Agnélé Lassey§
Résumé : L’objectif de cet article est de montrer comment l’émergence et la formation de cette catégorie socioprofessionnelle a accentué la domination coloniale au Togo de 1884 à 1946. En effet, il apparaît que pour marquer leur présence et tenir en obéissance les populations colonisées dont on pouvait craindre un soulèvement, les puissances coloniales créèrent sur place une force de sécurité pouvant leur permettre de dominer et d’exercer leur autorité sur les populations africaines. Au Togo, la donne ne fut pas non plus différente. Même si au départ leur rôle était quasiment limité à la protection interne et externe de la colonie, les agents des forces de l’ordre et de sécurité finirent par s’imposer en tant que force indispensable.
Mots-clés : force noire, guerre, troupe, autorité, sécurité
Abstract : The objective of this article is to show how the emergence and the formation of this socio-professional category accentuated the colonial domination in Togo from 1884 to 1946. Indeed, it appears that to mark their presence and to keep in obedience the colonized populations of which one could fear an uprising, the colonial powers created a security force on the spot that could allow them to dominate and exercise their authority over the African populations. In Togo, the situation was not different either. Although initially their role was almost limited to the internal and external protection of the colony, law enforcement and security agents eventually established themselves as an indispensable force.
Keywords: dark force, war, troops, authority, security
Introduction
« Chair à canon », « indigènes », « sans papiers », « la dette », « sans pension » etc sont autant d’expressions utilisées pour désigner les soldats noirs d’outre-mer, qui ont participé au maintien de la domination coloniale. Avec dévouement, bravoure et loyauté, ils servirent la cause coloniale. Ce faisant, leur participation à l’histoire coloniale de leur pays ne fait aucun doute. En effet, pour marquer leur présence et tenir en obéissance les populations colonisées dont on pouvait craindre un soulèvement, les puissances coloniales créèrent sur place une force militaire pouvant leur permettre de dominer et d’exercer leur autorité sur les populations africaines. Au départ assez timide dès les débuts de la période allemande, elle finit par prendre surtout au temps de la colonisation française[1], une forme beaucoup plus formelle, participant de ce fait au projet colonial. Aussi serait-il intéressant de revisiter leur histoire afin de comprendre cette force noire, qui a servi la cause coloniale au Togo. Ce constat pose ainsi une interrogation fondamentale : En quoi l’émergence et la formation des forces noires ont-elles favorisé les actions coloniales au Togo entre 1884 et 1946 ?
L’objectif de cet article est de décrire le processus d’émergence et de formation de cette force noire mais aussi de montrer comment ses actions ont accentué la domination coloniale au Togo. Pour atteindre ce but, une documentation variée a été utilisée. Il s’est agi d’abord de consulter les rapports à la SDN et à l’ONU. Cette documentation est complétée par les ouvrages spécifiques et généraux ainsi que des mémoires et des thèses ayant abordé des aspects de cette thématique. La présente étude porte sur trois points. La première partie présente l’émergence dans le contexte de la conquête et de l’administration du Togo allemand (1884-1914). La seconde aborde la restructuration d’après-guerre visant l’implantation du mandat (1914-1928) et la dernière partie s’intéresse auxréformes visant l’enracinement du mandat français (1928-1946).
1. L’émergence dans le contexte de la conquête et de l’administration du Togo allemand (1884-1914)
A l’époque allemande, l’apparition du corps des agents de maintien de l’ordre et de sécurité était liée au processus d’installation de l’administration.
1.1. Le processus de création
Désireux de protéger leurs intérêts et d’assoir leur pouvoir par la contrainte, les colonisateurs, minoritaires en nombre, favorisèrent l’émergence des soldats noirs en Afrique[2]. Ceux-ci, en effet, leur offrait par leur docilité et obéissance, une garantie à tous les niveaux. Au Togo allemand, l’emploi d’une force noire restait fortement lié aux spécificités du colonialisme allemand en Afrique. Venue tard dans la conquête, l’Allemagne définit elle-même sa propre doctrine coloniale (Cornevin 185). Celle-ci fut basée sur une vision selon laquelle le Noir était inférieur au Blanc. Le colonat allemand a donc imposé le racisme, qui a imprégné la société coloniale. Des principes et des pratiques s’imposèrent progressivement à l’égard des Noirs : la plus grande fermeté, moins de rapports amicaux possibles entre Blancs et Noirs, la sévérité sans faille, les châtiments corporels, la peine de mort en cas de crime. Cette vision exigeait la création d’une force de police ou de sécurité pour sauvegarder le maintien de l’ordre et de la paix dans les colonies. Au Togo, de 1884 à 1914, les Allemands formèrent ainsi, un excellent matériel humain selon leur expression, Soldatenmaterial pour constituer progressivement l’espace aujourd’hui togolais. Pour y arriver, il fallut dominer et assujettir les populations du Togo, surtout celles de la partie septentrionale, farouchement guerrières, comme les Konkomba ou les Kabyè (Cornevin 180-184). L’administration allemande recourut donc à une méthode fondée sur la force brutale et sur l’intimidation, car pour les Allemands, l’Africain « doit sentir que le Blanc est fort, sinon il ne lui obéira jamais […]. S’il fait une fois l’expérience du bâton, il n’éprouvera absolument plus le besoin de recommencer ; il doit seulement savoir qu’en cas de besoin, le bâton est là, prêt à entrer en action […] » (Gayibor 22). Cette doctrine fut appliquée par plusieurs administrateurs, à commencer par les différents commissaires impériaux, qui se sont succédé à la tête du Togo. Une force de police fut alors créer en 1885 par le tout premier, Ernest Falkenthal (1885-1888) pour soumettre entre autre les autochtones à l’ordre colonial. Jesko von Puttkamer (1889-1894) réorganisa cette force armée pour en faire une véritable troupe militaire, placée sous les ordres d’un officier et entraînée par un sous-officier (Gayibor 18-19). Il s’agissait de la troupe de police indigène ou la « Politzeitruppe » dont les premiers éléments furent recrutés parmi les Haoussa du Nigéria et du Niger français réputés pour leur qualité guerrière. On y retrouvait aussi la complicité des cavaliers Cotocoli gagnés à la cause allemande et des Tchokossi[3]. A partir de 1894, au moment de la réorganisation de leur troupe, les Allemands levèrent leurs soldats dans la région de Kété-Kratchi où se trouvaient quelques tribus haoussa, puis dans l’arrière-pays de la Gold Coast et sur la Haute Volta où la population était constituée par des tribus Gourounsis et Mossi. Mais progressivement, ils finirent par recourir à leurs propres sujets[4] notamment les Kabyè, Dagomba, Losso et Konkomba du nord du Togo, qui leur fournirent d’excellents soldats (Maroix 46-47).
