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Abstract (Figuration de l’échec dans Les choses de Georges Perec)

The theme of failure is made current by a very prolific 20th century literature which focuses on the human condition. And Georges Perec makes it a source that allows him to explore the specificities of a contemporary society that exclusively focuses on matter and possession. A perception which leads us to question the notion of failure which exposes the social and psychological vulnerability of singular characters. To nourish this reflection, we relied on the significance of the discourse
of failure in his text Les choses; this favored the analysis of a fairly characteristic writing of objects and things.
Keywords : incapacity, inaction, fatality, loser, negation

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Résumé (Figuration de l’échec dans Les choses de Georges Perec)

Résumé : La thématique de l’échec est rendue actuelle par une littérature du XXe siècle très prolifique qui s’attache à l’analyse de la condition humaine. Et Georges Perec en fait une source qui lui permet d’explorer les spécificités d’une société contemporaine qui se focalise exclusivement sur la matière et la possession. Perception qui nous amène à interroger la notion de l’échec qui expose la vulnérabilité sociale et psychologique de personnages singuliers. Pour nourrir cette réflexion, nous nous sommes appuyés sur la prégnance du discours de l’échec dans son texte Les choses ; ce qui a favorisé l’analyse d’une écriture des objets et des choses assez caractéristiques.

Mots-clés : impuissance, inaction, fatalité, perdant, négation

 

Abstract: The theme of failure is made current by a very prolific 20th century literature which focuses on the human condition. And Georges Perec makes it a source that allows him to explore the specificities of a contemporary society that exclusively focuses on matter and possession. A perception which leads us to question the notion of failure which exposes the social and psychological vulnerability of singular characters. To nourish this reflection, we relied on the significance of the discourse of failure in his text Les choses; this favored the analysis of a fairly characteristic writing of objects and things. 

Keywords : incapacity, inaction, fatality, loser, negation

 

Introduction

La compétition, la réussite sont les mots et/ou les maux caractéristiques d’une société contemporaine qui ne tolère pas les perdants. Cet environnement de quête de la performance constitue, à rebours, un terreau favorable de construction de la marginalisation et de la mésestime pour une catégorie sociale. Cette perception matérialiste du monde génère l’idée de l’échec qui trouve son expression dans des champs de connaissance aussi divers que la philosophie, la sociologie, la psychologie et la psychanalyse. À l’instar de ces domaines, la littérature aussi fait de cette thématique un objet d’étude par sa représentation d’un phénomène social. Elle s’en fait l’écho dans des productions qui construisent un archétype de personnages totalement désintégrés et ancrés dans un défaitisme très caractéristique.

Anne Simonin aborde la même perspective en affirmant que « La littérature consacrée au génie et au succès est importante, celle de son double malheureux, l’échec, est très réduite. L’échec fait peur. Son « roman vrai » n’intéresse pas, à l’exception notable des psychanalystes » (111).

Ainsi des romans français majeurs sont représentatifs de ce type de personnages. Dans ce cas, les personnages d’Albert Camus sont aux prises avec une existence problématique, ceux d’Olivier Adam ou encore de Primo Levi sont empêtrés dans des situations totalement deshumanisantes d’où ils ne peuvent se soustraire ou semblent s’abandonner tant ils sont annihilés. Ces écrivains définissent des personnages totalement irrationnels et désensibilisés qui se retrouvent de l’autre côté du rideau, comme s’ils étaient soumis à une fatalité. Le problème que cette situation pose est celui de la condition humaine complexe qui contraste avec une littérature contemporaine à relent humaniste qui postule la valeur et la liberté de l’homme.   

Cette perspective existentielle paradoxale a conduit à réfléchir sur le sujet : Figuration de l’échec dans Les choses de Georges Perec. Un tel thème induit des questions de recherche qui permettront d’orienter l’analyse : Comment l’échec est-il représenté ? Comment le discours de la marginalité et de la désintégration se déploie-t-il dans le texte ?

Pour répondre à ces questions nous allons convoquer les méthodes narratologique et linguistique qui permettront d’étudier d’abord la typologie du personnage perdant. Il s’agira d’analyser les personnages principaux dans une perspective qui les appréhende selon la classification d’Éric Bordas qui définit une typologie basée sur quatre éléments majeurs (162-163). Ce qui aboutira à dresser une caractérisation de l’archétype du loser, dont la marginalisation est cristallisée par une narration avec une situation finale consacrant une irréversibilité du désavantagé. Ensuite, le discours de l’échec conduit à analyser une linguistique du perdant qui est consacrée par une véritable apologie de l’échec. Elle se perçoit dans un langage et des expressions spécifiques et un champ lexical particulièrement abondant ainsi qu’un vocabulaire dédié à cette notion.    

  1. Typologie du personnage loser

Il serait illusoire d’évoquer les catégories de personnages sans définir la notion même de personnage qui intéresse la critique. Cette instance narrative, en effet, a connu des fortunes diverses avec les différentes approches qui enrichissent les travaux critiques. La plus virulente des études est certainement celle d’Alain Robbe-Grillet qui vilipende le statut du personnage. Il formule clairement le reproche suivant : « Nous en a-t-on assez parlé, du « personnage » ! Et ça ne semble, hélas, pas près de finir. Cinquante ans de maladie, le constat de son décès enregistré à maintes reprises par les plus sérieux essayistes, rien n’a encore réussi à le faire tomber du piédestal où l’avait placé le XIXe siècle. C’est une momie à présent » (31). La déchéance du personnage dont parle le critique est d’une autre façon, l’annonce de la perte d’un privilège. Dans cette étude, il est soumis à un effilochage qui est régi par des caractères qui se déclinent en trois strates : l’inaction, l’état d’esprit et le conditionnement social.

D’abord l’inaction du personnage est caractéristique. A priori, il paraît être en action, tant il est inscrit dans une dynamique évolutive. Cependant, le schéma actantiel du support textuel montre un état initial qui ne subit pas de modification substantielle puisque les personnages principaux sont toujours dans une situation végétative. Dès l’incipit, le récit présente des protagonistes et des adjuvants qui sont installés dans une léthargie. Cette situation de non action n’est pas modifiée, malgré le changement d’espace (de la France à la Tunisie), la lassitude et la prise de conscience de leur statut d’infortunés qui auraient pu créer le déclic et favoriser ainsi une réaction possible des personnages.   

Ainsi, les actions que posent les personnages ne sont pas assez importantes au point de modifier leur état général. Dès le début du texte, le narrateur décrit des personnages dépareillés qui mettent fin à leurs études de droit et exercent des emplois précaires ou très banals. Cette situation de départ ne connaît pas d’évolution, puisque la précarité ne disparaît pas dans le dénouement de l’histoire. Finalement, les personnages s’inscrivent dans une forme de résignation ou d’accoutumance à leur situation. Nous lisons cette abdication dans ce passage : «Une annonce parue dans le Monde, aux premiers jours d’octobre, offrait des postes de professeurs en Tunisie. Ils hésitèrent. Ce n’était pas l’occasion idéale. Ils avaient rêvé des Indes, des Etats-Unis, du Mexique. Ce n’était qu’une offre médiocre, terre à terre, qui ne promettait ni la fortune ni l’aventure. Ils ne se sentaient pas tentés » (Perec 121). Les personnages sont en proie à une désillusion qui les amène à accepter, mal gré, des activités de peu de valeur avec des perspectives de carrière quasi inexistantes. Il y a un oxymore qui révèle une antinomie entre une opportunité d’affaire (l’annonce d’une offre d’emploi) et un désintérêt qu’ils affichent avec ostentation. Pour ce faire, l’emploi de la locution adverbiale « terre à terre », l’adjectif « médiocre » et le verbe « hésiter » montre l’attitude de dénégation et de minimisation affichée par des personnages qui sont paradoxalement en pleine crise existentielle.

Mieux, l’auteur n’est pas dans une logique de condamnation. Pourtant, il s’emploie à représenter des êtres maudits, de véritables abonnés aux ratages et qui entament une descente dans des lieux périphériques. Ce qui fait dire qu’il y a une perception duale dans le texte : une catégorie de losers et une autre de privilégiés. La focalisation est orientée vers la première catégorie qui s’autocensure et ne lutte plus, comme si elle s’abandonnait à la fatalité. Nous lisons une attitude contraire du protagoniste du Mythe de Sisyphe. Dans ce texte, Albert Camus revisite le mythe grec et les productions homériques qui construisent la figure de Sisyphe. Sa réécriture montre un Sisyphe qui refuse sa condition. A rebours de cette perception, chez Georges Perec le défaitisme est la chose la mieux partagée, car son personnage a conscience de sa situation, mais il assume sa passivité. C’est en substance ce qu’affirme Anne Pellerin :            

         Du paumé dilettante au poète raté en passant par le poissard en série, le dernier de la classe et le mari trompé, le loser est le champion des coups foireux, du manque de bol, des rendez-vous manqués, des opportunités loupées, des petites défaites et des grands échecs. Il préfère la fuite à la conquête, recule là où il faut avancer, hésite quand il faut agir et n’est pas sans peur ni reproche. S’il part de rien, il n’arrive à rien, voire est un bon à rien. Sombrant souvent dans un état d’inertie et de stagnation, il ne suit pas la trajectoire de l’ascension sociale, mais celle de la déchéance sociale et de la descente aux enfers. (3)

Bref, la posture des personnages, au sens physique du terme, donc la position assise qui est adoptée et qui implique une mobilité réduite sinon inexistence, est une expression de la platitude qui annihile la volonté de sortir d’une situation instable ou inconfortable. Il y a une sorte d’acceptation d’un état qui ne connaît pas d’évolution. Ce qui dénote de la fixité des personnages qui ne sont pas des êtres de faire. 

Ensuite, l’état d’esprit général du personnage que décrit le narrateur s’exprime dans le pessimisme affiché. C’est un sentiment ambiant qui brise tout effort de transformation de la situation de départ du personnage. De ce fait, appréhender une telle psychologie altérée conduit à s’intéresser à la philosophe de Schopenhauer. Selon ce penseur allemand, « nous passons toute notre vie à poursuivre un objet puis un autre, allant du désir et de la privation à la déception que la possession engendre toujours. »[1] Georges Pérec se fait l’écho de cette philosophie en construisant des personnages dont la volonté est annihilée tant ils sont convaincus que la position qu’ils occupent ne peut changer dans le bon sens. Ils ont cessé de lutter et laissent le mal rogner leurs espérances. De façon illustrative, nous avons la construction d’une atmosphère de négativité qui affecte tout leur être :

Ils vivaient au jour le jour ; ils dépensaient en six heures ce qu’ils avaient mis trois jours à gagner ; ils empruntaient souvent ; ils mangeaient des frites infâmes, fumaient ensemble leur dernière cigarette, cherchaient parfois pendant deux heures un ticket de métro, portaient des chemises réformées, écoutaient des disques usés, voyageaient en stop, et restaient, encore assez fréquemment, cinq ou six semaines sans changer de draps. (Perec 79)

 Le mode de vie qui est adopté par les personnages est totalement misérabiliste. La description, dans ce passage, porte sur des besoins primaires qui ne sont pas satisfaits correctement. On a spécifiquement un champ lexical de l’indigence qui est mis en évidence par le verbe ‘’empruntaient’’, le groupe de mots ‘’frites infâmes’’, les adjectifs ‘’réformés, usés’’. C’est une perception négative d’un quotidien complexe. Il y a dans l’écriture de Pérec une influence hippique qui affiche le refus des valeurs d’une société de consommation caractéristique du système capitaliste. Le gaspillage et la surexploitation sont cloués au pilori par la représentation d’une attitude totalement décalée.     

Le type présenté par Georges Perec est à rebours des personnages de récits médiévaux qui présentaient des figures courageuses et victorieuses. L’auteur s’intéresse à des figures moins angulaires que sont les perdants, les ratés qui, généralement, sont loin des feux de projecteur. Cette perception est partagée par Pierre Chartier qui, parlant du point de vue de Balzac sur ce thème, affirme que « Un type […], écrit-il dans la préface à Une Ténébreuse Affaire (1842), est un personnage qui résume en lui-même les traits caractéristiques de tous ceux qui lui ressemblent plus ou moins, il est leur modèle du genre. Aussi trouvera-t-on des points de contact entre ce type et beaucoup de personnages du temps présent » (123).

Finalement, la caractérisation du type perecien se base sur une inaction qui l’installe dans une fixité qui n’évolue pas. Le personnage est inscrit dans un état d’esprit bouleversé qui révèle une résignation et une acceptation d’une condition. Ces traits de fatalité sont construits par un auteur qui aborde, de ce fait, une thématique dont l’actualité dans une société contemporaine est manifeste.

  1. Le discours de l’échec

Le concept de l’échec est prégnant dans un texte actuel par sa thématique qui porte sur la condition de l’homme. L’auteur ne pointe pas une fatalité ou une divinité, mais un système social qui engendre des inégalités sociales caractéristiques. Dans le texte, la figure du couple Gérôme et Sylvie est représentative des infortunes et de la précarité qui sont abondamment décrites sous le prisme d’une situation d’énonciation qui cristallise l’échec et un vocabulaire de l’impuissance et de la résignation très caractéristique.   

À cet effet, Emmanuel Maingueneau dans son approche, affirme que « La notion de situation d’énonciation est au cœur de toute réflexion sur l’énonciation. Il s’agit d’un système de coordonnées abstraites, de point de repère par rapport auxquels doit se construire toute énonciation » (9). Le critique interroge tout un ensemble d’éléments structurels qui sont déployés dans un discours et principalement, pour le cas qui nous intéresse, le roman. De ce point de vue, l’énonciation lève le voile sur un narrateur extradiégétique qui prend en charge la narration d’une histoire rocambolesque. En effet, nous avons une scénographie spécifique de la condition humaine qui est l’objet de l’analyse. Elle pose dès le départ, un environnement où s’épanouit aussi bien un langage spécifique qu’un mode de pensée qui définit une catégorie de personnages. L’auteur ne peint pas spécifiquement des catégories sociales. Il investit une kyrielle d’objets hétéroclites, mais qui présentent une homogénéité. Ces objets de la vie quotidienne sont présentés dans une perspective antinomique qui permet de mettre en évidence un actant qui est présenté, dans ce texte sous la forme de chose. Le terme « chose » (Levinas 137) est employé dans le sens où l’entend le critique, c’est-à-dire un phénomène participant à la jouissance d’un individu. Ainsi dans le texte, nous lisons un amoncellement des objets de plaisir :

Il existait, à côté d’eux, tout autour d’eux, tout au long des rues où ils ne pouvaient pas ne pas marcher, les offres fallacieuses, et si chaleureuses pourtant, des antiquaires, des épiciers, des papetiers. Du Palais-Royal à Saint-Germain, du Champ-de-Mars à l’Etoile, du Luxembourg à Montparnasse, de l’île Saint-Louis au Marais, des Ternes à l’Opéra, de la Madeleine au parc Monceau, Paris entier était une perpétuelle tentation. Ils brûlaient d’y succomber, avec ivresse, tout de suite et à jamais. Mais l’horizon de leurs désirs était impitoyablement boucle. (Perec 18)

Il y a un recensement de lieux et d’objets qui sont focalisés sur la jouissance des sens. Ces déictiques spatiaux présentent des topographies connues et une spatialité qui sont potentiellement chargées d’émotion. Ces milieux exercent une influence sur les sens qui les rendent attractifs. Ils ont une certaine visibilité par la richesse de ce qu’ils présentent. Cependant, ces choses qui s’adressent à la sensibilité sont inaccessibles à des individus démunis dont la satisfaction des besoins est une gageure. À ce propos, le narrateur répertorie un ensemble d’éléments qui montrent un lexique essentiellement orienté sur des manques et des désirs impossibles à assouvir.

