demeure une préoccupation majeure qu’il faut analyser au plan politico-économique, sociale et diplomatique. Outre les facteurs politiques, l’aide alimentaires apportée par les pays de l’Europe a contribué de manière significative à l’augmentation des importations. De plus, on note une les énormes ressources financières engrangées par les Etats ouest-africains à travers la fiscalité sur le riz importé.
Par ailleurs, il faut souligner le rôle croissant des pays ouest-africains dans l’atteinte des objectifs de l’ADRAO. Avec le temps, l’institution rizicole est devenue une structure de proposition et de transfert de technologie. A cet effet, il appartenait aux pays membres de l’ADRAO, conformément à la politique rizicole de garantir la production et assurer l’autosuffisance en riz.
Conclusion
L’ADRAO, organisme sous régional chargé du développement de la riziculture, dès sa création en 1971, avait donné l’espoir de développer la riziculture, afin de faire face au problème de l’autosuffisance en riz dans les Etats membres, comme le stipulait ses missions. Entre 1973 et 2009, l’ADRAO a posé plusieurs actions de développement dans le domaine rizicole, à travers la création et la vulgarisation de nouvelles variétés de riz dont la plus efficace et populaire est le NERICA. Plusieurs programmes de formation ont été initiés. Les pays ouest-africains ont bénéficié de projets rizicoles à hauteur de plusieurs millions de francs CFA. Tous ces investissements ont permis une croissance de la production du riz.
Toutefois, l’instabilité politique qu’a connue l’Afrique de l’Ouest, avec le changement permanent de siège de l’ADRAO, ainsi que la recrudescence des importions de riz ont fragilisé ses actions dans le domaine de la recherche et de développement rizicole. Ces difficultés ont montré les limites de l’Association, rendant ainsi son bilan mitigé sur l’ensemble de la période étudiée, surtout avec la persistance de la question de l’autosuffisance en riz dans les pays ouest-africains.
Travaux cités
………. Rapport annuel, 1999.
………. Rapport annuel, crise en Côte d’Ivoire l’ADRAO sous le feu, 2002-2003.
………..Rapport de la 5ème réunion biennale consultative du Comité des experts nationaux (CEN V) Cotonou, République du Bénin 19-20 juin 2006, 2006.
……… Rapport de synthèse, tendances rizicoles en Afrique, 2007.
……….Tendances rizicoles en Afrique : vue d’ensemble sur l’évolution rizicole en Afrique Subsaharienne (ASS), 2007.
Beye, Amadou Moustapha. Représentant Régional de AfricaRice, entretien réalisé le 12 août 2016 à Abidjan.
Bio, Goura Soulé. Les potentialités agricoles de l’Afrique de l’Ouest, 2008.
Dao, Gabriel. Responsable des Ressources Humaines et des Services Administratifs de l’ADRAO, entretien réalisé le 07 juillet 2005 à Bouaké.
Dobbert Jean-Pierre. Acte constitutif de l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’ouest (4 septembre 1970). In: Annuaire français de droit international, volume 17, 1971. p. 717-738.
Mendez Del Villar, Enrique Patricio et Bauer Jean-Martin. Le riz en Afrique de l’Ouest : dynamiques politiques et perspectives In Cah. Agric numéro 22, 2013.
Phelinas, Pascale. Politique des prix de riz, incitation à la production et effet sur la répartition des revenus dans six pays africains, Thèse de doctorat de troisième cycle, Université Clermont- Ferrand, 392 p. 1987.
Toure, A. Conseiller Technique Chargé des Semences au Ministère de la Promotion de la Riziculture, ancien agent de l’ADRAO, entretien réalisé le 20 février 2020 à Abidjan.
Yéo, Lassina Songfolo. L’Etat et la question de l’autosuffisance en riz en Côte d’Ivoire de 1963 à 1996, Thèse de Doctorat Unique d’Histoire, Université Alassane Ouattara, 2017.
Comment citer cet article :
MLA : Yeo, Lassina Songfolo. « L’ADRAO et le developpement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (1971 – 2009) ». Uirtus 1.2 (décembre 2021): 338-360.
§ Institut Pédagogique National de l’Enseignement Technique et Professionnel
[1] L’Afrique de l’Ouest est considérée comme le foyer originel de ce type de riz. Il serait présent depuis 3500 ans avant Jésus-Christ, sur l’espace compris entre le fleuve Sénégal et la rive gauche du fleuve Bandama, c’est ce que Roland Portères appelle « civilisation du riz ».
[2] BEYE (AM), Représentant Régional de AfricaRice, entretien réalisé le 12 août 2016 à Abidjan.
[3]DAO (G), Responsable des Ressources Humaines et des Services Administratifs de l’ADRAO, entretien réalisé le 07 juillet 2005 à Bouaké.
[4] BEYE (AM), Représentant Régional de AfricaRice, entretien réalisé le 12 août 2016 à Abidjan
[5] La production de paddy de la seule région de Korhogo atteignait 100.000 tonnes, grâce à la riziculture irriguée et aux actions de la recherche scientifique
[6] TOURE (A), Conseiller Technique Chargé des Semences au Ministère de la Promotion de la Riziculture, ancien agent de l’ADRAO, entretien réalisé le 20 février 2020 à Abidjan.
[7] TOURE (A), Conseiller Technique Chargé des Semences au Ministère de la Promotion de la Riziculture, ancien agent de l’ADRAO, entretien réalisé le 20 février 2020 à Abidjan.
[8] Beye (AM), Représentant Régional de AfricaRice, entretien réalisé le 12 août 2016 à Abidjan
[9] L’accumulation d’un certain nombre d’injustices et de malversations créées et entretenues par les divers régimes qui se sont succédé à la tête de l’Etat depuis sa création par les esclaves afro-américains affranchis
[10] BEYE (AM), Représentant Régional de AfricaRice, entretien réalisé le 12 août 2016 à Abidjan
[11] Gabriel Dao, Responsable des Ressources Humaines et des Services Administratifs de l’ADRAO, entretien réalisé le 07 juillet 2014 à Bouaké.