L’objectif des Allemands n’était pas l’installation d’une base militaire. Il s’agissait plutôt de forces de police, susceptibles de les aider à exercer leur autorité sur les populations et à leur assurer une conquête facile par les armes. En bref, elle devait assurer grâce à sa formation militaire, le maintien de l’ordre, de la paix et de la sécurité par la protection interne et externe du territoire. D’abord basée à Baguida, puis à Zébé, la Politzeitruppe fut transférée à Lomé en 1897. Elle était appelée à servir sur toute l’étendue du territoire, d’où sa répartition dans les principaux districts sous l’appellation desBezirkstruppen. Ceux-ci étaient recrutés et formés sur place par les administrateurs des cercles à partir de 1898 (Napo 749). Leur présence dans les localités surtout celles, qui étaient les plus hostiles à la présence coloniale, était assez importante. Elle permettait en effet à l’administrateur du cercle de parer au plus pressé en cas de danger avant de faire appel, à celle de son confrère du cercle plus proche. C’est ainsi que la troupe de police a pu tenir en respect les populations surtout que celles-ci ne paraissaient presque jamais disposées à exécuter volontairement, dans le cadre du travail obligatoire, les ordres de l’administrateur (420). Au début, l’engagement était volontaire pour cinq ans ou en cas d’insuffisance, l’appel pour la même année. Les forces étaient entretenues par le budget local de la colonie et utilisée par l’administration civile (Maroix 45-46).
A la veille du premier conflit mondial, les Allemands réussirent à aligner une Politzeitruppe et des Bezirkstruppen constituées de 560 soldats noirs et environ 500 réservistes dont la plupart étaient stationnés à l’intérieur du territoire. Tous étaient sous les ordres des officiers et des sous-officiers allemands. La force de police, ainsi recrutée et formée, sut au moyen des armes à feu modernes soumettre les populations hostiles à la nouvelle autorité. Ces actions de répression favorisèrent certes les Allemands, mais elles finirent par desservir la cause et l’image de la colonisation allemande.
1.2. Les actions
La force noire intervint d’abord à Tové avant d’agir dans la phase de la conquête de l’hinterland.
Face aux différentes exactions de l’administration allemande, les populations de Tové, qui se situèrent entre Kévé et Kpalimé se soulevèrent contre cette dernière. La raison en était selon Klose due au fait que les populations de cette région ne hissaient jamais le drapeau allemand. De plus, aucun accueil n’était fait par les notables aux visiteurs européens, qui se plaignaient de la cherté des denrées alimentaires et de l’hébergement. Par ailleurs, les féticheurs locaux s’opposaient à toute idée de civilisation et incitèrent les populations à ne pas acheter les produits européens. Mais, les Allemands, décidés à exercer leur autorité, trouvèrent un prétexte en la personne du botaniste Baumann. En effet, selon les autorités allemandes, ce dernier n’aurait pas été satisfait des services rendus par les autorités locales. L’administration dépêcha sur les lieux la troupe de police, qui malmena la population. Au cours de cet affrontement, un soldat allemand fut tué. La répression ne se fit pas attendre. Du 25 mars au 3 avril 1895, l’ensemble des villages situés sur une distance de 30 km fut dévasté. Bilan de cet affrontement, vingt morts environ, destruction de plusieurs fermes et arrestations de plusieurs prisonniers dont la plupart étaient des femmes et des enfants (Aduayom et al 493-494). Cette démonstration de force des troupes allemandes suffit pour intimider les populations du sud qui n’opposèrent plus aucune résistance à l’occupation allemande.
Une fois installée sur la côte, l’administration allemande entreprit d’occuper le nord du pays. Les populations de cette partie du pays ne se soumirent pas facilement aux Allemands, car il s’agissait en particulier de peuples guerriers vivants dans des sociétés acéphales. Cette situation suscita l’intervention rapide des forces militaires allemandes. De plus, les Allemands ne choisirent pas la voie de la négociation dans la mesure où il fallait occuper ces territoires assez rapidement pour empêcher que les autres puissances, engagées également dans ces compétitions n’occupèrent en premier ces zones. Les Allemands recoururent donc à la répression violente pour soumettre ces populations. Surtout qu’à cette époque, la troupe de police était mieux armée et mieux organisée pour agir (Gayibor 18). Des expéditions furent conduites par le baron Valentin von Massow entre 1894 et 1895, par le comte Julius von Zech chef du poste de Kete-Kratchi en janvier 1896, et par le Dr Gruner en 1897. Les expéditionnaires se rendirent avec leurs troupes munies d’armes modernes dans les localités telles que Mango, Sokodé, Bassar (Gayibor 18-20), et s’acharnèrent sur les populations. Même si on pouvait encore enregistrer des cas de désobéissance ici et là, les Allemands réussirent à démontrer leur supériorité et à imposer la domination directe de l’administration de façon brutale et impitoyable. Après cette phase de conquête, l’administration allemande put véritablement démarrée.
La réussite de cette administration imposait une certaine législation à la population. Plusieurs textes furent promulgués recommandant l’obéissance aux ordres des autorités. De ces textes, nous retenons entre autre le décret impérial du 22 avril 1896, qui donnait des pouvoirs administratifs aux chefs de cercles et de stations ainsi qu’aux autorités locales. Ce texte codifiait les pratiques répressives et marquait le début de l’indigénat au Togo. Les infractions mentionnées visaient surtout l’inexécution des obligations, les crimes et délits contre l’Etat et l’ordre public, la rébellion contre l’autorité de l’Etat, la désobéissance à l’autorité administrative, l’atteinte à l’intégrité physiques des personnes et à la liberté individuelle, les délits contre les biens (Nabe 253). Les récalcitrants à ce règlement firent les frais de la répression. Ils étaient soit condamnés à de lourdes peines (amendes en argent et des peines d’emprisonnement) soit ils étaient l’objet de punitions corporelles à concurrence de 25 coups. Les policiers noirs étaient les exécutants des coups avec le fameux one for Kaiser(Cornevin 192). Afin d’avoir une main mise sur l’ensemble des populations, l’administration jugea stratégique de décentraliser ces punitions. Ce n’était donc pas seulement les administrateurs centraux qui organisaient ces punitions, mais les chefs de circonscriptions, les chefs de cantons, de villages étaient autorisés à employer la force.