Ils vivaient dans un appartement minuscule et charmant, au plafond bas, qui donnait sur un jardin. Et se souvenant de leur chambre de bonne – un couloir sombre et étroit, surchauffé, aux odeurs tenaces – ils y vécurent d’abord dans une sorte de d’ivresse, renouvelée chaque matin par le pépiement des oiseaux. Ils ouvraient les fenêtres, et, pendant de longues minutes, parfaitement heureux, ils regardaient leur cour. La maison était vieille, non point croulante encore, mais vétuste, lézardée. Les couloirs et les escaliers étaient étroits et sales, suintant d’humidité, imprégnés de fumées graisseuses. (18)

Nous avons dans cet extrait un champ lexical de la misère et du dénuement dont le foisonnement met en évidence un espace complètement désuet, insalubre et abject. La perception déformée de la réalité ne permettait pas aux personnages principaux de prendre conscience des conditions de vie exécrable et spartiates dans lesquelles ils baignaient. Pour présenter ce sombre tableau, le narrateur emploie des adjectifs qui relèvent la morosité d’un lieu : « vieille, sombre, vétuste » ; des adjectifs exprimant la crasse : « sale, suintant, graisseuses » ;  les adjectifs qui portent sur un cadre de vie bringuebalant : « croulante, lézardée » et des adjectifs qui montrent la restriction d’un espace : « minuscule, étroit ». Tous ces adjectifs permettent d’identifier un milieu qui n’offre pas de confort à ses pensionnaires, mieux qui lève le voile sur leur statut social.   

L’expression d’une incapacité ou d’une perte de volonté se lit par un champ lexical particulièrement foisonnant. Ainsi dans le texte perecien, le discours se comprend comme une prise de conscience d’une situation ou d’un statut de défavorisé qui ne peut être modifié, mais est mal assumé par les personnages. Le langage, dans ces conditions, se veut caustique et récriminatoire :  

Peut-être étaient-ils trop marqués par leur passé (et pas seulement eux, d’ailleurs, mais leurs amis, leurs collègues, les gens de leur âge, le monde dans lequel ils trempaient). Peut-être étaient-ils d’emblée trop voraces : ils voulaient aller trop vite. Il aurait fallu que le monde, les choses, de tout temps leur appartiennent, et ils y auraient multiplié les signes de leur possession. Mais ils étaient condamnés à la conquête. (24)

Nous avons un groupe social qui adopte le même mode de vie morne de l’étudiant et/ou du psycho-enquêteur affadi. Il s’agit d’une catégorie d’individu qui partage une filiation, un métier et une temporalité. Ces éléments d’identification intègrent ce type de personnages dans un milieu qui les conditionne à développer des besoins inextinguibles qui s’expriment singulièrement par le verbe sans l’action. L’auteur procède ainsi par la construction de deux conditions sociales mises en parallèle pour cristalliser la notion de l’échec. 

Il y a tout un langage de la matière omniprésente, mais qui échappe à une possession ou une appropriation. En effet, le procédé de la description qui est utilisé à profusion dans le texte est mis au service des éléments qui sont répertoriés dans une perspective antinomique. Ils cristallisent une société capitaliste de grande consommation stratifiée pour exprimer le non accomplissement des personnages dans cette fiction. Ce discours de paradoxe est exprimé dans le passage suivant :

De station en station, antiquaires, libraires, marchants de disques, cartes des restaurants, agences de voyages, chemisiers, tailleurs, fromagers, chausseurs, confiseurs, charcuteries de luxe, papetiers, leurs itinéraires composaient leur véritable univers : là reposaient leurs ambitions, leurs espoirs. Là était la vraie vie, la vie qu’ils voulaient connaître, qu’ils voulaient mener. (97)

Les personnages, perdent pied avec la réalité fictive, et surfent entre un mode de vie rêvé mais inaccessible, et un autre qui est celui qu’ils vivent. Le faisant, dans l’expression de ce contraste, les personnages sont installés dans une situation d’oxymore. Dans l’extrait, l’opposition sémantique affichée porte sur des propositions. Il y a un idéal de vie projeté qui s’oppose avec leur réalité morne, détestable et implacable qui attise le mal-être. Les éléments cités dans le passage représentent des privilèges qui sont destinés à une classe de nantis. Et l’expression « là était la vrais vie » montre des qualités, des valeurs, des avantages sociaux qui débouchent sur une existence comblée, de jouissance. Toutes les choses décrites conduisent à la satisfaction sensorielle. Ainsi, les plaisirs gustatifs, visuels, tactiles sont ceux qui sont mis en évidence. Leur assouvissement permet d’atteindre une jouissance qui est, malheureusement, mise à mal par l’emploi du verbe « vouloir ». Il traduit l’intention des personnages qui ne suffit pas à rendre effectif un idéal, car la volonté seule ne modifie pas une position sociale. Les personnages ne peuvent que lorgner vers cette société d’avantage impossible à atteindre.

Au demeurant, la catégorie de personnages que nous analysons est confinée dans un espace périphérique singulier qui conduit au développement d’un argotisme. Elle appartient à un milieu qui agit inéluctablement sur leur mode d’expression. Les signes qu’ils emploient éclairent certainement sur un groupe social, mais aussi sur une profession. Mais quels sont les caractéristiques de ce langage ? La réponse amène à porter un intérêt aux travaux de Denise qui affirme que

La définition courante de l’argot est une définition historique : l’argot y est caractérisé comme la langue des malfaiteurs et des mendiants utilisé à des fins cryptiques. Il est clair que, si elle s’applique bien aux origines de l’argot, cette définition ne recouvre pas la multiplicité des formes que celui-ci a pu prendre au cours des siècles. On constate, en effet, que ces formes se développent dans toutes les communautés qui, en se forgeant un langage à des fins cryptiques ou crypto-ludiques, cherchent à affirmer la solidarité de leurs membres ou, plus exactement, la connivence des initiés. (5)

Partant de ce point de vue, l’argot peut être appréhendé comme un langage spécifique à un groupe, en l’occurrence le groupe de psycho-enquêteurs, dans cette fiction, qui utilise les mêmes codes linguistes dans l’exercice de leurs activités. Et c’est l’ensemble de ces signes qui permet d’identifier ce type, mais surtout de le marginaliser dans cet environnement textuel. L’inscription des personnages principaux dans un code de référence a un revers ; elle les classe et les maintient dans une catégorie qui influence leur parcours narratif.         

De fait, le discours des personnages porte essentiellement sur le constat d’un manque ou sur la superficialité d’un mode de vie qui est toujours comparé à un autre qui est insaisissable. Ces personnages sont d’anciens étudiants qui ont abandonné leurs formations pour vivre de l’industrie de la publicité. Il s’agit de métiers mal rémunérés qui les maintiennent dans un état constant d’indigence ou dans l’illusion qu’ils ont un pouvoir d’achat. Ils affichent un langage commun tiré de leur métier absorbant de psycho-enquêteurs. Nous lisons dans le texte cette communauté : « Ils étaient tous une bande, une fine équipe. Ils connaissaient bien ; ils avaient, déteignant les uns sur les autres, des habitudes communes, des goûts, des souvenirs communs. Ils avaient leur vocabulaire, leurs signes, leur dada » (42).

Ce vocabulaire dont parle l’extrait est composé de mots techniques employés dans les enquêtes, les sondages et les questionnaires. C’est un ensemble de vocables tirés du domaine de la psychologie et qui foisonnent dans la communication des personnages. Cette spécificité langagière sort de leur cadre professionnel pour alimenter les conversations dans les différents lieux qu’ils fréquentent. Finalement, le discours de l’échec se nourrit d’un vocabulaire spécifique qui porte sur un ensemble de choses et d’objets hétéroclites dont la présence permet de lever le voile sur une condition humaine détestable qui provoque le déséquilibre des personnages de Georges Perec. 

Conclusion

L’analyse de la thématique de l’échec a permis d’appréhender, plus que les dimensions sociales et psychologiques soumises à une contrainte dans le texte de Georges Perec, une écriture des objets et des choses dont le foisonnement est assez particulier. Cette étude a permis de caractériser le type du personnage loser. Il est ancré dans une posture qui ne le satisfait pas, mais il  ne pose pas d’action pour faire évoluer sa situation. C’est un personnage statique et fataliste qui s’inscrit dans une spatialité périphérique. Aussi, le discours de l’échec est essentiellement porté par un lexique qui s’attache à définir une catégorie sociale. Elle est figurée par un argotisme qui exprime l’impuissance, l’insuffisance, l’insatisfaction et l’amertume. Au total, plus que la focalisation d’un langage pour exprimer l’échec, l’auteur montre la spécificité d’un monde déterminé par un système capitaliste qui stigmatise les perdants.

Travaux cités

Adam, Olivier. Poids léger. Paris : Éditions de l’Olivier/Seuils, 2002. 

Barthes, Roland et al. Poétique du récit. Paris : Édition du Seuil, 1977.

Bordas, Éric et al. L’analyse littéraire. Paris : Édition Armand Colin, 2011.

Camus, Albert. La peste. Paris : Édition Gallimard, 1947.

Chartier, Pierre. Introduction aux grandes théories du roman. Paris : Édition Armand Colin, 2013.

François, Denise. « La littérature en argot et l’argot dans la littérature », Communication et langage, 1975 n. 27, p. 5-27, [En ligne] URL : https://www.persee.fr, consulté le 21 avril 2021.

Levinas, Emmanuel. Totalité et infini : Essai sur l’extériorité. Paris : Édition Librairie Générale Française, 2015.

Maingueneau, Dominique. Linguistique pour le texte littéraire. Paris : Édition Nathan, 4e édition, 2003.

Medjahed, Lila. « Satire et procès de l’échec dans la littérature issue de l’immigration algérienne », Synergies Algérie, 14, 2011, p. 169-178.

Pellerin, Pierre-Antoine. « L’art de l’échec : repères historiques et enjeux critiques », Revue française d’études américaines, 163, 2020, p. 3-30.

Perec, Georges. Les choses. Paris : Édition René Julliard, 1965.

Primo, Levi. Si c’est un homme. Paris : Édition Julliard, 1987.

Robbe-Grillet, Alain. Pour un nouveau roman. Paris : Les Éditions de Minuit, 2013.

Simonin, Anne. « Esquisse d’une histoire de l’échec. L’histoire malheureuse des réputations littéraires de Paul Stapfer », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 12, 1994, p. 111-128.

 « Pessimisme », Philosophie magazine, philomag.com/philosophes/arthur-schopenhauer, page consultée le 15 juillet 2021.

 

Comment citer cet article :

MLA : Aka, Adjé Justin. « Figuration de l’échec dans Les choses de Georges Perec. » Uirtus 1.2. (décembre 2021) : 221-232.

[1] https://www.philosophie magazine, philomag.com/philosophes/arthur-schopenhauer/

Abstract (Praxéologie des affiches de la COVID-19 : le cas de Ouagadougou)

The advent of COVID-19 has plunged the world into
manifestly surprising vulnerability. The consequences extend to almost all

walks of life. In the face of this deleterious climate, humanity is trying to
react. Consequently, measures are being taken both globally, notably
through the WHO, and nationally. Burkina Faso, like other countries, has,
among other things, developed response strategies to try to contain the
pandemic. This concerns in particular the declination of gestures or barrier
measures and the exhortation to respect them, supposed to put an end in
the long or short term to the chain of contamination of the disease. To
achieve wide dissemination of these measures, several media supports
have been used, among which can be cited, TV, radio, Internet, billboards.
Among these media, television, display but also the Internet, in many cases,
have the particularity, in their content (s) on COVID-19, of showing
simultaneously, concomitant and interactive image and linguistics. The
reflection initiated within the framework of this article is, in doing so, to
ask whether such a configuration, which brings together image and
language, does not have a particular added value in terms of effective
« means of action » on the public.
Keywords: Pragmatics, semiotic practices, urban displays, COVID-19

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Résumé (Praxéologie des affiches de la COVID-19 : le cas de Ouagadougou)

Ibraogo Kabore§

Résumé : L’avènement de la COVID-19 a plongé le monde dans une vulnérabilité manifestement surprenante. Les conséquences s’étendent à tous les secteurs de la vie. Face à ce climat délétère, l’humanité tente de réagir. Dès lors, des mesures sont prises aussi bien à l’échelle mondiale notamment par le canal de l’OMS, que nationale. Ainsi, le Burkina Faso, à l’instar des autres pays, a entre autres développé des stratégies de riposte pour tenter d’endiguer la pandémie. Il s’agit notamment de la déclinaison des gestes ou mesures barrières et de l’exhortation à leur respect censé mettre fin à long ou court terme à la chaine de contamination de la maladie.  Pour parvenir à une large diffusion de ces mesures, plusieurs supports médiatiques ont été mis à contribution parmi lesquels peuvent être cités, la télé, la radio, l’internet, l’affiche. Au nombre de ces supports, la télévision, l’affiche mais également l’internet, dans bien de cas, présentent la particularité, dans leur(s) contenu(s) sur la COVID-19, de donner à voir de façon   simultanée, concomitante et interactive le signe iconique ou l’image et le signe ou lettrage linguistique[1]. La réflexion engagée dans le cadre de cet article est, ce faisant, de se demander si une telle configuration faisant cohabiter image et lettrage linguistique n’a pas une plus-value particulière en termes de « moyens d’action »[2] efficace sur le public.             

Mots-clés : Pragmatique, pratiques sémiotiques, affichages urbains, COVID-19

Abstract: The advent of COVID-19 has plunged the world into manifestly surprising vulnerability. The consequences extend to almost all walks of life. In the face of this deleterious climate, humanity is trying to react. Consequently, measures are being taken both globally, notably through the WHO, and nationally. Burkina Faso, like other countries, has, among other things, developed response strategies to try to contain the pandemic. This concerns in particular the declination of gestures or barrier measures and the exhortation to respect them, supposed to put an end in the long or short term to the chain of contamination of the disease. To achieve wide dissemination of these measures, several media supports have been used, among which can be cited, TV, radio, Internet, billboards. Among these media, television, display but also the Internet, in many cases, have the particularity, in their content (s) on COVID-19, of showing simultaneously, concomitant and interactive image and linguistics. The reflection initiated within the framework of this article is, in doing so, to ask whether such a configuration, which brings together image and language, does not have a particular added value in terms of effective « means of action » on the public.

Keywords: Pragmatics, semiotic practices, urban displays, COVID-19

Introduction

Depuis 2019, le monde entier est frappé de plein fouet par la pandémie de la COVID-19. Le Burkina Faso, pour y faire face, a pris un certain nombre de mesures[3] et développé des stratégies de riposte[4] pour tenter de l’endiguer. Pour y parvenir, plusieurs supports médiatiques ont été mis à contribution parmi lesquels l’affiche matérialisant la particularité, dans son contenu sur la COVID-19, de donner à voir de façon simultanée, concomitante et interactive le signe iconique et le signe ou lettrage linguistique. L’on peut alors se demander si une telle configuration faisant cohabiter les deux types de signes, iconique et linguistique, a une plus-value particulière en termes de « moyens d’action »[5] efficace sur le public.            

Au demeurant, la matérialisation singulière de l’occupation spatiale de l’affiche, sa configuration hétérogène dans l’espace urbain, etc. ne semblent pas neutres, anodines. Ce faisant, il ne paraît pas fortuit d’analyser ses configurations morphosyntaxiques, ses modifications (mutations) et les interactions entre elle et les lecteurs[6].

Dans cette perspective, les questions spécifiques ci-après peuvent être posées : les supports médiatiques alliant le signe iconique et le lettrage linguistique ne manifestent-ils pas une stratégie axée sur l’accentuation redondante ?  Ne prennent-ils pas en compte, sur le plan culturel, tous les types de publics ? Leur emplacement spatio-temporel stratégique[7] ne fait-il pas d’eux des canaux de large diffusion ? 

Ce travail s’inscrit de façon englobante dans la sémiotique ouverte [8] et de manière spécifique dans la sémiotique des pratiques[9]. De façon générale, cette dernière appréhende les « corps », les objets en qualité « de médiateur entre l’habitus et la praxis énonciative ». Un des intérêts de cette approche théorique est qu’elle permettra d’appréhender les éléments aussi bien linguistiques, iconiques, que plastiques de l’affiche comme un tout cohérent, signifiant et stratégiquement articulé.

 Dès lors, le décryptage de cette entité signifiante devra permettre d’accéder à ses différentes configurations stratégico-pragmatiques manifestes et implicites. Prenant théoriquement appui sur la sémiotique des pratiques, ce travail se fonde sur les hypothèses ci-après : les supports médiatiques alliant le signe iconique et le signe linguistique manifestent une stratégie axée sur l’accentuation redondante ; ils prennent en compte, sur le plan culturel, tous les types de publics ; leur emplacement spatio-temporel stratégique les érige en des canaux de large diffusion ; 

Se basant sur ces hypothèses, il s’agira pour nous d’essayer d’appréhender les effets illocutoires et perlocutoires des supports retenus sur le public, en l’occurrence, le public construit par le texte et les actes de langage indirects y configurés pragmatiquement. Ces effets pragmatiques sont d’autant importants qu’ils conditionnent les résultats escomptés de l’affichage. Dès lors, nous tentons de contribuer à une utilisation efficiente des affiches dans la sensibilisation et la lutte contre la COVID-19 dans le contexte du Burkina, un pays à fort taux d’analphabétisme.

Pour ce faire, nous avons parcouru la ville de Ouagadougou[10] et avons photographié toutes les affiches liées à la COVID-19. La ville de Ouagadougou a été choisie pour plusieurs raisons.  Primo, après que les premiers cas de malades de la COVID-19 y sont déclarés, la ville a connu une floraison d’affiches ayant trait aux mesures barrières. Secundo, elle trône en tête des villes les plus contaminées au Burkina Faso, etc.

Se moulant théoriquement dans la sémiotique des pratiques, ce travail s’articulera suivant l’architecture ci-après : dans un premier temps, nous mettrons le curseur sur la médiation entre le linguistique et l’image et sa portée ; dans un deuxième temps, nous chercherons à mettre au-devant de la scène la gamme de publics configurés ; dans un troisième temps, nous nous pencherons sur les enjeux stratégiques des emplacements spatio-temporel de ces supports de communication.

Ce qui précède tient lieu d’aspectualisation schématique du plan de ce travail. Les lignes qui suivent consacreront l’amorce de notre analyse.

1. Aspectualisation pragmatico-énonciative des affiches 

Dans cette rubrique, nous nous emploierons à l’analyse des différentes configurations signifiantes des différentes affiches du corpus. Le point inaugural se focalise sur l’emplacement du signe linguistique par rapport au signe iconique et vice versa dans l’espace du cadran de l’affiche.

1.1. Linguistique-iconique : localisation sur le cadran et ostentation

            L’essentiel des affichages ayant trait à la COVID-19 matérialise par la cohabitation le signe linguistique et le signe iconique. Ces deux types de lettrage s’amalgament de manière symbiotique pour faire office de texte de chacune des affiches concernées. Sur le cadran de l’affiche, ils figurent dans des configurations diversifiées et se prêtent à la lecture tant sur l’axe syntagmatique que paradigmatique[11] ; activant, ce faisant, des jeux de vedettisation. La mise en emphase se fait principalement autour des couples /avant/arrière/ ; /haut/bas/, où les places /avant/ et /haut/ sont celles en vedette. Le lexème /avant/ employé en solidarité sémantique avec le terme /paradigmatique/ aura valeur sémantique de /haut/ dans les lignes ci-après consacrées à l’analyse statistique des différents contenus des affiches dévolues à ce travail.

Au demeurant, de manière pratique, sur seize (16) affiches que compte le corpus de cet article, il y a deux qui mettent en /avant/ le signe linguistique, et ce, sur le double plan syntagmatique et paradigmatique. Toutefois, il y a trois affiches qui sont impliquées dans ce faire. Et chacune de ces dernières englobe plusieurs lettrages linguistiques. Elles totalisent cinq lettrages linguistiques emphatiques en syntagmatique et trois occurrences linguistiques en paradigmatique.  Il en émane que le signe ou lettrage linguistique est mis en vedette aussi bien syntagmatiquement que paradigmatiquement avec une légère préférence pour le plan syntagmatique.

Cependant, toutes les affiches photographiées n’articulent pas un tel schéma. D’autres matérialisent une architecture inverse : le signe iconique est positionné /avant/ le signe linguistique et se hisse dès lors en posture vedette. A l’instar du signe linguistique, cette posture se déploie aussi bien syntagmatiquement que paradigmatiquement. 

Sur le plan syntagmatique, sur les 16 affiches photographiées, douze (12) vedettisent le signe iconique. Il se constate par ailleurs que six (06) affiches parmi les seize contiennent plus de deux signes iconiques. Dans cette dynamique, il apparaît que le total des affiches comptabilise vingt-huit (28) figurations en vedette du signe iconique.   

Sur l’axe paradigmatique, sur les seize (16) affiches que compte le corpus, onze (11) emphatisent le signe iconique. À cela s’ajoute le fait que sur les onze (11) qui vedettisent paradigmatiquement le signe iconique, sept (07) matérialisent plusieurs signes iconiques vedettisés. En conséquence, sur ce même total de onze (11), quarante-et-un (41) signes iconiques sont mis en relief ; situation rendue possible évidemment par le fait que certaines affiches contiennent plusieurs signes iconiques mis en emphase[12]. Il en découle que les affiches du corpus, pour l’essentiel, privilégient la mise en vedette bâtie autour du signe iconique.

Pour récapituler, sur les affiches, le signe iconique et le signe linguistique se partagent les positions vedettes sur l’axe syntagmatique avec une prégnance de l’iconique. Le même scenario se répercute sur l’axe vertical avec le couple /haut/bas/. Cependant, la médiation entre le signe iconique et le lettrage linguistique ne se borne pas à cet aspect. Elle se définit par ailleurs par la nature de leur(s) lien(s).

1.2. Linguistique-iconique : types d’interactions

Au-delà des types de configurations données à voir ci-dessus et portant sur l’interaction du signe linguistique et du signe iconique, notamment sur leur posture spatiale, l’un par rapport à l’autre, il existe d’autres types d’interactions toujours focalisées sur le lettrage linguistique et le signe iconique.  En effet, dans bien des cas, à chacune des mesures barrières édictées, correspond un signe iconique. Dans une large mesure, c’est la charge sémantique du signe iconique qui se trouve à l’identique répercuté au niveau du linguistique. Ce qui met le signe linguistique dans une situation de redite. Le signe linguistique réitère le message véhiculé par le signe iconique.

Ainsi, sur les seize (16) affiches du corpus, il se donne à voir cinquante-et-un (51) cas de redite du lettrage linguistique contre quatorze cas du signe iconique. Il en émane qu’il y a une prégnance de cas tautologique du signe linguistique. Ces résultats peuvent être davantage détaillés. Dans cette perspective, ils revêtent l’architecture ci-après.   Sur le total des affiches, le signe linguistique présente vingt-sept (27) cas de pléonasme syntagmatiquement contre vingt-trois (23) cas paradigmatiquement. Il se perçoit que le plan syntagmatique est plus utilisé que celui paradigmatique.

Quant au signe iconique, il est dévolu à la redite dans neuf (09) cas sur le plan syntagmatique contre cinq (05) cas sur le plan paradigmatique. Ici, à l’instar du lettrage linguistique, le plan syntagmatique est plus sollicité.

Toujours dans la médiation entre le lettrage linguistique et le signe iconique, une autre configuration se livre à la perception. Il s’agit du cas de tautologie du signe linguistique où dans chacune des occurrences, deux signes iconiques ont été mis à contribution pour égaler le contenu sémantique du signe linguistique.

Dans cette optique, le corpus compte sept (07) cas repartis entre trois affiches : trois s’articulent syntagmatiquement et quatre, paradigmatiquement. L’analyse du contenu du corpus a permis de s’apercevoir également qu’il y a des cas de redite du signe iconique où dans chacune des occurrences deux signes iconiques ont été mis à contribution pour égaler le contenu sémantique du signe linguistique que ceux-ci reprennent. Sur ce plan, trois cas entrent en ligne de compte, en l’occurrence, deux syntagmatiquement et un, paradigmatiquement.   

Un autre type d’interaction se donne à percevoir en marge de celui qui vient d’être évoqué. Il s’agit d’un cas de figure où le contenu sémantique du signe linguistique, contrairement au cas précédent, intervient en termes de complément d’information par rapport à la charge sémantique de l’iconique : ce n’est non plus une redite, mais une plus-value, une information additive.  

En la matière, il se dégage dix-sept cas de figure où le signe linguistique est porteur d’information additive dans sa cohabitation avec le signe iconique alors qu’il se donne à observer trois (03) cas pour le signe iconique. On le voit, la redite est essentiellement dévolue au signe linguistique.       

Il en découle que le signe linguistique est dévolu à un emploi multiple et multiforme sur le cadran des différentes affiches. La rubrique d’analyse suivante se penchera sur la distribution spatiale des affiches en milieu urbain qu’est la ville de Ouagadougou.

1.3. Emplacement des affiches dans l’espace urbain  

Nous écrivions plus haut que l’enquête réalisée dans le cadre de cet article a consisté en une double opération : l’observation participante et la photographie des affiches ayant trait à la COVID-19 dans la ville de Ouagadougou. Il en a découlé que les espaces ci-après se partageaient les sites d’affichage ou d’implantation des différentes affiches du corpus.

Il s’agit essentiellement des voies notamment bitumées de la ville de Ouagadougou, de l’entrée des pharmacies, des cliniques, des centres d’imagerie médicale, des sièges d’opérateurs de téléphonie mobile, des institutions financières et des Gabs. La grande majorité des affiches photographiées l’ont été sur ces lieux.

Illustrativement, une des affiches du corpus, à contenu portant évidemment sur la COVID-19 et accolée à plat sur un panneau d’affichage, a été photographiée dans la ville de Ouagadougou notamment au bord de la voie bitumée passant devant l’entrée du bâtiment abritant le ministère des affaires étrangères et se dirigeant vers l’archevêché de Ouagadougou. Géographiquement, c’est une route qui se trouve quasiment au centre-ville. Plusieurs autres affiches du même type existent sur la même voie, en l’occurrence, du côté de la voie opposée à l’emplacement du ministère ci-dessus cité. Une observation attentive permet d’avancer que cela est dû au fait que ce côté de la voie recèle de plus d’espace et donc plus propice à l’implantation des panneaux que les différentes affiches ont pour support.  Ce sont de grosses affiches occupant tout le cadran de ces panneaux géants.  Comme on le voit, les affiches ont été essentiellement implantées à des lieux précis dans la ville de Ouagadougou. À travers cette séquence d’étude et avant elle, les deux premières portant respectivement sur l’interaction entre le lettrage linguistique et le signe iconique dans l’espace du cadran, suivi du type de liens qui les lient, il a été procédé à l’aspectualisation des différentes facettes des affiches du corpus. L’étape ci-après sera une tentative d’explicitation des implicites, des actes de langage indirects arrimés aux différents aspects du corpus décrit et les enjeux praxéologiques qui en découlent.

2. De l’encodage au décodage des affiches

Il s’agira ici de cerner les implications profondes des différentes séquences décrites précédemment.

2.1. Jeux de prégnance iconique/linguistique et public(s) configuré(s)

Au niveau de la première rubrique d’analyse de cet article, il a été relevé que la plupart des affiches du corpus apparaissaient dans des combinaisons variées. Par la suite, il a été noté dans un premier temps que sur les seize affiches du corpus, il y a deux qui vedettisaient le signe linguistiqueLes deux plans, syntagmatique et paradigmatique, ont respectivement bénéficié de deux mises en emphase. Nous précisions finalement que cette parité s’expliquait par le fait que ce sont trois affiches qui sont concernées par la vedettisation du lettrage linguistique sur les deux axes donnés. 

Ce bilan partiel qui vient d’être fait concernant le lettrage linguistique a trait à chaque affiche prise individuellement et globalement, en l’occurrence, les trois affiches valorisant le lettrage linguistique. Or, comme nous l’écrivions, la quasi-totalité des affiches, en l’occurrence quinze sur seize, contiennent au moins deux signes iconiques et deux lettrages linguistiques. Dans cette lancée, et toujours avec les trois affiches en propos, il a été retenu en termes de bilan que le signe linguistique est vedettisé tant sur le plan syntagmatique que paradigmatique à hauteur respectivement de cinq lettrages linguistiques emphatiques et trois occurrences linguistiques vedettisés. Ce qui matérialise une légère longueur d’avance pour le plan syntagmatique. 

Dès lors, il est à retenir deux aspects. Le premier est que quinze affiches sur seize englobent au minimum deux signes iconiques et deux lettrages linguistiques. Autrement dit, une seule affiche se borne à un signe iconique et un lettrage linguistique.  Le second point à ne pas perdre de vue est que sur les seize, et dans une appréhension englobante n’entrant pas dans les détails, deux affiches sont en tout mises en emphase syntagmatiquement et deux autres, paradigmatiquement, lorsque focalisation est uniquement faite sur le signe linguistique.

Il en émane en première instance que l’ensemble des affiches, du fait de la présence du signe linguistique, configure un public, un lectorat lettré.  En effet, un public ne sachant pas lire et/ou écrire ne pourra pas en principe accéder à la charge sémantique de l’affiche portée par sa dimension linguistique.

Toutefois, la minoration statistique de la vedettisation de la linguistique donne à entendre que ce public lettré n’est pas celui qui est privilégié. Et quand est pris en compte le détail du cadran de ces trois affiches, en rappel, il se constate que cinq lettrages linguistiques sont vedettisés syntagmatiquement et trois paradigmatiquement.  Ce qui constitue une poussée statistique dans la vedettisation du lettrage linguistique. Toutefois cette progression reste marginale eu égard à l’effectif des affiches qui s’élève à seize. Ce qui confirme ce qui a été dit précédemment à savoir que, certes le public lettré est visé, mais il n’est pas le privilégié.

Nous parlions sous peu de cinq lettrages emphatiques pour le plan syntagmatique contre trois pour le paradigmatique et nous en avions conclu que cela manifestait une préférence relative pour le plan syntagmatique. Si cet axe est le plus dominant ici, trajectoire classique voire dominante de la lecture en français, cela insinue que les destinateurs de ces affiches sont restés dans le schéma populaire, plus connu, non sophistiqué et à la portée non seulement du lecteur lettré mais également du lectorat alphabétisé et censé être en termes de compétence linguistico-culturel du niveau du lecteur basilectal. Ce faisant, il se trouve configuré et privilégié les lecteurs lettrés et les lecteurs alphabétisés.    

Ce qui précède a trait au linguistique utilisé syntagmatiquement et paradigmatiquement. Toutefois, on l’a vu, les affiches n’abritent pas que le signe linguistique de manière manifeste.  Ce dernier partage l’espace du cadran de l’affiche avec le signe iconique. Plus exactement, il a été conclu que certaines affiches, a contrario du schéma ci-dessus évoqué, mettent en posture emphatique le signe iconique. Un déploiement qui se projette sur le double plan syntagmatique et paradigmatique.

Sur l’axe syntagmatique, en rappel, douze affiches sur seize mettent en exergue d’un point de vue global le signe iconique contre onze sur le plan paradigmatique. Il est détectable que c’est la quasi-totalité des affiches du corpus qui optent pour la mise en emphase du signe iconique, qui lui font la part belle.  Il est largement plus mis en vedette que le signe linguistique dans leur cohabitation.

Il en découle que l’occurrence du signe iconique en tant que séquence du texte configure un public illettré. En d’autres termes, à travers le signe iconique est contextuellement lorgné un public illettré et le canal utilisé ici pour parler à cette couche est l’analogie. Le signifiant partageant certaines qualités du référent permet au lecteur illettré de reconnaître à travers ce signifiant le référent concerné.  Myriam Dumont parle d’iconique fonctionnel[13] 

On le voit, l’affiche à travers le signe iconique configure un public illettré. Or le corpus dans sa quasi-totalité met en emphase le signe conique.  Ce qui pousse à la compréhension que les affiches du corpus privilégient un lectorat illettré par la vedettisation statistiquement prépondérante du signe iconique.

Privilégiant le signe iconique, il y a comme une volonté doublée d’une stratégie de ratisser large en termes de lectorat. La stratégie se comprend bien et semble prendre en compte le contexte africain et burkinabè où la population est essentiellement analphabète.

2.2. Linguistique-iconique : redondance et complémentarité 

La séquence précédente a gravité autour de la posture spatiale du signe linguistique et du signe iconique et vice versa sur le cadran de l’affiche. En marge de cela, d’autres types d’interaction existent entre les deux comme il a été vu dans la séquence de l’analyse. Là, il en est ressorti que, dans nombre de cas, à chacune des mesures barrières énoncées, était arrimé un signe iconique. Pour l’essentiel, c’est le contenu sémantique du signe iconique qui est à l’identique repris linguistiquement. 