L’usage de la force noire quand bien même variable à des degrés divers, a servi d’une manière ou d’une autre aux intérêts des Allemands. Celle-ci put ainsi se faire respecter dans la terreur. Peu à peu, l’intérêt pour le soldat noir prit rapidement une autre tournure. A l’approche du premier conflit mondial, ils furent de ce fait préparer à participer aux nombreux combats que ce soit en Afrique ou en Europe. Quant au Togo, il fit les frais de cette force créée et employée aussi par les alliés, déterminés à conquérir l’importante installation de télégraphie sans fil intercontinentale, un des enjeux de cette guerre dans le pays.
2. La restructuration d’après-guerre visant l’implantation du mandat (1914-1928)
En 1914, c’est le début de la première guerre mondiale, qui marqua au Togo la fin de la présence allemande. Une période de gestion provisoire fut instituée jusqu’en 1919. Au cours de cette gestion provisoire, les actions françaises en matière de maintien de l’ordre et de la paix ont surtout consisté à réprimer fortement les populations indociles. En 1922, date de la confirmation du mandat au Togo jusqu’en 1928, on a assisté à un début de consolidation de l’implantation de la présence française dans un pays germanophone (et anglophone en partie) et à un début de l’application de la politique de mise en valeur. Tout ceci dans un contexte d’hésitations et d’incertitudes. En matière de sécurité, des essais furent entrepris surtout que la France méconnaissait encore le territoire.
2.1. La participation et la refondation
Face à la guerre, qui devenait inévitable dans les colonies d’Afrique, William Ponty, depuis Dakar, averti toutes les autorités militaires des territoires français. Les Français au Dahomey prirent des mesures nécessaires à la mobilisation. La majorité des soldats enrôlés étaient des Africains. La France en effet concrétisa l’idée du Lieutenant-colonel Mangin[5] selon laquelle les troupes africaines habituées aux guerres coloniales pourraient être utilisées dans les champs de bataille de l’Europe pour contrebalancer le poids militaire de l’Allemagne. Elle érigea à cet effet en doctrine l’emploi des « Tirailleurs Sénégalais ». La France recourut ainsi aux soldats de son empire colonial en choisissant des hommes valides de 18 à 45 ans dont la mission était de défendre leur patrie d’adoption. (Deroo et Champeaux 43 ; Abdoul 47).
Au Dahomey, les troupes françaises, sous le commandement militaire de Maroix étaient composées de la manière suivante : trois compagnies ou brigades indigènes de tirailleurs sénégalais, une section d’artillerie coloniale de 80 de montagne, un service de l’intendance et un service de santé, une compagnie de réservistes européens, deux groupes de gardes de cercles du Dahomey, des détachements de gardes de cercles, goumiers et partisans du Haut-Sénégal Niger. Un total de huit cent cinquante hommes de troupes réguliers, un millier d’auxiliaires et un millier de porteurs (Maroix 53).
Les autorités de Gold Coast, quant à elles, averties secrètement par Londres de se préparer à un conflit éventuel, prirent des dispositions stratégiques dans tous les domaines. Les forces armées étaient au nombre de 1584 soldats africains du Gold Coast régiment de la West african Fontier force[6]et les 321 hommes de Northern territories constabulary, encadrés par 40 officiers européens et 330 réservistes. Selon les documents, les Anglais avaient à peu près 2200 hommes prêts à combattre les Allemands (Marguerat 34-35 ; Maroix 49-50).
Au Togo, la guerre était déclarée dès le 5 août 1914 et elle prit fin trois semaines plus tard. Elle opposa les forces franco-britanniques (mieux entraînées du fait des longues campagnes militaires menées contre l’Ashanti) et le Dahomey, aux forces allemandes du Togo. La majorité des combats se déroulèrent seulement dans les localités de Chra, d’Agbélouvé, de Lilikopé, de Kamina et de Bafilo où les forces allemandes étaient prises en étau par les forces françaises et anglaises. Les autorités allemandes, victimes d’un coup de bluff de deux administrateurs anglais, durent replier leurs forces à l’intérieur du pays, donnant ainsi la possibilité à l’envahisseur de prendre Lomé et bien d’autres localités sans combat. Le Togo tomba rapidement aux mains des alliés, qui n’avaient utilisé que seulement 1000 tirailleurs, encadrés par des officiers et sous-officiers. En réalité, s’ils ne pouvaient rien envier aux forces de police des alliés, les Allemands, avaient du mal à maintenir leurs soldats en place dont beaucoup désertèrent face aux armes et stratégies des alliés. Les Allemands ne s’attendaient pas non plus à une guerre ouverte dans les colonies et préféraient au contraire des négociations à une attaque ouverte. Par contre, en Gold Coast et au Dahomey, on l’a vu, les autorités britanniques et françaises avaient secrètement pris les dispositions nécessaires en forces noires et matériels. Après la défaite allemande, les commandants des troupes franco-britanniques Maroix et Bryant reçurent l’ordre de partager le Togo en deux. Les forces britanniques occupèrent Lomé, Kpalimé, Ho, Kété-Kratchi et, au nord, le royaume de Yendi, avec la responsabilité du fonctionnement du wharf et des voies ferrées, poumons économiques du Togo. Les Français prirent Aného, Atakpamé et tout le reste des cercles du nord, qui était la partie la moins rentable (Chazelas 117).