Concrètement, il est apparu que sur les seize (16) affiches du corpus, il a été dénombré cinquante-et-un (51) cas de figure où le lettrage linguistique reprend la charge sémantique du signe iconique. L’inverse s’exprime dans quatorze (14) cas. Il en émane que le signe linguistique est le plus dans la redite. Syntagmatiquement, il en affiche vingt-sept (27) contre vingt-trois (23)paradigmatiquement. Quant au signe iconique, il en comptabilise neuf (09) syntagmatiquement et cinq (05) paradigmatiquement. Dans ce dernier cas, à l’exemple du signe linguistique, l’axe syntagmatique est le plus usité. Il y a dès lors indication que certes tout type de lectorat est lorgné, mais manifestement c’est le lecteur illettré et analphabète qui sont avant tout privilégiés.

Les redites évoquées ci-dessus portent le nom de fonction de redondance chez Barthes[14] et de fonction autonymique chez V. Lucci[15] : le lettrage linguistique ou le signe iconique « vient doubler l’appellation »[16] du message transmis. Il y a une sorte de massification du contenu informatif ; un désir de mise en vedette, de pousser au-devant de la scène l’information. Ce qui tend à reléguer au second plan la description identitaire du virus agent pathogène. Il y a davantage insistance sur le message transmis.  Cette catégorie d’iconicité ou de signe linguistique, en l’occurrence autonymique, est sans ambages la matérialisation d’un vouloir de mettre le curseur avant tout sur l’information, une quête de vedettisation redondante : « Elle fonctionne un peu comme une sorte de soulignage d’un genre particulier […]. »[17] Il en émane que l’iconicité ou le signe linguistique autonymique pousse à percevoir l’information et à y adhérer.

En résumé, dans leur interaction sur le cadran de l’affiche, le signe linguistique et le signe iconique se partagent la fonction de redondance avec une nette prégnance du signe linguistique et de l’axe syntagmatique. Cette redondance n’a pas une configuration homogène sur toutes les affiches.

Il s’observe[18] des cas de redite du signe linguistique où dans chacune des occurrences, deux signes iconiques sont mobilisés pour égaler le contenu sémantique du signe linguistique. Le corpus en matérialise sept (07) cas partagés entre trois affiches. L’axe syntagmatique recèle trois cas et le plan paradigmatique, quatre. Si la redite avec mobilisation de deux signes iconiques concerne ici le lettrage linguistique, le signe iconique n’est pas en reste. Autrement dit, il y a des cas où c’est le signe iconique qui est dans une posture de redite et à l’instar du cas précédent, il y fait figure sous la forme de deux signes iconiques et réédite le contenu sémantique du signe linguistique. Totalisant trois cas, deux se déclinent syntagmatiquement et un, paradigmatiquement.

Dans cette séquence où deux signes iconiques sont sollicités pour matérialiser le contenu sémantique du lettrage linguistique, il y a une volonté de faire en sorte que chacune des mesures barrières édictées linguistiquement, et lorgnant de ce fait les lettrés et les alphabétisés, soient de façon précise et maximale, exhaustive comprises des illettrés et des analphabètes. La condensation se bornant par principe aux traits saillants, il a été jugé plus efficient de recourir à deux signes iconiques dans une perspective méthodico-pédagogique pour rendre compte du contenu sémantique du lettrage linguistique portant sur chacune des mesures barrières.  Ce besoin dénote de l’ampleur de l’enjeu qui est de briser la chaîne de contamination de la COVID-19 au sein d’une population essentiellement analphabète.

Au regard de ce qui précède, le lettrage linguistique mais également le signe iconique assument la fonction de redondance sur nombre d’affiches. Dans son rôle de redite ou non, le signe iconique se mue en deux pour sémantiquement rendre compte du contenu du signe linguistique. À côté de cette forme de médiation entre le signe iconique et le signe linguistique, une autre d’un tout autre aspect prend corps entre les deux.

Il s’agit d’une figuration où la charge sémantique du lettrage linguistique, a contrario des cas précédents, se matérialise sous forme de complément d’information à la charge sémantique du signe iconique : ici il ne s’agit plus d’une redite, mais d’une plus-value, une information additive. Dix-sept (17) cas ont été comptabilisés dans le corpus au niveau de l’analyse où le lettrage linguistique ne répercute pas le contenu sémantique du signe iconique qui le précède et avec lequel il partage l’espace du cadran ; il est plutôt porteur d’une information additive, supplémentaire à la charge sémantique du signe iconique.  Il y a trois (03) autres cas où c’est le signe iconique qui est dans ce rôle d’apport d’information additive au contenu sémantique du lettrage linguistique.

Il apparaît dès lors que le rôle de supplément d’information est principalement l’apanage du signe linguistique.Cette fonction porte le nom de relais ou de complémentarité chez R. Barthes. La fonction de complémentarité conjoint ici au signe linguistique vise à pallier les insuffisances inhérentes au signe iconique. En effet, le signe conique fait montre souvent de plusieurs faisceaux sémantiques, de plusieurs parcours sémémiques et dans ce cas le signe linguistique vient canaliser et diriger le lecteur vers le sens voulu et virtualiser du même coup les autres parcours sémémiques restants. Il en émane que cela répond à des objectifs d’efficience et d’efficacité dans la lecture des affiches dans un contexte de pluralité de publics lorgnés et modes de communication.
Au demeurant, il émerge que le signe linguistique est par excellence le mode d’expression des subtilités et le signe iconique, celui qui permet de s’adresser aux illettrés et aux analphabètes et permet par conséquent d’atteindre un large public.

2.3. Implantation spatio-urbaine des affiches : un déploiement stratégique

L’enquête réalisée dans le cadre de cette étude a consisté en la photographie des affiches portant sur la COVID-19 dans la ville de Ouagadougou. Ce travail d’enquête a permis de dresser un certain nombre de constats. Au nombre de ces derniers, on pourrait noter le fait que l’implantation des affiches dans l’espace urbain fait la part belle à un certain nombre de lieux. Il s’agit notamment des artères[19] de la ville de Ouagadougou, de l’entrée des pharmacies, des cliniques, des centres d’imagerie médicale, des sièges d’opérateurs de téléphonie mobile, des institutions financières et dérivés, en l’occurrence, des Gabs. La quasi-totalité des affiches photographiées l’ont été sur ces lieux.

Cela peut être expliqué en partie par le fait que ce sont des lieux assez fréquentés par les citadins. On le sait, dans l’espace urbain, les voies constituent quasi exclusivement les canaux de mobilité des citadins. Permettant la mobilité urbaine, elles sont quotidiennement prises d’assaut par toutes les couches socioprofessionnelles de manière quasi ininterrompue et dans les deux sens. Ce qui justifie a posteriori l’implantation des affiches tout au long de ces voies pour se donner les chances d’assurer leur visibilité et par conséquent leur lecture par un grand nombre de citadins.

La présence des affiches à l’entrée des pharmacies obéit au même impératif de visibilité. En effet, les pharmacies sont des lieux habilités à la vente des médicaments de sorte que l’affluence y est toujours de mise. C’est un nombre important de citadins qui y afflue à longueur de journée et même la nuit pour y acheter des médicaments. Ce faisant, elles font office de lieu de grande visibilité pour un pan substantiel de la population urbaine. A l’instar des routes, les pharmacies sont nombreuses et disséminées à travers la ville.

Ce sont les mêmes raisons de visibilité qui sous-tendent l’implantation des affiches à la devanture des hôpitaux : les centres hospitaliers publics et privés. Certes, l’automédication est une pratique courante en Afrique noire en générale, et au Burkina en particulier. En conséquence, il arrive qu’un citadin   prenne la route d’une pharmacie sans passer par la consultation à l’hôpital. Toutefois, il est assez habituel que les patients passent d’abord par la case hôpital avant de se rendre dans une pharmacie munie généralement d’une ordonnance. Il en émane que les affiches s’implantent aux abords, voire à l’entrée des hôpitaux pour des besoins de visibilité.

Tout comme les centres hospitaliers, les sièges d’opérateurs de téléphonie mobile abritent des affiches portant sur les mesures barrières à leurs entrées. Le choix de ces lieux répond non seulement à la volonté de l’entreprise occurrente, pour autant que faire se peut, de se prémunir contre la maladie, mais également à un besoin de visibilité dû au fait que les maisons de téléphonie mobile sont des lieux de grande fréquentation.

Au nombre des lieux privilégiés par les affiches, il y a l’entrée des institutions financières. Ce fait répond non seulement à la volonté des institutions concernées de casser la chaine de contamination de la maladie, de mettre leur(s) personnel(s) à l’abris de contamination, mais également, pour des besoins de visibilité de ces affiches par un grand nombre de personnes, de citadins vu que ce sont des lieux d’affluence, des lieux assez fréquentés par les citadins pour des préoccupations gravitant autour de la téléphonie mobile. Cet état de fait est non seulement vrai pour les banques mais également pour les gabs qui font partie intégrante des banques.

Il en émane que la visibilité est une des raisons essentielles des différents emplacements cités. Une autre raison arrimée à celle de la visibilité pour une large part peut être citée : une opération de communication en lien avec l’image de marque des institutions concernées ou le gouvernement. Donner à voir qu’ils sont socialement responsables, se souciant de la santé des clients (institutions bancaires) ou de la population (gouvernement) de sorte qu’ils prennent la menace de l’épidémie qu’est la COVID-19 à bras le corps.  Un tel message se dégage sur le plan du paraître.

Conclusion

Au total, l’avènement de la COVID-19 dans le monde et au Burkina a eu pour corollaire une flopée d’implantations des affiches y afférentes dans la ville de Ouagadougou. Situées dans des lieux stratégiques, elles amalgament sur leurs cadrans respectifs, le lettrage linguistique et le signe iconique.  Une telle configuration n’est pas anodine. Elle vise l’efficience praxéologique des affiches sur les coénonciateurs et par ricochet sur la population de Ouagadougou. Cette efficacité est recherchée sur une palette d’échelles. En premier lieu, elle est portée sur le cadran par le positionnement du signe linguistique par rapport au signe iconique et vice versa activant ainsi des jeux de vedettisation à la base en partie de la configuration des différents types de coénonciateurs. En deuxième lieu, elle est manifestée par le type de lien(s), redondance ou complémentarité, existant entre signe linguistique et signe iconique sur le cadran de l’affiche offerte à la lecture et manifestant partiellement l’insistance par la redondance. En troisième lieu, elle est matérialisée par la distribution spatiale stratégique des affiches dans l’espace urbain, aspect qui par ailleurs n’est pas sans lien avec la recherche de visibilité.  Une telle recherche d’efficience dans le dire des affiches vise des effets escomptés. Ces effets perlocutoires escomptés sur les citadins se discriminent au moins en deux ordres. Le premier, à valeur d’objet modal, est de prendre en compte, de cibler toutes les couches de la population sans distinction de niveau culturel. Plus exactement, les énonciateurs des affiches s’adressent par le truchement de l’affichage aux lecteurs de tous les niveaux culturels : de l’analphabète au lecteur de niveau acrolectal en passant par les strates basilectale et mésolectale. Le second ordre est de réussir subséquemment le faire-persuader et le faire-adhérer des populations au respect des mesures barrières édictées par l’organisation mondiale de la santé (OMS) afin de stopper ou de briser la chaîne de contamination de la pandémie. Il en émane que la question fondamentale de cet article qui tâchait de savoir si la cohabitation du signe linguistique et du signe iconique sur le cadran de l’affiche avait une plus-value spécifique en termes de « moyens d’action » efficaces sur le public se vérifie avec les hypothèses y afférentes. Il est alors à retenir que l’exégèse de l’affiche faite sur la base de son aspectualisation a permis d’avoir accès à ses différentes configurations pragmatico-tactico-stratégiques manifestes et implicites. Toute chose qui donne à percevoir que les objectifs initialement fixés dans le cadre de cette étude ont été atteints. Ce qui paraît entériner du même coup la pertinence de la sémiotique des pratiques, orientation théorique choisie, pour ce sujet sur les affiches portant sur la COVID-19.

Travaux cités

Denis, Vernant. Introduction à la philosophie contemporaine du langage : du langage à l’action. Paris : Armand Colin. 2010.

 Dominique, Maingueneau. Analyser les textes de communication. Paris : Armand Colin, 2e édition. 2009.

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Fontanille, Jacques. Pratiques sémiotiques. Paris : PUF. 2008.

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Comment citer cet article : MLA : Kabore, Ibraogo. «Praxéologie des affiches de la COVID-19 : le cas de Ouagadougou». Uirtus 1.2 (décembr


§ Université de Ouagadougou /   [email protected]                                                                                   

[1] Les études sémiotiques portant sur les affiches distinguent deux ou trois composantes de l’icône visuelle : le signe iconique, le signe plastique et le signe linguistique.  Le signe iconique est une unité visuelle qui permet de reconnaître un objet parce qu’il a avec celui-ci des similitudes, des ressemblances. Quant au signe linguistique, il correspond au lettrage linguistique sur l’affiche. Le signe plastique réfère à la texture, à la forme des images et à la chromatique ou jeux des couleurs. Le signe plastique se mue généralement en composante du signe iconique. Pour évoquer ces signes en termes de contenu de l’affiche, Jacques fontanille parle d’« icono-texte » (Fontanille 179).

[2] Karine Bertholet-Guiet, Analyser les discours publicitaires, Paris, Armand Colin, 2015, p.9.   

[3] Entre autres, la fermeture des frontières terrestres, aériennes[3] et des marchés sur un certain temps[3], des tests de dépistage.

[4] Port des masques, utilisation du gel hydro-alcoolique, lavage des mains, etc.

[5] Karine Bertholet-Guiet, Analyser les discours publicitaires, Paris, Armand Colin, 2015, p.9.   

[6] Idem.

[7] Dans les lieux à trafic humain important doublé de leur caractère permanent (durée dans le temps). 

[8] Jacques Fontanille, Pratiques sémiotiques, Paris, PUF, 1ère édition. 

[9] Idem.

[10] Du 16 octobre 2020 à partir de 09 heures 12 minutes au 18 novembre 2020 à 13 heures 58 minutes.[10]

[11] L’axe syntagmatique correspond à l’axe horizontal, l’axe de lecture le plus répandu en français. L’axe paradigmatique, quant à lui, réfère à l’orientation verticale. 

[12] Notons que quinze affiches sur les seize englobent au moins deux iconiques chacune et il en est de même du signe linguistique.

[13] Dumont (Myriam), op. cit., p. 76-78.

[14] R. Barthes

[15] Lucci (Vincent), Millet (Agnès), Billiez (Jacqueline), Sautot (Jean-Pierre).-Des  écrits dans la ville. Sociolinguistique d’écrits urbains : l’exemple de Grenoble.-Paris, Harmattan, 1998.

[16] Idem.                             

[17]  Lucci

[18]  Voire séquence de l’analyse

[19] De préférence celles bitumées.

Abstract ( Poétique et exotisme chez Victor Hugo et Koutchoukalo Tchassim.)

Poetry is, in its mystical essence, a co-birth, a meeting between
the poet’s inner world and the outside world, leading to a fruitful

metamorphosis. On the path of the exploration of the real and fictional
worlds, Victor Hugo and Koutchoukalo Tchassim stand in the field of great
work with the use of rhythm, images of an exuberant lexicon of exotic
landscape designations. Both poets have acquired a cosmic consciousness where
there is no separation between the great self, homo maximus, and the
world. On the one hand, beginning with Les plaies (2016) through Je ne suis
pas que négatif (2017) and leading to Elle (2019), Tchassim, by witnessing a
world of paradoxes, invites the reader to the table of a menu of words that
leads them in a baroque universe, reflection of postmodernity. On the
other hand, Hugo, one prominent figure of the romantic poetry, crosses
in Les orientales, the western and eastern civilizations with the painting of
the imagined oriental cultures. From a comparative perspective, Kenneth
White’s geopoetic 7

and Charles W. Morris’ semiotic approaches have

permitted to discover both authors’ cosmocultural8

perception through their

activist and humanistic poetic words.
Keywords: Comparative, Humanist, Geopoetics, Paradoxes, Poetic
Speech, Semiotics

Full Text                       

Résumé ( Poétique et exotisme chez Victor Hugo et Koutchoukalo Tchassim)

Koffi Dodzi Nouvlo§

&

Piyabalo Nabede

Résumé : La poésie est, dans son essence mystique, une co-naissance, une rencontre entre le monde intérieur du poète et celui extérieur débouchant sur une métamorphose féconde. Sur le chemin de l’exploration du monde réel et fictif, Victor Hugo et Koutchoukalo Tchassim se retrouvent dans le champ du grand travail par l’usage du rythme, des images d’un lexique exubérant de désignation de paysages exotiques. Tous deux ont acquis une conscience cosmique où il n’y a pas de séparation entre le grand moi, homo maximus, et le monde. D’un côté, de Les Plaies (2016) en passant par Je ne suis pas que négatif (2017) et débouchant sur Elle (2019), l’auteure Koutchoukalo Tchassim, témoin d’un monde de paradoxes, convie le lecteur à la table d’un menu de mots  qui le conduit dans un univers baroque, reflet de la postmodernité.  De l’autre, Victor Hugo, monument de la poésie romantique croise dans Les  Orientales, les civilisations occidentales et orientales par la peinture des cultures orientales imaginées. Les approches géopoétique[1] (Kenneth White) et  sémiotique (Charles W. Morris), dans une perspective comparatiste, ont permis de découvrir la perception cosmoculturelle[2] des deux auteurs à travers leur langage poétique militante et humaniste.   