Les nouveaux maîtres furent accueillis presque sans difficulté par les populations, qui les considéraient comme les libérateurs de leur pays. Aussi s’avérait-il inutile de maintenir les troupes de combat. Les Français laissèrent néanmoins sur place des soldats de l’ancienne troupe allemande, qui avaient fait vœux de loyauté à la nouvelle puissance. En fait ces derniers, formés pour maintenir l’ordre et la paix, obéissaient à qui pouvaient les rémunérer, quel que soit le drapeau à saluer. Il s’agissait de la 7ème compagnie du IIIème bataillon de tirailleurs sénégalais, qui était composée à 75% de Togolais[7] (Marguerat 110). Ce régiment comprenait 377 hommes dont 342 indigènes stationnés dans les cercles de Sokodé et Sansanné-Mango. Mais la France, conformément à l’article 3 du mandat, qui interdisait la création de fortifications permanentes ou temporaire et de bases militaires ou navales au Togo, réorganisa sa force de police en 1920. Une garde indigène fut créée le 7 janvier de la même année. Quant au 3è régiment, il continua par assurer la sécurité du territoire jusqu’au 31 mars 1925, date à laquelle, il fut supprimé. Les gardes-cercles constituaient une force de police relevant de l’autorité du commissaire de la République. Leur rôle était d’assurer le maintien de la sécurité publique, de l’exécution des mesures d’ordres et des actes de l’autorité administrative tels qu’escorte et garde de convois, garde des bâtiments administratifs, police des voies de communication et garde prisonniers[8].
Le 28 juin 1925, pour pallier l’absence des compagnies militaires régulières, un décret portant organisation des forces de police dans les territoires sous mandat fut institué. Il stipulait que la garde indigène devait coopérer avec les formations de milice à la police et à la sécurité du territoire. Les gardes-cercles étaient répartis en deux pelotons et un détachement. Le premier peloton était celui de Lomé, qui était placé sous le commandement du capitaine commandant la troupe. Il y avait aussi dans chaque cercle, un peloton sous les ordres directs des chefs de circonscription. Enfin la troisième catégorie comprenait un détachement à la disposition du commissaire de police de Lomé. L’effectif de chaque peloton ou détachement était fonction de l’importance du cercle et des nécessités du service (Nabe 265-266).
La présence de cette force de police fut salutaire à la France car dès les premiers moments de sa présence au Togo, elle dut réprimer des mouvements de révoltes provenant surtout des populations du nord, que les Allemands avaient eu du mal à pacifier.
2.2. Les interventions
Si au sud, régnait une situation de paix, il n’en était pas de même dans le nord où apparemment les Allemands n’auraient vraiment pas soumis toutes les populations. Celles-ci, farouchement attachées à leur liberté sans chefferie et à leurs valeurs guerrières s’opposèrent un tant soit peu à la nouvelle puissance, qui n’hésita pas à faire montre de force et de supériorité. Ainsi, entre 1915 et 1917, plusieurs soulèvements locaux furent réprimés avec autant de violences impitoyables qu’auparavant, si ce n’est davantage.
En pays kabyè, déjà en mars 1915, l’administration française dut faire une répression musclée. Maroix rapportait à ce sujet :
Le lieutenant Vergos (du Dahomey) a effectué avec un détachement de 36 tirailleurs, une reconnaissance dans la région du Kaburé, qui avait été signalée dans les rapports précédents comme peuplée de montagnards indépendants, turbulents, n’ayant jamais été soumis à l’autorité allemande. (…). Un petit engagement eut lieu au nord du village entre nos partisans (le roi Liabo de Sokodé et ses guerriers) et les habitants de Lao, qui laissèrent 6 morts sur le terrain. Neuf prisonniers, dont le chef rebelle blessé, furent dirigés sur Sokodé (…). Cette reconnaissance a produit la meilleure impression dans la province, et a décidé les hésitants à se soumettre. (Marguerat 125)
Le 25 février 1916, il y eut un nouvel accrochage à Tchitchao. On enregistra 25 tués et des blessés. La troupe, forte de sa puissance de feu sans proportion avec les arcs et les flèches des rebelles, n’a eu qu’un tirailleur et quatre partisans légèrement blessés. Cette démonstration de force brisa ainsi la tentative de rébellion. Quant à la localité de Mango, Clozel affirmait que « La situation est loin d’être telle que nous pourrions le désirer, et ne s’améliorera que peu à peu, lorsque les tribus sentiront que notre action effective appuyée par un détachement de tirailleurs, s’exercera sur elles avec ténacité, jusqu’à ce que leur complète obéissance soit obtenue… » (Marguerat 126-127). Chez les Konkomba, grâce au renforcement des agents, qui connaissaient désormais leur fonctions et les remplissaient bien, il serait possible au commandant de cercle de mieux surveiller le pays (Marguerat 129). Un rapport de Dakar à Paris du 15 mai 1916 conclut : « Aucune bonne volonté n’est à attendre de la part de ces tribus très frustres, naturellement portées à l’indépendance. Ce n’est que par un contact fréquent et des tournées de police répétées que nous parviendrons à maintenir l’ordre et la tranquillité » (Marguerat 162).
A Tschopowa, localité située à l’époque sur l’Oti mais aujourd’hui sur la frontière du Ghana, « la présence d’un détachement de tirailleurs contribue beaucoup à rassurer les petits villages et empêché surtout les coalitions de se renouer. Les populations savent que leur conduite a été très répréhensive », affirmait le capitaine Goguely dans un de ses rapports en février 1917 (Marguerat 128).
Après l’institution du mandat au Togo, le pays fut soumis le 23 mars 1921, au régime d’autonomie financière. L’administration réorganisa à cet effet le système des prestations. Il fut alors institué la capitation, qui stipulait que tout individu adulte, en âge de travailler devait quatre jours de prestations par an pour l’entretien et la construction des infrastructures. Ces prestations pouvaient être rachetées, mais ils constituaient cependant un poids important pour les populations. Les contribuables les plus pauvres, surtout dans les communautés sans chef, furent ceux, qui en avaient souffert le plus. Les habitants de ces régions, manquant d’activités salariées, s’étaient retrouvés démunis de numéraires nécessaires (Assima-Kpatcha 194). Beaucoup de ces populations trouvèrent de ce fait refuge en Gold Coast ou au Togo britannique pour fuir l’administration. D’autres par contre, manifestèrent leur refus de payer cette fiscalité. Les plus en vue étaient les Konkomba, qui continuaient par s’opposer d’une manière ou d’une autre à l’administration et se réfugiaient en zone anglaise à la moindre tournée de police chargée de percevoir l’impôt (Gayibor 157-158). Selon Assima-Kpatcha (195), jusqu’à la fin du séjour du gouverneur Bonnecarrère, les populations du nord-Togo furent les plus soumises à l’arbitraire des administrateurs et des gardes cercles, qui n’ont ménagé aucun effort pour les contraindre à exécuter les prestations.
En 1923 un peloton de 35 tirailleurs, commandés par un officier, fut envoyé. Parcourant le pays konkomba pendant deux mois, ils désarmèrent (38 flèches réquisitionnées) les guerriers konkomba. Un poste militaire de 20 hommes sous les ordres d’un sergent européen fut ensuite crée dans la région. En fait la soumission apparente des konkomba ne fut qu’éphémère. Il fallut envoyer dans le mois d’avril une section de 35 à 39 miliciens commandés par le lieutenant Massu, qui fut chargé de désarmer de nouveau la région. En vingt jours, après de durs combats, le détachement réussit à enlever 200000 flèches et une tonne d’engins divers[9].
3. Les réformes visant l’enracinement du mandat français 1928-1946
De 1928 à 1946, la France consolide sa présence au Togo. En effet, après la phase d’essais, la nécessité de réorienter toute la politique coloniale française s’imposa. Dans le domaine du maintien de l’ordre, la France comprit l’importance de créer de nouveaux corps susceptibles de protéger ses intérêts face à une population de plus en plus nombreuse et beaucoup plus critique à son égard.
3.1. La succession des réformes
Le 28 juin 1928, une milice indigène fut créée. Cette compagnie de milices était chargée concurremment avec la garde indigène d’assurer la police et la sécurité intérieure du territoire. La composition, l’armement et l’administration étaient fixés par arrêté du commissaire de la république soumis à l’approbation du ministère des colonies. Ces unités relevaient directement de l’autorité du commissaire de la république[10] et étaient placées sous le commandement d’un capitaine d’infanterie coloniale hors cadre dont les attributions, les pouvoirs et les prérogatives étaient fixés par arrêté du commissaire de la république soumis à l’approbation du ministre des colonies[11]. Gardes et milices indigènes constituaient les forces de police du territoire. De ces deux forces, seule la milice, considérée comme une troupe d’élites, avait un rôle militaire véritable. Dès 1929, elle fut organisée en une compagnie de milice comprenant une unité organisée et armée comme une compagnie d’infanterie à trois sections[12].
La force de police recevait outre des instructions militaires d’après le règlement en vigueur, une instruction morale et un entraînement physique intensif. Elle avait un détachement à Sokodé sous le commandement d’un sous-officier européen où elle assurait aussi une partie des tâches normalement dévolues aux gardes indigènes. Il y avait aussi deux sections à Lomé sous l’autorité du commissaire de la république mais dont le commandement était assuré par le capitaine commandant des forces de polices, assisté de deux sous-officiers européens. La compagnie, enfin, assurait aussi le recrutement et l’instruction de la garde indigènes[13].
Dans les années 1930, des services locaux de police et de sûreté furent établis dans les différents territoires de l’AOF[14]. Leur activité principale était de constituer la douane politique et morale du pays. Ils devraient ainsi concentrer leurs actions particulièrement sur les ports susceptibles d’être choisis par d’éventuels fauteurs de troubles, comme lieu de pénétration. Au Togo, ce service apparut sur le territoire par arrêté n°92 en date du 14 février 1933[15], suite à la révolte des loméennes les 24 et 25 janvier 1933. Selon J. Gassama (197-198), « La mise en place des services de sûreté fut un changement important dans l’organisation de la police coloniale en Afrique de l’Ouest. Auparavant, les forces de l’ordre étaient essentiellement consacrées à la police d’ordre et de souveraineté, aux dépens de la police de sécurité urbaine et de la police criminelle».
Par la suite, les arrêtés locaux du 9 août 1938 et du 27 décembre 1941 perfectionnèrent l’organisation de ce service, lui permettant ainsi de répondre aux besoins de l’heure. Le service de police et de sûreté comprenait les services centraux au chef-lieu du territoire et les services extérieurs répartis dans les divers centres[16].
Au moment de la mobilisation[17], seule la compagnie de milice[18] fut mise sur pied de guerre, mais une deuxième compagnie fut également constituée. Le commandement de l’ensemble fut attribué au commandant militaire du Dahomey, qui devenait commandant militaire du Dahomey-Togo[19]. Le 31 décembre 1944, la 2ème compagnie de milice est dissoute tandis la 1ère compagnie devint compagnie des forces de police du Togo composée de 4 officiers européens, 13 sous-officiers européens et 302 africains. L’ensemble de ces troupes évolua de nouveau sous le commandement effectif du capitaine commandant les forces de police du Togo[20].
Le 17 septembre 1942, le service de la gendarmerie a été créé par arrêté n° 516/APA et confié à trois militaires européens, qui prirent service au commissariat de police de Lomé en novembre de la même année. Ces derniers provenaient du détachement de gendarmerie de l’AOF à Dakar. Cet effectif ne fut pas augmenté au cours des années 1943-1944. C’est en 1945, suivant l’arrêté n°463/APA en date du 23 août, que le service de la gendarmerie fut réorganisé et ses effectifs augmentés et implantées dans trois cercles de l’intérieur, Kpalimé, Aného et Sokodé. Il y avait en tout 7 gradés ou gendarmes européens et 5 auxiliaires de gendarmerie africains[21].
En résumé, il apparaît que jusqu’en 1946, le territoire était constitué des forces de sécurité réparties en trois groupes. Il s’agissait des forces militaires elles-mêmes composées de la 2ème compagnie du bataillon autonome du Dahomey Sud-Togo stationnée à Lomé et d’un corps de gardes-cercles militaires ; d’un service de gendarmerie et d’une police civile nommée service de police et sûreté.
3.2. Les engagements dans les crises
Dans le cadre de la mise en valeur du territoire, les agents de l’ordre intervinrent dans l’application de la politique de colonisation des terres neuves. Il s’agissait d’une politique de déplacement des populations vers les terres encore libre du centre-Togo consistant à soulager le surpeuplement du pays kabiyè. Ces agents étaient alors chargés d’exécuter les ordres coloniaux, car, bien qu’il y ait eu des volontaires plus tard, le début était forcé. En effet, la méfiance prévalait ainsi que la brutalité des autorités locales dans la désignation des prétendus volontaires, dont la moitié fuyait dès qu’ils recouvraient la liberté (Gayibor 150). Dans ce même domaine, les anciens militaires assurèrent la distribution des semences de certains produits imposés par les colonisateurs comme arachides, coton, boutures d’ignames et des plants sélectionnés pour les cafèterais, les cacaoyères et les palmerais. Ils se chargèrent aussi de contrôler leur mise en terre (Cornevin 75).