Mots-clés : comparatiste, humaniste, géopoétique, paradoxes, parole poétique, sémiotique

Abstract: Poetry is, in its mystical essence, a co-birth, a meeting between the poet’s inner world and the outside world, leading to a fruitful metamorphosis. On the path of the exploration of the real and fictional worlds, Victor Hugo and Koutchoukalo Tchassim stand in the field of great work with the use of rhythm, images of an exuberant lexicon of exotic landscape designations. Both poets have acquired a cosmic consciousness where there is no separation between the great self, homo maximus, and the world. On the one hand, beginning with Les plaies (2016) through Je ne suis pas que négatif  (2017) and leading to Elle (2019), Tchassim, by witnessing a world of paradoxes, invites the reader to the table of a menu of words that leads them in a baroque universe, reflection of postmodernity. On the other hand, Hugo, one prominent figure of the romantic poetry, crosses in Les orientales, the western and eastern civilizations with the painting of the imagined oriental cultures. From a comparative perspective, Kenneth White’s geopoetic[3] and Charles W. Morris’ semiotic approaches have permitted to discover both authors’ cosmocultural[4] perception through their activist and humanistic poetic words.

Keywords: Comparative, Humanist, Geopoetics, Paradoxes, Poetic Speech, Semiotics

Introduction

La poésie n’est ni la simple versification ni des constructions complexes et hermétiques de phrases, elle est plutôt mélodie, suggestion, évocation et transmutation de sens des mots sous l’effet de l’inspiration et du travail. Vain est l’effort de vouloir définir la poésie, car « elle n’est jamais déjà là, elle est toujours à retrouver ou à réinventer» (Blanchot 273) Et chaque poète a son expérience originale. La saisie de la poésie écrite n’est possible que lorsqu’il y a une entente mystique ou une complicité entre le lecteur et le poète pour l’érection d’un nouveau code parallèle à celui de la langue ordinaire de communication.  D’une part, Cette forme de communication crée un cadre d’espérance de vie à ceux qui courbent l’échine sous le poids de l’ignorance et de la paresse les conduisant à une sorte  de situation d’anomie ou de mort, et, d’autre part, elle représente les espaces fictifs et réels  où se déroulent des scènes horribles ou romantiques. Ce dernier aspect de l’alternative est la quintessence de Les orientales de Victor Hugo.

Si la poésie est invention d’une autre forme de langage, cette étude se veut  une analyse comparative des formes de la construction des poèmes de Koutchoukalo Tchassim et  celles de Victor Hugo, dans Les orientales, en vue de vulgariser le langage poétique de l’auteure[5] togolaise.  Composer un poème est une façon différente d’écrire, un acte qui consiste à imposer à la langue ordinaire une rupture qui fait naître un langage qui dit plus que la communication ordinaire, un acte d’écriture qui présente un monde opposé à celui du  réel. Comment les deux auteurs sont-ils arrivés à décrire et à représenter les paysages peints ? Si la parole poétique de Koutchoukalo Tchassim sourde du sirop amer de l’existence humaine, c’est qu’elle a fait sienne, comme une mère de famille-humanité, de toutes les joies et peines, et ceci sans distinction de race, de genre, d’espace et de temps. Il nous a semblé que l’auteure, par la puissance de son verbe, a su dompter l’espace et le temps en les réduisant en des points, pour mieux transcrire des existences individuelles et des cultures. De même, à l’époque romantique, l’exotisme répond à un besoin d’évasion, à un désir de changer de cadre et de condition de vie. Victor Hugo est l’un des écrivains qui ont parlé de l’Orient sans l’avoir vu. Comment les deux auteurs ont pu représenter l’ailleurs à travers leur parole poétique ? Quel en est l’enjeu ? Pour ce faire, les approches comparatiste, géopoétique  et sémiotique nous ont servi pour ressortir la manière dont  les deux auteurs, très distants dans le temps et l’espace, décrivent leur projet  de société.

1- Désignation des civilisations

La parole est l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction du langage, la faculté d’exprimer sa pensée par des mots à l’écrit ou à l’oral ; elle charrie notre discours mental, la succession de nos pensées, sensations, imaginations, rêves  et souvenirs. Ainsi, les paroles poétiques  des deux auteurs ont désigné  des espaces, des lieux et des endroits par l’entremise des images allégorique, métaphorique, métonymique, symbolique, voire fabulique. C’est par ces techniques stylistiques de désignation et de symbolisation qu’ils ont transcrit leurs rêves à travers la peinture des peuples et des êtres, des existences individuelles et collectives, des civilisations et des cultures de par le monde. Les personnalités et des endroits du monde (l’Orient, l’Occident  l’Afrique, Chine et  USA)  désignés à partir des noms des célébrités, des pays et villes du monde symbolisent des idéologies, des philosophies, des civilisations et  cultures. Les techniques stylistiques précitées ont permis de circonscrire des espaces géographique et historique dont l’étude dans cet article est heuristique. Toutes les techniques stylistiques offrent des opportunités de réflexion dont le dénominateur commun est l’espace, en référence à l’Espace littéraire de Maurice Blanchot.

1.1. Espace et exotisme   

 L’approche géopoétique appliquée à notre corpus résulte essentiellement de la consultation et de l’appropriation des travaux de trois auteurs[6] portant sur le traitement de l’espace dans les œuvres littéraires. La notion d’espace comme champ d’investigation scientifique en littérature, trouve ses racines dans les années 1990 à travers les écrits de Maurice Blanchot. Le terme géopoétique est un néologisme inventé par  Kenneth White. Elle est devenue un vaste champ interdisciplinaire de recherche à la suite de Bertrand Westphal, et les études littéraires ne sont pas en reste. C’est ainsi que Michel Collot  (2014 ) énonce comme concept la géographie littéraire et la subdivise en deux autres concepts : la géographie de la littérature qui étudie le contexte spatial dans lequel est produit l’œuvre (lieux ou endroits visités où  l’écrivain  a vécu et qui ont suscité la rédaction de l’œuvre) et la géographie dans la littérature qui analyse les référents géographiques réels ou imaginaires auxquels renvoie l’œuvre.

À cet effet, Michel Collot attribue même l’origine du concept géopoétique en littérature, plus précisément en poésie, au poète Michel Deguy qui lie, de façon indissociable, « ce dont lepoème est l’expérience » et le langage de cette expérience  (Collot 109). C’est pour cela que notre approche géopoétique s’intéresse à l’étude de l’espace, des lieux, des endroits et de leurs cultures, inscrits dans les poèmes des deux auteurs. Le concept géopoétique constitue alors, pour nous, un outil pour comparer Les Orientales de Victor Hugo et l’œuvre poétique de Kouctoukalo Tchassim.

Au XIXe siècle, nombreux sont des écrivains qui ont évoqué l’Orient dans leurs écrits sans l’avoir exploré ; tel est le cas de Victor Hugo. Pour une raison de satisfaction du besoin exotique, Victor Hugo se tourne vers l’Orient qu’il n’a jamais connu dans la réalité. Quant à Koutchoukalo Tchassim, elle a voyagé plusieurs fois en Chine: «ville montagneuse, Chongquing», «Beijing 12933 » «Sur le bateau Manjianhong, mon âme/Par le génie orientalemportée/Dans un songe soudain suffoqué/Pour pareils richesses sans monnaies et perles/Au pays de l’oncle Soleil.»(Tchassim 14 ; 19 ; 21). En s’appuyant sur Michel Collot)  qui considère la géopoétique  comme « une science étudiant les rapports entre l’espace et les formes/genres littéraires tout en articulant une “poétique” », « une étude des formes littéraires qui façonnent l’image des lieux», et « une “poïétique”, réflexion sur les liens qui unissent la création littéraire à l’espace», nous combinons l’approche géopoétique et l’approche sémiotique pour établir un lien entre les deux auteurs. Ces deux approches posent la problématique de la désignation de l’espace dans les œuvres de notre corpus où il s’agit de faire l’économie de mots : Victor Hugo et Koutcoukalo Tchassim ont désigné des endroits, des lieux, des régions du monde, des célébrités pour exprimer le dialogue des civilisations et des cultures à travers des symboles.

 1.2. Des symboles aux civilisations croisées

En considérant la parole poétique de Koutchoukalo Tchassim contenue dans les trois recueils de poèmes, Les Plaies (2016), Je ne suis pas que négatif (2017) et Elle (2019), on découvre qu’elle embrasse toutes les zones culturelles du monde par la technique de désignation. Pendant ce temps, l’œuvre de Victor Hugo fait dialoguer l’Occident et l’Orient. Pour mieux comprendre la technique de désignation, nous distinguons, à partir des travaux de Charles W. Morris, trois aspects ou dimensions d’un signe que nous considérons ici comme symbole[7].

L’aspectpragmatique favorise, dans notre développement, l’interprétation en contexte des mots-symboles qui désignent des philosophies, des idéologies, des immortels (des célébrités), des pays, des villes, des périodes de l’histoire universelle que nous avons considérés comme  des espaces référentiels ayant abrité et codifié des cultures. Dès lors, nous distinguons le lieu, comme  «partie déterminée de l’espace»  (Larousse de poche 472), de l’espace comme « étendue indéfinie qui contient tous les objets et étendue de l’univers hors de l’atmosphère terrestre » (Ibid.).

D’une part, le lieu se présente comme une dimension concrète de l’espace, l’espace étant pris dans sa dimension abstraite et illimitée. En conséquence, chez Koutchoukalo Tchassim, les lieux sont des pays et des villes du monde désignés: « Irak, Egypte, Ethiopie Somalie, Libye/ Le jardin d’Eden naturellement étendu /Sans racisme ni dégueulis prétendus » (Tchassim, p.68). Nous avons aussi désigné comme lieux des personnalités d’identités diverses: artistes, philosophes, écrivains religieux et spiritualistes qui ont marqué leur période en des lieux ou endroits du monde :

Mourir et vivre comme Martin Luther King Nelson Mandela /

Mourir et vivre en guide spirituel Gandhi Karamchand Mohandas/

Mourir et vivre en holocauste convaincu du sacrifice vrai mandat/

Jeanne d’Arc «La Pucelle d’Orléans sur le bucher morte en ana/

Mourir et vivre en héros solitaire comme Patrice Emery Lumumba/

Je veux mourir et vivre comme Jawaharla Nerhu le flambeau para  (Elle, p. 62)

 Aussi avons-nous, par analogie, supposé que durant leur existence individuelle, ces personnalités ont façonné la conscience de leurs contemporains et érigé, par endroits, des idéologies du quotidien (M. Bakhtine: 1977). D’autre part, le lieu, dans les vers, est aussi le terme ou le mot dans son sens dénotatif (le lieu), mais s’étend à une dimension polysémique (l’espace). Cette appréciation implique que les mots désignés peuvent avoir autant de sens par rapport à la compétence culturelle du lecteur, en dehors du sens référentiel concret dans le poème. Cela sous-entend que dans les œuvres de notre corpus, les mots désignant des endroits ou des lieux sont des symboles qui ont un sens polysémique en procédant par la métonymie, du particulier au général.

En somme, à partir des trois approches, il s’est agi de construire un cadre d’acte de lecture pragmatique selon l’orientation de Charles W. Morris. La caractéristique de cette approche est la dimension géographique de la lecture, le fait que nous avons abordé les textes à partir d’un ancrage singulier, celui d’un rapport aux endroits, aux lieux et au monde représentés, à la langue et à la culture qui lient lesdeux auteurs, même s’ils sont originaires des zones géographiques différentes. L’intérêt réside dans le projet d’aborder la problématique du dialogue des cultures. Les trois approches combinées constituent le cadre  méthodologique qui a permis de dévoiler les subtilités de l’œuvre poétique des deux auteurs.

2. La mosaïque des endroits et des lieux

Le mot mosaïque est utilisé ici dans le sens de variété ; les différentes manières de configurer les endroits et les lieux reflets des formes de civilisations et cultures. Il s’agit surtout de l’usage du matériel linguistique par métonymie, métaphore et images en général. Victor Hugo  fignole les vers en les marquant avec des rimes alternées (aa, bb) et par endroits des rimes embrassées (abba). En prenant uniquement la disposition des rimes, on peut dire que Victor Hugo a, dans ce recueil de poèmes de sa jeunesse, son projet d’auteur, rapproché les peuples, les civilisations et les cultures. Il y est mis en lumière la thématique de l’exotisme,  la découverte d’autres réalités que celles de sa culture et civilisation. Chez Koutchoukalo Tchassim, elle a pris appui sur l’idéologie de la mondialisation où aucun endroit du monde n’est plus enclavé. À travers les technologies de l’information et de la communication, tous les endroits du monde sont aisément montrés ; on est loin de l’époque de Victor Hugo et la description des endroits et des lieux qui portent des cultures représentées est fonction d’un écart historique.

2.1. Mode de configuration  des lieux

Charles W. Morris appelle  désignationce à quoi le signe ou le symbole se réfère. Par ce mécanisme, les endroits et les lieux sont constitués, par désignation, d’abord, des noms propres de personnalités influentes dans l’histoire,  ensuite, des noms de ville, de pays et, en fin, des faits et événements comme nous l’avons signalé en amont. Les signes étant empreints de symboles, il est pertinent de les ordonner dans le cadre de notre analyse. Ainsi les lieux sont-ils, d’abord, des pays, des villes, des endroits du monde, ensuite, des philosophies, des idéologies, des faits et événements, enfin, des noms d’écrivains, de philosophes, d’artistes et de politiciens. En termes d’illustration, nous relevons :

Irak, Somalie, Soudan, Afghannistan            

Kossovo nord, Kossovo Sud convalescents 

Des morts à bave sans mors incandescents  

Des vivants ambulants prisonniers et apatrides        

Des squelettes en vie sans vie triomphante  

Lire et vivre la mort sans entremetteur

Compter ses deux cent six os sans clameur   

Sous les obus faméliques des ustensiles creuses

D’une guerre insensée interminable et vaniteuse.

Ni basanée ni sombre n’est la barbarie

Libye, Irak, Afghanistan, Syrie ….

(Je ne suis pas que négatif, « La barbarie »76)

Empires, Royaumes, Tribus

Grand’ ouverts sur mes muscles tendus

Gbéhanzin, Guézo, Samory Touré

Askia Mohamed, Osséi Tutu

Chaka, Sony Ali Bert, Reine Pokou

(Les Plaies, ‟Mon Royaume” 29)

Dans le poème «La barbarie» la désignation de ces pays énonce deux idées :

– la première est relative aux lieux de guerre où l’Autre est considéré comme une bête qu’on assomme ; cela suggère la barbarie, l’expression de la jungle ;

– la seconde renvoie aux lieux qui rassemblent des populations Arabo-Berbères dont la vision du monde est façonnée par l’idéologie religieuse musulmane.

Enfin, ce sont des endroits en crise des valeurs humaines que dénonce Koutchoukalo Tchassim. L’ambition de l’auteure est de promouvoir l’instinct de vie contre  celui de mort relaté dans les extraits suivants : « Et je pousse, je pousse, et je pousse, je pousse fort et plus fort. / Je veux une progéniture, une progéniture féconde sans renfort/Virile, à bousculer, défendre, arracher sauvagement mes droits» (Tchassim 26). Après la dénonciation de la guerre et ses ravages, de la violence en général, l’auteure procède à la revendication des droits humains. De même, Victor Hugo, dans certains poèmes de Les Orientales dénonce certains faits réels et politiques de son temps. Dans ce recueil de poèmes, treize sur quarante-et-un sont consacrés à la guerre entre les Grecs et les Turcs. Les poèmes les plus célèbres du recueil, « Les Têtes du sérail » (III), « Navarin » (V), « L’Enfant » (XVIII), présentent un paysage de violence et de guerre. Particulièrement dans le poème « L’Enfant », Victor Hugo montre les ravages que les Turcs ont infligés à la Grèce. Il y évoque à propos de la Grèce, le souvenir d’une île grande et riche où l’on trouvait « de nombreux palais ». Ce poème évoque le désir de ressusciter le passé de cette île. « La ruine et le deuil » ont pris la place de « la beauté flamboyante ». Il en résulte que la littéraire, et la poésie en particulier, a pour mission non seulement de célébrer la vie à travers les belles formes, mais essentiellement de l’engendrer dans des espaces intérieurs appauvris par le désarroi, la violence, l’ignorance, la peur d’oser, l’immobilisme. Tout part de l’espace intérieur de l’homme. L’ambition du poète est d’instaurer l’espérance. Ainsi, dans le poème qui suit, les noms désignés des différentes personnalités énoncent des philosophies, des idéologies qui suggèrent des instances ou des modèles de vie à imiter :         

Ce poème instaure un lieu de philosophie de la non-violence, par le truchement de la spiritualité fondée sur le sacrifice suprême de soi en vue d’instaurer un cadre de bonheur collectif La philosophie pragmatiste de la non-violence a engendré, en matière d’influence sociétale, la théorie et la pratique de la communication non violente (CNV). Cet espace de CNV regroupe d’éminents praticiens de la communication sociale. Dans la deuxième strophe, les noms suggèrent successivement l’humanisme (Léopold Sédar Senghor, Jean de La Fontaine, Albert Camus et Aimé Césaire) et le travail d’individuation ou encore l’instauration du champ degrand travail[8], pour promouvoir la vie communautaire (Victor Hugo). Où pouvons-nous situer l’Orient dans Les Orientales? Est-ce un réalismeou une vérité ? Dans les faits Victor Hugo semble atteindre très tôt l’unité de son être de poète puisque, d’abord, Les Orientales paraissaient en janvier 1829. Ensuite, la description de l’Orient correspond à la mise en place de deux concepts de Carl Gustave Jung, dans la perspective de la psychologie analytique, anima et animus, la charge féminine et masculine qui sommeillent en chaque être  humain ; dans ce cas précis l’Occident est animus et l’Orient anima. Car chez Victor Hugo en ce moment-là l’Orient c’est l’Autre, une certaine ipséité selon Paul Ricœur[9]. La représentation de l’Orient est floue. Ainsi Victor Hugo à travers Les orientales sensibilise le lecteur sur des rapports anciens, intimes, complexes, que l’Europe occidentale entretient avec l’Orient et l’Afrique méditerranéens: « Au Nil je le retrouve encore/L’Égypte resplendit des feux de son aurore […] Les vieux scheiks vénéraient l’émir jeune et prudent/La tente de l’Arabe est pleine de sa gloire. » (« Lui » XL) Enfin, Les orientales constituent la quête de l’Autre ou mieux le dialogue avec l’autre comme gage de richesse culturelle. Eu égard à tout ce qui précède quant à Les Orientales de Victor Hugo et à le langage poétique de Koutchoukalo Tchassim, nous pouvons affirmer que le langage poétique des deux auteurs suggère une culturanalyse[10], la présentation ou description de l’espace, une sorte de poésie de spatialité.

2.2. Une poésie de spatialité

La spatialité, ce qui est dans l’espace ou s’y organise; c’est alorsl’expérience de l’espace et de la condition spatiale de l’existence. La parole poétique des deux auteurs constitue tout: elle couvre toutes les dimensions de l’existence humaine sur la terre et au-delà, par le fait que les deux auteurs ont su aborder les préoccupations de leur temps. Horace ne disait-il pas « ut pictura poesis ». En conséquence, à travers leur parole poétique, nous pouvons affirmer que la poésie, une expression humaine, se donne le pouvoir qui lui permet de transcender notre monde étriqué et d’exprimer l’ineffable en dehors de ce qui nous entoure.

La spatialité est circonscrite dans la forme du corpus : les images, les mots utilisés, la syntaxe et surtout dans la désignation des noms de ville, de pays, de personnalités ont  permis de décrire des endroits, des lieux  dans l’histoire. Si chez Victor Hugo sa géographie littéraire, pour une raison donnée, s’est limitée à l’Orient et à l’Afrique méditerranéens, pour Koutchoukalo Tchassim elle s’est étendue à toutes les zones culturelles par désignation métonymique. La désignation des noms de ville, de pays et de personnalités influentes qu’on pourrait appelés des immortels, artistes, écrivains, politiciens, et spiritualistes, a permis à l’auteure de faire d’économie de mots. L’auteur a voulu tout dire, mais en peu de mot ; une sorte de litote implicite qui, en réalité, est, aussi et fondamentalement, une métonymie en considérant l’axe paradigmatique. Et ceci s’est réalisé par le choix de substantifs, des noms propres et communs qui appartiennent à des civilisation et cultures précises. La mise en page des poèmes est soumise à un travail de fragmentation de juxtaposition inattendues comparables à celles qu’on rencontre dans la poésie contemporaine où la continuité typographique masque le plus souvent les discontinuités sémantiques et syntaxiques. Les blancs et les alinéas remplacent la ponctuation graphique.

La poéticité des vers libres est d’autant plus marquée quand il s’agit des métaphores ; en exemple de deux titres de poèmes avec quelque vers chacun : le premier poème intitulé « Mon temple naturel » avec les quatre premier vers qui suivent : « Le menu de ma tente naturellement onctueux, riche et embelli /Aiguiser l’appétit de grands dévoreurs de ma peau verdie /Misérablement dénuder, éroder ma charpente/Mes fondements saccagés, ruinés. » (Tchassim 72), le groupe de mots « Mon temple naturel » désigne à la fois la matrice féminine, la mère et l’Afrique mère. Du coup le tout premier vers se comprend aisément, en conséquence, le mot « dévoreurs et « fondements » signifient respectivement les colons et les richesses minières du sous-sol africain. Le deuxième titre est « L’arc-en-ciel »  et le premier vers est « Arc-en-ciel je suis, je demeurerai arc-en-ciel » (Tchassim 18) ; cette métaphore exprime à la fois le métissage culturel et le désir profond de l’auteure de n’appartenir à aucune race mais à toutes les races.

Ces métaphores sont renforcées par des recherches de rythme et de sonorité finale semblable à ceux de slam ; en voici un exemple dans le poème « La précieuse », « Elle n’est pas vile / Elle est précieuse /Elle n’est pas rugueuse/Elle est moelleuse/Elle n’est pas acre/Elle est suave… » (Tchassim55). L’auteure déshabille la langue française et  lui faire porter des habits des langues africaines qui fonctionnent par images.

En définitive, les lieux sont des endroits construits dans l’espace, des cadres de l’expérience humaine. Le caractère mosaïque de cette composition résulte de ce que nous pouvons appeler le projet de société que Koutchoukalo Tchassim et Victor Hugo veulent promouvoir et instaurer : une société arc-en-ciel (Tchassim 18-19). Cette expression est chère à Koutcoukalo Tchassim par la récurrence du mot « arc-en-ciel » dans les trois recueils de poèmes. Quant à Victor Hugo, son Orient est une région imaginée :

La sultane regarde, et la mer qui se brise,

Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.

[..] Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine…

La lune était sereine et jouait sur les flots. 

                                              « La lune », Les orientales.

Nous l’avons déjà suggéré, la poésie est description ; elle utilise des couleurs, des formes et des sons. Ainsi, les couleurs orientales sont venues à Victor Hugo comme des pensées et rêveries; elles l’ont emporté dans des couleurs hébraïques, turques, grecques, persanes, arabes, espagnoles et son Orient c’est l’Espagne. Consécutivement, l’Espagne est proche de l’Afrique, l’Afrique est proche de l’Asie. 

3. Poésie cosmique et militante

Cette rubrique nous permet de qualifier l’écriture des deux auteurs d’épique. Elle l’est d’un  côté, en considérant la période de publication du recueil Les orientales (1829) de Victor Hugo la thématique et la révolution au niveau de la forme et de l’envergure de la thématique et, de l’autre avec Koutchoukalo Tchassim, une écriture à rythme chevaleresque, une écriture caustique par des mots à forte résonnance vis-à-vis de la déchéance de l’homme postmoderne. Ainsi, ce qui les unit est le militantisme au service d’une nouvelle forme d’humanisme fondée sur la sensibilisation ou la promotion des valeurs cardinales de la vie dont la base est l’ouverture à l’autre : le dialogue. L’intensité de cet élan chez Koutchoukalo Tchassim a eu une influence considérable sur la forme de son langage poétique. En conséquence, les deux auteurs par leurs œuvres favorisent le dialogue entre les cultures : poésie cosmique et militante.

3.1. La poésie cosmique

La poésie cosmique repose, dans cet article, sur la poésie épique. L’écriture épique, elle se réfère à des éléments fondamentaux du monde, utilisés dans des comparaisons, métaphore et amplification touchant l’eau le feu l’air et la terre. Les occurrences de ces éléments sont nombreuses chez les deux auteurs. D’abord les quatre groupes fondamentaux d’éléments sont évoqués d’une manière subtile. La Terre est respectivement désignée par  les  monts « ville montagneuse Chongqing» (Tchassim14). L’eau, le vent  et le feu sont évoqués par un champ lexical exubérant dans les trois recueils de poèmes de Koutchoukalo Tchassim. On les retrouve aussi chez Victor Hugo dans le paysage représenté dans  « Extase » (XXXVII) :

J’étais seul près des flots, par une nuit d’étoiles.
Pas un nuage au ciel ; sur les mers pas de voiles.

Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.
Et les bois, les monts, et toute la nature,
Semblaient interroger dans un confus murmure

Les flots des mers, les feux du ciel.

Après avoir célébré les grandes figures de l’histoire littéraire française du seizième et dix- septième siècle, Koutchoukalo Tchassim est passée par un assassinat symbolique pour faire dialoguer la culture littéraire française avec celle africaine pour se retrouver tout simplement  dans la francophonie :

J’assassine Montaigne

Je maudis Rabelais

Je piétine Molière

…Mon indépendance langagière exprimée 

                 Les plaies (51).

Le caractère épique de la poésie de l’auteur se lit notamment à travers la convocation des noms de célébrités d’autres domaines de la vie en dehors de la littérature. Il y a aussi la dérivation lexicale des adjectifs. Ainsi, pour marquer son désir de conquérir l’espace de la langue de communication, l’auteur passe par la composition de façon inattendue des adverbes que voici : « Des sangsues extravagamment survitaminées / Sur le dos de ma misère de franc /  […]  / Une colonisation incommensurablement implantée / […]/ En faire déshonorablement un nègre en course/ » (Tchassim 35) ; et d’autres encore : « Ma grand-mère mélancoliquement retenue/ Des manipulations rageusement orchestrées et convenues […]/Goulûment constiper égoïstement   leurs parois » (Tchassim 37). De manière implicite elle érige une autre forme de collaboration sociétale.  S’agit-il d’une nouvelle forme d’humanisme ? Nous ne saurions le dire. De toutes les façons, aucune région, aucune idéologie,  aucune zone de culture n’est laissée intouchée par la verve poétique de l’auteurepar la technique dedésignation. À travers le poème « Danube en colère » (XXXV) qui est une prosopopée, Victor Hugo, pour sa part, dénonce la manière dont les religions révélées, en l’occurrence le Christianisme et l’Islam, de manière dogmatique s’approprient de la justice universelle qui, normalement, n’est ni d’Occident ni d’Orient :

Une croix, un croissant fragile,

Changent en enfer ce beau lieu.

Vous échangez la bombe agile

Pour le koran et l’évangile?

                    «  Danube en colère », Les orientales.

Enfin, concernant de la thématique, on assiste à des réseaux concentriques de thèmes. De nouveaux thèmes comme ceux de l’immigration et de la déchéance spectaculaire de l’homme sans distinction de race, de religion, d’idéologie et de culture caractérisent plus particulièrement la poésie de Koutchoukalo Tchassim sous un aspect antiphrasique comme moyen de sensibilisation.

3.2. Une poésie militante

En quoi la poésie des deux auteurs est-elle militante ? C’est d’une part, chez Koutchoukalo Tchassim par la poésie iconoclaste de défense des valeurs cardinales de l’existence humaine, de célébration de la richesse du cosmos , de dénonciation des incongruités de certaines pratiques africaines supposées être des valeurs culturelles, mais qui n’en sont pas , d’autre part Victor Hugo par la destruction des frontières artificielles entre l’Occident et l’Orient.  À la place, il instaure une altérité, altérité que le poète vit à travers le poème « Extase ». Il y a une certaine cohérence entre les poèmes du recueil qui prouve le militantisme de Victor Hugo. En effet, il est à constater que le « je » dans le poème « Extase » est un « je » à la fois « je » et « l’autre »: la communication entre le poète et le monde qui l’entoure; le poète Victor Hugo étend à l’infini cet environnement, c’est-à-dire l’inspiration du poète dépasse le paysage auquel il pense et sonde l’univers visible et invisible :

J’étais seul près des flots, par une nuit d’étoiles.

Pas un nuage, aux cieux, sur les mers pas de voiles.

Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.

Et les bois, et les monts, et toute la nature,

Semblaient interroger dans un confus murmure

Les flots des mers, les feux du ciel.

                                             « Extase », Les orientales

Cet élan répond aux impératifs du romantisme : découvrir d’autres réalités de l’existence humaine par le truchement de la sensibilité et de l’imagination que de s’enfermer dans la tour de la raison qui façonnait les idéologies depuis le dix-septième siècle. Victor Hugo est le pionnier  et d’ailleurs le chef de file du mouvement romantique. Le poème ‘’Mazeppa’’ vient amplifier le caractère épique de son élan : 

Ainsi, quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure,

A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu’un sabre effleure,

Tous ses membres liés

Sur un fougueux cheval, nourri d’herbes marines,

Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines

Et le feu de ses pieds ;

Quand il s’est dans ses nœuds roulé comme un reptile,

Qu’il a bien réjoui de sa rage inutile

Ses bourreaux tout joyeux,

Et qu’il retombe enfin sur la croupe farouche,

La sueur sur le front, l’écume dans la bouche,

Et du sang dans les yeux, »

                                         «  Mazeppa XXXIV »  Les orientales

En effet, il s’agit dans ce poème d’une allégorie désignant le poète nomade conquérant l’espace en luttant dans la contrariété, l’incompréhension comme chez Charles Baudelaire ‘Albatros’. Dans cette allégorie, le pouvoir du poète est mis en relief ; du sens le plus simple au sens le plus complexe on peut dire que le lecteur assiste à une triple conquête de l’auteur : conquête de l’espace environnementale, de l’espace textuel et de l’espace de la langue française ; pour ce dernier type d’espace ; comme on le remarque aussi chez Koutchoukalo Tchassim qui, conduite sur son cheval, la muse, elle plie l’espace du langage poétique à son désir de conquérante. Les deux auteurs se retrouvent dans les vers suivants de Victor Hugo:

Et l’homme et le cheval, emportés, hors d’haleine, […]

Volent avec les vents ![…]

Ils vont l’espace est grand.

Dans le désert immense,

Dans l’horizon sans fin qui toujours recommence,

Ils se plongent tous deux.

Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,

Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,

Tout chancelle autour d’eux.

Et si l’infortuné, dont la tête se brise,

Se débat, le cheval qui devance la brise,
D’un bond plus effrayé,

S’enfonce au désert vaste, aride, infranchissable [.]

Mazeppa XXXIV, Les orientales

 Cette exploration n’a qu’un seul but: atteindre l’autre, communiquer avec l’autre en détruisant les barrières artificielles de l’histoire, de la géographie des civilisations des cultures, de l’idéologie et de la langue. C’est pour cela que du côté de Koutchoukalo Tchassim on  ne  peut pas parler de poésie engagée. La notion de littérature engagée comme courant littéraire a fait son temps. Le langage poétique de Koutchoukalo Tchassim est, d’abord, militante par le mode de tissage des réseaux de thèmes qui parsèment les trois recueils de poèmes, ensuite, par la forme des vers, enfin, par le choix du lexique. Ceci se remarque à travers l’énonciation. Tous les thèmes anciens sont traités et les nouveaux thèmes générés par la mondialisation, l’idéologie du genre, le capitalisme outrancier, la sexualité dévergondée, la dégradation de l’environnement, l’exercice du pouvoir social, politique et économique sous le diktat du capitalisme outrancier: l’homme est devenu un produit marchant.