Cette politique de mise en place de l’outillage économique avait aussi poussé l’administration à l’exploitation de la main d’œuvre indigène peu payée. Dans ces conditions, elle avait réorganisé le régime de prestations en 1922. Celui-ci obligeait les adultes à devoir quatre jours de travail obligatoire. Mais ces prestations étaient rachetables. Malgré cela, elle recourut à la force pour exploiter les prestataires, qui s’étaient acquittés de leurs prestations en numéraire. Dans le cercle de Mango en 1928, on mentionnait que tous les prestataires avaient racheté leurs prestations et au même moment, on signalait que les Lamba les avaient encore exécutés en partie. A Atakpamé en 1929, on constate aussi une double exploitation, car les prétendus travaux de route, exécutés par des volontaires n’étaient que des travaux forcés réalisés sous la contrainte (Assima-Kpatcha 297). Les agents des forces de l’ordre étaient aussi employés dans la surveillance des travaux de construction des infrastructures. Selon padaha (70), le général Massu avait placé des miliciens deux ou trois par chantier, qui vivaient jusqu’à l’achèvement des travaux. Ainsi avec ces miliciens, le général Massu construisit en tout neuf chantiers entre 1935 et 1936 lors de la pacification des Konkomba. C’est également le cas de 35 policiers, qui après avoir servi de forces de sécurité sur le tronçon du chemin de fer Nuatja (Notsè)-Blitta sous les Allemands, avaient été transférés à Atakpamé par les Français pour surveiller la construction de la route Atakpamé-Badou[22].
Après le départ de Bonnecarrère en 1931, le Togo commençait à ressentir les séquelles de la crise de 1929. Le nouveau commissaire, de Guise, dut gérer ses effets au Togo. Pour faire face aux conséquences de la crise sur l’économie togolaise, l’administration locale dut prendre des mesures très impopulaires dont entre autres, l’augmentation des anciennes taxes et la création de nouvelles en 1933. Malgré l’intervention des notables de Lomé, défavorables à ces nouvelles décisions, l’administration refusa de revenir sur sa décision. Devant la situation créée par la crise : diminution des salaires de 50%, l’effondrement des ressources, chômage, malaise social, baisse du coût de la vie etc…, ajouté à l’augmentation de la fiscalité. Les manifestants qui n’avaient plus confiance aux notables, descendirent dans les rues de Lomé le 24 janvier 1933, après l’arrestation des membres du Duawo[23]. Il s’en suivit un mouvement général qui paralysa toutes les activités de la ville. (d’Almeida-Ekué 39-45). Telle était l’origine des émeutes de Lomé en 1933. Pour maîtriser les manifestants, de Guise demanda de toute urgence, le 24 janvier, l’affectation sur Lomé d’un peloton de miliciens travaillant au chantier de la voie ferrée d’Agbonou. Il réquisitionna le commandant de forces de police et les deux sections de milices de Lomé. Le lendemain, les troubles reprirent. Pour ramener le calme totalement dans la ville de Lomé, on dut faire appel à une section de tirailleurs de dahoméens puis à une compagnie de tirailleurs venus de la Côte d’Ivoire, composée de 170 hommes (d’Almeida-Ekué 62-64).
3.3. La reconversion après le service militaire
Outre leur rôle essentiellement d’aide au maintien de la paix et de la sécurité, certains agents des forces de police avaient la possibilité d’apprendre un métier. Nantis de cette qualification, ils étaient mis à la disposition des commandants de cercles pour être utilisés à l’entretien des routes, des travaux des postes, ainsi que d’autres travaux à savoir ceux de cantonniers, maçons, ouvriers à bois, ouvriers à fer, tailleurs, cordonniers etc..). Cet avantage facilitait leur retour à la vie civile, une fois leur service terminé.
D’autre part, les soldats à l’instar des fonctionnaires et des chefs traditionnels, constituaient aussi un lien direct entre le pouvoir et la population. Cette catégorie socioprofessionnelle avait de ce fait des privilèges dans la société. Les autorités quelques fois n’hésitaient pas à remercier leur loyauté. Par exemple, au lendemain de la première guerre mondiale au Togo, ils bénéficièrent d’un statut particulier, celui d’être exclus du régime de l’indigénat et la possibilité d’obtenir la citoyenneté française. La plupart d’entre eux étaient décorés de la légion d’honneur ou de la médaille militaire (Wiyao 16-17). Cette situation de privilégiés, leur permit d’accéder à certains postes traditionnels dans l’intérêt de l’administration. Il s’agissait en effet des postes comme ceux des chefs de canton et de village. Ce fut le cas à Sokodé lors de la nomination d’anciens policiers allemands comme chefs de villages. En effet, en 1917, le commandant de cercle de Sokodé procéda à la nomination de 22 policiers ayant combattu en 1914, comme chefs de villages en remplacement des chefs traditionnels des villages dont l’autorité avait subi un fléchissement considérable depuis que les agitateurs et les meneurs des mouvements de pacification avaient tenté de les anéantir (Marguérat 129). C’est également le cas, qui s’était présenté dans le cercle de Mango. Les Tchokossi de Mango disposaient traditionnellement des familles royales dont la succession se faisait de père en fils, sauf en cas d’handicap particulier (Cornevin 88). Cependant, en 1936, ce principe traditionnel a été infléchi par la nomination d’un militaire. En effet, le 2 mai 1936, le commandant de cercle de Mango a procédé à la nomination du tirailleur, le sergent Alika comme chef canton d’Atolé. Ainsi, déclarait-il : « ce sergent de la garde indigène peut réussir grâce à son esprit éveillé et à son autorité personnel. Sachant lire et écrire, il pouvait rendre de ce fait certains services. » (Badanzo 37)
Conclusion
Au regard de ce qui précède, il apparaît que les agents du maintien de l’ordre et de la sécurité ont constitué un inépuisable réservoir d’hommes dans lequel s’étaient servies les puissances coloniales, pour brimer et dominer les populations de leurs colonies. Apparue dans le cadre de l’installation de l’administration allemande, héroïsée durant la première guerre mondiale, cette force a servi dans la consolidation de la présence française au Togo sous mandat. Cette situation est révélatrice de sa position clé au sein de l’Etat colonial. Un privilège qu’elle détient encore aujourd’hui au sein même des Etats africains indépendants, qui ne sauraient se dessaisir de cette force incontournable dans l’embrigadement de leur société.
Sources et travaux cités
Sources
ANT-Lomé, 2APA Cercle d’Atakpamé, dossier 41, recrutement d’indigènes (1912-1948).
Rapports annuels à la SDN, 1921, 1935.
Rapports annuels à l’ONU : 1947, 1948, 1949, 1950, 1951, 1953, 1954, 1955, 1956, 1957.
Travaux cités
Almeida (d)-Ekué, Silivi. La révolte des Loméennes, 24-25 janvier 1933. NEA du Togo, 1992.
Aduayom, Adimado et al. « Le refus de la colonisation : de la pénétration à la seconde guerre mondiale », Histoire des Togolais, dirigé par Nicoué Lodjou Gayibor, Presses de l’UL, 2005, p. 491-556.
Assima-Kpatcha, Essoham. Travail et salariat au Togo français (1914-1939). Thèse de doctorat unique, Université de Lomé, 2004.
Badanzo, B. Y. Le cercle de Mango dans l’entre-deux-guerres (1920-1939). Mémoire de maîtrise, Université du Bénin, 1995.
Barandao, Kufoma. L’armée togolaise : origine et évolution (document manuscrit inédit).
Champeaux, Antoine. « Tirailleurs de la République française. », Forces noires des puissances coloniales européennes, dirigé par Antoine Champeaux, Eric Deroo et Janos Riesz, Lavauzelle, 2009, p. 29-38.
Chazelas, Victor. Les territoires africains sous mandat de la France : Togo et Cameroun. Société d’Edition Géographique, maritime et coloniale, 1931.
Conombo, Joseph. Issoufou. Souvenirs de guerre d’un « Tirailleur Sénégalais. », L’Harmattan, 1989.
Cornevin, Robert. Le Togo : des origines à nos jours. Académie des Sciences d’Outre-Mer, 1988.
Deroo, Eric. et Champeaux, Antoine. La force noire : gloire et infortunes d’une légende coloniale, Tallandier, 2006.
Gayibor, Nicoué. Lodjou. Les Européens dans le golfe de Guinée : du XVIè au XIXè siècle. PUB, 1991.
……….. Le Togo sous domination coloniale (1884-1960), Les presses de l’UB, 1997.
Glasman, Joël. Les corps habillés au Togo. Khartala-Les Afriques, 2014.
Kponton, Ginette. La décolonisation du Togo (1940-1960), thèse de doctorat de 3ème cycle en histoire, Université de Provence, 1977.
Marguerat, Yves. « L’occupation franco-britannique (septembre 1914-septembre 1920) ». Histoire des Togolais, dirigé par Nicoué Lodjou Gayibor, Presses de l’UL, 2005, p. 101-175.
………La guerre d’août 1914 au Togo : histoire militaire et politique d’un épisode décisif pour l’identité nationale togolaise, Collection « Patrimoine » n°14, Presses de l’UL, 2004.
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Maroix, Général. Le Togo : pays d’influence française. Larose-Editeurs, 1938.
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Napo, Ali. Le Togo de l’époque allemande. Editions Saint-Augustin Afrique, 2020.
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Padaha, M, Les forces de maintien de l’ordre au Togo sous administration française (1920-1960). Mémoire de maîtrise, Université de Lomé, 2006.
Riesz, Jonas. « La « force noire » dans les colonies allemandes. », Forces noires des puissances coloniales européennes, dirigé par Antoine Champeaux, Eric Deroo et Jonas Riesz, Lavauzelle, 2009, p. 41-72.
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Taillac, (de) Pierre. « L’armée noire anglaise. », Forces noires des puissances coloniales européennes, dirigé par Antoine Champeaux, Eric Deroo et Jonas Riesz, Lavauzelle, 2009, p. 73-79.
Tété-Adjalogo, Têtêvi Godwin. Histoire du Togo : la palpitante quête de ‘Ablodé (1940-1960), Collection Libre Afrique, 2000.
Wiyao, Evalo. 13 janvier 1963 13 janvier 1967 : pourquoi ? Les NEA du Togo, 2001.
Comment citer cet article :
MLA : Lassey, Agnélé. « Le corps des agents de maintien de l’ordre au Togo : création, réorganisations, rôles (1884-1946). » Uirtus 1.2. (décembre 2021): 561-581.
§ Université de Lomé / [email protected]
[1]Il est vrai que les autres puissances s’étaient aussi engagées à recruter des soldats noirs mais la France s’était véritablement appuyée sur cette force noire pour servir ses intérêts en Afrique noire francophone
[2] En effet, à partir du XVè siècle, les Européens se lancèrent à la conquête de l’Afrique et s’impliquèrent dans plusieurs activités commerciales dont la traite négrière et plus tard le commerce licite (Gayibor 8-10). Pour effectuer toutes ces activités, plusieurs nécessités se présentèrent à eux dont le recrutement d’auxiliaires africains au sein des comptoirs installés sur la côte. Ils mirent ainsi à leur service, des interprètes, des manœuvres, des matelots africains etc. L’extension de la traite négrière ouvrit la voie à une concurrence de plus en plus acharnée des puissances européennes. Celles-ci, désireuses de protéger leurs installations commerciales et navales et d’assurer leur prestige aux yeux des pouvoirs locaux, firent appel aux soldats européens, qui furent malheureusement décimés par le climat et les pathologies tropicales. L’idée de recourir et de former une troupe noire fit progressivement son chemin au point qu’en 1799, un corps des volontaires d’Afrique fut reconstitué. Mais au milieu du XIXè siècle, la course aux colonies, emmena les Anglais mais surtout les Français à utiliser massivement ces soldats africains. Ces derniers, qu’ils soient recrutés en Afrique ou à Madagascar étaient ainsi appelés initialement en fonction de leur origine. Ainsi, on appelait tirailleurs sénégalais ceux, qui venaient du Sénégal, tirailleurs haoussas, gabonais, malgaches, somalis etc. on utilisa même pendant quelques années l’expression tirailleurs coloniaux. Toutefois, il fut décidé d’uniformiser les noms des unités de recrutement africain et de toutes les nommer « sénégalaises » en rappel à leur origine. C’est pourquoi toutes ces troupes noires, qu’elles soient d’origine proprement sénégalaise ou non furent appelées et conservèrent le nom générique donné par leur créateur « Tirailleurs Sénégalais » d’autant plus que le Sénégal a été le premier pays à fournir des soldats noirs[2]. Quant au terme Tirailleur, il désignait à l’origine un « combattant doté d’une certaine liberté de manœuvre qui tire en dehors du rang ». Cette appellation servait non seulement à masquer le métier du soldat dans l’armée mais aussi et plus souvent son origine réelle (Deroo et Champeaux 25 ; Champeaux 30).