Conclusion

En somme, Koutchoukalo Tchassim n’est pas le premier poète qui s’est  profondément inspiré des mœurs de son temps pour construire son langage poétique. Mais l’auteur en a fait plus en embrassant dans sa totalité, l’existence humaine dans sa complexité inouïe. C’est ce qui explique son voyage dans l’espace de différentes manières. Les approches géopoétique  et sémiotique dans une perspective comparatiste nous a essentiellement permis de cerner le langage poétique des deux auteurs. L’analyse est essentiellement focalisée sur les indices textuels qui suggèrent l’exotisme des deux auteurs. Comparer Koutchoukalo Tchassim au monument de la poésie romantique française Victor Hugo est une occasion d’évaluer sa production poétique à cette étape de son parcours d’auteure. Les deux, à travers la représentation de l’espace ont la même ambition : promouvoir homo maximus, le grand moi. De plus Koutchoukalo Tchassim a subtilement créé un mariage entre la poésie dans sa forme originelle en tant que chant et le slam un genre nouveau proche de la poésie moderne. Ce caractère composite de la parole poétique de l’auteur fait de son œuvre un drame épique dont la substance est incrustée dans les signifiants devenus symboles ; le tout donne l’aspect d’un jeu dramatique et tragique. Il s’agit d’un tragique social et des mœurs. L’auteure en a donné le ton à travers l’usage des mots symboles auxquels elle a fait subir une métamorphose dans leurs aspects de signifiant et de signifié de deux ou trois manières : changement de classe grammaticale aux mots, une formation sauvage des adverbes, c’est-à-dire de manière inattendue et les verbes sont plus à l’infinitif que conjugués. C’est un style poétique  mosaïque qui correspond au mobile de la naissance d’un poème, selon l’affirmation de Denis Diderot que nous adaptons à ce contexte: « La poésie veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage. C’est lorsque la fureur (folie) de la guerre civile ou du fanatisme arme les hommes de poignards, et que le sang coule à grands flots sur la terre, que le laurier d’Apollon s’agite et verdit.» (De la poésie dramatique, chap18 : des mœurs.)

En somme, le langage poétique de l’auteur résulte du reflet brisé des mœurs de notre temps. Désir d’évasion et réalité idéalisée, tels qu’on les trouve chez Victor Hugo. Sur cet aspect Koutchoukalo Tchassim en a fait plus que cela : son  écriture procède d’une atopie, un espace dégagé des codes, proche de la réalité.  

Travaux cités

Benac, Henri. Guide des idées littéraires, Paris, Hachette Education, 1988..

Bigeard,   Stéphane https://www.institut.geopoetique.org./fr/dictionnaire

Bouloumié, Arlette, Trivisani-Moreau Isabelle, Le génie du lieu, des paysages en littérature, Paris, Editions Imago, 2005.

Canetti, Eliias. La conscience des mots, Paris, Albin Michel, 1984.

Bisenius-Penin, Carole. Création littéraire en résidence : une approche géopoétique et géoculturelle de l’espace, Colloque international. Espaces littéraires et Territoires critiques.   Faculdade de Letras da Universidade do Porto (Portugal); Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa (Portugal), Jun 2017, Porto, Portugal. p. 45-65, ⟨10.21747/21832242/litcomp38a3⟩ consulté le 28/11/2021

Collot, Michel. Pour une géographie littéraire, Paris, José Corti  2014, 2014. p. 280      

……« La spatialité littéraire au prisme de la géographie » dans  L’Espace géographique 2016/4.Tome 45 | p. 289-294, consulté le 28/11/2021

Joubert, Jean-Loius. La poésie, Paris, Armand Colin, 2003.

Hugo, Victor. Les Orientales, 1829.  http://fr.wikisource.org consulté le 03/03/2021 à16h16

Tchassim, Koutchoukalo. Elle, Lomé, Editions Continents, 2019.

…….Je ne suis pas que négatif, Lomé, Editions Continents, 2017.

……Les plaies, Lomé Editions Awoudy, 2016.

Westphal, Bertrand. “Lecture des espaces en mouvement : géocritique et cartographie”, Études de lettres, 1-2, 2013. [http://edl.revues.org/478 ; DOI : 10.4000/edl.478] consulté le 28/11/2021

Comment citer cet article :

MLA : Nouvlo, Koffi Dodzi et Piyabalo Nabede. « Poétique et exotisme chez Victor Hugo et Koutchoukalo Tchassim ». Uirtus 1.2. (décembre 2021): 208-226.


§ Université de Lomé / [email protected]

[1] « La géopoétique est une théorie-pratique transdisciplinaire applicable à tous les domaines de la vie et de la recherche, qui a pour but de rétablir et d’enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu, avec les conséquences que l’on sait sur les plans écologique, psychologique et intellectuel, développant ainsi de nouvelles perspectives existentielles dans un monde refondé », (site www.kennethwhite.org).

[2]  Interculturalité mais l’accent est mis sur les endroits au monde qui portent les cultures peintes.

[3] « Geopoetics is a transdisciplinary theory-practice applicable to all the domains of life and research. Its aim is to re-establish and enrich the Humanity-Earth relationship long since deteriorated when not totally destroyed, with consequences now well documented on the ecological, psychological and intellectual plane. Geopoetics presents new existential perspectives in an open world. » (www.kennethwhite.org)

[4] Interculturality but the focus is on places in the world that carry painted cultures

[5] Ce mot a un sens particulier dans cette étude ; ce sens provient de cette anecdote : vers la fin du 19e siècle la civilisation occidentale connaissait une grande crise, une esquisse d’une nouvelle cartographie mentale s’ébauchait et le poète Arthur Rimbaud s’écriait « Beaucoup d’écrivains peu d’auteurs » ; il employait le mot auteur au sens fort qui dérive du latin augere auctum (augmenter) augmenter la sensation de vie, la compréhension des choses, l’appréhension du cosmos.

[6] Carole Bisenius-Penin Création littéraire en résidence: une approche géopoétique et géoculturelle de l’espace. Carole Bisenius-Penin est Maître de conférences de Littérature Contemporaine à l’Université de Lorraine, elle est devenue depuis le 31 décembre 2020, chevalier dans l’ordre des arts et des lettres.        

Marta Baravalle, Michel Collot, Pour une géographie littéraire, Corti, Paris, 2014, p. 280.

[7] Pour rappel, il faut noter ; d’abord, l’aspect syntaxique qui porte sur les relations des symboles entre eux, les règles de combinaison légitimes donnant lieu à la construction de la syntaxe; ensuite, l’aspect sémantique porte sur les relations entre les symboles et les objets auxquels ils s’appliquent il l’appelle la désignation ; et enfin, l’aspect pragmatique qui porte sur les relations  de l’utilisation et de la fonction affective des symboles sur le lecteur :elle dérive de la relation que nous avons entretenue avec les symboles.

[8] Ce que j’entends par « grand travail » ? D’abord, la continuation de la « culturanalyse. Ensuite, les efforts à fournir pour arriver à un « champ » au-delà des cloisons   qui se sont établies entre la poésie, la pensée et la science. Et puis encore, à l’intérieur de ce champ, ce qu’il faut faire pour arriver à l’expression de ce que la tradition chinoise a appelé ta wo (le grand moi, tout le contraire du petit ego mégalomane) et de ce que la tradition occidentale appelle homo maximus« , Dictionnaire de géopoétique.

[9] Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990

[10]  Culturanalyse : analyse culturelle radicale et profonde

Abstract (Résumé (Éléments pour une sémiotique du vivre ensemble en Afrique à travers le mode participe)

For about 60 years period which corresponds to the age of
independence of almost all African countries, the continent has never
ceased to be regularly shaken by socio-political crises. This social upheaval
can be observed in the linguistic field. In the Côte d’Ivoire, French
linguage, in contact with local languages, knows ab avatar from certain
idioms through which it thrives. Thus, the Ivorians appropriate French by
adapting it to their sensitivity, a means of communication essential to the
needs of the expression of an ivorian thought. Moreover, this linguistic
community, under the name of the Francophonie, has a common
denominator in its idiom. The mode participates, perceveid as a linguistic
wealth, constitutes the unifying element within this community. It is the
common good of the entire Francophone community. It impose itself by
the rigidity of its morphosyntactic canons as prescribed by the legislator

of good use. This article aims to account for this idiom which constitutes
a mark of living together in the sense of the French-speaking community.
Keywords : Participle, Standard French, Ivorian French, Nouchi, Living

Together, French Community, Morphosyntactic.

Résumé (Éléments pour une sémiotique du vivre ensemble en Afrique à travers le mode participe)

Depuis environ soixante ans, période qui correspond à l’âge des
indépendances de la quasi-totalité des pays africains, le continent n’a cessé
d’être régulièrement secoué par les crises socio-politiques. Ce
bouleversement d’ordre social s’observe dans le champ linguistique. En
Côte d’Ivoire, le français, en contact avec les langues locales, connait un
avatar à partir de certains idiomes à travers la diglossie qui y prospère.
Ainsi, les Ivoiriens s’approprient le français en l’adaptant à leur sensibilité,
un moyen de communication indispensable aux besoins de l’expression
d’une pensée ivoirienne. Par ailleurs, cette communauté linguistique, sous
l’appellation de francophonie, a un dénominateur commun dans son
idiome. Le mode participe, perçu comme une richesse linguistique du fait
de ses règles d’usage inflexibles, constitue l’élément fédérateur au sein de
cette communauté. Il est le bien commun de toute la communauté
francophone. Il s’impose par la rigidité de ses canons morphosyntaxiques
tels que prescrits par les législateurs du bon usage. Le présent article
s’attelle à rendre compte de cet idiome qui constitue une marque de vivre
ensemble au sein de la communauté francophone.
Mots-clés : participe, français normé, français ivoirien, nouchi, vivre
ensemble, communauté francophone, morphosyntaxique.

Abstract (Perception de la qualité des prestations de soins de santé et ses déterminants : cas des centres hospitaliers de Lomé)

To determine the perceptions of users or clients remains a
major challenge for researchers and managers in order to identify
shortcomings and, in turn, develop strategies to improve the quality of
services provided. This study aims at analyzing the perception of users in
Lomé hospitals on the quality of the care they receive. To do this, a
questionnaire was developed for this purpose and administered to 120
users of two hospitals especially CHU Campus and CHU Sylvanus
Olympio in Lomé using the technique of « tout-venant » meaning the
technique in which « all-commers » without any selection are questionned.
The questionnaire administered was related to the perception of the
process of reception, consultation, complementary examinations,
purchase of products in pharmacy and health care. The results obtained
show that the users questionned in hospital have a perception according
to which it is necessary to « motivate » the health care agent in order to

obtain a good service. The results also show that the quality of care
provided depends on the reputation and appearance of the user.
Keywords: users, perceptions, quality, health care, provisions.

Full Text                        

Résumé (Perception de la qualité des prestations de soins de santé et ses déterminants : cas des centres hospitaliers de Lomé)


Pazambadi Kazimna§

Résumé : Déterminer les perceptions des usagers ou clients reste un enjeu majeur pour les chercheurs et managers afin de relever les défaillances et par ricochet élaborer des stratégies permettant d’améliorer la qualité des services rendus. La présente étude vise à analyser la perception des usagers des centres hospitaliers de Lomé sur la qualité des soins qui leurs sont rendus.  Pour ce faire  un questionnaire élaboré à cet effet  a été administré à 120 usagers de deux centres hospitaliers (CHU Campus et CHU Sylvanus Olympio) de Lomé par la technique de « tout-venant ». Le questionnaire administré était relatif à la perception du processus de l’accueil, de la consultation, des examens complémentaires, de l’achat des produits en pharmacie et des soins. Les résultats obtenus montrent que les usagers des centres hospitaliers interrogés ont une perception selon laquelle il faut ‘’motiver’’ l’agent soignant pour obtenir un bon service. Les résultats font observés également que la qualité des soins procurés dépend de la renommée et de l’apparence de l’usager.

Mots-clés : usagers, perceptions, qualité, soins de santé, prestations.

Abstract: To determine the perceptions of users or clients remains a major challenge for researchers and managers in order to identify shortcomings and, in turn, develop strategies to improve the quality of services provided. This study aims at analyzing the perception of users in Lomé hospitals on the quality of the care they receive.  To do this, a questionnaire was developed for this purpose and administered to 120 users of two hospitals  especially CHU Campus and CHU Sylvanus Olympio in Lomé using the technique of  « tout-venant »   meaning the technique in which  « all-commers » without any selection are questionned. The questionnaire administered was related to the perception of the process of reception, consultation, complementary examinations, purchase of products in pharmacy and health care. The results obtained show that the users questionned in hospital have a perception according to which it is necessary to « motivate » the health care agent in order to obtain a good service. The results also show that the quality of care provided depends on the reputation and appearance of the user.

Keywords: users, perceptions, quality, health care,  provisions.

Introduction

L’atteinte des objectifs d’une organisation se remarque très souvent à travers les indices de satisfaction des clients, patients ou usagers. La satisfaction est intimement liée à la qualité du produit offert ou du service rendu. Ces dernières années, dans le monde, plusieurs entreprises se sont engagées dans le processus de certification afin de montrer à leurs clients, leur engagement ferme pour la qualité. Ceci permet d’attirer un maximum de clients et de permettre à l’entreprise d’exister durablement dans le temps. La qualité peut être associée à la « beauté » du geste, de la parole, de l’attitude (Miossec et Rouat 347). Pour Miossec et Rouat, elle est source de satisfaction pour le destinataire du travail (l’usager ou le patient). Le travailleur, au cours de son interaction avec la situation du travail est confronté aux normes de respect des procédures prescrites. Ainsi, le processus de prestation peut ne pas répondre aux exigences de la qualité perçue par les usagers ou clients pour permettre leur satisfaction. En effet, le travail ne prend sens que par rapport aux personnes qui le prescrivent, qui le font ou l’exercent, qui l’attendent, qui le rejettent éventuellement, qui en souffrent ou le subissent ou qui en bénéficient et s’en trouvent bien (Lancry-Hoestlandt 418).

Par ailleurs, au cours d’une observation exploratoire du déroulement des activités dans le secteur hospitalier à Lomé, nous avons constaté que certains agents érigent des pots-de-vin, les dessous de tables et les commissions occultes, en obligations pour les services qu’ils sont appelés à rendre normalement dans l’exercice de leurs fonctions. Ces agents, parfois poussent la cupidité jusqu’à fixer par eux-mêmes le taux de la commission qui doit leur être versé avant l’exécution du travail pour lequel ils sont engagés et payés.  Face à ce phénomène dans les pays africains,  Bendé, Meité et Yao réagissaient en ces termes : « les pratiques corruptives sont justifiées et « euphémisées » pour leur grande proximité ou interpénétration avec les pratiques sociales communes et « normales » (190).

Parallèlement à ces pratiques décrites ci-dessus, l’une des grandes insuffisances relevées lors de l’évaluation du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) 2012-2015 était la faible qualité des soins. De ce constat, le Gouvernement togolais s’est engagé à améliorer la qualité des services de santé disponibles et l’a matérialisée à travers l’axe 5 du PNDS 2017 – 2022 dans sa composante « Renforcement du système de santé vers la couverture sanitaire universelle, y compris la santé communautaire » (Ministère de la santé). L’évaluation de la qualité des soins offerts est un indicateur validé de l’efficacité d’un système de santé (Yamba Yamba et al. 2926). Pour Yamba Yamba et al., principalement, l’accueil dans les cliniques universitaires de Kinshasa est mal apprécié par les patients (8 patients sur 10 pensent que le service d’accueil réservé à la réception ainsi qu’aux unités de soins est de mauvaise qualité). Ainsi, pour Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / La Banque Mondiale (BIRD/BM), les soins de faible qualité représentent un gaspillage de temps et d’argent (17). Contrairement à la conclusion de l’OMS, OCDE et BIRD/BM, Njong et Tchouapi ont montré à travers des résultats qualifiés de douteux par eux-mêmes que 85% des usagers camerounais étaient satisfaits de la qualité globale de service de santé dans le pays (2).

 Il est également observé dans le secteur de la santé, les écarts de comportements tels que l’agressivité, le mauvais accueil, le manque de respect à l’égard des accompagnants et patients, le manque d’empathie, …. (Kiliou et al. 29). En outre, la satisfaction des patients ou usagers est primordiale dans le domaine de la santé car, elle est indispensable à la réussite des soins et de ce fait constitue un indicateur de la qualité des soins. Comprendre la satisfaction revient alors à analyser l’interaction usager-travailleur à travers le processus de prestation de service.

L’analyse des interactions entre usagers et travailleurs n’est pas neutre, elle est fortement dépendante de la « perception » des sujets concernés par la situation. Or, comme le disait Merleau-Ponty (71), cité par Maillet (73),  « Rien n’est plus difficile que de savoir au juste ce que nous voyons ». En effet, la perception est une interprétation des signes que la sensibilité fournit aux stimuli corporels, une « hypothèse » que l’esprit fait pour expliquer ses impressions (Merleau-Ponty 42, cité par Maillet, 1995 73). C’est une façon d’appréhension  du réel, de comprendre le monde où intervient l’information fournie par les sens et par nos connaissances (Maillet 73).

L’objectif de la présente étude est d’analyser la perception des usagers des centres hospitaliers de Lomé en lien avec la qualité de prestation des soins qui leurs sont rendus. Elle vise également à identifier les déterminants de la qualité de soins. L’intérêt de l’étude est de retracer le processus des prestations des services hospitaliers (accueil, consultations, examens complémentaires, achat des produits et les soins) afin de relever les défaillances et par ricochet permettre l’élaboration des stratégies permettant d’améliorer la qualité du service rendu. Ce qui permettra également de s’interroger sur le management des ressources humaines des services hospitaliers.

La recherche réalisée dans le cadre de cet article tente de répondre à un questionnement qui émerge du constat au sein des centres hospitaliers du Togo. Quelle perception les usagers des centres hospitaliers de Lomé ont de la qualité de prestation des soins qui leurs sont rendus ? Quels en sont ses déterminants ?

Dans le cadre de cette recherche, ce qui nous intéresse n’est pas la mesure d’un niveau de satisfaction ou d’insatisfaction, mais plutôt le construit de la satisfaction d’un point de vue situationnel. En effet, la compréhension des attentes et des besoins des usagers représente aujourd’hui une orientation fondamentale de la démarche qualité. L’analyse du travail porte sur le travail réel puisqu’elle va chercher à saisir in fine le cœur même du travail réalisé, à savoir l’activité, en la rapportant aux conditions de sa réalisation et de sa prescription (Lancry 36).

Pour ce faire, nous postulons que les usagers des centres hospitaliers de Lomé ont une perception négative de la qualité des soins qui leurs sont rendus. Les déterminants de la perception de la qualité des soins se dégagent à travers l’analyse du processus de prestation (l’accueil, consultations, examens complémentaires, achat des produits et les soins). L’étude s’articule en deux points : le premier présente le cadre méthodologique (1) et le deuxième est relatif aux résultats obtenus et leur discussion (2).

1. Méthodologie de la recherche

1.1 Participants

La population ciblée par la présente étude est constituée des usagers des centres hospitaliers de Lomé. Il existe à Lomé deux centres hospitaliers (CHU Campus et CHU Sylvanus Olympio). Pour ce faire, nous avons distribué un questionnaire aux usagers de ces deux hôpitaux durant deux semaines (en raison d’une semaine par centre). Seuls les patients qui savent lire et écrire étaient sollicités. C’est-à-dire tous les patients qui sont venus pour un besoin de prestation de soins pendant la période de l’enquête (« technique du tout-venant »). Pendant cette période cent-soixante (160) questionnaires ont été remplis mais quarante (40) étaient remplis d’une manière expéditive, des réponses sans lien avec le sujet et sans commentaires (soit un pourcentage de 25% de questionnaires non exploitables et 75% exploitables) Au total cent-vingt (120) usagers (75%) ont été enquêtés dont 46 % d’hommes contre 54% de femmes ; ils étaient âgés de 15 à 54 ans (M = 28,20, Ecart-type = 3, 8). Par rapport au cadre de la recherche 58% des enquêtés étaient au CHU Sylvanus Olympio et 42 % du CHU Tokoin.

1.2 Matériel et procédure

Pour collecter les informations utiles, nous avons utilisé un questionnaire construit par nos soins. Nous avons recueilli les ‘’perceptions’’ que les usagers des services de santé ont par rapport aux prestations de services dans les hôpitaux. Les enquêtes que nous avons menées visent à mettre en relief les zones d’incertitude que les soignants exploitent pour perpétuer la mauvaise qualité de prestation de service et la corruption.

Ce questionnaire comporte 5 parties :

Exemple de quelques questions posées :

Les sujets devaient répondre par « oui » ou par « non » et si possible donner des explications et des exemples.       

1.3 Analyse des données

L’analyse des données recueillies a été quantitative  (techniques statistiques : des fréquences, des pourcentages) à l’aide du logiciel Excel. Toutefois, les commentaires et les réponses aux questions ouvertes ont fait l’objet de l’analyse de contenu qui a permis de relever le sens manifeste des discours des sujets. Les informations traitées sont présentées et discutées dans les paragraphes suivants.

2. Résultats et discussion

2.1. Résultats

Nous présentons dans cette partie les résultats obtenus et leurs commentaires

Figure 1: Facteurs déterminants la perception de la qualité des prestations au niveau de l’accueil

Au niveau de l’accueil, la perception des usagers est que sa qualité n’est pas la même pour tous. Ils pensent que par son comportement on peut l’améliorer, par un cadeau, sa renommée, son apparence physique. Ils pensent aussi que les agents préposés à l’accueil discutent parfois avec leurs relations personnelles pour des sujets autres que médicaux alors que les patients attendent.

Figure 2 : Facteurs déterminants la perception de la qualité des prestations au cours des consultations

A ce niveau, la perception des usagers est que l’accès à la consultation n’est pas équitable et que l’on peut influer sur la qualité de celle-ci respectivement à travers la renommée, un cadeau et le genre.

Les médecins qui sont dans des centres hospitaliers publics orientent les clients vers des cliniques privées dans lesquelles ils officient parfois.

Figure 3 : Facteurs déterminants la qualité de la perception  au niveau de l’analyse au laboratoire

La perception des enquêtés est négative à tous les items relatifs aux prestations de service de laboratoire, le traitement n’est pas équitable:

Figure 4 : Facteurs déterminants la perception de la qualité dans l’achat des produits

Ce niveau bénéficie de perception relativement positive. Toutefois, un pourboire améliore quand même la qualité du service.

Figure 5 : Facteurs déterminants la perception de la qualité de prestation au niveau des soins

La perception négative est très accentuée à ce niveau des services ; la qualité des soins que l’on vous procure dépend de la renommée et de l’apparence de l’usager.

  • Si vous voulez être bien soignés, vous devrez accepter d’acheter les produits pharmaceutiques que les agents vous proposent ;
  • En offrant un cadeau aux soignants vous améliorez la qualité des services.

Synthèse des résultats : A travers les résultats de la présente étude, on retient que la renommée, l’apparence, le cadeau, bref,  l’attitude de l’usager intervient dans l’amélioration de qualité de prestation des services qu’il demande. Les enquêtés ont perception négative de la qualité de prestation de soins dans les centres hospitaliers. En effet, le plus souvent, l’agent chargé de soins ne vous demande pas de l’intéresser directement avant ou après quelque service que ce soit. Ainsi, il peut  difficilement être taxé de corrompu ou être poursuivi. C’est par un comportement de désinvolture, de nonchalance et de lenteur qu’affiche l’agent que l’usager se dit parfois qu’il a dû manquer de le « motiver ». Ainsi, pour être bien traité l’on fait le « bon geste » qui consiste soit à offrir un cadeau, soit à accepter un certain « trafic », perpétuant ainsi la mauvaise qualité des prestations de services ou de la corruption. De même l’agent qui, par son comportement, provoque la corruption et surtout accepte les compromissions, perpétue la mauvaise perception des usagers.

D’une manière globale, on peut retenir de la présente étude que les usagers des centres hospitaliers enquêtés ont une perception selon laquelle il faut ‘’intéresser’’ l’agent soignant pour obtenir un bon service.

2.2. Discussion

L’objectif de la présente étude était d’analyser les perceptions des usagers des centres hospitaliers de Lomé sur la qualité des soins qui leurs sont rendus. Il ressort de l’enquête réalisée qu’à travers toutes les étapes de prestation de services sanitaires, les usagers payent le service qui leur est rendu. Par ailleurs, ces règlements sont autant d’occasions pour corrompre ou être corrompu. En outre, il faut noter qu’une très large proportion d’enquêtés reconnaissent que la qualité du service qui leur est rendu dépend largement du montant qu’ils payent.

L’enquête révèle également que les usagers ont une perception selon laquelle il faut ‘’intéresser’’ ou ‘’motiver’’ l’agent soignant (ou de soins)  pour obtenir un bon service. L’accueil des usagers des centres hospitaliers de Lomé n’est pas de qualité selon les enquêtés. En effet,  la perception des usagers est que sa qualité n’est pas la même pour tous. Toutefois, il peut être amélioré par un « geste ». Ce constat est similaire à celui rapporté par Yamba Yamba et al. En République démographique du Congo. Ces auteurs ont montré que le service d’accueil réservé à la réception ainsi qu’aux unités des soins a été mal apprécié par huit malades sur dix.

Les résultats obtenus sont conforment à ceux de Bendé, Meité et Yao. En effet, les pratiques corruptives sont justifiées et « euphémisées » pour leur grande proximité ou interpénétration avec les pratiques sociales communes et « normales » (190). Ainsi, les mots et les discours participent à une même entreprise de banalisation de l’objet corruption.

Les résultats de la présente étude corroborent ceux sur l’évaluation du Plan National de Développement Sanitaire 2012-2015 (Ministère de la santé) qui ont montré la faible qualité des soins dans les centres de santé du Togo. Nos résultats vont également dans le sens de ceux obtenus par le Ministère de la  fonction publique, selon lesquels un sentiment d’insatisfaction des populations est clairement exprimé par les usagers du service public de santé. Mais, nos résultats ne sont pas en phase avec ceux de Njong et Tchouapi, qui ont obtenu un taux de 85% des usagers satisfais de la qualité globale des services de santé du pays. Ce taux de satisfaction très élevé au Cameroun serait lié à des réponses de façade non contrôlées lors de collecte des données.

Les résultats de la présente étude ont des implications théorique et pratique. Sur le plan théorique, l’étude permet de montrer l’impact des facteurs individuels sur la qualité du travail fourni et par ricochet sur la perception des usagers.

Par ailleurs, sur le plan pratique, les résultats de la recherche montrent l’intérêt et l’urgence d’améliorer la qualité des prestations par la prise en compte des perceptions des usagers. L’étude montre également que « le respect d’une éthique est une condition préalable implicite pour que l’opinion publique accorde sa confiance à l’administration. C’est aussi un élément capital de la bonne gouvernance ».

La présente étude présente quelques limites. La première limite est liée à la taille de l’échantillon des enquêtés qui parait très petite par rapport à l’ensemble des usagers des services de santé de Lomé. Un échantillon tenant compte des services de santé des secteurs privé et public aurait pu permettre une plus grande représentativité et généralisation des résultats. Toutefois, l’étude étant essentiellement descriptive, elle a permis d’atteindre l’objectif fixé. Une autre limite est relative aux variables mises en jeu dans l’étude. Il serait intéressant de convoquer d’autres variables comme l’engagement organisationnel et le sentiment d’efficacité perçu. Ce qui permettrait d’améliorer le niveau du traitement statistique en introduisant les corrélations. C’est une piste pour nos recherches futures.

Conclusion

Les résultats de l’enquête révèlent qu’un grand nombre d’usagers des centres hospitaliers ont une conception biaisée de celles-ci : pour être bien servi, il faut d’une façon ou d’une autre, intéresser l’agent commis à ce service. Ce qui perpétue la pratique de mauvaise qualité de prestation de service et de la corruption. Evaluer « la qualité des soins est un prérequis pour définir les actions à mettre en œuvre et objectiver les progrès dans le but d’améliorer le service rendu aux patients » (HAS 5).

Des efforts sont faits dans la mise en place de dispositifs législatifs, réglementaires et institutionnels ; mais il y a encore du chemin à parcourir pour la réduction du phénomène de la corruption. Il faut en particulier trouver les voies et moyens de faire évoluer parallèlement les perceptions des usagers, les pratiques saines dans le secteur hospitalier. On peut proposer à cet effet le concept de circuit intégré de sensibilisation dans les services de santé particuliers et la sensibilisation de masse à travers les mass-médias.

Certes la sensibilisation doit être faite en amont, mais il est aussi impérieux qu’en aval des mesures coercitives soient renforcées pour décourager les téméraires qui tenteront toujours par tous les moyens de spolier les services de la santé.

En guise de perspective, il semble intéressant d’étudier cette perception de la qualité des soins chez le personnel de la santé en la mettant en lien avec leur engagement organisationnel  et leur efficacité au travail.

Travaux cités

Bende, N’dasso Flore-Ben Bac, Zoumana Meite et Daniel Kouakou Yao. « Représentations sociales et implication psychosociale face à la corruption à Abidjan ». In R. Mokounkolo, Ngueutsa, R. Courcy, F. Ntsame Sima, M., et Achi, N. (Eds.), Les pays du sud face aux    défis du travail, Paris : L’Harmattan, 2019, p. 189-199.

Haute Autorité de Santé (HAS). Qualité des soins perçue par le patient – Indicateurs PROMs et PREMs, Saint-Deni : La Plaine, 2021, www.has-sante.fr .

Kiliou, Komla, Paboussoum Pari et Pazambadi Kazimna. « Stress en milieu     hospitalier au Togo », Revue Internationale de Recherches et d’Études Pluridisciplinaires, (Université Virtuelle Africaine au Canada, UV@TM), 29, 2019, p. 29-37.

Lancry, Alain, « Analyse du travail ». In G. Valléry, M.-E. B.  Chaumon, E. Brangier, M. Dubois, Psychologie du travail et des organisations: 110  notions clés. Paris: Dunod, 2016, p. 417-421,

Lancry-Hoestlandt, Anne. « Travail : histoire, définition, évolution et division du travail ». In G. Valléry, M.-E. B.  Chaumon, E. Brangier, M.  Dubois, Psychologie du travail     et des organisations: 110  notions clés. Paris: Dunod, 2016, p. 417-421.

Maillet, Léandre. Psychologie et organisation : l’individu dans son milieu de travail. Laval,          Québec : Éditions Études vivantes, 1995.

Ministère de la fonction Publique.  Etude sur l’état du service public au Togo,  Lomé : Togo, 2015.

Ministère de la santé. Plan National de Développement Sanitaire (PNDS 2017-2022). Lomé,           Togo, 2017.

Miossec, Yvon et Sabrina Rouat. « Qualité du travail et santé ». In G. Valléry, M.-E. B. Chaumon, E. Brangier, M.  Dubois, Psychologie du travail et des organisations: 110 notions clés. Paris: Dunod. 2016, p. 346-348.

Njong, Oloysius Mom et Rosy Pascale Meyet Tchouapi. Evaluation de la satisfaction des usagers vis-à-vis de la qualité des services de santé au Cameroun, Document de politique générale 672, 2020. https://publications.aercafricalibrary.org/xmlui/handle/123456789/636

OCDE.  Renforcer l’éthique dans le service public, Paris : 2000.

OMS, OCDE et la BIRD / (BM). La qualité des services de santé : un impératif mondial en   vue de la couverture santé universelle, Genève (2019).  http://apps.who.int/iris.

Yamba Yamba, Marc K. et al.. « Evaluation de la qualité des soins aux cliques universitaires de Kinshasa : étude de satisfaction des patients hospitalisés », Annales Africaines de Médecine 11,3, 2018, p. 2926-2935.

Comment citer cet article :

MLA : Kazimna, Pazambadi. « Perception de la qualité des prestations de soins de santé et ses déterminants : cas des centres hospitaliers de Lomé ». Uirtus 1.2 (décembre 2021): 157-169.


§ Université de Lomé / [email protected]