[3]Leur aide fut en effet bénéfique aux allemands pour soumettre les peuples du Nord qui s’opposèrent à la pénétration allemande au Nord.
[4]Les Français et les Anglais, mécontents de ce recrutement de soldats dans leur colonie pour le Togo, s’y opposèrent (Maroix 46).
[5] C’est en 1908 que le Lieutenant-colonel Charles Mangin proposa un recours plus important aux soldats noirs car les nombreuses expéditions coloniales coutèrent énormément la vie aux soldats européens et mécontentaient l’opinion publique. A travers plusieurs articles, missions d’enquêtes et enfin publication de son ouvrage La force noire en 1910, le Lieutenant-colonel Charles Mangin exalta l’importance de cette force noire. S’appuyant sur la crise démographique de la France face à l’Allemagne beaucoup plus peuplée, il proposa de recruter 5000 tirailleurs sur quatre ans, portant l’effectif à 20 000 hommes puis que jusqu’ici 10.000 servaient déjà à l’extérieur et 10 000 à lever pour former une réserve d’intervention. Il préconisa aussi un appel des jeunes africains entre vingt-huit ans qui permettrait de mobiliser 500 000 soldats. Par ailleurs, ces troupes sûres coûtaient moins chères que les unités européennes, elles pouvaient se déployer en Afrique du Nord, où, à la demande des colons et par méfiance de l’islam, on maintint des forces importantes qui manquèrent sur les frontières métropolitaines (Deroo et Champeaux 43).
[6]Selon Maroix (49), ce régiment était Stationné dans la colonie de Sierra Leone avec une portion principale à Freetown. En route pour la Gold Coast le 23 août 1914, les militaires n’arrivèrent qu’après la fin des opérations menées entièrement par les troupes françaises et les forces actives de la Gold Coast.
[7] Il en fut de même du côté des Anglais, où, en mai 1915, on recruta une cinquantaine d’anciens soldats du Togo allemand, pour créer une petite force de police, formée et dirigée jusqu’en 1917 par l’administrateur adjoint Angus C. Johnstone, qui fonctionna parfaitement pour maintenir un ordre que nul ne songeait à troubler (Marguerat 110).
[8] Rapport du Ministère des colonies ; des territoires occupés au Togo, 1921, p. 12.
[9] Rapport de la SDN 1935, p. 39-40.
[10] En cas de mobilisation, la compagnie de milice complétée par l’appel des réserves formées par des anciens militaires en résidence au territoire, passait sous les ordres du Général commandant supérieur des troupes de l’AOF (Rapport à l’ONU, 1947, p. 31).
[11] Rapport à l’ONU, 1947, p. 31.
[12] Rapport à l’ONU, 1947, p. 32.
[13]Rapport de la SDN 1925, p. 35.
[14] Dans le souci de protéger l’administration coloniale de nouvelles menaces susceptible d’affaiblir son autorité, Dakar créa en 1922, un Service central de sûreté et de renseignements généraux de l’AOF.
[15] Rapport à l’ONU, 1947, p. 33.
[16] Rapport à l’ONU, 1947, p. 33.
[17] En dépit de la défense du mandat sur le Togo, les Français recrutèrent des soldats du Nord-Togo dans l’armée coloniale, dans la mesure où ceux-ci rejoignaient celle-ci par le Dahomey ou par la Côte d’Ivoire. Ce recrutement s’intensifia au moment de la deuxième guerre mondiale, où par le biais du volontariat, beaucoup de jeunes originaires du Nord Togo surtout passèrent la frontière pour se faire recruter surtout au Dahomey et combattre aux côtés des troupes françaises. Kponton (33) donne un chiffre de 3000 volontaires environ. Parmi les volontaires togolais, d’autres participèrent aux guerres d’Indochine et d’Algérie. Mais ils furent démobilisés pour la plupart à la fin de la guerre (Tété-Adjalogo 62).
[18] Comme à l’époque allemande, les Français ayant apprécié dans la campagne contre les Allemands les éléments les plus combatifs, utilisèrent pour former les forces de polices, les mêmes peuples, chez les Kabyè, les Losso, les Moba, les Bassar etc. Au début, le recrutement de ces forces s’effectuait parmi les anciens tirailleurs admis ou non avec leur grade par simple voie d’engagement. Par la suite, il se fit parmi les volontaires de préférence originaires essentiellement du nord du territoire. Ce que confirme la mission d’inspection Bourgeois Gavardin (1940-1941), affirmation corroborée par celle du commissaire de la république d’alors qui précisait que sur les 664 miliciens que comptait la milice de Lomé en 1941, 70% étaient des Togolais dont 63% des cercles du nord et 7% des cercles du sud. Le reste était constitué d’étrangers. C’était souvent d’anciens tirailleurs originaires du Dahomey, des Mossi de la Haute Côte d’Ivoire (actuelle Haute-Volta). On en comptait 57 en 1932 et 14 étrangers dans la milice togolaise en 1941. En 1920, on comptait dans la garde indigène 3 adjudants, 10 sergents, 20 caporaux et 217 gardes. En 1937, 233 gardes, 35 policiers gradés et 184 gradés militaires indigènes (Barandao 17).
[19] Rapport à l’ONU, 1947, p. 31-34.
[20] Rapport à l’ONU, 1947, p. 32.
[21] Rapport à l’ONU, 1947, p. 37.
[22] ANT-Lomé, 2APA Cercle d’Atakpamé, dossier 41, recrutement d’indigènes (1912-1948).
[23] Il s’agit d’une association critique à l’égard de l’administration. Les responsables avaient réussi à gagner la confiance de la population en l’informant des répercussions de la crise et des décisions de l’administration. L’administration, croyant mettre fin au problème, mis en arrêt les deux responsables du Duawo (d’Almeida-Ekué 35).